Chapitre Quinze




Le soleil perce à travers la vitre entrouverte tandis qu'une brise de plus en plus lourde s'infiltre dans le véhicule et s'amuse à faire voleter nos cheveux. Le calme autour de nous, la musique acoustique à bas volume, la plénitude partagée... C'est un parfait avant-goût des vacances d'été.

À ma gauche, Neevah conduit avec un sérieux surprenant depuis plusieurs longs kilomètres. Sur la banquette arrière de sa propre voiture, Nills s'est assoupi et je résiste plein de fois à l'envie de faire de même. J'ai déjà bien assez dormi pendant les premières heures de route où il était derrière le volant – ce, même malgré le car-karaoké qu'il a décidé d'improviser. À présent, il est plus de quinze heures, nous sommes aux trois quarts du trajet qui est étonnamment paisible jusque-là.

— C'est ma conduite qui t'empêche de dormir ? me demande tout à coup Neevah.

Rapidement, elle me toise de son regard mesquin. Ses lunettes de soleil, aux légères teintes bleues, ne le cache pas.

— Si t'es réveillé au moment de l'accident, t'en profiteras pour compter les tonneaux. Mon record est de quatre, pour l'instant, et toi ?

— Très drôle ! argué-je en souriant quand même.

— Détends-toi, je rigole ! Enfin, pas pour ce qui est de mon record.

— Et, t'as dit quoi déjà... je suis censé me détendre ?

— Le premier, j'étais petite donc passagère mais j'avoue que je suis responsable du deuxième.

Elle se tait comme si je pouvais réellement me contenter de ce propos alors qu'il me manque une partie de l'histoire.

— Tu t'en es sortie sans rien ?

— Bah pas tout...

— Non, non, attends, je te coupe, m'exclamé-je vivement, mais... T'es en plein accident et tu comptes le nombre de tonneaux ?

Ma tête éberluée la fait rire, de façon toujours discrète. Elle s'efforce souvent de ne pas se faire remarquer mais, au fur et à mesure, à force de l'observer, je comprends qu'elle ne le fait même pas pour se cacher. C'est juste sa manière d'être.

— J'ai pas compté, Lieth ! C'est le résultat des expertises.

— OK... Après la menace aux couteaux, je commençais à sérieusement m'inquiéter pour ta santé mentale.

Elle me regarde à l'instant où je pose mes yeux sur elle et nous nous sourions, épris par notre taquinerie. Curieux d'en savoir plus, je l'incite à poursuivre :

— T'as eu quoi alors, madame la cascadeuse ?

— Quand j'étais petite, rien. D'ailleurs ma mère continue de raconter l'histoire comme celle d'un miracle, souligne-t-elle. J'ai un peu plus encaissé à l'autre... Fracture de côtes, pneumothorax, et...

Neevah me tend sa main droite, sous les yeux, plus particulièrement son auriculaire qu'elle fait tourner. Sa peau foncée y est intacte, il me manque aucune phalange... En dehors de la fine bague dorée qu'elle porte, je ne vois pas ce qu'elle me montre.

— Je dois voir quoi ?

— Oh, rien... C'était juste pour tester ta clairvoyance ; tu m'as l'air éveillé. Ça te va de prendre le volant à la prochaine aire d'autoroute ?

Je repousse sa main en pouffant tandis qu'elle sourit, certainement fière de sa plaisanterie. J'accepte sa requête avec une certaine hâte. Conduire m'occupera l'esprit jusqu'à notre destination. Je m'étends dans mon siège profitant de me reposer encore un peu plus.

La tête tournée vers Neevah, je lui vole quelques secondes d'inattention pour la dévisager. Ses pommettes brillent légèrement, je découvre une fossette au creux de sa joue droite, sa bouche murmure des paroles sur une chanson qui n'en a pas. C'est sa playlist de musique acoustiques, toutes instrumentales, qui passe en fond alors je ne pose pas de questions – même si des tonnes me passent par la tête. Ses tresses attachées en arrière suivent ses mouvements de tête selon le tempo. Neevah est dans sa petite bulle et je préfère l'y laisser en paix. Je ferme les yeux, souffle puis tente de me relaxer quand la sa voix légère reprend :

— En tout cas, c'est sympa de m'avoir invitée alors que je ne suis pas celle que t'aurais aimé avoir avec toi.

Mon cœur s'agite aussitôt à l'entente de ces mots. Quand je rouvre les paupières, la brune me jette aussi un regard rapide. Elle entend ma question intérieure puisqu'elle hausse les épaules.

— À la soirée... Nills est venu te chercher pour le « shot des exs ». Et t'as l'air déprimé parfois.

— Tu parles pas mais t'observes, c'est ça ?

— Désolée, ça me regarde pas, élude-t-elle. Je voulais juste te remercier.

Je hoche la tête par pure politesse parce que je n'ai rien de plus à dire. Est-ce que je pense à Lou ? Presque toutes les heures. Est-ce que j'aurais souhaité qu'elle puisse être là, avec moi ? C'est autre chose. Moi-même je n'en suis pas certain.

— De toute manière, je l'aurais pas invitée, dis-je en regrettant aussitôt.

J'ai toujours eu du mal à parler de ma relation avec Lou parce que j'avais peur que ça retire un peu de magie à notre relation. Mais, au fond, ce n'est qu'une preuve de son influence sur moi. Ça n'arrangeait qu'elle de garder notre relation secrète, moi j'y ai trouvé des bienfaits par dépit.

— Alors, toi non plus, t'arrives pas à oublier une fille, statue-t-elle comme une journaliste reporter. Décidément, les mecs contemporains...

Moi non plus ?

À travers le rétroviseur central, elle lance un coup d'œil à Nills avec un sourire complice. Le mépris qu'elle pouvait lui porter au début s'est évaporé. Elle l'apprécie vraiment, ça se voit, sans doute plus que moi.

— Pendant que tu dormais, il m'a parlé. Beaucoup, beaucoup, beaucoup parlé. Et tu veux mon avis ?

— Vas-y.

Pour une fois qu'elle est encline à le partager, ce n'est pas moi qui vais l'en empêcher.

— Kaya est une idiote, crache-t-elle. Mais, il en est aussi un, s'il continue de s'accrocher éternellement.

Je secoue la tête face à son ton moralisateur. N'est-elle jamais tombée amoureuse ? Elle saurait que c'est en amour que l'on fait les choses les plus bêtes, mais que l'on n'y peut rien.

— Ma grand-mère disait tout le temps que pour voir un esprit, il faut deux coupables : quelqu'un qui veut bien y croire et un fantôme qui hante. L'un sans l'autre, personne n'a plus de raison d'être.

Neevah fixe sérieusement la route, alors qu'on croise un panneau indiquant une prochaine aire dans un kilomètre. C'est bientôt à mon tour de prendre le relai, ce qui mettra peut-être fin à notre moment si elle veut se reposer. Ce qu'elle vient de me dire se répète dans mon esprit. Je souris en réalisant un point important.

— Non seulement t'as fait des phrases longues mais en plus tu me racontes une anecdote, gouaillé-je. C'est à toi qu'elle disait ça ?

— Elle n'en a pas eu besoin, je suis pas du genre à pleurer quelqu'un qui ne veut plus de moi.

Elle marque une pause, contrite.

— Sans offense.

— J'aimerais bien pourvoir être détaché comme toi mais c'est pas aussi simple.

— Pas simple mais possible, avance-t-elle. Ton attitude joue aussi un rôle sur la manière dont quelqu'un se comportera avec toi.

Elle reprend aussi vite :

— Imagine un couloir où deux personnes se font dos puis avancent chacun tout droit. La première se retourne pour voir si la deuxième fait pareil, si c'est le cas, elle continuera de se retourner de temps en temps, persuadée que l'autre sera là pour lui faire coucou. Mais si, dès le début, la deuxième ne se retourne jamais alors la première n'aura plus de raison de le faire.

— Donc, t'es celle qui se retourne jamais... Et ça fonctionne ?

— Plutôt oui. Faut pas donner à l'autre la satisfaction de nous retenir. Les quelques mecs qui ont essayé avec moi, ils ont vite compris qu'ils avaient rien pour réussir. Ils ont abandonné.

— T'as vécu combien de vies avant d'être réincarnée en Neevah Kane ?

Elle explose de rire, ne manque pas de me traiter gentiment « d'andouille » et conserve son sourire pendant ce qui me semble être une éternité tant je n'y suis pas habitué.

— La fille te suit sur Instagram ? quémande-t-elle.

J'acquiesce, peu sûr de savoir là où elle veut en venir.

— Poste une photo de Nills, là tout de suite.

— Quoi ?

— Fais-moi confiance, monsieur cœur brisé.

J'ignore sa pique vengeresse. Plus pour m'amuser que pour obéir, je prends en photo mon meilleur ami, endormi sur le dos, le long de la banquette arrière. Un bras plié derrière la tête, l'autre posé sur son torse où son pull se relève un peu, il ressemblerait presque à un mannequin à qui on aurait demandé la pose. OK, il est beau. Mais, quel est le rapport avec Lou ?

D'autant plus que Neevah ne valide aucune des prises que je lui montre, sans m'expliquer la raison. Au moment où je compte laisser tomber, elle se réjouit enfin :

— Celle-ci, l'avant-dernière, c'est la bonne ! Poste-la en parlant du Spring Break.

Une fois que c'est fait, je la sonde de mon regard le plus insistant.

— Tu m'expliques.

— Si tu prends une photo du siège passager et que Nills dort. Qui conduit ?

— C'est ce qu'elle se dira, complété-je éclairci. Mais, ça peut être un mec.

— Sauf qu'on voit un bout de mon sac à main, en bas à droite, sourit-elle espiègle. Et tout le week-end, tu vas poster des petits trucs qui lui feront croire que t'es passé à autre chose, avec une autre. Sans que ce soit évident sinon elle saura que t'as fait exprès.

— Tu veux vraiment m'aider à faire ça ?

— Je te le dois bien. Tu m'aides à chercher ma meilleure amie et je t'aide peut-être pas à oublier ton ex mais au moins à chasser son fantôme, disons. Ce sera plus facile pour toi après !

Elle répond à mon sourire timide par un clin d'œil qui m'arrache de trop nombreux battements de cœur. En apparence, Neevah semble se soucier de rien ni personne mais notre conversation me prouve l'inverse. Son calme n'est pas de l'indifférence. Je dois me l'avouer, elle gagne des points en plus.

— Et toi alors, c'est quoi ton plan ? l'interrogé-je.

— T'es prêt à prendre des notes ?


***


La côte californienne est éblouissante. Il est bientôt vingt heures quand nous arrivons au point de rendez-vous, au parc de la rivière Gualala. Le ciel est teinté de couleurs rosées et orangées à la fois nous offrant un beau spectacle de bienvenue. L'air est même chaud pour une fin de mois de mars. Je commence à croire que j'ai bien fait d'accepter ce séjour.

Nills, un bras passé autour de mes épaules, salue la moindre personne qui s'ajoute au rassemblement. N'ayant pas de partenaire, il a été réquisitionné comme référent, il n'a eu d'autres choix que d'enfiler le polo de la FI. Son dégoût a duré six secondes maximum... jusqu'à ce qu'il se fasse aborder par plusieurs filles, à la suite. Son habit est tout à coup devenu une plus-value.

— Elle est où HurriKane ? s'intéresse-t-il.

Je hausse les épaules avant de la chercher du regard autour de nous. Je la répère très vite, auprès d'un mec que je ne reconnais pas tout de suite. L'agacement grandit en moi lorsque je réalise qu'il s'agit d'Ambrose. Ils s'étaient salués à la soirée mais je ne pensais qu'ils étaient au stade des discussions longues – et amusantes, si j'en juge leurs expressions. À croire que tout est inversé avec Neevah. Elle déteste ceux en qui j'ai confiance, elle côtoie le seul que je méprise.

— Hey Clouds ! s'exclame une voix familière.

Nous nous retournons en même temps pour faire face à son fidèle coéquipier, et accessoirement frère de son ex, Nashoba. Il est accompagné d'un autre mec de l'équipe et, derrière en retrait, de sa copine et d'une fille occupées à discuter.

— Salut, Lieth ! Tu vas bien ? me demande-t-il aussitôt.

Je lui retourne la question, sincèrement content de le revoir. D'habitude, il est tout le temps fourré chez nous. Mais, avec la p période de révision et d'examens, on ne s'est pas vus depuis un moment.

— Bien. Je suis chaud pour le week-end !

— J'espère qu'ils vont pas nous faire le même coup que l'année dernière, intervient son pote Theo. Tu sais quelque chose, toi, Nills ?

— Rien du tout, moi je suis venu en touriste... sourit le concerné.

Une information plus importante retient mon attention. Theo est un mec de dernière année, qui refuse encore de faire partie de la FI, il pourrait m'en dire plus sur les évènements passés.

— Qu'est-ce qu'ils vous ont fait ? tilté-je.

— On devait traverser la rivière, les yeux bandés, un à un. Le premier couple complet à rejoindre la rive gagnait des points d'avance et une tente Deluxe pour la plage.

— Sympa, on m'avait pas dit que c'était un week-end survivaliste.

— Mon homme, t'en fais pas. Je veille sur toi, m'assure Nills.

— Après ce qu'il s'est passé, j'imagine qu'ils ont envisagé les choses autrement, estime Theo. Enfin, j'espère.

Il se répète. Son trouble se laisse ressentir à travers ses gestes crispés. Il abaisse une fois de plus son bob sur ses cheveux noirs tandis que ses yeux en amande scannent non pas les environs mais le sol.

Je me retiens de renchérir avec une nouvelle question afin de ne pas éveiller les soupçons. Dans mon esprit se dresse un objectif primordial : sympathiser davantage avec lui et lui tirer quelques vers du nez par la suite.

— Maintenant que tout le monde est arrivé, on va pouvoir commencer, s'écrie le même Jake qui animait la soirée. Bonsoir à tous, rapprochez-vous !

Nills s'éloigne dès qu'il est appelé auprès de ses congénaires, d'un signe de main. Il nous fait alors face, aligné aux côtés d'Ambrose, Giacomo, Jake et six autres gars que j'ai pu côtoyer à des fêtes durant les précédents mois. Je me demande tout à coup qui se trouve dans le coup, qui est au courant, qui tire les ficelles pour de vrai. Si Giacomo n'est pas coupable de la disparition / meurtre de Shannon, il pourrait en être un complice ou avoir été trahi par un de ses pairs. En clair, aucune piste n'est à écarter.

— La tradition veut que l'on débute par notre chant de ralliement, écrit par le fondateur de la Fire & Ice, et fabuleusement interprété ce soir par notre capitaine ! se marre Jake.

— Bande d'enfoirés ! gronde Gia hilare. On doit voter.

— T'y as échappé au dernier Spring Break, tout le monde va revoter pour toi, mec ! dit quelqu'un dans la foule.

— Allez, faites péter le micro qu'on en finisse !

La plupart rigolent déjà de la situation avant même que la voix gutturale de Giacomo résonne dans la petite enceinte portative. Des sifflements et applaudissements s'élèvent pour l'encourager ou bien se foutre de lui. Je ne peux me retenir de rire aussi.

— Comme le feu qui jaillit des braises, chante-t-il à cœur ouvert.

On doit au moins lui reconnaître son sens du délire, ce n'est pas pour rien que Nills et moi l'avons tout de suite considéré comme un ami après quelques heures en sa présence. Il nous en faut peu.

— Je jaillirai vaillaaaaant...

Je circule entre les nombreux jeunes. Nous sommes une trentaine, bien plus que ce que j'imaginais. Trois longues journées se dressent en perspective. Je rejoins Neevah qui tire une tronche à en faire pâlir tout un cimetière. Le capitaine de l'équipe de hockey est tout en haut de sa death list. Je cogne son épaule doucement dans l'espoir de la dérider un tant soit peu.

— Je croyais qu'on campait sur la plage, remarque-t-elle au milieu du brouhaha. Qu'est-ce qu'on fait ici ?

— Apparemment, on va avoir une première épreuve.

Je lui partage ce que je viens d'apprendre en omettant le nom de Theo. Elle souffle face à mes paroles, elle a l'air dépitée.

— J'peux pas croire que Shannon m'ait rien dit alors qu'elle a vécu un foutu Koh-Lanta version étudiant.

— Regarde les copines des mecs, elles ne participent pas toutes, dis-je les yeux rivées sur les concernées. Peut-être qu'elle n'a rien fait non plus, ou pas du tout.

— Mmh, c'est vrai.

Le regard qu'elle me lance me fait comprendre qu'elle n'y avait pas pensé. Le chant horrible de Giacomo se termine enfin alors que la clameur générale l'en félicite. Moi, j'ose espérer qu'il ne touchera plus à ce micro car ses aptitudes sportives sont remarquables mais celles artistiques laissent à désirer. Jake laisse vibrer cris et pseudo déclarations d'amour puis reprend le contrôle :

— Sans plus attendre, nous allons lancer la première épreuve pendant laquelle vous allez devoir montrer force, patience et sens de l'observation.

À ma gauche, Neevah glousse puis roule des yeux en jouant avec un pan de sa combi-short. Ce n'est sans doute pas la tenue la plus adéquate pour faire du sport mais je suis mal placé pour me moquer avec mon jean et mon tee-shirt manches longues.

— Nills, tu peux séparer le groupe en quatre ?

Il s'exécute et en profite pour rigoler avec les uns et les autres. Il veille à ne pas me séparer de Neevah, avec un air indifférent qui pue le fake à plein nez pour moi mais pas pour les autres. Ils emmènent le premier groupe au loin pendant que j'observe le moindre détail. Des cris de surprise s'élèvent plusieurs minutes après et me donnent la chair de poule. Qu'est-ce qu'ils nous ont prévu ? Le deuxième est amené dans une autre direction mais cette fois aucun bruit ne se fait entendre.

Quand c'est à notre tour, l'inquiétude sourde de ma partenaire est contagieuse. Pour elle, ce lieu qui détient tant de secrets doit être maudit. Je glisse mes doigts autour de sa main. Nous nous arrêtons dans une sorte de clairière où l'air est plus frais. Les mecs de la fraternité nous entourent, semblables à une meute de loups en chasse.

— Je vous rappelle qu'on est ici pour s'amuser et que ce qui pourra vous arriver au cours de ce séjour n'a pas pour but de vous faire du mal, récite Jake avant de claquer des mains.

Rien qu'une fois. Soudain, on brise mon contact avec Neevah et un bandeau s'enroule autour de mon visage avec une force impressionnante. Le tissu se referme sur ma bouche alors que je tente de me débattre en vain.

— C'est moi, t'inquiètes, me souffle la voix de Nills. Ça va être marrant. Je t'ai dit quoi, tout à l'heure ?

« Je veille sur toi ». Je relâche la pression autant que possible à l'instant où un autre tissu recouvre cette fois mes yeux. Des protestations grondent dans le groupe et j'entends des mecs de la FI les inciter à se laisser faire. Facile à dire mais avoir les yeux et la bouche bandés n'a rien de rassurant. On est tout à coup impuissants lorsqu'on nous fait perdre nos repères.

Ils nous font avancer sur des mètres qui me paraissent interminables. Quelqu'un, qui n'est plus Nills, me place, m'ordonne de ne plus bouger puis plus rien. Le silence. En dehors des branches qui craquent, de la brise dans les arbres et du courant de la rivière que l'on perçoit si l'on tend l'oreille. Ce serait presque paisible en d'autres circonstances.

Quand des pas se rapprochent de nouveau, le soulagement qui me traverse le corps me surprend. J'aimerais être un dur à cuire à la Leander et m'en foutre de ce qui pourrait se passer mais ce n'est pas le cas. Je suis plutôt du genre à m'ne faire et détester ne pas savoir ce qu'il m'arrive.

— Une fois de plus, nous espérons que vous avez bien choisi votre partenaire, scande l'animateur en herbe, car cette épreuve consiste à vous retrouver l'un et l'autre, par le simple toucher. Nous sommes placés autour de vous, d'abord pour éviter toute perte dans la forêt ou pire dans la rivière, mais surtout parce que vous devrez venir vers nous dès que vous pensez avoir retrouvé votre binôme. Nous sifflerons toutes les cinq minutes pour vous aider à nous trouver.

D'infinies secondes s'écoulent avant qu'il ne poursuive :

— Les cinq premiers couples gagnent une tente pleinement équipée, offerte par la société The Wood Bones. Mais, ce n'est pas tout... Afin de s'assurer que tout le monde joue le jeu à fond, vous ne rejoindrez pas la plage tant que vous n'aurez pas retrouver votre bien-aimé.

C'est une blague ? Il y a si peu de chance que je reconnaisse Neevah que je sais d'avance que nous ferons partie des dernières personnes à arpenter cette clairière. Néanmoins, ma fatigue et ma terrible envie de me laisse tomber sur un matelas gonflable de qualité sont des sources de motivation suffisantes.

— L'épreuve commence dans 3... 2... 1... Partez !

Des débiles qui se mettent à courir se foncent dedans, sans m'épargner. Ils manquent de me faire trébucher maintes fois mais je profite de ce chaos pour chercher tout autour, là où les filles arpentent la zone d'une façon plus méticuleuse. Sauf que mon cœur s'accélère lorsque le temps passe et que je ne reconnais Neevah dans aucune main, aucun bras, aucune épaule que je touche. Il m'est même impossible de savoir si je m'intéresse plusieurs fois à la même personne ou non.

Les mouvements deviennent de moins en moins réguliers, signes que le groupe s'amenuise. Les premiers couples ont déjà dû se rassembler augmentant mon stress. Les coups de sifflet n'aident pas, ils empirent tout. Ma respiration s'accélère à mesure que mon impatience me gagne. Je voudrais envoyer valser les deux bandes qui m'entravent, quitte à passer pour un mauvais joueur.

— Lieth... m'interpelle Nills dans mon dos.

Pourquoi chuchote-t-il ? Je fais un demi-tour sec et m'approche de l'endroit d'où venait sa voix. Je sais que c'est lui que je cogne quand ses mains calleuses m'attrapent les épaules pour me retourner dans l'autre sens. Avant de me pousser vers l'avant, il me glisse :

— Fais semblant de continuer de chercher mais Neevah n'est pas là. Je la cherche depuis tout à l'heure, je sais pas où elle est...

_______________________

Yoooooo !

Dans ma tête, le chapitre ne devait pas se terminer là mais je crois que j'ai sous-estimé mon inspiration... malheureusement pour vous, je préfère vous laisser sur ce suspens pour conserver l'action du moment !

J'espère que ça vous aura plu.

Désolée pour mes quelques pauses, j'ai un peu de mal à trouver un moment pour écrire ces derniers temps.

Bon week-end, byeee 🧡

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