Épilogue
[ Mazzy star - Fade Into You ]
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- Nathanaël, m'interpelle une voix accompagnée d'une pression sur mon épaule.
Mon regard vagabond se tourne vers Louis qui se tient à mes côtés. Je détaille son costume noir similaire au mien, puis dérive jusqu'à son visage qui affiche une mine triste. Il s'adosse de la même manière que moi contre le mur froid en pierres. Les bras croisés contre ma poitrine, je fixe le cadre qui s'offre à moi dans un mutisme pesant. Mes yeux se posent sur l'attroupement de personnes vêtues de noir qui se dissout peu à peu.
- C'était une très belle cérémonie, soufflé-je impassible.
Le cœur lourd, je tente de ravaler mes émotions lorsque je fixe la photo de ton visage affichée sur une toile. Je m'abandonne une dernière fois à ton visage d'ange ; ta peau laiteuse aux pommettes rosées, tes lèvres charnues et tes yeux verts qui rayonnent de joie. Quelques petites mèches de tes cheveux auburn s'échappent de ta queue de cheval et retombent sur ton front. Tu es souriante et pleine de vie. Mes paupières se ferment et je déglutis difficilement.
Au premier rang, ton père assis sur le banc en bois se voûte, le visage enfuit dans ses mains. Il donne l'impression de porter le pire fardeau du monde et je le comprends. Il n'est pas le seul... Les invités ne sont pas très nombreux ; ton père a préféré rendre les funérailles privées pour éviter tout scandale. Officiellement, l'affaire n'est pas encore bouclée et la police recherche toujours activement ton meurtrier. Bien que les pistes ne mènent nulle part, ils ne désespèrent pas. Ils sont convaincus que la mort de ta mère et la tienne sont liées et que le reste de ta famille demeure les prochaines victimes potentielles. C'est la raison pour laquelle un policier est posté devant les grandes portes de l'Église, mais aussi pour empêcher la presse de pénétrer et filmer ce moment intime. L'histoire insolite de cette jeune adolescente victime d'un stalker terrifiant, d'abord harcelée puis retrouvée morte suite à cette obsession mystérieuse a rapidement fait le tour de la toile et n'a pas manqué de choquer tous les médias.
- Morgane est vraiment effondrée, commente mon demi-frère en jetant un regard à sa femme. Je ne sais pas si elle réussira à se relever de ce nouveau bouleversement. Je n'ose pas imaginer ce que doit être d'affronter la mort de deux de ses proches en si peu de temps...
Elle n'est pas la seule qui souffre, ai-je envie de répondre mais je me ravise.
Cette nuit-là, l'univers a décidé de me priver cruellement de la chose la plus précieuse à mes yeux. La voiture t'a percuté à vive allure, le capot a heurté ta hanche et tu t'es écroulée sur le bitume. Le crissement aigu des pneus et le bruit de la collision du véhicule avec ton corps me hantent encore. Tu t'es éteinte, étendue sur ton lit de mort d'épines et de ronces, les membres tordus comme une poupée désarticulée. Ma lumière s'est éteinte à tout jamais de la même manière que la lueur de vie dans ton regard.
Le conducteur est descendu précipitamment de sa voiture, rongé par le choc et la peur. Les phares lumineux de son véhicule illuminaient l'horizon brumeux et désert. Il a fixé ta silhouette tout en appelant une ambulance alors que moi j'étais contraint d'observer le spectacle tragique qui se déroulait devant moi sans pouvoir agir. Ton sang peignait le sol de rouge telle une œuvre macabre. J'ai continué d'hurler intérieurement avec l'espoir de te voir te relever mais ce moment n'est jamais venu. Mon coeur s'est déchiré en deux et je me suis renfoncé dans la forêt obscure. Je n'ai même pas pû te toucher une dernière fois.
Dès lors que la vie a quitté ton corps, mon âme s'est déchirée en deux sous la pression. Cette part d'ombre s'est effacée pour me laisser seul face au dégâts qu'elle a causé. Tout est de sa faute. Je pensais que j'arriverai à te protéger de lui et qu'au moment fatidique, je te rendrai ta liberté mais j'ai lamentablement échoué. Tu n'as pas réussi à me fuir. Il ne m'a pas accordé le choix, trop assoiffé par ses pulsions meurtrières et son obsession inévitable. Je me retrouve devant ton cercueil à prier les dieux de me rendre mon amour éternel.
Je me suis empressé de retourner au chalet pour le vider de toutes mes affaires. Les photos déchirées de toi ont fini brûlées dans les flammes de la demeure pour ne laisser aucun indice. Je n'ai récupéré que ta culotte en guise de souvenir, ainsi que le cliché divisé que je gardais précieusement sur moi au quotidien. J'ai versé de l'essence en commençant par la chambre, j'ai aspergé les murs et les couvertures et après avoir franchi le seuil, j'ai jeté mon briquet sur le parquet. La traînée s'est attisée et j'ai regardé les flammes dévorer la maison, atteindre le ciel et la consumer jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un tas de cendres.
Depuis ce jour, j'ai complètement perdu le goût de vivre. Tu étais mon unique raison de vivre. Les ténèbres m'étreignent à nouveau et me plongent dans ce trou noir sans lumière. Je me sens abandonné et orphelin de ton amour. En public, je remets mon masque et joue le rôle qui m'est attribué. Je ne montre aucune émotion, ni larme qui pourrait me trahir car je ne suis pas censé être autant affecté par ta mort. Après tout, nous nous connaissons à peine... Mais la douleur interne m'est en réalité insupportable. Je suis vide. Je m'en veux. Ce jeu malsain qui m'animait autrefois a finalement scellé ton destin funèbre et maintenant je reste en retrait à me persuader que tu m'attends de l'autre côté et que le ciel pourrait bien me gratifier d'une rédemption. Je lutte contre cette voix qui me chuchote d'abréger mes peines et d'avancer l'heure de nos retrouvailles.
- Morgane veut qu'on déménage loin d'ici, m'annonce-t-il comme si j'en ai quelque chose à foutre. Elle a besoin de ça pour se reconstruire et se sentir enfin en sécurité. Je pense que c'est aussi le meilleur choix pour notre fils. On ne sait pas si ce malade rôde toujours dans les parages...
Le malade, comme tu dis, se trouve juste à tes côtés, pensé-je en essayant de contenir mon irritation. C'est plutôt une bonne nouvelle : ils n'ont aucun doute sur moi.
- Nous avons déjà loué une maison dans le sud en attendant de trouver mieux. Je crois d'ailleurs me souvenir que tu comptais emménager là-bas également alors j'espère que tu passeras nous voir de temps en temps. J'aimerais beaucoup rattraper le temps perdu, mais aussi que mon fils ait un parrain, propose-t-il avec un sourire hypocrite.
Je rêve ou ce connard me demande de devenir le parrain de son gosse en pleines funérailles ? J'ai totalement oublié que cet imbécile a gobé cette excuse montée de toute pièces car en vérité, je ne suis jamais allé visiter des maisons. Je ne souhaite pas déménager et encore moins créer un stupide lien fraternel avec cet étranger qui m'a toujours méprisé, comme le reste de sa famille. J'examine l'aînée de la famille Moreau et un élan de pitié m'envahit. Les yeux gonflés par les larmes, elle tient d'une main son ventre arrondi qui étire sa robe noire et de l'autre, se cramponne au cercueil de sa petite sœur. Ses pleures résonnent dans toute l'église et me parviennent aux oreilles jusqu'au fond de la salle.
- On verra, je réponds évasif pour qu'il me fiche la paix.
Du coin de l'oeil, je surveille Evan Perrin d'un air mauvais. La mâchoire crispée, je me contente de le lorgner avec l'irrésistible envie de lui refaire le portrait une seconde fois. Il est le seul de tes amis a avoir été invité et pleure ton départ aux côtés de ta famille. Je bouge mon pied frénétiquement pour dissiper cette décharge d'adrénaline. Ce n'est pas parce que tu n'es plus là que je n'ai plus envie de le tuer pour autant. Le simple souvenir de ses lèvres posées sur ce qui m'appartiens me suffit à raviver cette colère renfermée dans mon âme.
- Je n'étais pas très proche d'Allison mais elle va énormément me manquer, ajoute-t-il.
À moi aussi elle me manque...
Tu n'imagines pas à quel point.
- Ce psychopathe lui a même scarifié le corps, m'informe-t-il avec effroi. Je me demande quel genre de malade mental peut faire ça... Il faut vraiment être taré. Cette histoire est juste horrible.
Mes poings se crispent quand je me remémore les images sanglantes de ta poitrine lacérée de mes propres mains et je me force à les desserrer lorsque Louis le remarque. Une expression interrogatrice traverse son visage mais je l'interromps aussitôt :
- J'ai besoin d'un verre pour digérer tout ça, tu m'accompagnes ?
- L'invitation me tente beaucoup mais je ne veux pas laisser Morgane seule. Une autre fois ?
J'acquiesce et il me salue avant de rejoindre son épouse. Je lance un dernier regard furtif à ta photo sans oser m'approcher davantage puis je foule le sol jusqu'à la sortie comme dans le couloir de la mort, les chevilles enchaînées au destin qui s'offre à moi, dépourvu de ta lumière. Les journalistes m'assaillent en bas des marches pour tenter de me décrocher quelques mots sur ce qu'il se passe à l'intérieur mais je les ignore. Je gagne ma voiture et démarre en trombe. Ma route s'arrête devant un bar et je coupe le contact.
Quand je pénètre dans l'établissement, je remarque des hommes qui sont déjà bourrés en début d'après-midi avec plusieurs bouteilles en verre entassées devant eux. Je m'assieds au comptoir sur l'un des tabourets. Une musique pourrie résonne en fond sonore et les bruits des verres qui s'entrechoquent retentissent. Un vieil homme dévisage rapidement ma tenue avec mépris et se reconcentre sur sa boisson. Une serveuse émerge de l'arrière du bar et plonge ses yeux dans les miens.
- Qu'est-ce que je vous sers ? Demande-t-elle en ne se privant pas de me reluquer.
- Une bière, déclaré-je sous le choc.
Elle s'affaire alors que mes yeux se posent sur son visage familier. Je me retrouve face à cette même peau d'ivoire et cette identique chevelure brune – si ce n'est un peu plus foncée. Les traits de son visage me rappellent automatiquement les tiens et je crois te revoir devant moi. Dans ses pupilles se mélangent des nuances de marron et de vert, ce qui me confirme cette pensée.
- Dure journée, suppose-t-elle en déposant ma boisson sur la surface du comptoir.
Je hoche la tête poliment, tentant de contrôler l'excitation qui me gagne tout d'un coup lorsque ses lèvres s'étirent audacieusement. Pendant qu'elle s'occupe d'une autre commande, je m'adonne à la contemplation de cette sublime créature. Son corps menu est moulé dans un petit short en jean aguicheur et à travers son chemisier en lin, je discerne la trace de ses tétons. Elle ne porte donc pas de soutien-gorge... Intéressant.
Elle aime donc qu'on la remarque.
Elle te ressemble étrangement, au point qu'elle pourrait être ta jumelle mais un seul point vous différencie ; elle ne possède pas la candeur qui m'avait autrefois attiré chez toi. Elle est plutôt du genre rebelle, mais ça me plaît.
Quel est ton joli petit nom ?
Mon regard dérive jusqu'au badge accroché à l'étoffe de ton vêtement : Romane.
Donc tu t'appelles Romane...
Mes sens s'alertent et je ressens le besoin d'en connaître plus à son propos. L'euphorie parcourt mes veines, et je ramène le goulot de la bouteille à mes lèvres. Cette sensation d'exaltation renaît délicieusement dans ma poitrine. La brume qui m'encerclait se dissipe et j'entrevois à nouveau une lueur de lumière parmi les ténèbres.
Bonjour toi...
Enchanté de faire ta connaissance, Romane.
FIN
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C'est enfin la fin de cette grande aventure !
Je vous prie de lire le mot de fin et de répondre au questionnaire dans la partie suivante concernant l'histoire, ça m'aiderait beaucoup dans la réécriture !
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