48. Survivre

[ Chelsea Wolfe - Survive ]

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   Mes pieds foulaient la terre boueuse au rythme de ma course effrénée. Mon coeur menaçait de sortir de ma cage thoracique alors que je continuais de m'enfoncer dans la forêt environnante, sans me retourner. La fraîcheur de la nuit m'enveloppait, faisant trembler mon corps entier parmi la noirceur qui m'aspirait et dans laquelle je me perdais progressivement. Je filais à travers les arbres, les branches et les épines qui m'écorchaient les bras. Mes forces me quittaient peu à peu mais m'arrêter n'étais pas une possibilité. Pas quand ma vie en dépendait. 

    La forêt s'étendait à perte de vue et malgré la distance qui me séparait du chalet, je n'apercevais toujours aucune route, ni issue pour mettre fin à mon cauchemar. Les pas du prédateur retentissaient tout autour de moi, de toutes les directions à la fois, comme s'il m'encerclait. Il me traquait. La bête noire me suivait, s'amusait à me chasser. Pour lui cette poursuite n'était qu'un divertissement excitant qui assouvissait ses pulsions sanguinaires.

    La torture que ma cheville m'affligeait à chaque contact avec le sol me condamna à m'arrêter au prix de mon existence. Je me traînai jusqu'à la souche d'un arbre qui me parut assez large pour me camoufler à travers l'obscurité. Le dos calé contre le tronc rugueux, je repris difficilement mon souffle. Ma poitrine s'élevait et s'affaissait à un rythme élevé, si bien que je crus le temps d'un instant qu'il me serait impossible de me calmer. Une vive brûlure s'emparait de mon bras droit et grâce aux rayons scintillants de la pleine lune, je découvris avec horreur mon épiderme lacéré de coupures par lesquelles du sang s'échappait.

- Allison... nargua sa voix au loin comme les douces notes mélodieuses de la mort.

    Un gémissement s'enfuit de mes lèvres alors que je ramenais mon bras souffrant contre ma poitrine. Mes tremblements redoublèrent quand des bruits retentirent de façon cinglante autour de moi. Le murmure des feuilles piétinées martelait mon esprit sans pitié, signe qu'il se rapprochait dangereusement. Je plaquai ma main contre ma bouche pour étouffer les sons de ma peur grandissante alors que des larmes teintées de désespoir roulaient le long de mes joues, laissant une traînée amère du funeste destin qu'il me réservait.

- Je sais que tu es là, provoqua-t-il avec effervescence en prenant une grande inspiration, je le sens...

    Les branches craquèrent sous ses pieds à mesure qu'il se faufilait entre les arbres. Lorsque sa silhouette menaçante apparut à quelques mètres seulement de mon corps frêle, recroquevillé dans la terre au pied de cet arbre, je retins ma respiration péniblement.

- Où te caches-tu... 

    Grâce à l'ombre qui me dissimulait, son regard balaya les alentours sans me discerner. Le soulagement m'envahit alors qu'il disparaissait dans la direction opposée à travers le feuillage. Les membres pétrifiés, je me redressai sur mes jambes avec l'intention de déguerpir à contre-sens pour le semer. Mon pied se posa sur le sol douloureusement et je dus planter mes ongles dans le tronc de l'arbre pour me rattraper et ne pas tomber.

    Une branche crissa à travers le silence perçant.

    Mon corps se paralysa aussitôt lorsque je compris l'erreur que je venais de commettre et qui allait me coûter cher.  Accroupie à terre, m'appuyant de tout mon poids sur ma blessure, je restai statufiée avec l'espoir de me fondre à l'obscurité. Les yeux fermés. La mâchoire tremblante. Un ange passa tandis que je m'immobilisais d'effroi. Le vent sifflait, effleurait la pointe de mes oreilles alors que je perçus mon agresseur faire demi-tour avec un rire mesquin.

- On dirait bien que le destin veuille nous réunir, déclara-t-il moqueur en inspectant les environs.

    Sa carrure agile se déplaça férocement en repoussant les branches dans la noirceur de la nuit. Il progressait doucement dans ma direction. Avec toute la discrétion que je possédais, je rampai au sol pour me cacher derrière l'autre côté du tronc. Je ne pouvais pas courir tant ma cheville me faisait souffrir et de toute manière, il se mettrait aussitôt à ma poursuite et avec mon manque d'endurance, le gagnant était déterminé d'avance.

- Ça tombe bien parce que nous n'avons pas fini de jouer, toi et moi.

    Ses paroles me glaçaient le sang alors qu'il rôdait tel un prédateur. Les bruissements qui m'indiquaient qu'il s'orientait droit vers moi amplifiaient mon angoisse.

- Allez... s'impatienta-t-il. Montre-toi.

    Soudain les branches craquèrent à quelques centimètres seulement, juste dans mon dos. Un frisson d'effroi me parcourut l'échine. Un silence écrasant s'abattit dans l'atmosphère alors que je n'osais plus esquisser un seul geste. Je le sentais, tout près de moi, penché sur mon épaule. Les cheveux de ma nuque se dressèrent. Un souffle chaud s'échoua au creux de mon cou alors qu'il prononça ce simple mot qui me condamnait par ailleurs à mon pire supplice :

- Trouvée.

    Mon corps se liquéfia instantanément tandis qu'il m'empoigna par les cheveux. Une plainte s'éleva lorsque celui-ci tira davantage sur mes racines. Il me força à me mettre debout et ses iris bleues pleines de malice rencontrèrent les miennes. Dans son regard je ne décelai aucune once de culpabilité. Un rictus pervers déformait la commissure de ses lèvres et il prit mon visage en coupe non sans émettre une pression qui me fit serrer les dents. Ses doigts s'enfoncèrent sans pitié dans ma chair comme s'il s'apprêtait à me broyer les os de la mâchoire.

- Tu ne pensais pas pouvoir m'échapper, quand même ?

- Lâche-moi, réussis-je à articuler malgré sa poigne.

    Pour réponse, il me libéra violemment et je tombai lourdement au sol. Ma cheville me lança une nouvelle fois et je me glissai sur le ventre. Les coudes enfoncés dans la terre humide, je me traînai dans la boue pendant plusieurs mètres sous ses rires moqueurs. Il m'observait dans cet état critique, tentant d'échapper en vain au monstre qu'il était, et se délectait du spectacle que je lui servais. Déterminée à ne pas lui faire cet honneur, je poussai sur mes bras pour me remettre sur mes jambes vacillantes mais sa main s'enroula autour de ma cheville.

- Où crois-tu aller comme ça ? Railla-t-il en me tirant jusqu'à lui.

    Mon corps heurta une nouvelle fois le sol et je me fis attirer par sa poigne. Mon visage traîna dans la terre lamentablement alors que je toussais pour en éjecter la quantité avalée. Son regard diabolique me jaugea, impitoyable et dénué d'émotions.

- Tu es vraiment pathétique, cracha-t-il avec pitié.

    L'homme qui se tenait devant moi n'avait plus rien à voir avec le gentil Nathanaêl, ni même celui qui me suivait durant des mois et déclarait entretenir une obsession déviante à mon égard. Bien que cet homme usait de la manipulation, de violence et de coups bas pour me posséder corps et âme, cette partie de lui ne m'aurait jamais fait de mal. Il ravivait les morsures de mon coeur meurtri pour ensuite les panser. Il souhaitait créer une dépendance chez moi pour que je lui appartienne. Il me violentait, me faisait souffrir délibérément mais n'irait pas jusqu'à causer l'irréversible. Pour la première fois face à moi se trouvait le monstre sanguinaire aux pulsions horrifiques.

- Tellement naïve...

    Entre ses griffes aiguisées, ma vie ne tenait qu'à un fil et j'ignorais les limites dont il était prêt à s'affranchir. La lueur brillante dans son regard trahissait le plaisir qu'il éprouvait à me torturer psychiquement. Cette sensation de pouvoir, de contrôle et de domination le gratifiait d'un frisson d'adrénaline excitant qui le poussait à agir de la sorte. Il aimait voir souffrir ses victimes. Il se nourrissait de la peur dans leurs yeux, de cette pâleur qui révélait leur faiblesse et de l'effroi qui déformait leurs traits. Il ne se contentait pas de les tuer simplement. Ce qu'il désirait, c'était assister à l'anéantissement de sa proie. Il la tourmentait jusqu'à la détruire intérieurement et l'enterrer au plus profond sous terre.

- Tu ne me fais pas peur, fulminai-je.

- Pourtant tu devrais, murmura-t-il d'une voix maléfique.

    Les bras musclés de mon agresseur m'attrapèrent sans ménagement et mon corps bascula sur son épaule. Je me débattis alors que sa main se posait à l'arrière de mes jambes pour me maintenir dans cette position. Le sang me montait à la tête. Je plantais mes ongles dans son dos pour le faire lâcher mais il ne broncha pas. Le sol défilait sous mes yeux au rythme de ses pas tandis que ma peur grandissait à l'idée de rentrer au chalet et de finir le restant de mes jours enfermée dans cette cage si toutefois il décidait de me laisser en vie.

    Retour à la case départ.

- Repose-moi !

    Mes agitations le contraignirent à me libérer. Lorsque mes pieds s'implantèrent dans la terre ferme, une vague de soulagement me gagna mais cette illusion s'effondra quand il me surplomba de toute sa hauteur, ses yeux effrontés plongés dans les miens, et une grimace qui tordait ses lèvres imprégnées de ses vices et dont s'amusaient à sortir ces mots terrifiants qui visaient à me faire fléchir.

- Que dirais-tu de jouer à un petit jeu, proposa-t-il innocemment comme si le moment s'y prêtait.

- Je ne joues plus, déclinai-je avec dégoût.

- Vois ça comme une nouvelle règle instaurée, histoire de pimenter les choses, trancha Nate avec insistance.

    Sans me laisser le choix, il se mit à tourner tout autour de moi comme un vampire qui se préparait à bondir sur sa proie pour lui sucer le sang. Il finit par se placer derrière et les yeux fixés dans l'horizon, je ne laissai aucune trace de mes émotions transparaître. Ses mains firent pression sur mes épaules pour m'obliger à m'incliner. Mes genoux touchèrent le sol et je me sentis terriblement humiliée. Comment pouvait-il se montrer aussi cruel ? J'étais bête d'avoir cru que mes aveux à la police suffiraient à l'éloigner et que je pourrais retrouver mon ancienne vie. Je comprenais à présent les règles et je sus que la partie ne s'achèverait que lorsqu'un de nous deux serait hors jeu.

    L'un d'entre nous devait perdre au prix de sa vie.

    C'était lui ou moi.

- Je vais te poser des questions et à chaque mensonge ou réponse incorrecte, tu auras le droit à un aperçu de la colère dans laquelle tu m'as mis, commença-t-il en décalant ma crinière brune pour accéder à mon oreille. Si tu croyais avoir vu le pire en moi, tu n'es pas au bout de tes surprises. Arrivée à trois mensonges, chuchota-t-il au creux de celle-ci, je te laisse imaginer ce qu'il adviendra. Au contraire, si tu te montres honnête, peut-être que je te fournirai des réponses à tes questions...

    Les doigts gelés du détraqué effleurèrent mon cou avec une fausse tendresse. Le toucher de sa peau contre la mienne me filait la nausée. Je voulais qu'il dégage ses sales pattes de mon corps. Je souhaitais juste rentrer chez moi et m'enrouler dans les draps de mon lit, en sécurité et entourée de ma famille. Je rêvais de prendre ma sœur dans les bras, rassurer mon père qui devait être mort d'inquiétude... Mais d'abord, je devais gagner cette manche car je n'étais pas prête d'y laisser ma peau. Je me battrai sans relâche ni retenue. Tous les coups étaient permis.

- Première question, reprit-il. Es-tu effrayée par celui que je suis ?

- Non.

- Mauvaise réponse, signifia-t-il en enroulant les longueurs de mes cheveux autour de son poing et tirant fermement dessus.

    Ma tête suivit la direction de ses mouvements tandis que je serrais les dents pour contenir le cri de rage qui me foudroyait. Un frisson traversa ma colonne vertébrale et mes jambes tremblèrent sous la violence de sa prise.

- Tu vois, c'est marrant car ton corps me dit exactement tout le contraire...

    Il me délivra tout en esquissant un rictus satisfait et se remit devant moi, les bras croisés sur le torse de manière autoritaire. Un mensonge. Je m'embarquais sur un terrain glissant mais ma volonté de le contredire et de ne pas lui faire le plaisir de me soumettre me démangeait ; c'était ma façon à moi de riposter face à sa force physique supérieure à la mienne.

- Qu'est-ce que je t'inspire dans ce cas ? Demanda-t-il de nouveau comme une question piège.

- Le dégoût, pauvre malade !

    Son visage se rembrunit à peine mes mots furent prononcés. Il s'accroupit à quelques centimètres de mon visage, la mâchoire crispée, et m'avertit :

- Surveille ton langage, Allison.

    Poussée par une vague d'adrénaline mêlée à de la haine, je lui crachai dessus. Ses paupières se fermèrent. Je regrettais déjà mon geste stupide. Il s'essuya rageusement la zone à l'aide de la manche de son pull. Sa respiration se fit plus lourde, ce qui me signifiait que je venais de dépasser la limite à ne pas franchir. Mon visage fut déporté vers la droite sans que je ne m'y attende. Une vive brûlure enflammait ma joue que je recouvris de ma main. Il venait de me gifler.

    Deuxième chance expirée je suppose...

- Fais très attention, mon amour. Il ne te reste plus qu'une chance de bien te comporter, après je ne serai plus aussi clément.

   Ce surnom abject résonna comme une offense et attisa ma répulsion.

- Aimes-tu quelqu'un d'autre ?

   Est-ce que j'aimais quelqu'un d'autre ? Bonne question...

- Non.

    Le visage d'Evan s'imprima aussitôt dans mon esprit et je craignis que Nate ne lise mes pensées. Ce n'était qu'un mensonge à demi-teinté car je ne savais pas moi-même ce que je ressentais pour mon meilleur ami. Il y avait même des chances pour que je ne le revois plus, ainsi que tous les gens auxquels je tenais. Je préférais ne pas me torturer avec cette idée.

- À qui appartiens-tu ?

- Personne !

- Aurais-tu oublié les principes de base ?

- Tu peux toujours rêver si tu crois pouvoir me revendiquer tienne, éclatai-je comme une furie. Ce n'est pas parce que tu me suis et agis comme un psychopathe en gardant une pièce entière de photos de moi que je t'appartiens pour autant.

    La silhouette de mon pire cauchemar se redressa et me toisa de toute sa hauteur. La position demeurait douloureuse, mes genoux creusaient le sol et mon dos se courbait de fatigue. Soumise à ses pieds de la sorte, il me privait de toute dignité. Je n'étais plus qu'un objet – son vulgaire jouet – dont la vie dépendait de son bon vouloir. Il répéta sa question avec plus de sévérité et je me mordis l'intérieur des joues lorsque je mis mon humanité de côté et répondis :

- À toi.

- Tu apprends vite quand tu veux, remarqua-t-il avec ironie. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi...

    Nathanaël inclina la tête comme s'il réfléchissait. Un vertige s'empara de moi alors que des milliers de scénarios me venaient à l'esprit ; Allait-il me garder prisonnière ? Me torturer pour ensuite me tuer ? Ou bien passer à la solution la plus rapide et se débarrasser de moi directement ?

- Tu as tout gâché, me reprocha-t-il agressivement. Pourquoi a-t-il fallu que tu rendes les choses encore plus compliquées qu'elles ne l'étaient déjà ?

- Tu vas me tuer ? Tentai-je sans vraiment désirer savoir la réponse.

- Je devrais d'après toi ? 

    Il riposta avec une once de mystère qui ne présageait rien de bon. Mon estomac se tordait à l'idée de finir enterrée six pieds sous terre dans cette forêt glauque et de ne plus jamais pouvoir retrouver mes proches. Les images qui se diffusaient à la télévision me revinrent en mémoire et un espoir naquit mais vite dissipé par le fait qu'il était déjà trop tard...

- Les policiers sont à ma recherche et finiront par te retrouver, annonçai-je avec conviction pour le dissuader du sort qu'il me réservait alors qu'au fond j'avais perdu tout espoir.

- Crois-moi, ils ne m'ont même pas soupçonné lorsqu'ils m'ont interrogé pas plus tôt que cet après-midi. Je jubilais intérieurement alors que je leur mentais dans les yeux et ils ont gobé tous ce que je leur ai raconté.

    Je compris que plus rien ne l'empêchait d'agir. Il avait réussi à manipuler tout le monde. S'il le souhaitait, il pouvait me découper en morceaux et ensevelir mes membres sous la terre de cette forêt et personne n'en saurait jamais rien. Je n'avais pas seulement affaire à un stalker insatiable qui cultivait les obsessions malsaines et perverses, mais devant moi se trouvait un monstre aux pulsions meurtrières et qui n'hésiterait pas à passer à l'acte.

- Pourquoi moi ? J'aimerais comprendre...

    Si je devais mourir aujourd'hui, ma dernière volonté demeurait d'obtenir des explications sur ce qui m'avait mené à devenir la proie de ce dérangé. Qu'avais-je de plus que les autres filles ? Quand m'avait-il aperçu pour la première fois ?

- On m'avait invité seulement par pure politesse pour ne pas plier aux bonnes manières, débuta-t-il amèrement. Ma famille entière – et même celle supposée être ma mère – me reniaient comme le grand méchant loup du village. Ce soir-là j'ai accepté de me rendre à cette réception sans trop savoir pourquoi ; au fond j'espérais créer des liens avec ces personnes pour lesquelles je n'existais même pas... Je restais reculé dans l'ombre comme à mon habitude, sur le point de m'en aller lorsque je t'ai aperçu dans cette robe sobre aux détails dorés. Tes cheveux mordorés tombaient en cascade avec élégance dans ton dos et ta peau d'ivoire brillait sous la lumière argentée. Tu détonnais parmi ce décor ostentatoire.

    Le souvenir enfui de cette réception en l'honneur du nouveau couple de ma sœur et de mon demi-frère me frappa de plein fouet. Cette soirée m'était complètement sortie de la tête dans la mesure où elle datait de près d'un an. Les parents de Louis organisaient des soirées à chaque opportunité qui se présentait surtout quand il s'agissait de leur fils bien aimé. Durant toute une soirée je m'étais ennuyée comme la plupart du temps à ce genre d'évènement stupide, seulement par la faute de ma mère qui me forçait à m'y rendre. Me suivait-il depuis aussi longtemps ? 

- Tous les invités se pavanaient fièrement dans cette salle de bal, une coupe de champagne à la main et riant avec exagération. La façon ridicule dont ils étalaient leur argent me répugnait. Quand mes yeux se sont posés sur toi, noyée au milieu de cette marée humaine, j'ai directement su que tu étais faite pour moi, retraça-t-il ses souvenirs avec nostalgie. Ton visage chaste, ton regard innocent qui exprimait l'égarement et tes lèvres charnues qui appelaient pourtant à la luxure... Tu dominais la gente masculine sans même t'en rendre compte. Tu restais en retrait de la même façon que je le faisais. J'ai directement compris que tu étais différente d'eux ; tu n'accordais aucune importance à l'opulence et la superficialité. Tu détestais ça au même prix que je méprisais les gens de ce milieu.

    Cette simple soirée sans importance à première vue avait en fait scellé mon sort et me ramenait au moment présent ; celui où je demeurais l'obsession d'un détraqué qui tenait ma vie entre ses mains et pouvait à tout moment décider de m'en priver.

- Tu m'as aussitôt hypnotisé et je t'ai observé durant toute la soirée sans pouvoir détacher mes yeux de toi, avoua-t-il en jouant avec une mèche de mes cheveux. Quelle ironie de tomber aux pieds d'une fille Moreau à mon tour de la même manière que mon ennemi juré... Au fond on a au moins un point en commun, sûrement dans les gênes de la famille, plaisanta-t-il avec un sourire qui me dévoila ses dents féroces.

    J'étais tombée sur le plus détraqué des deux...

- Après ça je n'ai pas arrêté de te suivre mais je n'ai jamais voulu te faire aucun mal. Tu es bien trop précieuse à mes yeux. Tu es la chose à laquelle je tiens le plus au monde mais tu n'as pas arrêté de me trahir et de détruire peu à peu notre amour. Nous voilà donc ce soir au point de non-retour...

- Pourquoi ne pas m'avoir abordé comme une personne normale ?

- Me rapprocher de toi dans la réalité ne figurait pas dans mes plans, confessa-t-il enfin alors que je fronçais les sourcils. Mon obsession pour toi me poussait à t'observer, te traquer et te surveiller à longueur de temps car je ne pouvais me résoudre à ignorer ce que tu faisais à chaque minute de la journée... Puis mes sentiments ont grandi et m'ont dépassé sans que je ne puisse les contrôler et un soir, j'ai craqué par l'envie si forte de te toucher, d'effleurer ton corps et de sentir ton parfum pour de vrai. Mes rêves devenaient enfin réalité. Tu sais, toi et moi on se ressemblent plus que tu ne veux l'avouer.

    Il parlait de ce fameux soir où il était rentré dans ma chambre. J'étais effrayée et ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait et jamais je n'aurais envisagé que cette histoire irait aussi loin.  Toutes les fois il m'avait caressé, embrassé et manipulé à sa guise me comprimaient douloureusement le coeur.

- Je n'ai rien à voir avec toi, m'époumonai-je.

- C'est ce que tu crois mais quand je t'aurais marqué, tu n'en douteras plus jamais, trancha-t-il en sortant un petit couteau suisse de la poche de son jean sombre.

    Il déplia la lame sous mes yeux, la bouche retroussée dans un rictus mauvais. Je voulais crier, hurler de toutes mes forces pour le repousser mais aucun son ne franchit la barrière de mes lèvres tremblantes. Je tombai au sol, à quatre pattes, les mains enfoncées dans la terre brune et criant intérieurement de désespoir tandis que son ombre reflétée par les spectres nocturnes s'agitait et progressait redoutablement jusqu'à moi.

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Hello !
J'espère que vous avez aimé ce chapitre car nous sommes bientôt à la fin... il ne reste plus que deux chapitres + l'épilogue et l'histoire passera ensuite en réécriture ( je ne sais pas encore si je vous posterai la nouvelle version )
N'hésitez pas à me suivre sur mon Instagram ( = flamesofwriting ) pour être au courant de l'avancée et de la suite de mes projets qui sortiront ! ; )

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