10. Pour toujours et à jamais
[ Thousand Foot Krutch - Be Somebody ]
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Je gribouillais sur ma feuille, en observant avec ennui les aiguilles de l'horloge fixée au mur avancer. Les dix minutes accordées pour le test arrivaient à leur fin. Quelques traits de crayon suffirent pour achever le graffiti dans la marge de ma copie. Quand ce fut enfin la fin du délai imparti, chaque élève fit passer sa feuille vers l'avant et le professeur réceptionna les paquets en bout de file. Mon papier pratiquement vierge ne passa pas inaperçue aux yeux d'Enzo, qui me gratifia d'un regard réprobateur. Le moins qu'on puisse dire, c'était que je ne demeurais pas un génie des mathématiques, encore pire quand mes pensées étaient toutes occupées par un stalker insatiable. J'affichai une moue innocente.
Le professeur nous indiqua d'ouvrir notre manuel et continua son cours d'algèbre. Il écrivit des tas de formules incompréhensibles au tableau et se perdit dans des explications confuses. Mon attention se focalisa sur la fenêtre à ma gauche qui affichait un extérieur pluvieux. Je me laissai porter par mes pensées. Je me triturais sur le tournant qu'avait pris ma relation avec Evan et me demandais à combien de temps il faisait allusion quand il parlait de « s'éloigner temporellement ». Cette séparation ne durait à peine depuis quelques jours et mon meilleur ami me manquait déjà atrocement. De plus, cette histoire qui perdurait avec ce maudit homme dont je ne connaissais pas l'identité me tourmentait sans jamais me laisser de répit.
Mon portable vibra et je fourrai la main dans la poche arrière de mon jean pour l'attraper. L'écran s'alluma et un message d'un numéro inconnu s'afficha. Je lus les mots qui m'étaient adressés : « concentre-toi sur le cours ». Je mis un instant à trouver l'auteur de cet ordre mais cela me frappa comme une évidence. Il ne pouvait venir de personne d'autre que ce cher stalker. Je restai confuse, et surtout surprise de cette possibilité. Comment pourrait-il me voir ? Comment faisait-il pour toujours tout savoir ? Il était vraiment partout !
Je détaillais la rue par la fenêtre mais je ne remarquai rien d'anormal. Aucun homme vêtu de noir caché dans la pénombre. Sur le coup du stress, je commençais à mordiller mon stylo. Je me sentais à présent mal à l'aise et observée. Je fis abstraction de cet horrible sentiment et me focalisai sur les indications de l'enseignant, bien que la seule idée que ce fou puisse être en train de me regarder en ce moment même me donnait des frissons.
La fin de l'heure approcha et je rassemblai mes affaires. Je quittai cette salle de torture avec soulagement. La prochaine heure de mon emploi du temps était vide. Je pouvais en disposer comme je le souhaitais. Tandis que les étudiants rejoignaient leur classe, j'aperçus Evan assis au sol, le dos contre un mur, les écouteurs aux oreilles. L'hésitation me gagna. Je voulais terriblement aller lui parler mais il avait été clair sur le fait qu'il désirait prendre ses distances quelques jours. Egoïstement, je me dirigeai vers lui et il ne se rendit pas compte de ma présence tout de suite. Je l'imitai et pris place parterre à ses côtés. Evan tourna la tête et posa ses yeux sur moi. Il renifla et arracha les écouteurs de ses oreilles pour venir les ranger dans la poche de sa veste en jean.
Nous restâmes un instant sans parler. J'eus tout le loisir de contempler le visage de mon meilleur ami qui m'avait tant manqué. Une fine barbe blonde commençait à pousser sur son menton et le long de sa mâchoire. Evan détacha son regard de ses chaussures et se concentra sur moi.
- Qu'est-ce que tu fais là ? demanda-t-il d'un ton sec.
Je me raclai la gorge et replaçai une mèche de mes cheveux nerveusement derrière mon oreille.
- Je t'ai aperçu quand je suis sortie de mon cours, j'avais...
- Mathématiques. Je sais, me coupa mon meilleur ami.
Un froid s'installa et je ne sus plus quoi dire. L'expression qu'affichait Evan me laissait bien savoir que ma présence le dérangeait. Peut-être que j'étais égocentrique de ne pas respecter sa décision mais je haïssais ce qui nous arrivait. Jamais nous n'avions été séparés autant de temps. La communication demeurait une règle d'or au sain de notre amitié et aujourd'hui, c'était peut-être ce qui risquait de la briser.
- Si tu veux la vérité : j'ai vu mon meilleur ami assis là tout seul et je voulais lui parler, confessai-je.
Il ferma les yeux et secoua lentement de droite à gauche la tête. Il ramena ses bras sur ses genoux et se renfrogna.
- Je t'avais pourtant demandé de me laisser seul.
- Oui je sais, mais j'avais vraiment besoin de te parler, contredis-je. Tu me manques Evan...
- Je suppose que j'ai pas été juste avec toi, dit-il en soupirant. Je m'excuse.
Le fait qu'il s'excusait me surprit. Bien évidemment, c'était lui qui avait allumé le feu et avait commencé à se comporter bizarrement avec moi, mais je trouvais qu'on avait tout les deux une part de responsabilité dans cette histoire.
- Non c'est moi qui te demande pardon, même si j'avoue ne pas avoir compris ta réaction.
Le silence régnait dans les couloirs du lycée ce qui nous laissait toute l'intimité dont nécessitait cette conversation. Evan se grata le crâne avec nervosité et une main se perdit dans ses cheveux blonds qui, à force de pousser, lui descendaient maintenant dans la nuque.
- Je pense que c'était simplement le stress des cours et mon père qui me met la pression pour le bac... Et puis l'autre soir, je n'ai pas supporté qu'un abruti pareil t'embrasse. Je veux dire... Tu es ma meilleure amie et je ne veux pas que n'importe quel mec t'approche.
Ce fut à mon tour de ramener mes genoux à ma poitrine. Le ton de sa voix me prouvait que ce qu'il disait était sincère et je ne pouvais que comprendre. Moi aussi, si je voyais la première fille tomber dans ses bras, je ne saurais pas quelle serait ma réaction.
- Je comprends.
Je vis ses sourcils se froncer. Evan détenait un visage communicatif et très expressif. Tout passait par son regard. J'y lus de la contrariété. Quelque chose le chiffonnait. Je lui administrai un petit coup de coude pour l'inciter à parler.
- Quand tu l'as embrassé, c'était pas sérieux, pas vrai ? Ce gars ne t'intéresse pas réellement ?
Je vis Evan se tendre et ses yeux me transmirent de l'inquiétude. Cette question paraissait le travailler depuis déjà pas mal de temps. Je pris conscience de la chance que j'avais de l'avoir. Il souhaitait toujours le meilleur pour moi, surtout dans le cas de mes relations. Par le passé, il lui était déjà arrivé de ne pas approuver Liam.
- Non, bien sûr que non, affirmai-je. Je suis désolée que ça ait pu te faire du mal.
Il parut se détendre aussitôt même s'il avait l'air encore touché. Je ne supportais pas de voir cette moue triste sur son visage.
- T'as raison. C'était qu'un abruti, répétai-je le sourire aux lèvres.
Evan éclata de rire et j'en fis de même.
- Tu sera toujours celle que je choisirai, avoua-t-il soudainement plus sérieusement.
Il me fixa et je fondis sous ses paroles adorables. Je ne le méritais pas.
- Promets-moi que ça sera toujours moi et personne d'autre. Rien que nous deux, conjura Evan désespérément.
- Promis, répondis-je les larmes aux yeux. Nous deux contre le reste du monde.
Il me sourit et reprit ses écouteurs qu'il rebrancha à son téléphone. Il mit en route notre chanson préférée et m'en tendit un. Les premières notes de « Be Somebody » de Thousand Foot Krutch débutèrent. Je déposai ma tête sur son épaule et fermai les yeux en imaginant ma vie future aux côtés de mon meilleur ami.
Pour toujours et à jamais.
- Je t'aime, souffla-t-il.
Je relevai la tête pour croiser ses pupilles et lui lançai un regard qui témoignait en retour de tout mon amour pour lui.
Ce fut avec un peu plus d'entrain et de joie que s'acheva cette journée. Je sortis les clés de mon sac et déverrouillai la porte de mon appartement. Zayn travaillant tardivement le vendredi, je me retrouvais seule. J'allumai toutes les lumières – une habitude que j'adoptais depuis l'entrée du fameux stalker dans ma vie – de sorte à me rassurer. Je montais à l'étage pour regagner ma chambre et finir ma dissertation.
Néanmoins, un objet posé sur mon lit attira mon attention. Je m'approchai et saisis dans mes mains la petite boîte carrée de couleur noire, dont un ruban blanc scellait le contenu. Je le défis curieusement, les doigts tremblants. Je découvris un petit écrin marron à l'intérieur, ainsi qu'un mot. J'ouvris l'enveloppe qui accompagnait ce cadeaux et me figeai à la lecture : « Pour me faire pardonner » écrit en calligraphie sans aucune signature. Cela devait probablement venir d'Evan. Il l'avait sûrement donné à Zayn en mon absence. Dans le coffre se trouvait un bracelet en argent avec une breloque en forme de cœur gravée à mon nom. Cette jolie intention me toucha et je me promis de ne pas oublier de remercier Evan la prochaine fois que je le verrais.
J'avais enfin retrouvé mon meilleur ami.
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