34. Vérité
[ Jessie Reyez - Figures ]
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Le lendemain, j'attendais l'arrivée des policiers, la boule au ventre. Ma sœur les avait appelés hier soir et à l'autre bout du fils, on lui avait déclaré qu'une équipe passerait ce matin. Ce compromis l'arrangeait car elle demeurait encore plus effrayée que moi par cet homme et refusait de prendre le risque de sortir dehors. Pour garder bonne figure et atténuer les tensions, je dissimulais ma peur même si cette histoire prenait des proportions démesurées. Mon père avait fini par être au courant et semblait tout autant inquiet que mon aînée. Je me persuadais que ce n'était pas si grave, et que le fait qu'ils ne sachent pas l'histoire dans son intégralité les rendaient d'autant plus inquiets. Ils ignoraient cet amour qui avait un jour naquit entre nous, avant de se faner, pétale par pétale.
Les policiers n'allaient plus tarder à arriver et je m'efforçais de rester calme face à cette situation des plus stressantes. Même si je m'étais rendue la première fois au commissariat, les choses avaient évolué et cet homme ne représentait plus le seul coupable. Après être rentrée dans son jeu, je détenais à présent ma part de responsabilité que je ne voulais pas avouer. Je planifiais de répondre à leurs questions partiellement, de donner assez de détails et explications pour qu'ils puissent retrouver le responsable, sans pour autant trahir ces secrets enfuis en moi. Parce que s'ils venaient à apprendre la vérité, je me ferais enfermée avec lui dans un centre psychiatrique.
— Ils ne vont plus tarder, indiqua mon père en vérifiant l'heure encore une fois. Normalement ils devraient déjà être...
La sonnette retentit à l'entrée et mon géniteur s'empressa d'aller ouvrir la porte. J'entendis des voix s'élever au loin, alors qu'il les accueillait, et mon appréhension augmenta davantage. Le moment tant craint depuis la vieille se déroulait devant mes yeux et je ne pouvais pas y échapper. Dans le coin de la pièce, je me tenais debout et droite, rigide comme un poteau. Tous mes muscles se crispaient à mesure que mon père se rapprochait en compagnie des deux personnes.
— Tout va bien se passer, me chuchota ma sœur pour me rassurer face à mon allure crispée.
— Bonjour Allison, articula l'officier Richard que je reconnus immédiatement dans son uniforme.
Il m'offrit une poignée de main à laquelle je répondis timidement. À ses côtés se dressait une femme que je n'avais jamais vu. Ses cheveux bruns étaient relevés en un chignon parfait, dont chaque cheveu furent plaqué avec application. Elle était vêtue d'un ensemble noir, sous lequel ressortait une chemise rouge coincée dans son pantalon et d'escarpins sobres. Elle transpirait l'élégance, face à laquelle je demeurais intimidée.
— Je suis l'inspectrice Meyer, se présenta-t-elle en me tendant à son tour sa main, mais tu peux m'appeler Débora. Je serais l'inspectrice en charge de cette affaire.
Elle m'offrit un délicat sourire pour me rassurer. Ma sœur les salua puis leur proposa quelque chose à boire. Ils acceptèrent tous deux et prirent place autour de la table de la salle à manger. Je m'installai du côté opposé, face à eux. Mon père s'assit sur la chaise à ma gauche, ce qui n'avait pas le don de me rendre encore plus nerveuse.
— Si nous sommes là aujourd'hui, comme tu t'en doutes, c'est pour ta plainte déposée au commissariat il y a environ deux mois de ça, commença l'officier dans le but de résumer la situation. J'étais celui tenu de te recevoir et enregistrer les motifs suivants : « violation de domicile » et « injures et menaces ». C'est correct ?
J'acquiesçai sous les yeux réprobateurs de mon géniteur, qui ne demeurait pas au courant de mon premier passage chez les forces de l'ordre.
— Votre sœur nous a appelé hier en nous signalant que vous aviez été victime de menaces envers vous et votre entourage. Quel genre de menaces ?
Morgane revint de la cuisine au même moment, un plateau à la main, puis déposa les cafés devant le policier et l'inspectrice. Elle n'oublia pas de placer un verre d'eau devant moi, ainsi que des thés pour mon père et elle. Ma bouche s'ouvrit mais au moment où je voulus parler, aucun son ne franchit la barrière de celle-ci. Ma gorge serrée, mêlée à la boule de stress dans mon estomac m'empêchaient de m'exprimer. Je sentis la main de mon père réchauffer affectueusement mon dos à travers mon chemisier pour me donner du courage.
— Des menaces de mort, dis-je finalement avec difficulté.
L'inspectrice Meyer griffonna quelques mots sur son bloc-notes puis releva les yeux vers moi. Ma main trembla lorsque je portai le verre d'eau à ma bouche, dont je bus une gorgée pour hydrater mes lèvres sèches, avant de le reposer sur la table en bois ciré.
— Vous dîtes que vous avez porté plainte, deux mois auparavant, pour la même raison. Durant ce laps de temps qui sépare ces deux dates, les menaces ont-elles cessé ? questionna Débora curieusement.
Je répondis par la négative, ce qui étonna fortement mes deux interlocuteurs. Cet interrogatoire de police me stressait énormément et je possédais la vague impression de me retrouver en plein jugement lors de mon procès. Chaque geste qu'ils accomplissaient paraissait révéler leur réflexion mais surtout, leur jugement implicite.
— Dans ce cas, pourquoi n'êtes-vous pas revenue au commissariat comme je vous l'avais suggéré ? ajouta l'officier Richard.
Que devais-je leur répondre ? Que pendant ces quelques semaines, j'étais tombée éperdument amoureuse de cet homme, oubliant la face perverse de cette histoire, sans même connaître son identité ? Que je me sentais terriblement seule et qu'il s'était montré d'un réconfort ridicule pour moi ? Que je voulais désespérément me sentir protégée, désirée mais surtout aimée ?
— En vérité, c'était plus compliqué que cela, essayai-je d'expliquer en vain sans empiéter sur les détails qu'ils ne devaient pas savoir.
— Il va falloir que vous nous expliquiez tout ce qu'il s'est passé durant ces deux mois, sans omettre aucun détail qui pourrait se révéler crucial pour l'enquête. Vous êtes d'accord ?
J'acceptai la proposition de la femme, dont les ongles manucurés tapaient sur la surface de la table. Ils se turent ensuite en attente de mon récit. Mon cœur battait très vite et bientôt une chaleur insoutenable s'empara de mon corps. Une seule envie me passait par la tête : apporter des réponses à chacune de leurs questions pour mettre fin à cet interrogatoire le plus vite possible.
— Il est apparu pour la première fois dans ma chambre, alors que j'étais sur mon balcon, confiai-je en retraçant tous mes souvenirs jusqu'à cette fameuse nuit. Lorsque je me suis retournée il était là, assis sur mon lit, sans que je ne sache la manière dont il était parvenu à entrer.
— Lors de notre dernier entretient, vous avez spécifié « qu'il vous voulait », vous confirmez ? Qu'entendez-vous par là, Allison ? rapporta le policier, mon dossier en main.
— Cette nuit-là, il n'a rien volé dans mon appartement. Il m'a certifié que mes affaires ne l'intéressaient pas mais que la raison pour laquelle il était ici, c'était moi. Il a dit que je lui appartenais, à plusieurs reprises.
Mes mains devenaient de plus en plus moites et je les essuyai nerveusement sur mon jean. Chaque question qu'ils formulaient m'atteignait comme une intrusion dans ma vie privée. Je détestais me dévoiler et cet interrogatoire à mesure qu'il avançait, me mettait à nue.
— Dans un premier temps, j'ai décidé de porter plainte mais par un moyen qui m'échappe, cet homme l'a su aussitôt. Avec ses menaces et son comportement violent, je n'ai pas eu d'autre choix que de lui obéir.
Une voix me répétait que je faisais une grosse erreur, que je ne payais rien pour attendre. Depuis si longtemps, chacun de mes actes avaient écopés d'une conséquence, plus ou moins mauvaise, et il demeurait impossible que je puisse m'en tirer vivante après avoir tout avoué aux forces de l'ordre. Quelque chose me disait que tout cette situation était trop facile.
— Suite à cette soirée, ses apparitions sont devenues de plus en plus récurrentes ; partout où j'allais, il me suivait. Il m'observait continuellement et notait chacun de mes déplacements. C'est pour cette raison que je n'ai pas voulu vous prévenir. Je redoutais qu'il mette ses menaces à exécutions, ce qui est toujours le cas, terminai-je pour leur communiquer ma peur face à cette possibilité.
L'inspectrice continua de prendre en notes les informations que je lui apportais et l'officier Richard qui mordillait le bout de son crayon, prit une grande inspiration avant de plonger ses yeux dans les miens et de me demander avec intérêt :
— Et que faisait-il lorsqu'il venait vous voir ?
J'esquissai un regard envers mon père qui me fixait du coin de l'œil avec de la curiosité mélangée à de la peur. Je lisais dans son esprit, devinais qu'il se demandait si cet homme ne m'avait pas agressé, s'il n'avait pas fait du mal à sa petite fille. Ma sœur paraissait terrorisée à cette pensée qui lui parcourait sans doute également la tête.
— Ça dépendait des soirs mais habituellement, c'était seulement pour me voir, me parler, s'assurer que je ne dirai rien, répéter qu'il m'aimait... Puis il finissait par repartir.
Mes proches parurent soulagés. Pour ne pas les inquiéter, j'avais dû mentir aux officiers. Ils ne pourraient pas comprendre et je ne souhaitais pas qu'ils me voient comme une victime trop faible pour se défendre. Le regard de l'inspectrice suivit le mien, focalisé sur mon père, puis se concentra à nouveau sur moi.
— Madame, Monsieur, interpella Meyer à l'égard de mes proches, j'aimerais m'entretenir en privé avec mademoiselle Moreau. Je vous demande donc de nous laisser seul, si cela vous convient. Et bien sûr, si tu es d'accord, Allison.
Mon père fit preuve de réticence mais lorsque je lui envoyai un signe de tête positif, il disposa de la pièce avec mon aînée. La femme se racla la gorge puis se pencha en avant, les mains liées sur la table.
— Maintenant que nous sommes entre nous, j'aimerais que tu te sentes libre de parler. Tu as le droit de te décharger de ce poids et de nous confier n'importe quoi. Tu n'as pas à garder toutes ces choses pour toi, souffla-t-elle avec la volonté d'obtenir ma confiance sans me brusquer. Personne ici ne va te juger ; ni moi, ni l'officier Richard.
La salive me manquait tandis que je tentais de déglutir pour assimiler ses paroles qui devenaient plus intimes. Je comprenais très bien où ils voulaient en venir. À première vue, cette histoire paraissait morbide et il ne serait pas incongru qu'une victime, sous la menace de son agresseur, ait eu à subir différentes agressions de sa part.
- J'ai conscience que cela peut être difficile à entendre et à admettre mais ce détail est nécessaire au dossier. Donc je veux que tu répondes honnêtement ; a-t-il déjà essayé de vous toucher, ou d'obtenir quelque chose de vous ? Quelque chose que vous ne voudriez pas lui donner, par exemple...
La fameuse question que je désirais éviter déchira le silence. Je m'étais promise de rester muette sur ce sujet car je refusais que ma faiblesse me détermine. La seule raison pour laquelle j'avouais tout, c'était pour m'assurer que mes proches seraient en sécurité et que l'homme soit enfin retrouvé pour l'empêcher de nuire. L'attention marquée que me portaient les deux officiers me donna vaguement l'impression que je n'y échapperais pas. Et puis finalement, il ne servait plus à rien de me battre contre les personnes qui souhaitaient m'aider.
— C'est arrivé une fois seulement, murmurai-je finalement en me remémorant cette nuit, lorsque j'avais embrassé un autre que lui et que pour me punir, il a abusé de moi. Il s'est montré violent et il a aussi baladé délibérément ses mains sur mon corps pour me « punir » de lui avoir désobéit.
Suite à cet aveu, je leur expliquai les détails de cette soirée et la façon dont il s'y était pris pour me tourmenter. Je me rendis compte que sa manipulation psychologique avait réussi à me faire oublier le cauchemar de cette nuit, et le fait qu'il m'avait agressé sexuellement. Plus les questions défilaient, plus elles dépeignaient l'atrocité de ce monstre.
— Avez-vous déjà eu des rapports mise à part cette nuit là ? A-t-il retenté quelque chose par la suite ? reprit l'officier.
— Oui, assumai-je honteusement en baissant les yeux. Nous avons eu plusieurs fois des rapports sexuels
— Ces rapports étaient également forcés ? demanda une nouvelle fois Meyer sans prendre de pincettes.
— Non.
— Vous voulez dire que vous étiez consentante ?
— Oui. Enfin, je crois...
— À combien de reprises environ ? Êtes-vous allés jusqu'au bout ?
- Deux fois, mais je ne suis plus sûre, soufflai-je timidement. Nous ne l'avons fait qu'une fois, jusqu'au bout, comme vous dîtes.
Elle écrivit mes propos sur son bloc-notes et je ressentis le besoin de préciser.
— Il ne m'a pas forcé. Je ne savais pas ce que je faisais et avec du recul, je regrette.
Elle déposa sa main sur la mienne et m'offrit un sourire.
— N'ayez aucune crainte. Dans cette histoire, c'est vous la victime. Vous n'êtes responsable en rien dans ce qu'il s'est passé et ce que vous avez subit n'est pas normal. De tels crimes doivent être punit par la loi.
Je hochai la tête mollement pour me convaincre de la véracité de ses paroles et chasser cette culpabilité qui me rongeait. En fin de compte, je me sentais beaucoup mieux après avoir avoué ces secrets semblables à des poids qui me noyaient, lentement, au fond de l'océan. Je détenais l'espoir que tout allait s'arranger, que je sortirais bientôt de ce mauvais rêve. L'officier Richard fronça les sourcils lorsqu'il consulta les notes.
— Certains détails ne collent pas, remarqua-t-il soucieux. Pourquoi vous a-t-il menacé vous et vos proches, s'il dit vous aimer comme vous le prétendez ?
— Il avait l'air d'avoir l'ascendant sur vous, de vous avoir convaincu que la situation était tout à fait normale, ajouta l'inspectrice, alors pourquoi ce soudain retournement de situation ?
L'hésitation me gagna et je pris quelques secondes pour peser le pour et le contre, dans le but de décider s'il s'avérait judicieux ou non de leur parler de la demande en mariage. Après réflexion, je préférais atténuer la réalité car ce détail semblait bien trop fou.
— Il m'a demandé de le suivre, loin d'ici, pour vivre notre vie ensemble. J'ai pris peur et j'ai refusé, alors ce qu'il a trouvé pour me dissuader de le contredire sont les menaces. Il m'a accordé un mois.
— Pourquoi un mois, précisément ? intervint Richard.
— J'étais censée continuer mon cursus scolaire en Angleterre l'année prochaine mais il n'était pas du même avis. Je pense que c'est l'une des principales causes qui l'a poussé à vouloir m'obliger à partir avec lui, articulai-je la voix tremblante. J'ai été obligée d'accepter, mais il m'a accordé un mois pour préparer mes affaires, obtenir mon diplôme et quitter ma vie.
Une distance s'était installée entre la Allison du passé, qui croyait naïvement que ce lien ressemblait à de l'amour, et la nouvelle version du présent qui voyait cette histoire d'un nouvel angle. Ses comportements, Ses paroles, ses manœuvres perverses, obsessionnelles et guidée par la jalousie. Cela n'avait rien de romantique. Il ne ressemblait en rien à l'homme que je cherchais depuis des années et que je désirais à mes côtés.
— Vous lui avez donc fournis une réponse positive ?
— Je n'avais pas le choix, précisai-je au policier pour leur faire comprendre que je ne désirais pas le suivre. Après ce qu'il a fait à Evan, je ne pouvais pas ignorer ses menaces.
— Qui est Evan ?
— Mon meilleur ami.
— Et quel est le rapport ?
J'ignorais si je faisais bien de mentionner le nom de celui-ci mais tous les secrets devaient être percés à jour une bonne fois pour toutes. Mon ami risquait de m'en vouloir mais peu m'importait. Il s'était déjà fait agresser et demeurait en danger. Je devais tout faire pour le protéger. Dans le cas contraire, il n'aurait pas hésité à agir de la même façon pour moi.
— Un jour, mon ami est revenu avec le visage défiguré. Il s'était fait frapper. Il m'a certifié que ce qu'il s'était passé n'était qu'un malheureux accrochage avec un coéquipier de son équipe de basket mais je n'y croyais pas totalement. Jusqu'à hier soir, où l'homme a avoué très clairement qu'il en était à l'origine. J'ignore toujours pourquoi Evan m'a menti...
— Savez-vous pourquoi il s'en est pris à votre meilleur ami ? Il y a une raison particulière qui expliquerait son acte ou est-ce simplement un hasard que ce soit tombé sur lui ?
En réponse à la question de l'officier, je détaillai notre baiser échangé lors du mariage de ma sœur, et la jalousie dont avait fait preuve le criminel suite à cette trahison à ses yeux. Rien chez lui n'était le fruit du hasard. Il avait tout calculé, déplacé ses pions, de sorte à me piéger. Je me demandais encore ce qu'il me réservait.
— Pensez-vous qu'il puisse avoir un rapport avec la mort récente de votre mère ?
Mes yeux s'arrondirent à cette pensée et mes poings se serrèrent. Ils ne pouvaient parler d'elle comme un simple dommage collatéral. Ma mère n'avait rien avoir avec cet homme. Je n'étais pas responsable de sa mort. Son décès n'était qu'un pur accident.
— Je vous interdit de parler d'elle ! m'emportai-je brusquement.
Ils se lancèrent un regard puis tentèrent d'apaiser l'atmosphère.
— Je sais que ce ne doit pas être facile de parler d'elle mais nous souhaitons plus que tout tirer cette histoire au clair, déclara l'officier avec un ton de compassion. Votre mère est décédée dans des circonstances étranges, d'autant plus si nous faisons le parallèle avec votre cas. Nous cherchons tous les liens possibles, susceptibles de nous éclairer. Notre but n'est pas de vous effrayer, mais seulement de vous faire comprendre que cet homme peut être bien plus dangereux que ce que vous pensez.
Ma mâchoire se crispa davantage tandis que l'inspectrice reprenait le relai. Aucun motif ne justifiait le fait qu'ils mêlent ma mère à cette enquête. Je refusais d'imaginer que si je n'avais pas fait preuve d'une aussi grande naïveté, si j'étais retourné au commissariat, elle serait encore en vie aujourd'hui.
— Vous continuez de le protéger, dit-elle emprunte de douceur, mais vous ne vous en rendez même pas compte. On appelle ce phénomène le « Syndrome de Stockholm ». C'est le cas chez vous, même si vous n'avez pas été en proie à une prise d'otages. Vous éprouvez de la sympathie et parfois même, dans des cas plus poussés, une sorte d'amour envers votre geôlier. C'est assez compréhensible, vous avez été sous le poids de la menace et son emprise psychologique tellement longtemps... Mais il est temps de vous défaire de ce lien destructeur.
Son explication résumait dans tous les point à l'illusion que j'avais cru vivre, cet amour éphémère. Je n'étais simplement pas encore prête à me l'avouer à moi-même. Je maintenais tout de même la certitude qu'il n'aurait pas pu tuer ma mère de sang-froid. Il n'était pas si monstrueux.
— Vous ne l'aviez jamais vu avant ce jour ? changea-t-elle de sujet face à mon refus d'évoquer ma mère.
— Non, mais j'avais depuis quelques semaines l'impression d'être suivie.
— Vous n'avez jamais pu voir son visage ? Des traits physiques particuliers ? Vous avez une idée de qui se cache sous cette capuche ? Un ennemi peut-être ?
Un soir, lorsque j'étais pour la première fois rentrée dans son jeu, il m'avait laissé toucher son visage. Je me rappelais quelques traits physiques qui me revenaient à l'esprit et leur en fis part. Sauf qu'aveuglée par mes sentiments, l'envie de savoir son identité m'avait quitté. En contrepartie, je leur assurai que je n'entretenais aucune relation de haine avec qui que ce soit à ma connaissance. Je leur confiai quand même mon suspect numéro un, Zayn, et les motifs qui me poussaient à croire à cette hypothèse.
— Nous devrons interroger Evan et Zayn à ce sujet, pour obtenir leurs versions des faits, conclut l'officier Richard en se grattant le menton recouvert de sa barbe grise. Nous ne vous promettons rien, car nous aurons besoins de preuves concrètes pour croire à la culpabilité de votre ancien colocataire. Y a-t-il autre chose dont vous voudriez nous parler ?
— J'ai reçu une lettre anonyme, ajoutai-je en sortant le bout de papier plié de la poche de mon jean. Je ne sais pas de qui elle vient, mais peut-être qu'elle pourra vous aider...
L'inspectrice s'en empara et y jeta un bref coup d'œil avant de la ranger dans le dossier avec les autres témoignages. Ils se levèrent à l'unisson et lorsque mon père aperçu la scène par la baie vitrée, il entra de nouveau à l'intérieur du séjour pour remercier les officiers.
— Alors ? articula mon père.
- Des mesures seront prises dès aujourd'hui pour te protéger toi, Allison, ainsi que les membres de ta famille. Nous allons installer un périmètre de sécurité tout autour de la maison et une équipe de quatre policiers seront postés à quelques mètres jours et nuits pour s'assurer de votre sécurité. En attendant, on va devoir saisir ton téléphone car il peut constituer une preuve pour l'enquête.
À contrecœur, je glissai l'appareil hors de la poche de mon jean avant de le déposer dans la main du policier.
- Merci officier, souffla mon père reconnaissant en lui tendant la main.
- Très bien, conclut l'officier, nous avons tout ce qu'il nous faut pour l'instant.
- Nous reviendrons peut-être en cas de besoin pour vous poser d'autres questions, Allison, trancha l'inspectrice Meyer. Nous vous tiendrons au courant de l'avancée de l'enquête.
Mon géniteur les raccompagna jusqu'à la porte et une pensée me traversa l'esprit : si les systèmes de défense ne suffisaient pas, les conséquences seraient douloureuses.
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