8. Contrecoup
[ Sum41 - Pieces ]
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Je n'avais même plus la force de bouger. Mon corps ne possédait plus assez d'énergie pour répondre à mes exigences, comme si je rendais mon dernier souffle, étouffée par ma propre conscience de cette réalité qui me paraissait pourtant si lointaine. Si improbable... Combien y'avait-il de chance pour que je devienne l'obsession d'un insatiable stalker ? Très peu. Pourtant c'était tombé sur moi, Allison Moreau, une simple lycéenne de dix-sept ans. Pour ne rien arranger, cet homme se trouvait être un psychopathe invétéré, prêt à tout pour obtenir ce qu'il convoitait de plus cher ; c'était à dire moi. Si pourtant je crus au départ que je pourrais régler ce problème toute seule comme une grande, par mes propres moyens, il fallait croire que je m'étais trompée.
Hier soir, il m'avait montré qu'il n'avait pas froid aux yeux. Que tout ça n'était pas simplement des paroles en l'air : il agissait sans remords. Aucune conception morale ne le retenait des commettre ces actes sordides. Plus je m'appliquais à me repasser le film dans ma tête, plus ma haine se nourrissait à son égard. Je le détestais plus que tout. Quel drôle de paradoxe que d'haïr une personne qui m'était inconnu !
Les rideaux rabattus pour ne laisser pénétrer aucune once de lumière dans ma chambre, je me roulais en boule au fond de mon lit. Ma motivation à me rendre au lycée ce matin s'était envolée, autant que celle de voir quiconque. Mon seul souhait se résumait à m'enfermer pour au moins une bonne semaine au minimum dans mon antre. Pouvoir me reposer et remettre mes idées au clair. Notamment en ce qui concernait cet homme dont je ne voulais plus entendre parler.
Deux coups tambourinèrent sur ma porte et la voix de Zayn résonna de l'autre côté :
- Allison, tu ne veux pas sortir ? requit mon colocataire, l'air désespéré. Viens au moins avaler quelque chose... J'ai fait des crêpes.
Je remontai mes draps jusqu'à mon visage pour me couvrir et atténuer les sons qui parvenaient à mes oreilles. Je ne désirais qu'une chose : rester dans ma bulle à l'écart de tout. Malheureusement, mon absence de réponse ne parut pas convenir à Zayn puisqu'il administra de nouveaux coups – nettement plus forts – sur la porte. Pour bien lui faire comprendre mon agacement, je lâchai un grognement mécontent. Zayn sembla prendre ça comme une invitation à entrer puisqu'il entrouvrit de quelques centimètres la porte et se faufila à l'intérieur de la pièce.
Le noir se dissipa quand il ouvrit les rideaux et que le soleil printanier illumina l'espace. Je cachai à l'aide de mes bras, mes yeux qui ne manquèrent pas de se faire agresser par ce surplus de lumière. J'enfuis ma tête un peu plus profond dans mon oreiller.
- Il est quelle heure ? maugréai-je emmitouflée dans ma couverture.
- Presque midi, m'indiqua Zayn, et tu n'es pas au lycée à ce que je peux constater.
Je n'avais pas la foi pour entendre ses reproches.
- Je suis malade, mentis-je. Tu pourrais me laisser me reposer en paix, maintenant ?
Il s'approcha du lit et dégagea mes cheveux en bataille pour avoir accès à mon front. Il y posa sa main et évalua ma température.
- Tu n'as pas de fièvre pourtant, conclut-il. Si tu te sens autant mal, je dirais plutôt que c'est ta gueule de bois d'hier soir.
Je soupirai car Zayn avait tendance à me surprotéger, en quelque sorte comme le grand frère que je n'avais jamais eu. Si cela pouvait s'avérer lourd parfois, ce besoin découlait surtout d'une bonne intention. Je m'en voulais de lui demander de déménager parce qu'après notre dernière discussion, un froid s'était installé et pourtant, il n'hésitait pas aujourd'hui à s'occuper de moi.
La fête de la veille aura été un vrai fiasco suite à ce moment affreux en compagnie du fameux stalker, Enzo étant trop bourré ne pouvait pas nous ramener. Elena avait bien écrit à son frère, la raison de sa présence à cette maudite soirée. Tout naturellement, il proposa de nous conduire chez nous. De toute façon, c'était pas comme si nous avions une autre solution. Ainsi, je me retrouvai à l'arrière de cette voiture, coincée entre une jade endormie et un Enzo sur le point de vomir à tout moment. Elena à l'avant s'était fait réprimander par Liam durant tout le trajet.
Par moment, mon ex-copain me lançait des regards dans le rétroviseur que j'esquivais en feignant de m'intéresser au paysage. Si on ajoutait à ça ma dispute avec Evan, il ne me restait plus grand-chose pour me consoler. Je pensais aussi pouvoir rayer Zayn de la liste, car après lui avoir fait part de ma décision, il devait sûrement être déçu. Mais je me rendais compte que peut-être mon colocataire ne se réduirait pas à ça et l'instant présent me le prouvait.
- Probablement.
Même si je savais pertinemment que là n'était pas la raison, j'acquiesçai. Au fond de moi, je connaissais la vraie raison de mon mal être et c'était une personne, horrible qui plus est. Mon colocataire s'assit sur le matelas à mes côtés et je me retournai dans le sens opposé. J'évitais de lui laisser une chance de décrypter ma douleur sur mon visage. Soudain, je sentis ses doigts effleurer la peau de mon cou. Je retenus mon souffle, sachant pertinemment ce qu'il retraçait.
- Allison. C'est quoi cette marque sur ton cou ?
Je déchiffrais de l'inquiétude dans sa voix. Il se redressa et m'ôta la couverture qui s'effondra sur le parquet. Je fermais toujours les yeux, pensant naïvement que si je l'ignorais, je pourrais ainsi disparaître et échapper à ses questions.
- Allison ! haussa-t-il le ton avant de me prendre par l'épaule afin que je sois face à lui.
J'ouvris timidement les yeux, et la vision d'un Zayn hors de lui me fila des frissons. Je me redressai dans le lit. Ma main vint recouvrir la marque, par automatisme et je fronçai les sourcils.
- Rien. En aucun cas ça ne te regarde, Zayn.
Il parut blessé que je le repousse mais fit de son mieux pour le dissimuler. Il n'abandonna pas pour autant son interrogatoire qui commençait sérieusement à me gonfler.
- Tu ne me dis plus rien depuis quelque temps... me reprocha-t-il. C'est normal que je m'inquiète !
- Tu n'as pas besoin de t'inquiéter. Je vais bien, affirmai-je avec beaucoup de difficulté.
Je ne reconnaissais même pas la voix qui avait prononcé ces mots. C'était faux. Je n'allais pas bien. J'avais l'impression de mourir de l'intérieur sauf que si je décidais de tout raconter à Zayn, il en payerait certainement les frais car un dangereux stalker menaçait de s'en prendre à mes proches si jamais j'avais le malheur de le contredire. Mettre au courant Zayn serait une grosse erreur.
- Je te jures que je vais m'occuper de celui qui...
- Non ! le coupai-je. Tu as écouté ce que je viens de te dire ?
Il tourna en rond dans la pièce et me fixa accablé.
- Tu ne vas pas quand même essayer de me faire avaler que ce suçon n'a aucun rapport avec le fait que tu ne veuilles pas aller en cours ce matin ? C'est bien ça qui te met dans cet état.
- Tu as tout faux.
Il vint s'accroupir au bord de mon lit et ancra son regard dans le mien.
- Si quelqu'un a abusé de toi, tu peux me le dire... confia-t-il avec tendresse pour ne pas me brusquer.
Un ultimatum se présentait à moi : lui avouer ce poids qui me pesait depuis ces dernières semaines au risque de mettre en danger la vie de mes amis et de ma famille, ou préserver le secret encore un peu, en attendant de trouver une solution qui n'inclurait pas de sacrifier ceux que j'aimais.
- Personne ne m'a forcé, assurai-je avec une conviction tellement forte que j'y croirais presque. J'ai un copain, voilà tout.
Je vis la bouche de Zayn se suspendre et ses yeux s'arrondir. Mon colocataire ne paraissait pas être préparé à cette possibilité.
- Un nouveau copain ?
Par réflexe, je répondis que non, puis bafouillai des excuses pour rattraper mes propos contradictoires.
- Tu t'es remise avec Liam ? C'est ça que tu essayes de me dire ?
Liam ? Jamais de la vie !
- Oui... Tout à fait !
Il fut étonné de l'apprendre mais ne dit rien. Pour lui avoir raconté quelques bribes de notre
relation – précisément le passage où Liam me trompa – Zayn ne le portait pas vraiment dans son cœur. Il se racla la gorge, peut-être honteux des prédictions hâtives qu'il avait émis et se grata le menton.
- Bon, vu que je sais que tout va bien maintenant, je vais aller au garage. Ce soir je risque de sortir avec des amis. Je rentrerai probablement tard, m'informa-t-il comme un parent le fait à son enfant. Tu penses que ça va aller, toute seule ?
Je levai les yeux au ciel.
- Pourquoi ça n'irait pas ? Je n'ai plus six ans, plaisantai-je.
Il rit et me gratifia d'un petit coup sur l'épaule, puis sortit de ma chambre pour me laisser seule, face à mes démons.
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