Chapitre Douze
CHAPITRE DOUZE
- Loup-garou -
Je ne sais pas si un jour je trouverai quelque chose qui égalera ce sentiment de liberté qui nous emporte après avoir rendu ou terminé son dernier examen. Mais, depuis que j'ai rendu mon projet de programmation hier, j'ai l'impression de respirer un peu mieux. Le poids sur mes épaules s'est allégé ; mon esprit est plus clairvoyant. J'ai même accompagné Nills dans son jogging matinal, aujourd'hui ! Je ne suis toujours pas fan du réveil à l'aube toutefois j'ai évacué quelques peines supplémentaires en courant et j'ai décidé de laisser ça derrière moi. Même si je redoute que ça parvienne tout de même à me rattraper, un moment ou un autre.
Alors que j'attends la sortie de Nills, devant les portes arrière de la patinoire, mon téléphone portable vibre d'impatience. Ou du moins, de l'impatience de mon amie Camila. Je dois les rejoindre pour célébrer notre fin de semestre et les voir une dernière fois avant que chacun ne vaque à ses occupations durant les deux semaines de Spring Break. Lorsque j'ouvre finalement son sms, je sais déjà ce qu'il contient :
Cam 22:05
[Tu devrais déjà être là !]
Cam 22:06
[HELP !
Davis est déjà pompette,
après une pinte. Il veut
me forcer à danser ! ]
Je rigole dans mon coin en imaginant sans mal notre ami avoir un regain d'énergie, lui qui est pourtant si posé en général. Il fait partie de ces gens qui se retrouvent une nouvelle santé lorsque l'alcool coule dans leurs veines. Ça ne me dérange pas parce que j'ai été habitué à mille fois pire avec mon meilleur ami, sans même qu'il soit saoul, mais ça a le don de rendre Cam impuissante.
Lieth 22:06
[T'es toute seule avec lui ?]
Cam 22:08
[Oui & non.
Grace est rentrée,
les autres jouent au baby.]
Lieth 22:08
[J'arrive. Tu me pardonneras
mon retard quand tu en
connaîtras la raison... ;) ]
La raison qui n'est rien d'autre qu'un blond excité qui a refusé que je parte au milieu de son entraînement pour aller faire la fête sans lui. Alors, j'attends depuis plus d'une demi-heure que Nills prenne sa douche express pour que l'on rejoigne enfin mes amis dans un bar étudiant réputé, à l'autre bout de la ville.
— Ahhh, notre meilleur supporter ! scande une voix qui ne m'inspire plus confiance.
Je relève les yeux sur Giacomo qui avance vers moi, son énorme sac posé en bandoulière sur une épaule et ses trois crosses dans une main. Il correspond au cliché du sportif, grand, musclé, apparence soignée comme s'il s'apprêtait à faire un shooting photo à la moindre minute. Avant, cet aspect de lui ne me dérangeait pas mais dorénavant, je ne peux m'empêcher de l'interpréter comme de l'arrogance. Pour n'éveiller aucun soupçon, je m'efforce de me comporter de la même manière. Je lui souris et tape dans sa main tendue.
— Ça y est, tu t'es remis de la soirée ? Parce que c'était qu'un échauffement pour ce week-end, rigole-t-il.
— C'est moi qui devrais te poser la question ! Quand je suis parti, t'étais encore en train de faire un concours de shot.
— Oh, c'est rien, dès le lendemain j'étais frais ! Par contre, le coach est pas du même avis. Il m'a dé-fon-cé ce soir.
Il se marre et son rire communicatif emporte le mien. Malgré tout, j'ai encore du mal à le voir comme le parfait méchant. Il y a encore quelques semaines, je me faisais un plaisir de partager des moments avec les mecs des Grizzlies, Gia a toujours été d'excellente compagnie. Sa confiance est difficile à acheter, il peut paraître distant, être parfois brut dans ses mots ou dans ses gestes, mais il fait toujours l'unanimité auprès des autres. Je n'avais jamais entendu quelqu'un parler de lui en mal jusqu'à Neevah. Je devrais m'en foutre, oublier ces accusations...
— Au fait, j'ai vu ton prénom sur la liste du F(R)I Break mais pas celui de la personne que tu ramènes. Il nous le faut aussi !
Sa venue auprès de moi et cette discussion superficielle prennent soudain sens. Il faut croire que je n'aurai besoin de suivre ni le conseil d'Ayden ni celui de Nora, Gia vient me voir de lui-même.
— Ouais, je sais pas encore.
— T'as réalisé que Kane te convenait pas ? sourit-il comme si nous partagions une quelconque complicité.
Voilà, il aura tenu moins de deux minutes sans évoquer sa source d'ennui. Il ne cache même pas sa mince opinion à son égard. Je ne me gêne pas de prendre sa défense, pas seulement parce qu'elle est censée être ma fausse partenaire, surtout parce que je le pense.
— Neevah ? C'est l'inverse, tu trouveras aucun mec sur ce campus qui pourrait lui convenir.
— Ah ouais ? Ça explique pourquoi elle fait payer pour s'glisser entre ses cuisses.
Mon sang ne fait qu'un tour pourtant je prends une grande inspiration pour ne pas laisser sortir mon irritation devenue colère. Je contiens le tout contre moi en croisant mes bras sur mon torse.
— Tu sais que tout ça, c'est des rumeurs, n'est-ce pas ? rétorqué-je. En plus, t'es le premier à détester qu'on parle comme ça des filles...
— Depuis le début de l'année, j'ai décidé de faire une exception pour Kane.
— Comment vous vous connaissez, en fait ? Vous sortiez ensemble ?
Conserver des secrets m'a aussi appris à essayer de dénicher ceux des autres et prêcher le faux pour savoir le vrai est une technique qui fait ses preuves. J'ai toujours été le mec sympa qui ne se mêle pas des embrouilles, des on-dit et des magouilles. Il y a des chances que Gia ne se méfie pas de moi. Je le vois tout de même froncer les sourcils puis avancer d'un pas, réduisant grandement la distance entre nous.
— Tu vas me dire qu'elle t'a rien balancé sur moi ?
— Oh, t'inquiètes pas, en ma présence, les meufs t'oublient vite.
Je déteste entrer dans ce jeu de discours macho mais si ça me permet d'obtenir quelques informations, je suis prêt à signer un contrat de comédien. Le capitaine de l'équipe plaisante à ma blague puis jette un regard circulaire derrière lui avant de plonger à nouveau ses yeux bruns dans les miens.
— C'est pas avec elle que je sors, enfin... je sortais avec sa meilleure amie. La fille qui a disparu l'année dernière, tu vois ?
Je me contente d'hocher la tête, un peu surpris qu'il entre dans le cœur du sujet avec tant d'honnêteté. Une main dans les cheveux, il poursuit :
— J'suis même surpris que Nills te l'ait pas dit, tous les mecs de l'équipe sont au courant même si on en parle plus.
— Et du coup, c'est quoi le rapport avec Neevah ? Pourquoi tu la détestes ?
— Cette fille a des neurones en moins, ou en trop, je sais même pas à force ! grogne-t-il. Elle est persuadée que j'ai fait du mal à Shannon, elle a pas arrêté de m'harceler de questions au début de l'année et ça lui a pas plu quand je l'ai envoyée bouler.
— Je comprends pas comment ou pourquoi elle pense ça alors qu'elle te connaissait pas avant d'arriver à NSC...
— Parce que j'ai eu le malheur de plus trop m'entendre avec Sha juste avant sa disparition ? J'en sais rien mais cette fille, marque-t-il le doigt tendu vers un point vague, a traversé le pays pour mener l'enquête et j'ai vraiment pas besoin de ça pendant ma dernière année.
— Ça t'intéresse pas de savoir ce qui lui est arrivé ?
Pour la première fois, ma question semble le remuer de l'intérieur, tellement qu'il ne peut le cacher. Son regard échappe au mien et il doit s'y reprendre à deux fois avant de réussir à aligner plusieurs mots, d'une voix étriquée :
— C'est compliqué. J'veux surtout pas t'emmerder avec ça.
— Comme tu le sens, mais ça m'embête pas.
La voix de Nills retentit à nos côtés et même s'il ne s'adresse pas encore à nous, je sais que cela coupe court aux débuts de confession de son capitaine. Ce dernier, aux traits froncés, ramasse son sac du sol puis m'observe une fois de plus. Les secondes s'effritent sans qu'il ne reprenne la parole alors je le fais pour nous deux.
— Honnêtement, ça te ferait chier que je la ramène au week-end ?
— Non, tu fréquentes qui tu veux, Lieth, dit-il en pinçant ensuite les lèvres. Du moment qu'elle vient pas pour foutre la merde. Peut-être même qu'elle changera d'avis sur moi !
Le sourire qu'il arbore lorsqu'il part à reculons me pousse à croire en sa sincérité. Ou de lui laisser le bénéfice du doute à lui aussi. Il est remplacé par mon meilleur ami, aussi souriant que je l'ai laissé deux heures auparavant. Lui aussi est équipé d'un gigantesque sac et de crosses mais sa tenue apprêtée et son apparence soignée ne laissent rien paraître des efforts qu'il vient d'endurer.
Quelques-unes de ses mèches mouillées dépassent de sa casquette mais il les dévoile et s'approche dangereusement de moi. Son rictus malin trahit sa future connerie alors je m'éloigne à grands pas.
— T'approche pas, saloperie ! le préviens-je.
— C'est comme ça que tu parles à l'amour de ta vie ? s'offusque-t-il. Viens là, embrasse-moi pour te faire pardonner.
Plus rapide que moi, il me coince contre ma voiture d'un bras et secoue sa tête tout près de la mienne m'envoyant les dernières gouttes qui s'accrochaient à sa chevelure. Quand il s'éloigne, il est mort de rire tandis que je lutte contre mes propres rires. Est-ce que je me ferai un jour respecter par ce mec ?
— On y va ? Qu'est-ce qu'il te voulait Gia ?
En guise de réponse à sa première question, on se dirige vers la voiture puis je m'assure que l'on soit assez loin pour aborder la deuxième.
— Devine... Me parler de Neevah. Mais c'était bizarre, je m'attendais à ce qu'il soit plus... énervé.
Je lui raconte notre conversation dans le moindre détail alors qu'on est en route pour le bar dansant. Pour me faire entendre, je ne cesse de baisser le volume de la musique que lui remonte sans arrêt. Parfois, on dirait qu'il n'écoute même pas, à sa manière de regarder ailleurs, de rebondir sur ce qu'il voit dans la rue, ou de m'interrompre, mais je sais qu'il enregistre tout. Après cinq minutes de silence, il se tourne vers moi d'un air concerné.
— Au jeu du loup-garou, est-ce que tu crois direct à la première accusation ? Est-ce que tu te dis pas plutôt que c'est un loup qui essaye de tromper les villageois ?
— Et je suis censé comprendre la métaphore ?! m'esclaffé-je.
— Mais oui ! Neevah est prête à faire croire à tout le monde que Giacomo est coupable, mais si c'était elle qui avait quelque chose à se reprocher ? Réfléchis, pourquoi elle parle de meurtre alors que sa pote a juste disparu ? s'emporte-t-il dans son explication. Parce que ça l'arrangerait de faire passer Gia pour un meurtrier.
— Ouais mais pourquoi ?
— Ça je sais pas, je suis pas Hercule Poirot, ou Miss Marple, ou Monk, ou Détective Conan, ou Patrick Jane, ou Ps...
— C'est bon, mon amour, j'ai compris ! le coupé-je en riant. Bon, on change de sujet ?! J'veux passer cette soirée sans plus entendre parler de Neevah !
***
Le destin m'en veut. Je me promets de ne plus jamais exprimer un souhait à voix haute car après plus d'une heure à m'amuser avec mes amis, j'aperçois Neevah à l'entrée du bar. Elle est accompagnée de trois filles qui me paraissent insignifiantes à ses côtés, dont celle que j'ai déjà croisée devant la bibliothèque. Elle ne traîne sans doute qu'avec ses collègues de travail et pourtant, elle a l'air de connaître quelques mecs qui s'empressent de venir la saluer. Putain, qu'elle est canon.
Je dois ravaler la pointe piquante dans ma gorge parce qu'en plus d'être agacé par son succès évident, je suis ennuyé de ne pas pouvoir aller lui parler. Mon égo n'est pas assez fort pour continuer de lui en vouloir, après notre micro-dispute et notre fin de soirée calamiteuse, mais assez pour vouloir me protéger. Je dois me tenir aussi loin que possible d'elle.
Le corps de Cam bouscule le mien et me ramène tout d'un coup à mon moment. Sa main est accrochée à celle de Nills, qui a perdu toute once de raison après son énième cocktail ; il l'a fait tourner dans tous les sens, en rythme avec le morceau d'électro-pop qui perce les enceintes du bar. La piste de danse est pleine à craquer et c'est au milieu de cette foule de gens que je suis parvenu à m'oublier depuis mon arrivée. Mes amis en font de même si j'en juge leurs sourires jusqu'aux oreilles. Même Davis, l'éternel timide, se prête à quelques pas maladroits grâce à ses trois amis qu'il a invités.
— Allez, viens là ! m'invite Nills ou m'entraine-t-il plutôt en me saisissant la main. Ta pause est terminée !
Sans lâcher Camila, il m'incite à danser avec eux. Il s'amuse à nous faire tourner sur nous-même ou autour de l'un et l'autre, nous nous amusons à faire pareil avec lui et nous rions comme des enfants insouciants. Ça me fait le plus grand bien. Je relâche la pression des derniers jours, je lui dis d'aller se faire foutre le temps d'une soirée, je la remets à plus tard, certain d'être plus fort après pour l'affronter.
Alors que Nills passe un bras autour de mon épaule pour m'entraîner vers le comptoir, il cogne quelqu'un et j'amortis la petite bousculade. Au même moment, une plainte masculine nait derrière nous. On se retourne pour apercevoir Neevah et dans son dos, un mec qui tient son verre en l'air et la guette de son regard éméché.
— Ah bah décidément, nos corps sont aimantés ! rigole mon meilleur ami. Désolé.
— Pas de souci, marmonne-t-elle.
Elle fait un premier pas pour s'éloigner de nous quand l'inconnu, un peu trop âgé pour traîner dans ce lieu réservé aux étudiants, la retient par le bras.
— Tu pourrais t'excuser au moins ! lui reproche-t-il. T'as renversé la moitié de mon verre plein.
— C'est de ma faute, désolé, se charge Nills.
— T'es obligé de la toucher ? enchaîné-je d'un ton nerveux.
Avant de se retourner à moitié, Neevah me lance un regard empli de reproches silencieuses et je saisis que je dois me taire, au risque de faire un scandale. Tout ce qu'elle semble vouloir éviter puisqu'elle s'aplatît devant le mec :
— Je suis désolée pour ton verre, tu peux me lâcher ?
Ce n'était pas une question en fait mais un véritable ordre. Elle ne le lui laisse pas le temps d'y réfléchir puisqu'elle lui tourne déjà le dos, prête à tracer sa route. Sauf que lui ne s'interrompt pas ici. Il laisse intentionnellement traîner sa main le long de son bras pour finalement toucher sa hanche. Pas plus bas parce que je réagis sur l'instinct, m'avance, et repousse vivement son bras. Je voudrais lui faire ravaler sa boisson, bouts de verre brisé compris. Mais, Nills me bouscule pour passer devant moi et faire face à la tronche de con. Neevah s'est également retournée en ayant un peu perdu de son assurance.
— Là, j'crois que c'est toi qui lui dois des excuses, le menace Nills.
Il pouffe manquant de trébucher à cause de son manque d'équilibre. Ses yeux se posent sur la poitrine de Neevah, dévoilé par le décolleté de sa robe.
— Et puis quoi encore ? Si elle a pas de quoi me repayer mon verre, qu'elle me fasse une gâterie et on en parle plus, rit-il grassement.
Je m'apprête à intervenir quand le blond lance brusquement sa main vers le mec, qui ferme les yeux un instant sous la peur, et lui arrache son verre. Il le tend ensuite à Neevah, à ses côtés, puis lui indique un mouvement de tête vers l'inconnu que je ne saisis pas. Du moins, jusqu'à ce que Nills se décale pour la laisser passer et qu'elle balance le reste du liquide dans les yeux du connard. Mon meilleur ami applaudit et l'acclame déjà à voix haute quand elle administre un coup de genou dans l'entrejambe de son agresseur.
— J'espère que ça t'aidera à inverser ton cerveau et tes couilles pour les remettre à leur place, gronde-t-elle avant de partir pour de bon.
Le mec s'enfuit en direction des toilettes, aveuglé par l'alcool qui lui brûle les yeux. Je le regarde souffrir avec une certaine satisfaction. Non seulement je suis content qu'elle se soit vengée mais aussi que mon meilleur ami l'ait aidée à le faire.
— Oh mon Dieu, se réjouit Nills, je l'aime ! C'est une tornade, cette fille !
— Neevah Kane, dans toute sa splendeur, rigole Cam. Je dois avouer que c'était bien joué sur ce coup.
— On a tous besoin de boire après ça.
Il nous entraîne vers notre destination originelle, le comptoir du bar, où se trouve justement Neevah à quelques pas de nous. Ses doigts tapotent le bois ciré tandis qu'elle examine la carte, comme s'il ne s'était rien passé quelques secondes plus tôt. Alors que je mise sur l'ignorance, Nills en a choisi autrement :
— HurriKane ! scande-t-il en s'approchant. À partir de ce soir, t'es ma reine, je ne jure que par toi.
Il parvient à lui voler un rire discret qui perdure plus longtemps que les autres. Ça y est, c'est officiel, il lui a trouvé un surnom qui ne la quittera pas de sitôt ! Il lui tend la main l'invitant à taper dedans et contre toute attente, elle le fait.
— Nills, enchanté ! Je suis le meilleur ami de ce superbe être humain que t'as eu l'immense, l'incroyable, la fabuleuse, chance de côtoyer pendant toute une nuit. Comment tu l'as vécu ?
— J'en dors encore mal la nuit, déclare-t-elle les traits fermés.
Mon alerte au sarcasme se déclenche. Heureusement, Nills est le roi de la réplique.
— Y'a pas de souci, rit-il, Lieth Gallagher est fourni avec les somnifères.
Une fois son petit sketch passé, Neevah repère Camila et lui sourit puis me regarde finalement. La profondeur de ses prunelles me retourne l'estomac. Elle m'adresse aussi un sourire qui met un voile temporaire sur mes reproches. Est-ce que je ne serais pas en train de réfléchir avec mon cerveau d'en bas, moi aussi ? Mais, sa beauté m'absorbe. Ses braidssont relevés en une queue de cheval, en laissant seulement deux pendre devant. Son rouge à lèvre attire mon attention sur ses lèvres charnues. Sa robe épouse à la perfection son corps qu'elle sait mettre en valeur. OK, je dois relever les yeux avant d'être brûlé à la tequila.
— Merci d'être intervenu sans en faire trop, nous confie-t-elle. Je vous offre un shot !
— Ça dépend, shot de gin ou de vodka ?
Ma référence à notre débat puérile de vendredi parait la décontracter puisqu'elle se met face au comptoir, me laissant ainsi m'asseoir sur la chaise haute sur sa droite. Je profite que Nills discute avec Cam pour tester la température. Tourné vers elle, je fais exprès de toucher sa cuisse du bout de mon genoux. Cependant, je ne dis rien ; elle fait de même durant les minutes qui suivent. Comme si ce seul contact nous suffisait... Quand les shots apparaissent sous nos yeux, Nills se matérialise aussi derrière nous.
— On boit et on danse, HurriKane ? propose-t-il.
— Très tentant, ironise-t-elle, mais mes amies m'attendent.
— Quelles amies ? Je vois personne, moi.
Agacée, elle lui indique la table à laquelle est en effet installée sa petite troupe.... loin de se douter que le blond s'y dirigerait directement et proposerait aux filles de se joindre à nous. Lorsqu'il revient, suivi de la blonde et des deux brunes, il transpire le triomphe par tous les pores de sa peau.
On commande de nouveaux shots pour elles et on trinque ensemble, liés par l'ambiance commune à la salle entière. Tout le monde est ici pour oublier ses tracas, rencontrer des gens, se laisser dévorer par la joie. Neevah n'y coupe pas en dépit de ses piètres tentatives de résistance.
Nills l'entraîne au cœur de la piste, où je tente désespérément d'apprendre un mouvement de danse montré par une de ses amies. Sans aucune gêne, et aucune discrétion, il crochète nos mains ensemble puis fait mine de danser avec les filles. Je lève les yeux au ciel mais ne lâche pas pour autant les doigts chauds de Neevah.
Je l'oblige à bouger en même temps que moi, elle se laisse porter par le rythme que je lui impose. Nous réduisons au fur et à mesure la distance, nous nous laissons guidés par l'énergie autour de nous. Et définitivement par l'attraction inévitable de nos corps... Si je n'avais pas des grammes d'alcool dans le sang, j'aurais du mal à gérer ces émotions si variées en moi.
Soudain, son dos quitte mon torse ; elle se retourne, passe ses bras autour de ma nuque, se penche près de mon oreille. Je place audacieusement une main dans le creux de sa taille, envisageant un prochain rejet, mais elle ne dit rien. Elle se rapproche au contraire. La sensation de sa poitrine contre moi me coupe le souffle, je prie pour qu'elle ne l'entende pas.
— Je suis désolée de pas avoir été de bonne compagnie, débute-t-elle, et je le suis encore plus d'avoir voulu me servir de toi à mes fins.
Je hoche la tête, je suis reconnaissant qu'elle prenne la peine de me dire ça alors que j'ai fait l'effort d'un premier pas vers elle. On s'est quittés sur des mots brutaux qui ne comptent plus tellement quatre jours plus tard. Des frissons me parcourent de la tête aux pieds. Consciemment ou non, elle caresse doucement mon cou du bout des doigts. Je pose ma main libre sur les siennes afin de l'empêcher de continuer.
On échange nos regards et grâce aux maigres centimètres, je peux voir ses pupilles dilatées – sans doute autant que les miennes. Mais, une part de moi redoute malgré tout qu'elle joue de cette attirance pour m'amadouer.
— Ne joue pas avec moi, l'avertis-je.
— Je ne joue pas. Je suis sincèrement désolée.
Le fait que la musique couvre à moitié ses paroles lui offre davantage d'assurance pour les dire.
— J'étais obnubilée par le séjour de la FI parce que j'ai besoin de réponses, tu comprends ?
Nouvel hochement de tête. Elle pose cartes sur table, avec une transparence déconcertante. Elle n'est plus animée par la fureur de vendredi soir, ce soir elle parait désespérée. Probablement parce qu'elle pense avoir raté ses dernières chances d'y aller. Ou tente-t-elle de se racheter parce qu'elle sait que je suis sur liste ? Je suis plutôt certain que personne ne le sait, c'est un privilège en quelque sorte secret car ce n'est normalement accordé qu'aux membres de la fraternité.
— Comment je peux savoir que t'es sincère ?
Je réimpose une danse à nos deux corps parce que nos gestes me donnent l'impression de camoufler mon fouillis d'émotions.
— Tu ne peux pas. Tu y crois ou non, c'est tout... souffle-t-elle avec une déception perceptible.
Au fond de moi, je sais qu'elle sera mon invitée du séjour et je sais ce que cela signifie : je serai définitivement mêlé à cette histoire. Mais, quelque chose dans l'authenticité de Neevah refait naître ma petite voix combattante, celle qui me pousse à toujours me démener pour mes valeurs. Je décide de ne lui dire qu'à la fin parce que je veux profiter un peu plus de cette version d'elle qui n'a plus rien à prouver, qui a déposé ses armes sur le seuil et qui se dévoile un peu plus. Juste pour voir comment elle se comporte avec moi quand elle n'y cherche plus d'intérêts personnels.
Trouvera-t-elle d'autres choses en moi qui la convaincront de rester ?
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PETIT POINT VOCABULAIRE
NSC = North Seattle College (leur université)
FI = Fire & Ice (fraternité)
F(R)I Break = nom du Spring Break organisé par la fraternité, vacances de quelques jours pour célébrer l'arrivée du printemps et la fin des examens.
Hurrikane = jeu de mot avec Kane et « hurricane » qui signifie « ouragan » en anglais.
Helloooo,
Je sais qu'il est assez tard pour poster ce chapitre mais je préfère le faire en me disant que ça fera peut-être la bonne surprise de certain.e.s, demain matin au réveil ! Aussi parce que je bosse sur la fin depuis plusieurs soirs et que je suis rongée par mon habituelle hâte à vous partager ce chapitre que j'ADORE.
Il y a un mix de choses que j'aime écrire : de l'humour, des confessions, du Nills (une catégorie à lui tout seul), de la complicité, des questions et des soupçons, de l'attirance, de la complicité... La liste est longue !
Est-ce que vous aussi vous êtes du genre à faire des théories tordues, au jeu du loup-garou ? Du coup, Neevah villageoise ou loup ? Et Gia ? :p
Allez byeeee, désolée pour ma petite absence
Prenez soin de vous 🧡
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