1 destin

Mort :

Cessation de la vie, entraînant un état d'immobilité et d'insensibilité absolu au corps du défunt.
Selon certaines croyances, une nouvelle existence existerait suite à ce phénomène.

• 죽음 •

Une mouche vole. Elle tourne en rond, elle ne s'arrête jamais, et je l'observe. L'écran de mon téléphone ne fait que s'allumer, pour s'éteindre de nouveau, vibrant par la même occasion pour m'alerter de nouveaux messages arrivant. La table de chevet sur laquelle mon cellulaire est posé ne fait qu'amplifier ses vibrements qui me martèlent le crâne.

    Une semaine. Disons huit jours. C'est l'équivalent de 192 heures pendant lesquelles j'attends YoonGi. 192 heures, c'est 11 520 minutes. Donc cela fait 691 200 secondes environ que je me sens vide. C'est long. Et c'est encore plus long quand on vit la chose.

   Après m'être engueulé avec lui, je n'ai plus revu YoonGi. Je me suis enfermé dans ma chambre jusqu'au lendemain, sans adresser la parole à personne et je n'ai pas dîné, ce jour-là. J'étais trop en colère pour dire ou faire quoique ce soit. Puis le sur-lendemain, quand j'ai réalisé que j'avais mal agis, je me suis surpris à l'appeler, espérant qu'il m'accorderait un petit signe. De plus, je n'avais pas bien dormi les deux derniers soirs. Entre les voix qui résonnent au moment de dormir et l'absence de mon petit-ami, je n'ai pas trouvé la force de me plonger dans le véritable sommeil.

   Maintenant, j'attends. Sa présence me manque. Quand il se moquait de moi aussi. J'en viens à regretter l'époque où il me cassait les pieds à remuer toute ma chambre, disant que mes réactions étaient "divertissantes". Je ne le connaissais pas encore, à cette époque-là. C'était un esprit banal, qui avait eu la miraculeuse idée de me rendre visite. Et finalement il s'y était plu et avait réitéré plusieurs fois la chose jusqu'à ce qu'un jour, sans que je m'en rende vraiment compte au premier abord, j'en vienne à attendre avec impatience ses visites et ses taquineries. J'ai continué de l'engueuler chaque fois qu'il me mettait dans des situations embarrassantes face à ma famille, mes amis, jusqu'à ce qu'une fois, alors qu'il jugeait TaeHyung du regard juste derrière son épaule, j'ai réalisé que finalement, je l'aimais plutôt bien.

   Ouai. Finalement, j'aimais bien ce mort parti un peu trop tôt, qui s'amusait à me pourrir la vie pour me faire "profiter", disait-il toujours en haussant des épaules, l'air ingrat et légèrement je-m'en-foutiste. Et tout était allé très vite, ensuite. Un jour banal, alors qu'une fois encore il m'avait agacé, j'avais fini par m'énerver à tel poing que j'étais prêt à l'envoyer paître pour de bon. Mais il s'était saisi de ma nuque et avait plaqué brutalement ma tête contre son torse, sans crier gare, afin de m'étreindre. Au début, j'avais eu du mal à réaliser. Un esprit, quelqu'il soit, ne peut entrer en contact direct avec aucune forme encore vivante, humaine ou animale. Ils peuvent casser des objets, les faire voler ou bien même grimper aux arbres, mais en aucun cas prendre quelqu'un dans ses bras est censé pouvoir arriver un jour. Et il l'avait fait. Penaud, je m'étais pétrifié sur place alors que quelques secondes après, il s'était mis à glousser en me serrant davantage contre lui. Puis il avait murmuré quelque chose du genre :

«Enfin. C'est pas trop tôt.»

Et j'ai finalement compris. Les morts peuvent entrer en contact avec les vivants, à condition que les liens soient assez puissants. Chose assez normale entre individus d'une même famille, dont un membre serait décédé et reviendrait avant de partir pour de bon. Une simple caresse, un souffle ou un murmure, puisque, de toute façon, les hommes ne sont pas censés voir ces choses-là.

Mais YoonGi, un parfait inconnu mort d'une cause qui m'est étrangère, car il n'a jamais voulu m'en parler, m'avait pris dans ses bras.

Et je crois que je suis tombé terriblement amoureux.

     Je me tire de mes souvenirs en déviant mollement le regard du plafond pour observer la fenêtre, las. Les volets sont fermés, les carreaux aussi. Depuis ce soir-là, je n'ai pas osé les rouvrir ni respirer l'air frais. Je préfère attendre qu'il revienne pour le faire avec lui, sinon l'ambiance extérieure risque de m'étouffer plus qu'autre chose.

   Mon téléphone vibre encore. Je saisis mon oreiller et le mets sur ma tête pour étouffer cet abominable bruit, tentant alors de fredonner le dernier morceau que m'a joué YoonGi, et cela marche. Chantant tout bas, les lèvres scellées pour ne laisser passer que des murmures sourds, je me laisse emporter par les douces notes qui me rafraîchissent autant la peau que le cœur, passant par mon esprit malade et fatigué.

   Le portable cesse, je souris. Mais il reprend soudain.

    Fou de rage, et à cran, je me relève précipitamment sur mon lit et m'assois en tailleur avant de tendre le bras vers le petit meuble pour attraper mon cellulaire. Une centaine de messages non lus, et plus de cinquante appels en absence. Ma mère, qui m'appelle pour manger, mon grand frère, qui m'engueule pour que j'ouvre enfin la porte de ma chambre et JiMin et TaeHyung, qui se soucient de ma santé et me proposent de sortir. Le plus jeune essaie même de m'amadouer pour aller "chasser les Pokémons". D'autres messages, des spams et numéros inconnus, que j'ignore.

Je soupire et repose le téléphone après l'avoir mis en silencieux, puis me lève mollement. Je suis fatigué. Autant physiquement que mentalement, je suis lessivé, je veux me reposer. Mais je ne peux pas.

Je me dirige vers la fenêtre et m'autorise finalement à l'ouvrir, peinant par ailleurs à baisser la petite poignet et ce à cause de mon manque évident d'énergie. Heureusement les volets sont électriques, et très vite, je retrouve la vue sur mon jardin plongé dans le noir.

Rien n'a changé. Hormis le fait que l'herbe fraîche ne se bascule plus au gré d'un quelconque souffle, tout est à sa place. Le ciel, parsemé de petites tâches brillantes, me fait lever le visage pour que je puisse l'observer avec plus d'attention. Je n'ai jamais été doué en astronomie. C'est dommage, j'aurais aimé connaître et reconnaître les constellations, comme un grand scientifique. Tant pis.

Je souris tendrement puis soupire, avant de baisser les yeux et me diriger lentement vers la porte de ma chambre. Je la déverrouille puis sors dans le couloir, afin de gagner les escaliers et les descendre mollement. C'est étrange. Rien que de passer ces marches, je sens mon cœur lourd de remords se comprimer à chaque de mes pas. Les souvenirs dans lesquels je les passais en courant, impatient de voir YoonGi jouer du piano, ou bien tout simplement allongé dans le canapé, me semblent lointains. Les larmes me bordent de nouveau les yeux alors que je passe à côté du salon, dont seule la télévision vient apporter une source de lumière.

    Mon père est là, assis devant l'écran, concentré sur sa série avec ma mère qui s'endort progressivement sur ses cuisses. Mon frère est le seul à manquer à l'appel, il doit être dans sa chambre, sur Skype, avec sa copine. Alors que la pensée vient tout juste de me venir, je l'entends rire à l'étage et ma tête se tourne vivement vers ce son. Je l'envie. Sa copine, elle, a beau être loin, elle sera toujours plus proche de lui que YoonGi de moi.

    Sans un mot, j'enfile mes chaussures et sors discrètement de la maison, refermant doucement la porte dont je n'ai pas pris les clefs.

Une fois dehors, je me rends compte que prendre une veste n'aurait pas été du luxe. Il y a beau ne pas avoir de vent, l'air ambiant n'est pas tout à fait chaud et je dois me frotter les mains l'une contre l'autre pour espérer me réchauffer un peu.

Le pas mort, je déambule dans les rues en attendant qu'une idée me vienne. De quoi m'occuper, un éclair de génie pour retrouver YoonGi, n'importe quoi. Un endroit où passer la nuit. Je n'en peux plus de rester chez moi, seul avec mes souvenirs dont je ne peux rien partager.

Bordel, tu me manques. Reviens.

Dans la rue, une jeune femme m'aborde en posant sa main sur mon épaule. Je me permets de baisser le regard sur sa tenue, pour finalement me rendre compte qu'elle n'en a pas vraiment. Une jupe crayon trop courte, des collants résilles surmontés de chaussures à talons dont la taille est juste admirable, je ne sais pas comment elle fait pour marcher avec des trucs pareils. Et enfin, un semblant de top qui laisse voir ses seins à perte de vue.

- Je ne suis pas intéressé, la rejeté-je en prenant délicatement sa main pour la retirer de mon épaule, fade.
- Voyons, glousse-t-elle, un beau jeune homme comme toi, je peux te faire un prix si tu veux.~

Je la toise quelques instants sans rien dire, fatigué. Enfin, alors que m'apprêtais à l'envoyer bouler pour de bon, une âme apparaît derrière elle. Un homme, d'à peu près son âge, c'est-à-dire à peine plus vieux que moi, qui semble complètement désemparé. Je soupire en comprenant la situation.

- Je ne pense pas que votre copain aurait aimé vous voir dans cet état, de son vivant.
- Q-Que ? s'étonne-t-elle alors que son visage se défait complètement.

L'esprit derrière elle ouvre grand les yeux pour me toiser, effrayé lui aussi. Je lui souris discrètement, tandis que la jeune fille en face de moi ne semble pas comprendre la situation et perd complètement ses moyens, son âme de chasseuse d'hommes avec.

- Je.. balbutie-t-elle, excusez-moi, je vais vous laisser. B-Bonne soirée, monsieur. Pardon, s'excuse-t-elle encore en se courbant.

    Je la regarde s'éloigner dans la rue, suivie de près par ce qui, à ce que j'ai compris, était son petit-ami. Elle ignore les passants, aussi bien les passifs que ceux qui l'accostent. Avec un peu de chance, peut-être va-t-elle changer son mode de vie et son copain pourra enfin partir tranquillement.

    Je comprends tellement ce qu'elle ressent. Perdre la personne qui nous est le plus cher est la pire chose qui soit.

    Je continue mon chemin sans rien dire, longeant par la même occasion le fleuve de la ville. L'eau me berce et me caresse les tympans, me permettant pendant un temps de faire abstraction des chuchotements des petites voix qui s'immiscent dans ma tête et de la populace qui n'en est pas moins bruyante.

    Je souffle longuement. Je voudrais marcher avec YoonGi, là, tout de suite, près de l'eau. Je voudrais qu'il me tienne discrètement la main, gêné bien que personne puisse nous voir et qu'il me chuchote des taquineries au creux de l'oreille, m'arrachant quelques frissons et des sourires hésitants. Je voudrais ne m'être jamais énervé contre lui. Ne jamais lui avoir souhaité de crever pour de bon, et de disparaître à jamais. Il a dû souffrir, et je souffre maintenant moi aussi.

J'arrive près d'un pont. Là, la circulation est plutôt abondante, mais chacune des voitures passe bien trop vite pour prêter attention à une silhouette comme la mienne. Grande, mince, lente et surtout tapie dans l'ombre. Qui irait chercher un tel genre de personne ?

Je soupire et m'appuie contre la rambarde, les bras croisés, avant d'y poser mon menton pour regarder l'eau du fleuve. D'ici, on entend à peine les vagues qui se chevauchent et disparaissent. Aussi petites soient-elles, on les perçoit juste avant qu'elles ne meurent. Mais une fois mortes, elles ne reviennent jamais. Et personne ne se souvient d'elles.

Mon cœur me serre alors que ma tête, lourde à cause du poids de la douleur, se laisse pencher en avant pour que mon front rencontre mes bras. Sans que je m'en rende compte, les larmes me montent aux yeux et je me mets de nouveau à pleurer. Petit à petit, mon cœur se joint à la fête et se serre au rythme de mes larmes, avant d'encourager mes épaules à se secouer à leur tour.

Je me souviens de lui, moi. Et j'en m'en souviendrai toujours. Alors pourquoi a-t-il fallu qu'on me le retire ?

Après avoir calmé légèrement mes pleurs, je renifle et, les yeux bouffis par la fatigue et l'éplorement, toise de nouveau le fleuve d'un air absent, dans le plus grand des calmes.

Si je saute, il n'y a aucune chance que je survive, n'est-ce pas ? Alors, je pourrais revoir YoonGi, pas vrai ?

Cette idée étire un sourire de satisfaction sur mes lèvres gercées. J'ai soif. Tant pis.

Je me détache de la rambarde et finis de longer le pont, pour ensuite descendre sur les côtes qui longe mon lieu de libération. Je manque de tomber à plusieurs reprises, l'herbe mouillée me faisant glisser, mais je tiens bon et arrive enfin à quelques mètres du fleuve.

L'eau est calme, elle m'attend. J'avance. Je n'ai qu'à y mettre un pied, puis deux, et enfin avancer sans faire demi-tour.

Je retire mes chaussures juste avant, par réflexe, puis plonge mon pied. Le liquide s'imbibe immédiatement dans mes vêtements et bien vite, la moitié de mon pantalon se retrouve trempée. J'avance lentement, le cœur lourd alors que les larmes dévalent mes joues. Je m'empresse de les chasser d'un revers de manche.

Je repense à YoonGi, à ses caresses, à ses sourires que je vais bientôt retrouver. Je repense à celui que j'aime, et sans qui je ne peux pas continuer. Je repense à ce beau blond qui avait un talent certain pour la musique et qui savait alléger le poids de la vie qui s'abattait sur mes épaules. Je repense à lui.

«Ce n'est qu'une question de temps.»

     Je souris. L'eau m'arrive à la moitié du torse, et je suis heureux. Finalement, ce temps, je l'aurais minimisé, hein, hyung ? J'ai mis quelques jours, mais nous allons vite nous revoir. Est-ce que tu es heureux ?

    L'eau m'arrive au menton et je sens que je n'aurai bientôt plus pied. Je ne peux empêcher un point d'angoisse me prendre à la poitrine alors que je ferme les yeux. Un pas. Un pas seulement, et je serai dans les bras de mon amour. Un pas et je retrouverai le goût à la vie.

«La vie, ce n'est pas ça, JungKook.»

    Un éclair s'abat sur moi alors que je réalise ce qu'il se passe. Un pas supplémentaire, et je ne serai plus de ce monde. Je retrouverai YoonGi mais perdrai papa, maman, mon frère et mes amis. Ma respiration s'accélère. Je ne verrai plus l'herbe se coucher au gré du vent, ni le Soleil parcourir le ciel la journée avant de partir dormir en même temps que moi le soir. Je n'aurai plu le bonheur de voir des enfants jouer, des gens sourire.

    Finalement, j'ai le temps, pas vrai ? C'est ce que tu m'avais dit Hyung. Donc, tu vas m'attendre, hein ?

    Je ressors de l'eau le plus rapidement possible, avant de me laisser tomber sur l'herbe, essoufflé. J'ai les cheveux qui me collent au visage et je pue. J'essaie de réaliser ce que j'étais prêt à faire quelques minutes auparavant.

   J'ai la vie devant moi, je ne peux pas me permettre de faire ça. Ni aux vivants, ni à Hyung. C'est bien lui qui me disait de profiter de la vie, n'est-ce pas ?

    Penaud, et pantelant, je remets mes chaussures. Cela ne sert pas à grand chose étant donné que je suis trempé de la tête aux pieds. Quel looser. Lâche. Je renonce à la vie, avant de renoncer à la mort.

   Un rire nerveux passe mes lèvres alors que je remonte la pente avec difficulté, le dos courbé. Je dois mettre mes mains à terre à plusieurs reprises pour retrouver un semblant d'équilibre. J'arrive bientôt au pont et les lumières m'éblouissent, alors que j'ai chaud. Je crois que ma petite baignade n'aura pas été très bénéfique, je vais être malade pour la semaine avenir, TaeHyung et JiMin vont m'en vouloir de m'absente et autant. Je devrais les inviter à manger à la maison.

    J'avance pour regagner la maison, avant de traverser.

   YoonGi, je vais prendre mon temps pour venir te voir. Tu seras là quand j'arriverais, pas vrai ? Je vais t'écouter, croquer la vie à pleine dents et rire avec mes amis, m'ouvrir davantage avant de te retrouver.

   Des larmes coulent sur mes joues alors que je me sens encore plus vide qu'avant, perdu. C'est la bonne solution, j'en suis sûr.

Soudain, un énorme klaxon retentit et j'ai à peine le temps de tourner la tête vers le camion qui me fonce droit dessus, que celui-ci me rentre dedans. Je me retrouve projeté et la douleur me lacère le corps, avant que, sans que je comprenne la situation, la fatigue m'envahisse pour de bon et tout devienne noir.

• • •

Dans la chambre de JungKook, un des messages non-lus apparaît à son écran.

«Tu n'as pas le droit de mourir par amour.»

Il sera mort de douleur.

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