44. Imprévu

   [ Alexandre Desplat - The meadow ]

                                    ✘ ✘ ✘

   Ton corps allongé près du mien me comble de satisfaction. Tes cheveux aux reflets auburn s'étalent majestueusement sur l'oreiller et tes mains trouvent refuge contre ton visage de porcelaine. Tes lèvres innocentes murmurent des gémissements alors que quelque chose semble de tracasser dans ton sommeil. Tu t'agites et soudain, pose ta tête au creux de mon cou, le bras sur mon torse. Un petit rire silencieux m'échappe et je t'observe avant de refermer les paupières pour replonger dans le pays des songes avec un sourire de pur bonheur. J'aimerais me réveiller ainsi à tes côtés pour l'éternité.

   Mon téléphone sonne et rompt le moment de paix et de sérénité qui m'habite. Je tâtonne la table de chevet et l'attrape distraitement sans te quitter des yeux. Le nom qui s'affiche à l'écran m'arrache un soupire et à contrecœur, je décroche.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Réponds-je agacé.

   La voix de mon interlocuteur résonne à l'autre bout du téléphone comme une musique disgracieuse :

- Où es-tu ?

    Je rabats le drap et décale ton bras doucement pour ne pas te réveiller, puis pars m'enfermer dans la salle de bain adjacente.

- Depuis quand ça te regarde ?

   Il soupire et je perçois à travers le combiné son exaspération. Après avoir placé l'appel en haut-parleur je l'abandonne sur la vasque. Je ne comprends pas pourquoi il vient me déranger un lundi matin à sept heures !

- Depuis que nous sommes frères, déclare-t-il avec ce ton méprisant que je rêve de lui faire ravaler.

- Nous ne l'avons jamais été et ne le serons jamais.

   Je fais passer mon t-shirt par-dessus mes épaules et le retire. Mon reflet s'affiche dans le miroir face à moi et je m'observe. Je fixe des yeux cet homme empreint de vices. Cette lueur mauvaise qui se reflète dans la profondeur de mes pupilles et qui menace de ressortir à tout moment.

- Si tu passais directement à la raison de ton appel ? Qu'est-ce qui me vaut l'honneur ? Demandé-je sarcastiquement.

   Mon regard dérive vers ma blessure au bas-ventre. Je retire le pansement stérile avec un gémissement de douleur que j'étouffe entre mes dents serrées. La plaie est encore rouge sur les bords mais ce n'est qu'une lésion superficielle.

- Les enquêteurs ont demandé à parler aux proches d'Allison, déclare Louis sereinement.

    Je désinfecte la plaie pendant que je rétorque :

- Et donc, qu'est-ce que tu veux que ça me fasse ?

    Mon ton détaché a pour but de feindre un désintérêt total et ainsi ne pas attiser les soupçons. Je couvre la marque de ma lionne avec un nouveau pansement et avale deux cachets de paracétamol pour atténuer la douleur.

- Ils ont demandé à t'interroger aussi...

   Aussitôt mon coeur cesse de battre et mes lèvres s'immobilisent. Je reste muet.

- Ils veulent te parler dans la journée, il ajoute sérieusement alors que j'attends qu'il éclate de rire et me certifie que c'est une blague.

    J'ouvre le robinet, me penche en avant et m'asperge d'eau froide pour me réveiller et peut-être avec chance, remettre mes idées en place. Pourquoi la police désire-t-elle me parler ? Ont-ils des soupçons à mon égard ?

- Pourquoi ? Je ne la connais même pas réellement... Mens-je pour justifier ma réticence. Nous nous sommes à peine parlé à votre mariage.

    Ma voix est un peu plus sèche mais je me rattrape à la suite de mes propos.

- Je ne vois pas en quoi je pourrais faire avancer l'enquête...

- Pour n'écarter aucune piste, ils demandent à s'entretenir avec tous les membres l'ayant approchée ces trois derniers mois, indique-t-il avec une once d'inquiétude perceptible dans la voix. Cela ne veut pas dire qu'ils te traitent comme suspect. De toute façon, comme vous ne vous êtes croisés qu'une seule fois, ça sera rapide.

    Je grogne intérieurement et lorsque je me regarde dans la glace, me retiens d'envoyer mon poing et de la briser. Cette contrariété grandit et je sens cette partie obscure émerger en moi. La colère filtre dans mes veines et mes muscles se tendent.

- Je ne sais pas vraiment où tu te caches encore mais tu as jusqu'à ce soir pour te montrer au commissariat, reprend-il.

- Je ne suis pas en ville.

- Et alors ? Tu peux quand même trouver le temps de rouler jusqu'ici.

    Les heures qui me séparent de Paris s'additionnent dans mon esprit et je fais le calcul.

- Je visite des maisons dans le sud, inventé-je de toutes pièces. Mais je vais essayer de remonter avant ce soir.

- Parfait.

    Peu à peu ce tourbillon noir se dissipe jusqu'à s'éteindre . Mon irritation s'envole et le feu ardent ne laisse que de petites étincelles qui meurent lorsque je respire lentement pour me calmer.

- Je ne savais pas que tu voulais emménager dans le sud. Il paraît que...

    Je raccroche au nez de mon interlocuteur, ce qui met fin à l'appel.

    Ma principale mauvaise humeur et causée par cette nouvelle qui me force à partir durant de longues heures de la maison et donc te laisser toute seule ici. Comment avoir confiance en toi et être certain que tu ne vas pas tenter d'en profiter pour t'échapper ? Devrais-je rester ici au risque de provoquer des soupçons mais avoir la certitude que tu restes près de moi ?

    Mais mes pensées se noircissent davantage lorsqu'elles se dirigent vers le visage de celui que je méprise plus que tout. Celui qui m'a volé ma mère, et ma vie toute entière.

    Mes pulsions se réveillent et aboient comme des monstres enragés. Elles hurlent à la mort, réclament le chaos et implorent à la vengeance. Leurs cris tambourinent dans ma tête, se cognent contre les parois de mon esprit et demandent à voir le sang couler.

    Je me tiens pitoyablement la tête et hurle intérieurement pour les chasser.

    Mon chemin se rebrousse jusqu'à la chambre. Je m'approche du lit et m'accroupis à ta hauteur. Je jette un coup d'oeil à ton visage puis fais courir mes doigts le long de ta joue. Tes yeux s'entrouvrent et me fixent avec fatigue.

- Je crains de devoir te laisser seule pendant une journée entière, chuchoté-je en te détaillant avec tendresse.

    Cette décision me terrifie mais je n'ai pas le choix.

- Où vas-tu ?

- Ce détail n'a aucune importance. J'espère que tu ne feras rien de stupide. Tu connais les règles, alors je te conseille de les appliquer. Tu auras accès à la maison mais je laisserais évidemment les portes extérieures fermées. Tu m'as bien compris ?

    Tu hoches la tête innocemment.

- Je te fais confiance et rappelle-toi que si tu désobéis, la prochaine fois je t'enfermerai dans la chambre.

    Ta main s'aventure dans mes cheveux et s'entremêle dans mes racines. Ton regard me contemple quelques secondes avant de descendre vers mon torse. Tes iris s'emplissent d'envie. Une once de culpabilité apparaît alors que tu scrute ma blessure, ton empreinte. Ta mine débordante de regrets m'excite et attise mes sens. J'aime te voir culpabiliser... J'ai soudain encore moins l'envie de te quitter.

    Je me penche et embrasse ta bouche rosée, mords ta lèvre inférieure entre mes dents sans pitié et goûte à ta douceur.

                                 ✘ ✘ ✘

Hello, je voulais juste vous remercier pour vos retours et vos votes !
Ça fait vraiment plaisir et ça motive beaucoup les auteurs et de plus, ça coûte rien ; )
J'ai pris la décision de vous poster jusqu'au chapitre 49 et ensuite de vous poster le 50 et l'épilogue en même temps lorsqu'ils seront finis !
Un nouveau chapitre arrivera sûrement d'ici ce soir maximum !
(—> 7 chapitres restant )

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top