Chapitre Cinq
5.
Point de vue de River
Le spectacle vient de se terminer et je retourne au QG avec l'équipe alimentaire. Ce soir, comme j'étais encore aux scans, mais à un autre emplacement, j'ai décidé d'aller voir d'autres personnes, tant qu'à attendre que le spectacle se termine (puisqu'aujourd'hui, c'était un concert et qu'il n'y avait pas d'entracte). Ils ont même pu me refiler de la nourriture qu'ils avaient préparée (et je suis un peu content de repartir le ventre plein même si je n'ai pas pu assister au spectacle). Ça me convient de pouvoir connaître un peu plus de personnes ici. À présent, il ne me manque que quelques unités: celle qui s'occupe des loges, celle de nettoyage, celle des urgences médicales et, bien entendu, l'équipe technique.
Ça ne fait qu'une semaine que je travaille ici et même si je n'ai fait qu'un seul poste, je sens que je vais bien me plaire, ici. J'ai eu l'occasion de rencontrer mon unité au complet et j'ai pu rencontrer d'autres personnes. En soi, c'est vraiment super. Je vais pouvoir connaître tout le monde en peu de temps!
Je les laisse se rendre à leur QG pendant que je rejoins les autres.
-River, tu viens au Plan B, demain soir?
-Ouais, bien sûr! C'est bon si je ramène des potes à moi?
-Ouep! Plus on est de fous, mieux c'est! Je comptais ramener mon copain, de toute façon. Me répond Bay.
Après avoir rapidement confirmé avec Kara et Miles le fait qu'ils soient libres, j'indique leurs noms sur la liste VIP avec le mien pour qu'on puisse entrer. Je dois juste espérer qu'on ne me demande pas une carte d'identité, parce que je n'ai pas encore 21 ans. En général, on ne me la demande pas parce qu'on me trouve assez vieux (ce qui me surprend, je vais le dire), mais il y a quelques exceptions et ces fois-là, je suis forcé de rentrer chez moi comme un con.
Une fois chez moi, je retrouve Kara dans le salon et nous passons le reste de la soirée à écouter une série sur Netflix. Miles étudie dans sa chambre et est allé se coucher de bonne heure. Même si nous allons au Plan B demain soir, je sais qu'il a une longue journée à l'université. Et oui, même si demain c'est samedi. Il se prend toujours d'avance et s'assure de ne rien laisser derrière. Quand je disais qu'il était très bien organisé, c'est parce qu'il l'est.
Quand Kara va dormir, je reste encore un peu dans le salon avant de décider de faire une petite course nocturne. Je troque mon uniforme de travail contre un jogging et j'enfile un pull à capuche sans prendre la peine de remplacer mon chandail. Je prends mon portable et y branche mes écouteurs pour écouter ma musique pendant ma course. J'enfile ensuite mes chaussures pour courir et attrape mes clés pour verrouiller la porte. La seule différence, c'est que pour éviter de les perdre, je les cache à côté de la porte. Ça m'est arrivé trop souvent que mes clés glissent de ma poche pour que je retente le coup maintenant. Je préfère jouer dans la sûreté. Il est hors de question que je passe encore la nuit devant la porte.
Une fois que j'ai mis ma liste de lecture pour courir, je cours, tout simplement. Je n'ai pas de destination précise, je me laisse emporter par mes pas. En plus, à cette heure de la nuit, je n'ai pas à me soucier de foncer dans des gens, puisque la plupart de la ville dort. Je cours sans me soucier de quoi que ce soit. Même si mes poumons s'enflamment, je ne m'arrête pas. Je suis vivant et je vais en profiter autant que je peux. Je ne pourrai pas courir toute ma vie, alors je m'assure de le faire le plus possible.
Je ralentis le pas à un certain moment, question de reprendre mon souffle et de regarder un peu où je me trouve. Je ne reconnais pas le quartier, je ne suis jamais venu ici. Au lieu de considérer m'être perdu, je choisis d'explorer un peu le coin, pour voir ce qu'il renferme. Et, pour la première fois depuis que je suis partie de chez moi, j'entend quelque chose. Des sanglots.
Je tends l'oreille dans le but de trouver la source du bruit. J'arrive à côté d'une benne à ordure, à l'entrée d'une ruelle. Je m'avance sur la pointe des pieds. Je finis par remarquer une personne recroquevillée sur elle-même. Ses cheveux rouges étincellent à cause de la lumière de secours de la sortie d'urgence de l'immeuble placé en face d'elle. L'endroit ne sent pas la rose, mais si cette fille pleure ici, c'est pour ne pas être vue. Manque de bol, il fait nuit et il n'y a pas un chat, alors je l'ai entendue. En plein jour, la situation aurait été différente.
-Mais qu'est-ce qui ne va pas, chez moi? Se demande-t-elle en reniflant.
Elle ne m'a pas remarqué. Je sais que je vais un peu avoir l'air d'un psychopathe, mais je dois savoir ce qui ne va pas. Je n'aime pas voir les gens triste.
-Hey.
Elle sursaute et relève la tête d'un coup. Son regard brille intensément, mais je comprends que c'est à cause des larmes. Je vois sa bouche se fermer puis me fixer en respirant lourdement. Je sens qu'elle ne sait pas quoi dire. On ne dirait pas qu'elle a peur, elle n'a même pas l'air surprise de voir quelqu'un. Est-ce que ça lui arrive souvent, de sortir dehors à cette heure pour pleurer?
-Ça te va si je m'assois à côté de toi? Je viens de courir pendant un long moment et avant de m'y remettre, j'aimerais bien me reposer un peu...
Elle baisse la tête et je la vois essuyer un de ses yeux. Étant donné qu'elle ne rajoute rien, je prends place à sa droite. Elle lève la tête pour regarder devant elle. Je reprends la parole à nouveau.
-C'est bien, ce soir. Il ne fait pas si froid et c'est assez calme, tu trouves pas? Lui demandais-je.
Et là, elle se contente simplement de hocher la tête après quelques secondes. Je sais donc qu'elle m'entend et qu'elle a conscience du fait que je suis là. En utilisant le peu de lumière qu'il y a, j'en profite pour l'observer un peu. Je sais que je l'ai déjà vue quelque part, mais je ne sais pas où. C'est assez difficile de repérer ses caractéristiques faciales avec l'obscurité qui règne en majorité ici, mais je vois que son nez est bien défini et je remarque une marque. Seulement, je n'y prête pas vraiment attention. Ce n'est pas ce qui importe, en ce moment.
-Au fait, juste au cas où ça pourrait t'intéresser... Je m'appelle River.
Il y a un silence un moment, puis, elle pouffe avant de simplement rire aux éclats. Le fait de l'entendre rire me surprend. C'est un beau son, mais je ne m'y attendais pas. On n'avait jamais ri de mon prénom auparavant. D'habitude, on est surpris et on va ensuite me dire que j'ai un très beau nom. C'est la première fois qu'on rit.
-Comme le cours d'eau, là? Me demande-t-elle.
Je discerne un léger accent britannique qui me surprend. Je hoche la tête pour répondre à sa question puis elle rit de plus belle. Bah voyons? Je me sens un peu insulté, mais surtout, je ne comprends pas ce qu'il y a de si drôle.
-Pardon, pardon, ça doit être la fatigue. Me dit-elle en se ressaisissant.
-Tu es anglaise, dis-moi?
-Non, pourquoi?
-Bah j'ai cru discerner un petit accent alors je pensais que...
-Si tu veux la vérité, j'ai grandi là-bas jusqu'à mes six ans avant de venir ici. Je ne pensais pas qu'on entendait mon accent tant que ça.
-C'est le cas. La plupart du temps, tu as mon accent, mais sur certains mots, certaines syllabes, c'est autre chose. Genre sur le mot eau, on l'entend très bien.
-Ah, oui.
Un autre silence se réinstalle puis je reprends la parole.
-Mais maintenant, c'est injuste, tu connais mon nom et tu as même pu en rire. Moi, j'ai rien.
-Tu me l'as donné de ton plein gré. Ce n'est pas de ma faute si tu t'attendais à ce que je te donne le mien tout de suite après.
-Donc, tu me dis que tu ne comptes pas te présenter? Demandais-je.
Elle souffle avant de me dévisager. Puis, elle répond.
-À quoi bon? Tu vas bientôt repartir, je vais bientôt rentrer et on ne se reverra plus.
-On peut très bien se revoir. Pas vrai?
Elle rit de façon sarcastique.
-Crois-moi, c'est mieux comme ça. Ma vie est déjà assez difficile comme ça. C'est pour toi que je le dis.
-Et pourquoi tu dis ça?
-Tu me poses vraiment la question? Me demande-t-elle.
-Et bien, oui.
-M'as-tu seulement vue?
-Bien sûr, tu es à ma droite.
-Non, je veux dire, complètement. Regarde-moi.
Elle se tourne vers moi pour qu'on soit face à face et c'est là que je la reconnais. À cause de sa cicatrice sur son visage. Ce n'est pas beau à voir, mais qu'est-ce que ça change? C'est pas le physique d'une personne qui va m'en éloigner. Je vaux mieux que ça, je ne suis pas débile.
-Tu vois? Me demande-t-elle.
-Oui, et raison de plus pour que tu me donnes ton nom. On travaille tous les deux au High Noon Saloon.
-Ah! Il me semblait que tu me disais quelque chose... Tu es l'idiot qui ne voulait pas me laisser entrer.
Sympa.
-POUR MA DÉFENSE, c'était ma première soirée. Je suis nouveau. Et puis, tu étais odieuse, quand même, faut le dire.
-Pas du tout!
-Tu m'as même pas dit qui tu étais! Tu espérais juste que je te laisse passer comme ça alors que c'est ce qu'on m'a dit de ne pas faire!
-Bon, j'admets que je l'ai un peu été.
-Qu'un peu?
-Bon, complètement. Désolée.
Je hoche la tête.
-Ce n'est rien, Charlotte.
Elle fronce les sourcils.
-Tu viens réellement de m'appeler Charlotte?
-Bah les autres au Scan m'ont dit que c'était ton nom.
-Quelle bande de nuls... C'est pas Charlotte, mon nom.
-Ah, bah moi, j'avais aucun moyen de le savoir. Mais désolé de l'avoir dit.
-C'est rien. Si tu veux savoir, je m'appelle Scarlett.
Scarlett. Hum.
-C'est pour ça, tes cheveux rouges?
-Ouais. Mais si tu veux, tu peux m'appeler Scar.
Je tourne la tête pour froncer les sourcils. Scar? Vraiment? C'est une mauvaise blague ou c'est la vérité?
-Tu es sûre? Parce que...
-Je sais que j'ai une cicatrice. Je le sais. J'en ai rien à faire qu'on me le rappelle ou pas. Y'a plusieurs personnes au boulot qui m'appellent Scar, alors vraiment, ça m'est complètement égal.
-Comme tu veux... Scar.
Nous restons un moment en silence, puis je décide de me lever.
-Je vais rentrer, moi, si ça ne te dérange pas. Je commence à être fatigué et j'aimerais rentrer chez moi le plus vite possible.
-Je comprends.
-Au fait, tu viens, demain soir? Lui demandais-je.
-Où ça?
-Au Plan B.
-J'ai 18 ans, je peux pas entrer.
-Et alors? Moi j'en ai 20.
-L'écart jusqu'à 21 ans est quand même moins grand dans ton cas.
Je finis par hocher la tête. Elle a raison, elle court plus de risque que moi. C'est vraiment stupide qu'on soit le seul pays où la majorité est à 21 ans et non à 18.
-Bon, et bien... Bonne soirée. Lui dis-je.
-Toi aussi.
Puis, je quitte la ruelle au pas de course sans me retourner. Je cours jusqu'à mon appartement et entre à l'intérieur une fois que j'ai repris ma clé que j'avais cachée un peu plus tôt. Avant de me mettre au lit, je vais boire un peu d'eau pour m'hydrater un peu.
Dormir va me faire un peu de bien, comme toujours.
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Comme je l'ai mentionné dans la note juste avant, je publie du contenu supplémentaire sur Tap. Sur mon profil, j'ai mis le lien. Si vous n'arrivez pas à trouver, allez appuyer dessus!
J'espère que ce chapitre vous a plu!
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