Chapitre Deux

2.

Point de vue de Scarlett

La lumière du soleil commence tranquillement à illuminer ma chambre à travers mes rideaux. Ça me permet donc de savoir qu'il est plus de 5h30 du matin. Le fait de le savoir m'embête: je sais à présent que je viens encore de passer une nuit blanche. Pourtant, ce n'est pas comme si je ne voulais pas dormir. Des fois, j'arrive à m'endormir, mais la plupart du temps, je reste enveloppée dans mes couvertures, étendue sur mon lit et je passe la nuit à me tourner dans tous les sens. Je ne sais pas ce qui cloche chez moi, sur ce point-là. Je devrais peut-être songer à acheter de la camomille, éventuellement.

Je reste une autre heure dans mon lit à ne rien faire avant de me lever et d'aller à la salle de bain, question de faire pipi. Je n'allume pas la lumière, je n'en ai pas besoin. Quand j'ai fini, je me lave les mains et me rends dans le salon. Je mangerai plus tard. 

Une autre heure passe avant que j'entende une porte s'ouvrir et quelques pas. Dix minutes passent et j'entends la chasse d'eau. 

-Ça fait longtemps que tu es réveillée? 

-J'ai pas dormi de la nuit.

-Encore? Tu devrais peut-être penser à aller consulter un docteur, tu sais... 

-Tu sais bien que j'ai pas l'argent pour ça, Isa. 

-Trouve-le, dans ce cas! Ce n'est pas bon pour ta santé, tout ça! Enfin bref, tu veux manger quoi, ce matin?

-Comme tu veux. 

Je quitte le salon et la rejoins dans la cuisine pour placer la table. Je connais Isabella depuis plusieurs années maintenant. C'est la seule vraie amie qui me reste, aujourd'hui. Après l'Incident, c'est la seule qui soit restée avec moi. Elle est mon point d'ancrage. Tant que je la connais, tout ira bien. 

-Tu fais quoi, aujourd'hui? Lui demandais-je.

-Je vais au travail. J'ai une séance photo pour une énorme campagne publicitaire. Une nouvelle ligne de vêtements. 

-Oh, chouette.

-Tu peux venir, si tu veux! On a toujours le droit d'emmener une amie avec nous.

-Et qu'est-ce que tu voudrais que je fasse là-bas? Rester dans mon coin à te regarder poser? C'est pas comme s'ils allaient me prendre pour faire des photos, quand même. 

Isabella fait du mannequinat depuis son enfance. C'est d'abord sa mère qui l'a inscrite dans un programme quand elle avait quatre ans et Isabella a aimé ça dès la première photo. Il faut dire qu'elle adore (littéralement) être sous les feux des projecteurs. En plus d'être mannequin, elle fait aussi partie d'une troupe de théâtre. Et aussi, elle étudie en actuariat, à l'université. Elle a beaucoup de talents, je dois l'avouer. Il m'arrive de l'envier. Déjà parce qu'elle est belle, contrairement à moi. Mais aussi parce qu'on dirait qu'elle a toutes les opportunités du monde et qu'elle est incroyablement bien organisée. En plus, elle est l'une des meilleures personnes que j'ai pu rencontrer un jour: elle a le souci du détail et agis comme une vraie mère, quand il le faut. 

-Bon, je risque de rentrer tard ce soir, au fait. M'attends pas pour manger. 

-J'allais pas le faire, je sais pas quand je vais rentrer non plus. Le jour du concert est proche alors on est en train de régler les derniers détails.

-OK, tu me tiendras au courant, dans ce cas. 

-Ouais, toi aussi, hein.

Elle se lève pour aller se préparer pendant que je termine de manger et nettoie la vaisselle. Je l'entends marcher en grognant.

-Tu cherches quelque chose? 

-T'aurais pas vu ma paire de bottines à talons bordeaux? 

-Non, désolée.

-Génial. Aide-moi, s'il te plaît.

Je laisse la vaisselle de côté et commence à chercher avec elle ses foutues chaussures. 

-Laisse tomber, je les ai trouvés! Crie-t-elle.

Je m'arrête dans mon action et la revois passer, cette fois avec ses talons aux pieds. 

-J'y vais, on se revoit plus tard, S! 

-Oui, à plus tard Isa.

Une fois qu'elle est partie, je regarde l'heure. 8h30. Je suis attendue au travail pour treize heures. Je vais donc m'écraser de nouveau sur le canapé et regarde ce qu'il y a à la télé encore un peu avant de me glisser dans la salle de bain. Je retire mon pyjama et commence par me laver. Quand ils sont mouillés, mes cheveux rouges sont encore plus foncés. Ça fait quelques années que je les teint de cette couleur. Ce n'est pas pour rendre hommage à Ariel la petite sirène, c'est juste que ça marche bien avec mon prénom: Scarlett. 

Je frotte de toutes mes forces mes bras et plus calmement les autres parties de mon corps. À cause des cicatrices sur mes bras, ils sont rouge d'ordinaire (avec ma peau très pâle, ça se remarque très bien), mais puisque je frotte très fort, c'est encore pire. Mais j'en ai besoin, alors je me retiens pas. 

Quand j'ai terminé, je me sèche puis me place devant le lavabo pour me brosser les dents avant de faire de même avec mes cheveux. Le miroir commence à refroidir, ce qui fait que la buée disparaît graduellement et que je vois mon visage. Je soupire en me voyant. J'ai horreur de ça. Je suis tellement hideuse. Je suis monstrueuse, avec mon visage fendu en deux. 

Si je dis ça, c'est pour une raison bien simple: une énorme cicatrice me traverse le visage. Elle n'est pas là de naissance, ça fait quelques années qu'elle se trouve là, maintenant. On me l'a faite. Elle débute à quelques centimètres de mon œil droit puis descend en diagonale en tranchant un peu ma narine droite pour arriver sur le côté gauche de ma mâchoire. Cette cicatrice a bien failli me tuer et à présent, je n'arrive plus à sentir quelques endroits de mon visage. Je n'aime pas voir de quoi j'ai l'air. Même le fait de me maquiller ne sert à rien: aucun fond de teint n'arrive à camoufler cette marque. 

 Quand je vivais encore chez mes parents, j'ai réussi à obtenir d'eux qu'ils décrochent tous les miroirs dans la maison. Mais Isabella a besoin de se voir. Je ne veux pas la priver de ça juste à cause du fait que je n'aime pas mon apparence. Son physique lui permet de faire de l'argent, c'est une réalité. 

Je quitte la salle de bain et me sèche les cheveux avant de m'habiller: des jeans, un t-shirt blanc ainsi qu'une veste style sport que je ferme. Je mettrai un bonnet noir sur ma tête avant de partir. 

Quand l'heure est là, je prends mes affaires et me dirige vers l'arrêt de bus pour aller travailler. Juste avant, je m'arrête pour aller m'acheter un café, question de me réveiller un peu. Quand je suis face au High Noon Saloon, je rentre et me dirige directement vers la salle de repos de l'équipe technique: ma division ici. 

-Hey, Scarlett! On t'attendait, justement. Me dit Eldon en m'accostant.

Eldon est celui qui supervise les opérations techniques ici. Pour tout ceux qui travaillent en technique, il est comme une sorte de père. Prêt à écouter toutes nos inquiétudes et à nous conseiller. 

-Ah? Pourquoi? Demandais-je en déposant mon sac sur une table. 

-Un des fusibles a disjoncté, il faut réparer ça rapidement. Le spectacle est demain. 

-Quoi? Sérieusement? Ça veut dire qu'il y avait trop de tension... 

-Ouais. Il faut trouver un moyen de répartir l'énergie de sorte à ce que tout fonctionne bien. 

Je hoche la tête et le suis pour voir quel est le problème, puisque je m'y connais très bien en électricité. 

J'ai suivi quelques formations pour me permettre de pratiquer l'emploi que j'exerce présentement. Depuis que je suis toute jeune, je suis capable de concevoir des petites machines: j'ai d'abord commencé par des petites choses comme des catapultes fonctionnant à l'électricité. J'aurai pu être ingénieure, mais le boulot que j'exerce ici est nettement plus simple et je gagne assez bien. En plus, ça me permet de faire quelque chose d'immense, même si on ne sait pas que c'est moi. 

-On aurait besoin de pinces crocodiles, je pense. Lui dis-je.

-Oui, c'est ce que j'allais dire. Je passe le message. Eldon à la base? 

Il s'éloigne pour passer son appel à l'aide de sa radio pendant que j'établis le plan pour le reste de l'installation. Entre-temps, je vois mes collègues passer quelques tests de son et d'images sur les écrans qui n'ont pas été touchés par le fusible défectueux. La scène aussi est en train d'être aménagée pour correspondre aux spectacles de la tournée de cette chanteuse. 

-C'est bon, je les ai, Scar. 

-Super, passe les moi. Dis-je en enfilant mes gants et mes lunettes de protection. 

Je fais les connexions nécessaire en reliant certains câbles entre eux. Puis, je me dirige vers la prise.

-Éloigne-toi. Dis-je à Eldon. 

Je branche le câble d'alimentation et lorsque je vois de la lumière, je souris.

-Ouais! Ça marche! M'exclamais-je. 

-Beau travail, Scar. Maintenant, passe du côté de l'éclairage, s'il te plaît. Tu connais le chemin.

Je hoche la tête et je me rends dans les coulisses pour faire le reste. Nous allumons les lumières pour allumer la scène et on tente de les faire bouger. Ensuite, nous faisons les tests de son. Tout marche à merveille. Puisque la générale n'a lieu que demain, à quelques heures du spectacle, nous avons terminé tout ce qu'il y a à faire pour le spectacle. Je retrouve les autres membres de l'équipe technique.

-OK, demain, c'est le grand jour. Vous devez être au meilleur de votre forme et vous devez être ici assez tôt demain matin. La journée sera très longue, je vous préviens d'avance, alors venez avec assez de nourriture, assez d'eau et surtout, assez de sommeil. Je ne permettrai pas que l'un d'entre vous s'endorme sauf lorsque vous êtes en pause. C'est compris? 

Je hoche la tête bien que je ne sois pas certaine de respecter le point du sommeil. J'essaierai, encore une fois. 

-Bon, sur ce, bonne fin de soirée à tous. Rentrez bien. 

Pendant que les autres commencent à discuter entre eux, je me dirige vers la salle de repos et prends mes affaires avant de quitter la salle et de rentrer chez moi. 

Là-bas, je constate qu'Isabella n'est toujours pas là. Je hausse les épaules et balance mon sac au sol une fois que j'ai retiré mes chaussures. Je me sens bâiller, mais je décide de me faire rapidement un sandwich avant de m'emparer du pot de crème glacée et d'en manger le contenu à la petite cuillère, devant la télé. 

Je m'arrête quand j'en ai marre et range le pot au congélateur. Puis, je me mets en pyjama et je me glisse dans mon lit. Je tente de fermer les yeux pour m'endormir, mais puisque je n'y arrive pas après plusieurs minutes, je grogne et me rends dans la cuisine. Je me prépare une tasse de camomille. Je m'en fais une que quand j'ai vraiment sommeil et que j'ai besoin de dormir. 

Quand je verse l'eau chaude dans la tasse, j'entends la serrure, puis la porte s'ouvrir.

-Laisse-moi deviner: tu n'arrives pas à dormir? Me demande Isabella quand elle me voit en train de boire.

-J'ai vraiment besoin de répondre? 

-S, s'il te plaît, va voir un spécialiste. Trouve un moment et si t'as pas d'argent, tu peux toujours demander à tes...

-Il est hors de question que je leur demande quoi que ce soit. Tu le sais. 

-Ou alors, demande à Austin. 

-Je veux pas le déranger, il est occupé, ces derniers temps...

-Il est question d'argent pour une consultation, S. Tu le rembourseras en temps et lieu quand tu pourras. Arrête de vouloir tout faire par toi-même, c'est normal d'avoir besoin d'aller chercher de l'aide ailleurs, quelques fois. 

Elle me sourit un instant.

-Allez, termine de boire ta camomille et va te coucher, OK? Si vraiment tu ne t'endors pas, rejoins-moi dans ma chambre.

Je souffle. Je hoche la tête pour lui dire que je le ferai, même si ce n'est pas ce qui arrivera. Isabella a le droit de dormir, je ne vais pas l'en priver que parce que j'en manque. Elle ne peut pas se permettre d'avoir des rides, elle. 

-D'accord. 

-Super, bonne nuit. 

Elle se rend dans sa chambre et je termine ma camomille avant d'aller moi aussi dans mon lit. J'espère vraiment pouvoir dormir un peu, cette fois. 


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Et maintenant, vous venez de faire la connaissance de Scarlett! Que pensez-vous d'elle? 

J'espère que le chapitre vous a plu, aussi (surtout parce qu'il marque officiellement le début de la rédaction de Fissures!). 


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