Chapitre Treize
CHAPITRE TREIZE
- Partenaire -
Étonnement, nous nous amusons plus à cette soirée qu'à la fête de la FI. Peut-être parce que Neevah est libérée de ses objectifs d'enquêtrice amatrice, et parce que je baisse ma garde. Nous agissons de manière plus décomplexée. Nills s'est même amusé à me dire que je l'avais « apprivoisée », en criant... Elle était heureusement trop loin pour entendre, à cet instant, car il aurait perdu toute l'estime durement gagnée pendant des heures. Le cœur à la fête, nous continuons de boire, beaucoup boire ; de danser, sans mesurer notre énergie ; de plaisanter avec un naturel surprenant.
— Me dis pas que t'es en train de lui envoyer un message, gronde une voix dans le groupe.
C'est une des amies de Neevah qui en engueule une autre. Quinn, je crois. La blonde aux lunettes que j'avais croisée devant la bibliothèque est celle qui semble être la plus responsable du groupe. Depuis des heures, je la vois jeter des coups d'œil autour d'elle, de temps à autre, afin de vérifier que ses amies vont bien. Maintenant, elle arrache le téléphone des mains de Lucky, la brune à la peau basanée, dont je ne sais toujours pas si c'est le vrai prénom. Elle le range dans son sac à main et dit, autoritaire :
— Confisqué !
— J'étais en train de répondre au sien, se défend sa victime. C'est pas interdit, ça !
— On a dit que c'était une soirée interdite aux exs. Interdit de lui parler, interdit de parler de lui, et encore plus interdit... ne serait-ce que d'y penser.
Lucky souffle de résignation. Il n'y a rien qui pourrait convaincre Quinn de lui rendre son téléphone alors elle se laisse entraîner vers le bar, où elle trouvera l'unique solution pour réfréner ses envies. Je suis tenté de les suivre mais la soudaine présence de Neevah me retient. Son corps touche presque le mien et je rêve de passer un bras autour d'elle pour la rapprocher. Elle observe ses amies avec un petit sourire moqueur puis tourne tout à coup la tête vers moi.
— C'est donc une soirée post-rupture ? souris-je.
— Oui, c'est ça !
Et c'est tout. Elle l'a au moins dit avec le sourire toutefois je ne suis pas certain que cela me convienne. Pourquoi notre jeu du ni oui ni non n'a pas pu se poursuivre ?
— Même avec elles, t'es si peu bavarde ?
— Je n'aime pas parler pour rien dire.
Son haussement d'épaule m'échappe presque mais il était bien là, discret. Quelques-unes de ses tresses glissent sur son buste, caressant ses courbes. Ça me suffit à la trouver sublime, une énième fois. Autant avouer que j'ai passé ma soirée à penser ça.
— Mais, poursuit-elle avec un sourire espiègle, ça tombe bien, on n'a pas besoin de parler là...
Elle m'entraîne à sa suite, pile à l'instant où la musique change pour adopter un rythme plus soutenu. Des acclamations s'élèvent autour de nous, provenant de jeunes qui reconnaissent le son mais tout cela me semble trop éloigné. Ça ne nous atteint pas. Nous sommes comme protégés par notre bulle de complicité qui prend de plus en plus de place.
Une bulle qui me fait vivre un réel supplice tant elle contient des sentiments contradictoires. Du sérieux comme un amusement simplet, du rejet comme de la tentation, du contrôle comme de l'oubli... C'est difficile d'osciller entre tout ça en essayant d'y trouver un bon équilibre. Est-ce prudent de me rapprocher d'elle, même si ce n'est que charnel ? Est-ce vraiment ce que je veux ou est-ce que j'essaye seulement d'oublier ma déception amoureuse ?
Toutes ces questions s'effacent au fur et à mesure que la proximité avec Neevah me ramène les pieds sur Terre, là, collé à elle. Dire que deux semaines plus tôt, je ne m'imaginais même pas lui adresser la parole. Dorénavant, elle a les mains crochetées derrière mon cou et les yeux ancrés aux miens. Sous mes doigts, je peux sentir son fameux collier de taille, je me permets de jouer avec et me demande à quoi il peut ressembler.
Sans parler de la manière dont son corps ondule au gré du tempo et des différentes tonalités... Il faut que je me ressaisisse, cette fille est en train de m'ensorceler. Heureusement, je peux toujours compter sur l'aide même inconsciente de mon meilleur ami. La voix de Nills retentit près des filles :
— Lieth, ramène-toi ! m'invite-t-il. T'en as besoin, toi aussi.
Intrigué, je le rejoins sans le faire attendre plus longtemps - ignorant la touche de regret qui germe en moi. Il me tend un shot qui doit bien être le septième ou huitième de la soirée. Ses couleurs violacées ont quelque chose de suffisamment curieux pour vouloir y goûter. J'attrape le petit verre et imite les filles en le levant au-dessus de ma tête.
— En mémoire de nos exs qu'on doit laisser derrière nous, à tout jamais ! annonce Quinn avec un regard insistant vers Lucky.
— Et qu'on emmerde, sans modération ! ajoute Nills en me souriant.
Les filles approuvent en rigolant tandis que je lève les yeux au ciel, comme si cela m'aidait à ne pas entendre les mots de mon meilleur ami et à ne pas enregistrer ses pensées profondes. Lorsque je lui ai raconté toute ma discussion avec Lou, j'ai vu son agacement se transformer en véritable rancune. S'il l'avait devant lui, il lui balancerait ses quatre vérités sans la ménager. Ce que j'ai toujours refusé : que mes amis se mêlent de cette relation, au risque de briser l'équilibre de notre groupe.
La chaleur de l'alcool me brûle l'œsophage sur son passage laissant derrière elle un goût prononcé de violette qui me dégoûte aussitôt. Je crois que je vais gerber. Je vole le verre d'eau destiné à Davis, dans un état semblable au mien, et avale le contenu d'une traite, chassant le précédent shot par celui-ci plus sain. La nausée me passe mais les grondements de mon estomac me font encore regretter de ne rien avoir mangé avant. Au moment où les premières notes d'une musique retentissent dans le bar, encore bien rempli, le cri de Nills transperce notre petit attroupement :
— Ohhhh, se réjouit-il déchaîné, y'avait pas meilleure chanson !
Mais, cette fois, je n'ai pas la force de participer ; je me pose sur un tabouret pour observer les autres. Notre bonne entente avec Quinn, Emma et Lucky n'est pas une surprise mais l'harmonie de notre groupe improvisé en est une. Même Camila a mis de côté ses préjugés sur Neevah, je le vois dans son attitude plus ouverte. C'est agréable de trainer avec des nouvelles personnes sans se prendre la tête de savoir qui elles sont. C'est un des avantages de l'université.
— Je crois que je vais rentrer, me prévient Neevah devant moi.
Son regard, animé par les projecteurs affolés de la salle, ne me quitte pas une seule seconde. Et je comprends... Elle part mais n'a pas tant envie de me quitter, pas tout de suite. Je me redresse.
— Tu veux que je te raccompagne ? proposé-je.
— Non, tu as trop bu, réfute-t-elle. Et t'avise pas de rentrer quand même en voiture, quand je serai partie.
— T'inquiète pas. Nills est sobre depuis une heure, même si on dirait pas comme ça !
Nos rires se rejoignent, à défaut de nos corps qui gardent maintenant leur distance. Nous qui étions pourtant si proches sur la piste de danse. C'est comme s'il s'agissait de deux mondes complétement différents et pas du tout compatibles.
— Rentre avec nous, tenté-je. On devrait pas tarder.
— Viens avec moi, dit-elle en même temps.
Surpris par notre même initiative, nous gloussons d'un ton plus timide. Son air hésitant fait naître mes doutes. Je ne veux pas que ma proposition la mette mal à l'aise. Elle finit par secouer la tête, ou plutôt la hocher, et laisse reposer sa main contre mon genou. Ce n'est qu'un petit geste mais qui suffit à me faire vibrer.
— Pourquoi pas ? minaude-t-elle avec un sourire en coin.
— On habite à deux pas de chez toi et ça te permet d'économiser un trajet en taxi, c'est parfait, non ?
— Et une bonne occasion pour être accompagnée de deux bogosses, surgit Nills.
Il se positionne près d'elle, la dépassant encore plus que moi, baisse les yeux sur notre maigre contact et s'amuse à l'imiter. Sa main s'enroule autour de ma cuisse avant de la crassier exagérément.
— J'vous laisserai même la banquette arrière, et j'aurai mes boules Quies.
— La ferme ! ris-je. T'étais pas en train de danser, toi ?
— Si mais ça c'était avant que je réalise qu'ils ont préféré passer le remix plutôt que l'original. Ça fait partie des choses que j'peux pas cautionner ! On décolle ?
Sa revendication peu crédible nous amuse mais aucun de nous ne relève. Moi, je suis habitué tandis qu'elle doit sans doute essayer de se faire à son personnage — ce qui n'est pas une tâche aisée aux premiers abords.
Lorsque nous avons terminé de saluer tout le monde, soit une vingtaine de minutes plus tard, nous nous engouffrons dans ma voiture avec une certaine hâte. Nills est épuisé et ne rêve que des prochaines retrouvailles avec son lit ; quant à Neevah et moi, d'autres idées nous occupent l'esprit. le trajet est silencieux mais pas pesant.
La radio crachote un fond sonore ; le chauffage nous enveloppe de la tête aux pieds ; la ville de Seattle, déserte mais tout de même lumineuse, nous en met plein la vue au fur et à mesure qu'on la traverse. Soudain, du siège passager, Neevah lâche un rire moqueur.
— Quand je pense que tu as réussi à mettre les filles dans ta poche ! s'exclame-t-elle à l'égard de Nills.
— C'est ma spécialité. Tu leur diras qu'elles m'ont conquis aussi.
Une main sur le cœur, il pourrait donner l'impression d'exagérer mais je sais qu'il est honnête. Cette soirée lui a vraiment plu et faire la rencontre de ces trois filles encore plus. Il est toujours friand de nouvelles rencontres, de moments de bonheur partagé, il fera de son mieux pour profiter au maximum de chaque situation dans laquelle il se trouve. C'est une des raisons pour lesquelles il est difficile de s'ennuyer à ses côtés.
— Euh surtout pas, rétorque-t-elle. Lucky pourrait décider de jeter son dévolu sur toi.
— Si elle est prête à patienter longtemps... La liste d'attente est longue !
Aussitôt, la brune se tourne vers moi dotée d'un regard empli de jugement. Je pourrais presque entendre sa voix m'agresser : « C'est une blague ? ». Au lieu de ça, elle secoue la tête de dépit :
— Vous êtes les mêmes !
Je me rappelle alors que je lui avais dit quelque chose de similaire lors de notre première discussion. Comme pour le prouver, Nills et moi sourions à pleines dents. Il n'y a pas de meilleur compliment que de nous dire ça.
Quand la voiture s'arrête sur une place du parking résidentiel, un nœud indescriptible se forme dans mon estomac. Nous descendons d'un seul et même élan, affrontant le froid glacial qui ne nous accorde aucune pitié. Neevah serre ses bras autour d'elle afin de combattre la brise qui longe ses parcelle de peau dénudées.
— On s'retrouve au F(R)I Break, de toute façon ?! balance Nills sans attendre de réponse. Repose-toi bien, t'auras besoin de force pour les JFI.
Et il s'éloigne vers notre bâtiment, laissant une Neevah perdue derrière lui et moi qui le maudis. Je comptais lui parler du séjour au tout dernier moment, profiter encore quelques temps de cette facette taquine et décontractée qu'elle m'a fait davantage découvrir ce soir.
Une main derrière son dos, l'autre tendue droit devant, je l'invite à avancer. Signe que je compte la raccompagner jusqu'à sa porte, quoi qu'elle en dise, mais elle ne s'y oppose pas.
— C'est quoi les JFI ? quémande-t-elle curieuse.
— Les Jeux FIlympiques ! Tu te doutes bien que la fraternité fait pas les choses à moitié, expliqué-je. Ils organisent des épreuves sportives et amusantes, tout le long de la plage. C'est un gros truc, sponsorisé par des entreprises de la région et des marques plus importantes. Tu peux gagner des écrans plats, consoles, ordis... Tout ce que t'imagines même pas.
— C'est nouveau ?
Elle n'est pas du tout impressionnée par ce que je raconte, elle fronce au contraire les sourcils.
— Non, ça existe depuis qu'ils font leur séjour.
— Bizarre... Shannon m'en a pas parlé, marmonne-t-elle.
— Pourtant, c'est l'événement qui anime les quatre jours. Peut-être que ça l'intéressait pas plus que ça et qu'elle y a pas participé.
Elle acquiesce et affiche un sourire forcé qui me dérange. C'est notre sujet de mésentente. Après notre dispute, j'imagine qu'elle ne m'envisage plus comme un possible allié. C'est ce qui a dû la faire changer d'attitude, dès l'instant où elle s'est résolue à ne plus se servir de moi comme appât ou clé d'accès. Sauf que les choses ont changé de mon côté, j'accepte de jouer ce rôle à condition d'être sur la même longueur d'onde. Je ne veux plus qu'elle me manipule.
— Du coup... débuté-je lentement, sans savoir par où commencer. Ça te dirait d'y participer ?
On se trouve à présent devant la porte de son appartement. Nous n'avons même pas pris la peine d'allumer la lumière du couloir. Je m'en réjouis car c'est dans l'obscurité que notre intimité brille le plus. Les choses sont plus faciles à dire ou à faire à l'abri du regard des autres ou même de notre propre regard.
— Comment ça ? Je croyais qu'on avait été éliminés !
— L'équipe verte oui, mais pas moi. Disons, que les mecs de la FI m'invitent quand même.
Elle m'observe, le temps de comprendre ce que je lui dis, puis penche la tête sur le côté. J'aperçois un peu de son regard grâce à une lumière de sortie de secours qui éclaire un pan du mur.
— Et tu veux quand même y aller avec moi ? s'étonne-t-elle.
— Je verrais pas de meilleure partenaire.
Le sourire que je lui lance semble la convaincre puisqu'elle me le rend en retour. C'est la première fois que je vois ce sourire sur elle, un sincère, un touché, un qu'elle ne peut simuler ou encore moins dissimuler. Elle devine ce que cette invitation signifie : je lui offre ma confiance. Et un bout de ma croyance.
Comme si elle n'avait attendu que ça depuis des semaines, voire des mois, elle laisse échapper un soupir de soulagement. C'est une main tendue qu'elle n'a probablement jamais eue, depuis son arrivée au campus. Contre toute attente, elle saute dans mes bras avec une force puissante.
— Merci Lieth, s'exalte-t-elle.
— On est d'accord qu'on y va pour gagner ?!
Son rire résonne à mon oreille, avec une toute nouvelle mélodie. Celle de l'espoir qui renaît. Elle s'écarte légèrement afin de me fixer, malicieuse.
— Je te l'ai jamais dit mais je suis une très mauvaise perdante.
— Ah oui ? J'aurais jamais deviné...
Nous rigolons à nouveau mais cette fois nos souffles s'entrechoquent, tant nous sommes proches. Mon nœud de stress remonte pour venir se loger au fond de ma gorge tandis que des frissons parsèment ma peau. Ma respiration s'amenuise et le temps parait brutalement s'arrêter. Je prends le risque de baisser les yeux sur ses lèvres charnues, le regrettant d'emblée.
Une voix me dit de succomber à la tentation, une autre tente de me retenir. Je ne sais pas laquelle écouter.
Heureusement, Neevah choisit pour moi. Elle m'embrasse la joue puis s'éloigne avec une expression qui me laisse penser que c'est fait à contrecœur. Qu'est-ce qui la retient, tout à coup ? Possible qu'elle n'en ait tout simplement pas envie. Pour chasser l'air navré qui commence à marquer son visage, je lui souris tendrement et fais passer une de ses tresses derrière son épaule. La chair de poule qui parcourt peu à peu sa peau ne passe pas inaperçu. Ma main traîne finalement le long de sa mâchoire et entoure son menton afin de le relever.
— Tu peux me promettre quelque chose ?
Elle fait un mouvement d'épaules qui ne veut pas dire grand-chose à mes yeux. Mais, moi je m'apprête à lui confier quelque chose que je ne pensais plus faire de toute ma vie : m'engager dans une cause qui me dépasse. Non seulement croire que les choses pourraient s'arranger mais surtout tout faire pour. J'aimerais le faire par pure conviction, par volonté de justice, mais je le fais avant tout pour essayer de redonner du sens à mon existence. Je le fais pour tenter de combler les vides en moi, que l'absence de Lou a dévoilés. C'est ma manière de la laisser derrière... retrouver un peu du moi d'avant.
— Tu devras tout me dire de l'histoire et ne plus faire de coups dans mon dos... débuté-je d'une voix rauque. On va à ce séjour ensemble. À partir d'aujourd'hui, on est deux. T'es plus toute seule.
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Ffffou, j'en aurais mis du temps à poster ce chapitre ! Je vous l'avais promis vendredi soir mais j'ai finalement été occupée et il était hors de question que je vous le poste sans en être convaincue... Sauf qu'on est samedi (enfin dimanche), et que ça ne me convient toujours pas ! Je sais que mon perfectionnisme me fait souvent défaut alors j'ai décidé d'aller au-delà et de quand même vous partager ce fameux chap 13 (maudit) !
Après les soupçons et les excuses à la précédente chapitre, on a enfin un micro-développement de la relation "Livah" :p En tout cas, je rêverais de participer aux jeux FIlympiques, dans ma tête ça a l'air trop bien. Maintenant, me reste plus qu'à trouver des idées d'épreuves pour les exploiter : je suis ouverte à toutes propositions ! Ça m'amuserait même d'intégrer certaines de vos idées, alors faites vous plaisir hehe
J'espère que ça vous aura plu, n'hésitez pas à me faire des retours parce qu'en ce moment je suis en pleine remise en question avec cette histoire.
Byeeee
P.S. : Je devrais avoir bien plus de temps pour écrire, j'essayerai de prendre de l'avance pour rester régulière. J'essaye, promis !
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