2 mondes

Esprit :

Substance incorporelle, irréelle. Est parfois synonyme de divinité.

• 정신 •

    En arrivant chez moi, je ne prête pas attention aux lierres qui commencent à faire disparaître la balançoire de mon enfance et aux herbes qui se font bien trop hautes pour qu'on ose s'aventurer dans ce semblant de jardin. Je monte les quatre marches en hâte puis entre dans la maison, vide et silencieuse comme à son habitude, la porte grinçante étant la seule source de bruit à chacune de mes arrivées.

    Si on les ignore, évidemment.

Je pousse un soupir. Encore une fois, mon père doit être au travail et ma mère partie chercher ma petite sœur à l'école. C'est une histoire banale, un mode de vie banal avec des protagonistes ordinaires, quand on regarde le tableau de loin.

Seulement il y a moi. Seul être dont le visage flou vient décolorer la toile de ses peintures.

«Hyung, tu es là ?»

Je retire mes chaussures dans l'entrée et monte à l'étage, avant d'aller sur la gauche et parcourir un long couloir jusqu'à ma chambre. Là, je laisse mon sac tomber au sol et me pince les lèvres en cherchant mon aîné du regard, parcourant ainsi l'intégralité de ma chambre. Le lit défait, les vêtements jonchant le sol, les piles de livres dans un coin de la pièce et la penderie dont les bouts de tissus non-identifiés débordent, ainsi que mes posters qui se détachent doucement des murs. Seulement, je ne le vois nul part et il ne dit absolument rien, attisant ma curiosité. Je sens sa présence mais il ne me touche pas et ne tente pas de me parler.

Je sors donc de ma chambre et commence à parcourir les multiples pièces de la demeure à sa recherche, ne m'attardant pas dans les chambres, jusqu'à ce que mon regard soit attiré par la fenêtre se situant en face des escaliers. Dehors, le Soleil brille terriblement et les oiseaux gazouillent.

Je pose les paumes de mes mains sur la vitre propre et y colle mon front, bercé par le souffle du vent qui parvient à mes oreilles, puis baisse le regard sur l'herbe qui subit les conséquences de ce phénomène en s'inclinant légèrement, plus ou moins au fil des secondes. Le spectacle me fait sourire quand soudainement, je sens ses mains passer autour de ma taille ainsi que la chaleur de son torse contre mon dos, me faisant rater un battement de cœur et écarquiller les yeux.

- H..Hyung ?! m'exclamé-je en me retournant spontanément pour le voir.

Je bats des cils en voyant qu'il est encore parti et finis par soupirer, avant de m'assoir sur le rebord de la fenêtre pour me frotter les yeux, l'air las.

- YoonGi, me plains-je, à quoi tu joues ?

Je pose mes deux mains sur le rebord et commence à balancer une jambe en regardant le plafond, attendant que le décoloré me réponde, mais rien.

Soudain, une adolescente passe en courant dans les escaliers et s'arrête devant moi, apparemment surprise que je la fixe de la sorte. Ses sourcils noirs se froncent et elle croise les bras sous sa poitrine, vêtue d'un uniforme de lycéenne.

- Eh tête de gland, pourquoi tu me regardes comme ça ? m'agresse-t-elle à moitié.

Je retrousse les lèvres et hausse les épaules pour lui répondre, plus détaché.

- Tu es morte et je suis certainement le seul vivant qui puisse te voir, pourquoi te plains-tu franchement ?

La gamine, outrée, grimace en secouant la tête sur les côtés pour me montrer son mécontentement avant d'agiter sa main vers moi, me faisant sourire en coin. À une époque, mon sourire avait quelque chose de beau. Aujourd'hui, mon regard est si marqué par les cernes que même mon plus beau rictus ne suffit plus à faire briller mon visage.

- Ouai bah, ça va, hein. Moi au moins, quand je suis morte, j'étais jolie et en pleine forme ! me nargue-t-elle en pouffant de rire, avant de faire voleter ses cheveux. Sur ce, j'me tire.

Je la regarde partir, marchant tranquillement en direction du couloir, avant que sa silhouette ne commence à s'évaporer, devenant ainsi de plus en plus transparente jusqu'à disparaître complètement.

C'est vrai qu'à cette heure je ne suis pas le plus beau ou le plus en forme, les nuits blanches ou agitées s'enfilant ces derniers temps à cause des "autres", comme elle, et des études. Mais je fais ce que je peux, je n'y peux rien.

Je passe mes doigts sur les poches qui se sont amassées sous mes yeux d'un air soucieux, avant de soupirer. YoonGi ne montre toujours pas sa présence. Je me relève et m'apprête à retourner dans ma chambre, quand j'entends le piano du salon qui laisse enfin émaner une douce mélodie. Dès lors, mon poil se hérisse et je me retourne immédiatement pour descendre les marches en hâte, tenant tout de même la rampe.

On va éviter de se casser la figure et et se briser la nuque, hein.

Lentement ensuite, je m'avance vers le salon en me concentrant sur chacun des accords joués, chacun des rythmes qui vient s'accorder aux battements de mon cœur. Il le sent, il le fait exprès, n'est-ce pas ? Cette idée me fait sourire, même si cela est fortuit, et le parquet craque sous mon poids à chacun de mes pas, jusqu'à ce que je pénètre dans la pièce d'où provient la musique, lentement.

Assis devant le piano à queue, se trouve YoonGi, vêtu d'un simple jean et d'une chemise blanche qui, je trouve, n'est pas le vêtement qui lui va le mieux. Ses cheveux blonds lui tombent légèrement sur les yeux alors qu'il semble complètement épris par la musique, ses doigts semblant danser un parfait ballet sur les touches bicolores alors que tout son corps resté posé, calme et légèrement pantelant au rythme des notes qui s'échappent de l'instrument.

Sans trop me tirer de ma rêverie, je m'approche à pas feutrés de lui et enroule ses épaules de mes bras pour embrasser délicatement sa joue.

- Hyung... Je n'aime pas trop quand tu tu te joues de moi de la sorte, soufflé-je.

Ses doigts cessent lentement de martyriser le clavier et les dernières notes, distancées et aiguës à la perfection, dressent les poils de mes bras. YoonGi se retourne vers moi et saisit ma main pour l'embrasser.

- Moi c'est ce que je préfère, au contraire, sourit-il fièrement.

Je le regarde faire et caresse son bras du bout des doigts, les yeux brillants face à l'être de lumière qui se trouve en face de moi, avant de me pencher en avant pour poser délicatement mes lèvres au-dessus de son nez.

- Tu m'as manqué, hyung.
- Moi pas trop, me taquine-t-il en tapotant ses genoux. Viens là.

Je me laisse porter sur l'endroit désigné et colle ainsi nos torses avant de passer mes bras autour de son cou, satisfait, puis incline mon visage de côté tout en souriant.

- Alors, quoi de neuf mon amour ? me demande-t-il en caressant ma nuque d'une main et le bas du dos de l'autre. Tu as l'air crevé...
- Mmh, ce n'est rien, disons que je n'ai pas beaucoup de temps pour dormir ces dernières nuits, expliqué-je.

Il grimace et lève un sourcil, prenant apparemment mal mes paroles, puis me saisit le menton et parle durement.

- Eh, Kook. Tu as intérêt à faire gaffe, okay ? soupire-t-il. Aishh... Franchement...

Tendrement, je lui caresse le cuir chevelu afin de le rassurer un minimum et pose un délicat baiser sur son front.

- Je sais, je sais.

Pour tout expliquer, hyung est mon petit-ami. Oui, c'est un garçon, et non, il ne fait pas vraiment parti du monde des vivants. YoonGi est l'un de ses esprits qui a su attirer mon attention plus que d'autres et qui, finalement, est resté dans ma vie. Il est invisible aux yeux de tous et grâce à ce lien spécial qui nous unit, je peux entrer en contact avec lui à loisir. Du moins, plus ou moins. Il finit par fatiguer et doit évidemment retourner dans son monde pour se régénérer, enfin dans "l'entre-deux", et nous n'avons en aucun cas le droit d'avoir de contact entre sa bouche et la mienne. Chose contraignante, quand on sait que j'en meurs d'envie, mais si je venais à le faire, je perdrais la vie. Et j'y tiens, donc...

   Je me pince les lèvres en observant son visage, tapotant mes doigts sur ses omoplates tandis qu'il m'observe d'un air que je ne saurais décrire. Son visage, neutre, ne laisse aucune émotion passer et son regard a du mal à se détacher du mien. Quand il y arrive, il passe doucement sur mon nez et mes joues, ses sourcils se froncent légèrement comme s'il se concentrait, avant de s'arrêter sur ma bouche. Je détourne immédiatement le regard en soupirant, avant de lui refaire face quelques secondes après pour lui demander :

- Tu as l'air soucieux, YoonGi-Hyung, tu vas bien ? l'interrogé-je en caressant doucement son torse.

Il grogne un peu et serre ma taille entre ses deux bras, avant de poser le côté de son visage contre mon torse. Cette attitude a le don de renforcer mes doutes et je fronce les sourcils.

- Ehh.. Qu'est-ce qui va pas ? demandé-je.
- JungKook, dit-il.

Un frisson me parcourt entièrement et je ferme les yeux pour inspirer à fond, alors que les murmures se font plus denses. Bon dieu, je vous en prie, pas maintenant ! Je me mords la lèvre.

- Qu'y a-t-il ?
- Je vais disparaître à jamais.

    Le monde s'arrête. Soudain, les chuchotements flous me sortent de la tête et mon cœur, qui s'affolait de retrouver enfin celui que j'aime, semble avoir rompu tout contact avec le reste de mon corps. Je fronce les sourcils et incline légèrement le visage pour toiser le blond, mais évidemment, je ne tombe que sur sa touffe de cheveux.

   La pression sur ma taille est de plus en plus forte et ma gorge, toute aussi serrée, peine à laisser entendre ma voix :

- C..Comment ça, balbutié-je avant de déglutir.

    Il reste silencieux un moment. Finalement, je le sens. Mon cœur. Il est bien là, et plus je rembobine les paroles de mon aîné, plus j'en comprends le sens, et plus mon organe se serre. Les larmes me bordent les yeux alors que j'essaie de ne pas imaginer ce qu'il adviendra si cela se fait. S'il disparaît réellement.

    Ça ne se fera pas obligatoirement, si ?

    Alors que je m'apprêtais à surenchérir, YoonGi me coupe la parole sans pour autant me faire face :

- Ça fait trop longtemps que je suis ici, Kook, commence-t-il en appuyant ses doigts dans le bas de mon dos.
- Et alors ? m'empressé-je de rétorquer, retourne dans l'entre-deux, hyung !

   Je prends son visage en coupe de force pour l'inciter à me regarder dans les yeux, ne voulant pas m'avouer ce qu'il était en train de se produire. Quel crétin je fais, si cela suffisait, il n'en ferait pas tout un plat.

   Je me mords la lèvre et le supplie.

- Qu'est-ce qu'il se passe ?..

   Ses mains se posent doucement sur les miennes pour les saisir et ainsi les retirer lentement de son visage, avant qu'il ne les mette entre nous sans pour autant les lâcher. Tendrement, il caresse leurs dos de ses pouces et s'humecte les lèvres pour parler, son regard plongé dans le mien alors que son expression faciale n'exprime rien d'autre que l'indifférence totale.

- Je ne peux plus tenir, je n'ai plus aucune énergie, Kook. Si je continuais de rester, ce serait pour quelques heures, au plus, et je finirais par disparaître à jamais. Je ne pourrais plus retourner dans aucun des mondes et l'entre-deux serait inaccessible, car il ne me revigore plus.

    Au rythme de ses paroles, mes yeux glissent lentement vers le bas et je finis par inspirer discrètement, alors qu'aucun mot ne se décide à passer mes lèvres. Mes larmes n'ont pas coulé et je me contente de penser, complètement vidé d'énergie, moi aussi. Je ne veux pas. Je ne supporterais pas de me séparer de lui.

- Tu comprends ? insiste-t-il.

   Je hoche la tête. Il sourit et passe sa main sur mon visage pour palper délicatement ma joue.

- On se reverra plus tard, ce n'est qu'une question de temps, Kook.

    Et voilà. Les larmes remontent à vitesse grand V et je peine à les ravaler. Sa voix grave résonne alors qu'il passe ses doigts sous mes yeux.

- Rha, ne pleure pas, sale gosse, me gronde-t-il. Arrête d'être aussi impatient !
- M..Mhh...

    Un sourire se dessine sur son visage pâle alors qu'il prend de nouveau mon visage en coupe pour embrasser mon menton. Je frissonne et mon cœur se met à pomper plus vite. Mes yeux brillants se glissent aux siens et je lui intime doucement, peiné.

- Hyung, susurré-je, embrasse-moi, s'il te plait..

    Ses sourcils clairs s'arquent tristement alors que les coins de ses lèvres se redressent finement. Cependant, il fait non de la tête et passe sa main derrière mon crâne pour le caresser. Je saisis son t-shirt entre mes doigts pour ensuite me rapprocher de son visage, me faisant plus insistant et miséreux au possible.

- S..S'il te plait.. Hyung... Juste une fois...

    Ses lèvres frôlent les miennes alors qu'il perd complètement ses moyens face à moi, je m'en rends bien compte. Impatient, je rapproche enfin nos bouches mais ses paroles me stoppent net lorsqu'il s'adresse enfin à moi.

- Non, murmure-t-il alors que ses croissants de chair effleurent les miens.  Une fois, rien qu'une, c'est la fois de trop, je te l'ai déjà dit.

    Il saisit mon menton entre son index et son pouce pour me faire reculer, l'air sévère. Mon cœur se serre encore plus douloureusement qu'auparavant et je finis par fondre en larmes.

    Je me sens sale. Trahi. L'unique personne que j'aime va disparaître loin de moi pour une durée indéterminée et il s'en fout complètement, il se fiche de savoir si oui, ou non, je suis d'accord avec ça. Il m'abandonne comme si je n'étais qu'un moins que rien. Son visage impassible me donne envie de vomir alors que mes pleurs ruissellent abondamment sur mes joues rosies, et que mes épaules tressautent à cause des spasmes.

- Eh.. Bébé, calme-t...
- Casse-toi.

   Je me relève, me détachant ainsi de son corps et de sa chaleur qui me rassuraient pourtant, et serre les poings. Le visage baissé, je me mords la lèvre le plus fort possible en espérant que cela fera oublier la douleur que mon cœur s'inflige en se serrant autant au contact de mon aîné.

    Face à moi, YoonGi me toise sans aucun état d'âme. Sa respiration est lente, régulière, alors qu'il s'obstine à ne dégager aucune émotion. Il continue de rester indifférent face à mon désarroi, et après cela, il disait m'aimer ? Un rire nerveux passe mes lèvres, mais ça non plus, ça ne le fait pas réagir.

    Je lui tourne enfin le dos pour quitter le salon, passant mon avant-bras sur mes yeux pour les libérer de leurs larmes encombrantes.

- Va te faire foutre. Crève, et ne reviens jamais, craché-je avant de disparaître dans le couloir sans me retourner.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top