Chapitre 1

 Je posais mes valises et regardais cette chambre qui serait dès à présent la mienne. Comment avais-je pu en arriver là ? Après un incident à l'école j'avais du me séparer de mes parents, ou plutôt mes parents s'étaient séparés de moi, un acte qui laisserait certainement une cicatrice. C'est ainsi qu'à l'aube de mon adolescence je me retrouvais propulsée à l'autre bout du monde. M'envoyer à Séoul pour avoir pousser une fille dans les escaliers, n'était-ce pas un peu exagéré ? De toute manière, elle l'avait bien cherché, c'est elle qui m'avait provoqué. Du moins, c'était comme cela dans mes souvenirs. La nouvelle m'avait tellement choquée que je ne me rappelais plus exactement ce qu'il s'était passé, comme si mon cerveau s'était déconnecté en apprenant que j'allais quitter les miens. Je me souvenais surtout de ma mère en pleures au moment de mon départ et de mon père en train de me hurler dessus.
« Nous ne pouvons plus te garder ainsi ! » « tu causes beaucoup trop de problèmes et tu vas certainement nous faire mourir avant l'heure ! » « je ne sais pas ce que j'ai fais pour mérité une fille pareil, je ne t'ai pas élevé comme cela ! »
Voilà les phrases que me répétait inlassablement mon père. Plutôt que d'assumer cette fille au caractère incontrôlable et mal dans sa peau sans raison apparente, plutôt que d'essayer de la dompter et de l'aider à se relever, il avait choisi de me confier à quelqu'un d'autre, ne voulant plus jouer son rôle de père. Et ma mère n'avait rien eu à dire, c'était comme ça, mais malgré sa tristesse, je savais que ce n'était qu'une question de temps avant que le soulagement prenne le dessus. J'allais désormais vivre chez Ahn MinRa et Ahn LeeSuk, mes nouveaux grands-parents. Mais comment grandir et s'en sortir dans un pays où m'on déteste tout, surtout sa vie ?

Je me regardais comme tous les matins dans le miroir de ma chambre. Un an s'était écoulé depuis mon arrivée à Séoul et je détestais toujours autant mon uniforme, il était trop court et trop léger à mon goût. Quand l'hiver arrivait, c'était une vraie torture, le froid n'épargnait pas mes jambes et hors de question pour moi de le customiser, le directeur du lycée où j'allais me serais tombé dessus. D'ailleurs, c'est ce qu'il avait fait un bon nombre de fois en me voyant arriver vêtue en citoyenne et non en lycéenne au début de ma scolarité. Et je ne parle même pas de mes résultats. Mon Coréen était tellement mauvais qu'il m'était impossible d'avoir la moyenne dans cette matière, et je ne parle même pas de celles où je refusais catégoriquement de m'investir. Il n'y avait pas moyen que j'aide ce pays.
Je n'aimais pas l'image de moi qui m'était renvoyée. Cheveux lisse, silhouette parfaitement bien dessinée, teint éclatant, aucun de ces critères ne me correspondait. Aux yeux des autres, je n'étais qu'une paria, une raison de plus de détester d'aller à l'école. Les autres filles me regardaient de haut et je les entendais souvent murmurer dans mon dos. J'en avais envoyé plus d'un à l'infirmerie et à cause de ça je m'étais retrouvé collée plus d'une fois :
« Aude ! Dépêches toi tu vas être en retard ! Appela ma grand-mère.
-Je sais ! Criais-je en retour. -Si seulement on pouvait m'oublier définitivement dans cette maison. »
Je descendis de ma chambre pour rejoindre la cuisine. Mon grand-père était installé devant sa tasse de thé, lisant le journal tandis que ma grand-mère s'occupait de verser du riz dans un bol. Je savais très bien qu'il était pour moi et je fis la grimace rien qu'en le voyant. Mes grands-parents n'étaient ni riches, ni pauvres, ils avaient une situation convenable. Je n'étais pas l'héroïne d'un de ces drama qui passait continuellement à la télé, je n'avais pas de grande chambre, pas de chauffeur personnel et pas de bijoux hors de prix, je n'avais pas non plus un appartement bon refaire et sous les toits en guise d'endroit où habiter, j'avais juste ce dont une fille de mon âge a besoin. Du moins, si j'acceptais ma vie comme elle était, ce qui n'était pas le cas. Je passais devant la table sans même m'installer et mis mes chaussures :
« Où est-ce que tu vas ? Me demanda ma grand-mère.
-À l'école. Où veux-tu que j'aille habillée de la sorte ?
-Mais... tu n'as même pas prit ton petit déjeuné.
-Je n'ai pas faim, je m'en passerais cette fois-ci.
-Si tu continues à sauter autant de repas tu vas mal grandir et tu vas finir par tomber malade.
-Je suis déjà malade ! J'en ai assez de ce riz blanc, il est triste à pleurer !
-Si tu le désires je te préparerais autre chose.
-La seule chose que je désire c'est me casser d'ici ! »
Les yeux de ma grand-mère s'emplir d'eau, elle détestait vraiment quand j'agissais ainsi et je détestais tout autant lui faire de la peine, malgré le fait que je déteste vivre ici c'était une femme agréable qui faisais tout pour rendre ma punition moins dure, elle était la gentillesse incarnée. Mais j'étouffais de trop, je me sentais prisonnière de ma propre existence. Mon grand-père replia son journal et le posa calmement sur la table. C'était un signe trompeur, quand il faisait ça, la suite n'était guère appréciable. Il joignit ses mains comme pour prier et se frotta les pouces l'un contre l'autre :
« Jeune fille, tu vas me faire le plaisir de retirer tes chaussures et venir manger.
-Mais, Halabeoji...
-Tout de suite ! Il ne hurla pas mais son ton était sec et très convaincant. Je ne me fis pas prier pour lui obéir et allais m'installer à ma place où je finis par recevoir le fameux bol de riz.-Qu'est-ce qu'on dit ?
-Merci Halmeoni.
-Il faut que tu comprennes une chose Aude. Je travailles très dur pour vous payer de quoi manger à ta grand-mère et toi et mon corps n'est plus tout jeune, il commence à ressentir les effets du temps, alors si il y a une chose que je déteste, c'est de voir ma femme se lever très tôt le matin pour que ta vie loin de tes parents puisse te paraître moins pénible et la voir tout jeter à la poubelle car tu refuses de te nourrir. Si tu veux mourir, fais le ailleurs que sous mon propre toit.
-Oui, Halabeoji.
-MinRa et moi n'avons jamais pu avoir d'enfant, alors quand nous t'avons recueillit nous avons remercié tout le monde pour le cadeau que l'on nous faisait. Même si tu es arrivée un peu tard et que tu étais déjà grande, nous avons tout de même été heureux, alors ne nous fais pas regretter notre décision. J'ai conscience que ta maison te manque mais maintenant tu es ici et ce n'est pas en te comportant ainsi que tu rentreras plus vite. Essaie donc de t'intégrer et tu verras que tout te paraîtra moins difficile, compris ?
-Oui Halabeoji.
-Bien. Maintenant tu peux partir à l'école.
-Mais, je n'ai même pas commencé mon repas.
-C'est toi qui as dit que tu n'avais pas faim, alors je suppose que attendre la pause de midi ne sera pas difficile pour toi. Je mangerai ceci à ta place. Vas maintenant, tu vas être en retard. »
Je posais mes baguettes en réprimant une grimace, m'inclinais devant mes grands-parents et sortis après avoir remis mes chaussures.
« Vous m'épuisez Monsieur Ahn LeeSuk » proclamais-je en regardant la porte d'entrée. Je remis mon sac à dos en place et partis. Mon grand-père était un ancien militaire, ce qui expliquait qu'il pouvait parfois être dur dans ses paroles et qu'il ne faisait guère de sentimentalisme. Mais au fond, il avait un cœur incroyablement tendre et certains de ses petits gestes affectueux envers moi m'avaient aidé à ne pas flancher. Après une grave blessure lors d'un entraînement, il n'avait eu d'autre choix que d'envisager une reconversion professionnelle et avait ouvert une supérette. Je ne leur dirais certainement jamais, mais j'aimais vraiment ces deux petits vieux.
Mon ventre se mit soudainement à gronder et je regrettais déjà d'avoir refusé mon petit déjeuné. Finalement ce riz blanc n'avait pas l'air si mauvais que cela. Il n'était même pas huit heures et j'allais devoir supporter jusqu'à midi les brûlures d'estomac qui ne s'arrangeraient certainement pas du à la nourriture épicée que je mangerai. Un autre truc que je détestais en Corée. Je passais devant un étale de fruit et dérobais discrètement une pomme. Du moins je pensais l'être. Je m'apprêtais à croquer dans le fruit quand une voix me sermonna :
« Laisse-moi deviner, tu as encore refusé de prendre ton petit déjeuné. Je me retournais et découvris sans surprise MinGuk, le gérant. Il avait à peine dix neuf ans mais il devait déjà s'occuper du magasin seul.
-Je ne peux rien te cacher.
-Tu devrais manger et arrêter de me voler, ce n'est pas bon pour les affaires.
-Pour une seule pomme ?
-Elle pourrais me rapporter le dernier Won qui me permettrait de finir le mois en tout tranquillité.
-Très bien, combien je te dois alors ?
-Rien, je t'en fais cadeau parce que je t'aime bien, mais essaie de manger le matin dorénavant.
-Je n'aime pas faire des promesses que je ne tiendrai pas.
-Tes grands-parents ont vraiment beaucoup de courage pour te supporter, je me demande comment fera ton futur mari plus tard, les hommes Coréens ont tendance à aimer les femmes dociles.
-Je serai rentrée chez moi d'ici là alors ne t'inquiète pas trop pour eux. Merci pour la pomme MinGuk.
-C'est Oppa ! Je suis plus vieux que toi je te rappelle ! »
Je mordis dans la pomme et m'en allais en souriant. Oppa, qu'est-ce que je pouvais détester ce mot. Le premier à me le faire dire n'était pas encore né.

Je piquais sévèrement du nez sur ma chaise. Il n'était pas tout à fait dix heures et j'en avais déjà marre. J'avais encore faim et cette sensation accentuait d'avantage ma fatigue. Le rythme Coréen n'était vraiment pas fait pour moi. Trop de devoirs, trop d'études, et pas assez de temps pour moi-même. Et quand je dis pour moi-même cela signifie pour ne rien faire. J'étais en cours de... je ne sais même plus comment les professeurs avaient appelé cette matière qui n'en était pas vraiment une. Pendant une heure voir plus, nous devions écouter les problèmes et réclamations des autres élèves et c'était tellement superficiel par moment que s'en était risible. Moi, je ne participais jamais, j'avais trop de problème à énumérer et la seule fois où j'avais eu le courage de prendre la parole on m'avait gentiment rit au nez, alors tout cela me passait bien au-dessus maintenant.
Mes paupières se fermèrent d'elles-mêmes, je n'avais pas pu les retenir. Qu'il était bon de pouvoir prendre un peu de repos et d'entendre la voix de son professeur s'éloigner. Mais ma pause fut de courte durée car ce dernier claqua sa règle contre mon bureau, me réveillant en sursaut. J'ouvris les yeux et redressais ma tête dans un craquement de nuque, la bave au coin des lèvres :
« Mademoiselle Ahn, les problèmes de votre camarade ne vous intéressent pas ? » me demanda-t-il sur un ton du reproche. Ma camarade en question était une fille qui s'appelait Morgane, une autre Française dans ma classe et aussi la seule de l'école. À mon arrivée, tout le monde s'attendait à ce qu'elle et moi devenions proches mais mon intolérance aux gens n'avait fait que provoquer le contraire. Elle était venue me voir le jour de mon arrivée mais moi, en peste que j'étais, je l'avais rejeté sans même me retourner et depuis, nous ne nous sommes plus jamais adressé la parole. Je ne savais même pas ce qu'elle faisait ici, j'ignorais tout de sa vie.
Je la regardais en coin, un air assez hautain et dédaigneux puis regardais de nouveau le professeur :
« Oui c'est ça, je trouve les problèmes des autres inintéressants. Si ils ont envie de parler ils devraient plutôt aller chez un psychiatre plutôt que de se confier ici car si tôt que vous autres professeurs avaient le dos tourné, la tourmente envers les plus faibles continuent.
-Qu'est-ce que tu essaies d'insinuer là ?
-Que cette heure de cours n'est qu'une mascarade pour avoir la conscience tranquille et pour que vous puissiez mieux dormir le soir en rentrant chez vous. Un sourire se dessina sur son visage, j'étais de nouveau aller trop loin.
-Bien, puisque nous ne sommes pas assez bien pour toi tu peux sortir et attendre dans le couloir. Je me levais en soupirant. C'était comme cela à chaque fois. -Et soit certaines que tes grands-parents seront informés de ton attitude. Et hors de question pour toi de t'asseoir dans le couloir, tu attendras la pause de midi debout, tu es virée pour la matinée. Maintenant vas. »
Je regardais une dernière fois Morgane avec des yeux noirs. Tout était de sa faute. De quoi pouvait-elle bien avoir à se plaindre ? Elle avait tout pour elle, ses parents ne l'avaient pas abandonné, elle avaient des amis et elle ne se faisait pas traiter comme une paria. Je quittais la salle de cours et m'adossais au mur, sortant le mp3 de ma poche et mis la musique. Dedans, il n'y avait aucune musique Coréenne, je ne voulais même pas de cette partie de leur culture, bien que j'entende souvent les filles parler de leurs « Oppas ». Au moins avec la musique de mon pays, j'avais l'impression de me retrouver chez moi, même si je ne savais plus vraiment où était ma maison. Pour faciliter mon intégration, mes grands-parents ont voulu me donner un prénom Coréen ainsi que me faire porter leur nom de famille. J'avais cédé assez rapidement pour le nom de famille, je refusais un seul instant de continuer de me faire appeler par celui de mon père, je ne voulais plus le nom de ce traître, car c'est ce qu'il était à mes yeux, mais pour le prénom, j'avais tenu à le conserver. Un groupe de trois élèves passa devant moi. Ils étaient plus vieux de quelques années, cependant je ne baissais pas la tête les voyant, ce qui eut pour effet de faire reculer l'un d'entre eux, certainement le leader vu qu'il marchait en tête et que les deux autres avaient l'air de le suivre comme des gentils chiens bien dressés. Il me regarda fixement et parla dans le vide, je n'entendais rien à cause de la musique, je voyais seulement ses lèvres bouger et je ne le quittais pas non plus du regard. Sauf que le mien devait respirer l'ennui, si bien que je bâillais en détournant mon regard. Il frappa soudainement dans ma main, envoyant valser sur le sol le mp3 que je tenais toujours dans mes mains :
« Yah ! M'énervais-je.
-N'as-tu pas entendu un seul mot de ce que je t'ai dis ?
-Oui c'est exact, pas un seul. Ta vie ne m'intéresse pas.
-Tu devrais vraiment mieux te comporter avec tes Sunbae. Quand l'un d'entre nous passe devant toi tu devrais t'incliner et dire « Oppa, passe une bonne journée, tu es le meilleur, saranghae. »
-C'est vraiment ça que tu veux entendre ?
-Oui, répondit-il avec un sourire victorieux. Je ne pus m'empêcher de pouffer.
-Pfff, tu peux aller te faire voir.
-Yah ! D'où une fille comme toi tiens de tels propos ? Il appuya sur ma tête avec son index et me la secoua une dizaine de fois. -Tu devrais être reconnaissante qu'un Oppa aussi beau que moi te prête un peu d'attention. Il s'arrêta puis recommença à me fixer. -Attends une minute, c'est toi la gamine envoyé de France qui ne cesse de provoquer des problèmes.
-C'est cela. Vu que je ne suis qu'une gamine tu peux passer ton chemin maintenant, il n'y a rien d'intéressant à voir. Il me détailla quelques instants.
-J'ai pas mal entendu parler de toi mais je ne t'imaginais pas du tout comme cela. En vrai tu me parais... mieux. Ton uniforme ne te va pas si mal, au moins il y a quelques choses à regarder. Il prit ma jupe entre ses doigts et la souleva légèrement. Je l'arrêtais d'un geste net et franc en le fusillant du regard.
-Pourquoi n'irais-tu pas soulever la jupe de la directrice adjointe pour voir si elle apprécie elle aussi.
-Han et tu as du caractère en plus. Tu sais, avant j'avais un critère de fille bien restreint mais je suppose qu'un peu de métissage n'est peut-être pas si mal. Allez viens avec moi, on va s'amuser tous les deux. Il attrapa mon bras mais je me défendis en lui donnant un coup de pied dans les fesses. Il se retourna et m'attrapa par le haut de mon uniforme.
-Yah qu'est-ce que je t'ai dis un peu plus tôt ? Tu dois respecter tes aînés ! »
Je me débattis pour lui faire lâcher prise quand le garçon reçu une bouteille d'eau vide dans la tête. Il sursauta, me redonnant ma liberté au passage et se tourna vers la personne qui venait de le déranger. J'en fis autant après avoir remis ma chemise en place. Alors que je pensais découvrir un professeur, je vis qu'il s'agissait d'un autre élève qui devait avoir le même âge que les trois autres. Ses cheveux noirs comme tout Coréen qui se respecte partaient dans tous les sens. Je suis certaine qu'il aurait pu mettre autant de gel qu'il voulait, jamais ils n'auraient étaient plat. Il avait un nez assez bizarre, le genre qui ressemble à une trompette mais qui serait passé sous un camion avec une moustache naissante d'adolescent horriblement hideuse. En clair je le trouvais moche, comme tous les autres. Et il ne ressemblait en rien à un élève model, il portait sa veste par-dessus son épaule au bout de son index et son majeur, son autre main dans les poche. Sa chemise n'était pas rentré dans son pantalon et son nœud de cravate était totalement desserré :
« Encore en train de causer des ennuis SeoJun ? Commença-t-il.
-Reste en dehors de ça HyukJae, je parle avec ma copine, affirma-t-il en m'attrapant une nouvelle fois le bras.
-Et puis quoi encore ?! Me défendis-je en essayant de me dégager. Mais cette fois il serra davantage pour ne pas que je puisse me libérer.
-Je suis presque certains que tu ne connais même pas son prénom, continua ce fameux HyukJae.
-On s'en fiche, je lui demanderais plus tard. Pour l'instant je suis un peu occupé.
-Mais j'y pense, vous ne devriez pas être en cours tous les trois ? Je suis certains que ton père sera ravi d'apprendre que tu sèches, n'est-ce pas SeoJun. Ce dernier fronça les sourcils.
-Très bien, de toute façon ce n'était plus drôle ici. J'eus un hoquet moqueur. Ce mec qui faisait le dur avait clairement peur de son père, c'était risible. Il me regarda de nouveau, la tendresse manquant à l'appel dans ses yeux. -Ne crois pas que j'en ai terminé avec toi. »
Il s'en alla, suivit de ses deux esclaves. Vu le dos voûté qu'ils avaient déjà à l'heure âge, on pouvait deviner que ce SeoJun leur menait la vie dure. Je me tournais ensuite vers le garçon qui m'avait aidé et repris un visage neutre. Il ramassa mon mp3 et s'approcha de moi :
« Je suppose que c'est à toi, bien que je pense que cassé tu en auras moins l'utilité. Je pris l'objet sans même le remercier et commençais à m'en aller. -Quand quelqu'un t'aide il est plus que naturel de lui adresser au moins un mot gentil.
-Toi aussi tu attends que je t'applaudisse en t'appelant Oppa ?
-Un simple merci aurait suffit.
-Désolé mais je n'ai pas envie d'avoir une dette envers quelqu'un. Moins je parle aux gens et mieux je me porte.
-C'est un peu tard maintenant que je t'ai tiré d'affaire non ?
-Personne ne t'a demandé de m'aider. »

Je pris un peu de temps pour moi à la fin des cours. Je ne rentrais pas directement chez mes grands-parents, me promenant ici et là, sans réel but. Quand je ne m'attirais pas des ennuis, c'était eux qui venaient à moi et j'appréhendais les jours à venir. Ce SeoJun, il ne m'inspirait rien de bon. Être tourmentée par les élèves de ma classe est une chose, mais par un plus vieux que moi en était une autre, quand on sait combien il est important de respecter ses aînés dans ce pays. Et par-dessus tout, j'avais peur que mon grand-père ne me croit pas si jamais la situation dégénérait. J'avais causé tellement de problèmes depuis mon arrivée, il aurait été légitime qu'il ne prenne pas ma défense. Je pouvais certainement en parler en rentrant mais j'avais suffisamment joué avec leurs nerfs aujourd'hui. Je m'accroupis devant le petit fleuve qui passait non loin de chez moi et regardais mon reflet :
« Tu es vraiment une sale gamine Aude. Pourquoi ne pas parler calmement de ton mal être plutôt que d'en vouloir à la terre entière, après tout tu as bien cherché ce qu'il t'arrive. Et pourquoi avoir rejeté ce garçon tout à l'heure ? C'était le premier à te défendre et à te porter un minimum d'intérêt. Je sortis le mp3 de ma poche. Effectivement il était en sale état. -Espèce de lâcheur, tu étais mon seul ami ici. »
Je fis une moue boudeuse et remis l'objet dans ma veste. Il commençait à se faire tard, il était temps pour moi de rentrer avant d'inquiéter mes grands-parents.

Je claquais la porte le plus doucement possible pour que personne ne remarque ma présence. Je posais mes chaussures et traversais la cuisine sur la pointe des pieds. Les gâteaux disposés dans le plat sur la table me firent faire un léger demi-tour. J'en subtilisais un avant de poser un pied sur la première marche de l'escalier :
« C'est toi Aude ? Lança ma grand-mère depuis le salon.
-Oui Halmeoni. Je l'entendis se lever du canapé où elle devait certainement prendre soin de ses plantes vertes. Elle adorait faire ça quand elle avait du temps pour elle.
-Il faudrait que tu descendes à la supérette, ton grand-père veut te voir.
-D'accord. »
Je laissais mon sac au pied des escaliers et passais pas la salle de bain pour me changer avant de rejoindre la supérette. La maison de mes grands-parents était située juste au-dessus, c'était le côté pratique de la chose. Les portes automatiques s'ouvrirent, émettant un « bip » pour signaler ma présence. Impossible d'être discrète :
« Tu voulais me voir Halabeoji.
-Oui. Je trouve que tu rentres bien tard aujourd'hui.
-Oui. J'ai eu une journée assez difficile alors j'ai eu besoin de marcher pour m'aérer l'esprit.
-Et le chemin jusqu'à la maison n'était pas suffisamment long ?
-Disons que prendre du temps pour moi ne m'a pas fait de mal.
-Pour toi chaque jour est une difficulté, imagine le temps que tu perds si à chaque fois tu dois aller faire une balade. Tu pourrais l'utiliser à des fins meilleures comme faire tes devoirs ou bien aider ta grand-mère. Elle s'inquiète beaucoup pour toi.
-Je sais.
-Quoiqu'il en soit j'ai besoin de toi. On a eu une commande un peu en retard et je n'ai pas eu le temps de les ranger, tu devras le faire à ma place. Et après cela nous irons manger et tu monteras dans ta chambre pour faire tes devoirs.
-Oui.
-Oui qui ?
-Oui Halabeoji.
-Il faut vraiment que tu apprennes à respecter les autres, sinon tu risques de t'attirer des ennuis et j'ai suffisamment à faire sans que tu n'en rajoutes. Maintenant vas. Plus vite tu commenceras et plus vite tu finiras. »
Je saluais mon grand-père et me dirigeais dans le coin où tous les cartons étaient entassés. À vue de nez il y en avait une trentaine, peut-être plus. Je m'activais à la tâche sans broncher, j'avais le cœur beaucoup plus lourd que d'habitude ce soir.
Après deux heures de travail et d'effort, j'étais toute transpirante mais j'avais surtout terminé ce que l'on m'avait demandé. Mon grand-père tira le rideau de fer, éteignis les lumières et nous rejoignions la maison par la porte de derrière. Le repas fut plus que silencieux, je n'avais rien à dire ce soir, comme tous les soirs. En réalité, j'avais toujours des centaines de sujets qui tournaient dans ma tête mais je ne m'exprimais jamais. Mais aujourd'hui, c'était le grand vide, j'avais passé mon temps à soupirer. Sur ordre de mon grand-père, j'aidais ma grand-mère à débarrasser la table et montais à la salle de bain où je me fis couler un long bain. Je n'arrêtais pas de penser à SeoJun et à la façon dont j'aurais pu le recadrer ou peut-être aurais-je pus juste serrer des dents, l'appeler Oppa et le laisser reprendre sa route. J'aurais pus aussi remercier ce garçon qui m'avait aidé. Je secouais la tête pour m'ôter cette idée. Non, je ne devais rien à personne et cela durerait jusqu'à mon retour en France. Retour que je voyais de plus en plus s'éloigner de moi, faisant grandir ma mauvaise humeur. Je regagnais ma chambre, les cheveux encore mouillés et une serviette sur les épaules. Je m'installais à mon bureau pour faire mes devoirs quand j'aperçus un objet noir surmonté d'un nœud rouge dans un angle de ma chambre. Abandonnant ce que je faisais, je m'approchais de lui pour m'apercevoir qu'il s'agissait d'un étui à guitare.
« Qu'est-ce que c'est ? »
Je l'ouvris et découvris sans surprise l'instrument de musique qui me glissa directement entre les mains. C'était une guitare des plus classique, un bois clair et vernis, mais j'en tombais immédiatement amoureuse. Je descendis dans le salon où mes grands-parents regardaient un film. Je jouais nerveusement avec mes doigts sur le pas de la porte, n'osant pas parler. Ma grand-mère me sourit tendrement :
« Qu'est-ce qu'il y a Aude ? Il y a un problème ? J'agitais vivement mes mains.
-N...non. C'est juste que...
-Et bien parle. Quelqu'un t'a volé ta langue ? Continua mon grand-père. Celui la et sa douceur...
-La guitare dans la chambre. Est-ce qu'elle est pour moi ?
-Puisque c'est dans la tienne qu'elle se trouve je dirais que oui.
-Mais pourquoi ?
-Il y a quelques temps j'ai parlé à un de mes amis et il m'a dit que la musique était un bon moyen pour les gens de se sentirent mieux. Étant donné que tu as souvent ta machine qui fait de la musique sur les oreilles, que tu ne nous parles pas et surtout que tu n'as pas d'ami, j'ai pensé que peut-être en avoir ne serait-ce qu'un même si il n'est pas humain permettrait de t'ouvrir au monde. Et surtout que tu pourrais nous faire partager ton savoir.
-C'est que... je ne sais pas en jouer.
-Je sais, c'est pour ça que tu vas devoir la mériter. Il est hors de question que je t'offre des cours, cela coûte bien trop cher, alors pour me montrer que ce n'est pas un cadeau en l'air et que tu vaux la peine que l'on se pli en quatre pour ton bien-être tu vas devoir me prouver ce dont tu es capable. Je m'inclinais respectueusement devant eux.
-Merci Halabeoji, merci Halmeoni.
-Assure toi de bien finir tes devoirs et de ne pas te coucher trop tard cette fois. »
Je fis un signe de tête et retournais dans ma chambre.

C'est la nuque raide que je mis le point final à a rédaction. Je regardais le petit réveil posé sur mon bureau, il était une heure du matin. Heureusement que Halabeoji m'a dit de ne pas me coucher tard. Le rythme Coréen m'épuisait et j'attendais avec impatience les vacances. Je me levais de la chaise et jetais un regard à ma guitare. Je la sortis de son étui et la posais sur mes genoux, frottant légèrement ses cordes. Son son était magnifique, presque apaisant. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres. Je la regardais plus attentivement maintenant et j'avais envie de lui trouver un prénom :
« Très bien. Vu que comme l'a dit mon grand-père tu es ma première amie en Corée, je vais t'appeler Hana . »

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