Chapitre 6 - Océan Atlantique, en dinghy
Le commandant, l'homme à la casquette noire, deux marins du KRAKEN et un inconnu se tenaient face à Mickaël qui avait plaqué ses mains sur sa nuque.
Le commandant pointait sur lui un pistolet dont l'acier brillait dans la lumière blafarde. L'un des marins ainsi que l'inconnu portaient chacun une arme automatique à l'épaule, tenue par une bretelle de cuir.
- Je savais bien que vous causeriez des problèmes, lui dit le commandant. Où est la gonzesse ?
- Elle est dans la cabine, elle dort, elle ne sait rien, bredouilla Mickaël.
- Allez la chercher et retrouvez-nous dans ma cabine, dit le commandant aux deux marins.
Ils partirent sans un mot vers l'escalier menant à la coursive.
- Baissez les mains et avancez, dit le commandant à Mickaël en lui montrant la direction du bout de son arme. Et pas de blague sinon je vous descends tout de suite.
Ils atteignirent rapidement la cabine du commandant, qui était spacieuse et plutôt bien aménagée en comparaison de celle où étaient Sandra et Mickaël.
Il y avait, hormis le lit, notamment un bureau avec un grand fauteuil, deux fauteuils clubs en cuir et un canapé.
- Il a tout vu, il faut le buter, dit l'homme à la casquette noire en faisant comme si Mickaël n'existait pas, et sa nana aussi.
- Mais je ne sais rien et elle encore moins, dit Mickaël, je n'ai vu que des baluchons de plastique !
Le commandant s'approcha avec un sale air et lui balança un grand coup dans la figure avec son arme. La pommette gauche de Mickaël éclata et le sang se mit aussitôt à couler sur son visage. Le commandant le poussa dans un des fauteuils en cuir.
- Ferme ta gueule, lui dit-il, on ne t'a pas sonné. Tu as très bien compris ce qu'il y a dans ces balles de plastique.
- Moi suis d'accord éliminer aussi, dit l'inconnu avec un fort accent latino, toi ne peux pas prendre un risque avec eux en France.
Les deux marins arrivèrent, tenant chacun par un bras Sandra qui était en petite culotte. Ils l'avaient tirée du lit comme ça, sans ménagement. Elle avait l'air terrorisée et quand elle vit Mickaël avec la figure en sang elle cria :
- Mickaël ! Que lui avez-vous fait ? Que se passe-t-il ?
- Il se passe, dit le commandant, que votre imbécile de mari est venu fourrer son nez dans nos affaires.
- Mais quelles affaires, pourquoi le frappez-vous ?
Le commandant accrocha Sandra par le bras et l'assit brutalement dans le canapé.
Il fit signe à l'homme à la casquette et à l'inconnu et ils s'isolèrent tous les trois dans un coin de la cabine.
Sandra regardait Mickaël qui avait l'air dévasté, sans comprendre vraiment.
Il y eut une discussion à mots étouffés et, au bout d'un moment, le commandant serra la main des deux hommes en leur disant :
- C'est ok, je m'en occupe.
Ils sortirent de la cabine avec les deux marins.
- J'ai été obligé de leur promettre que j'allais vous tuer, dit le commandant. C'est vrai que je le devrais.
Il regarda Sandra :
- Nous avons chargé 1200 kg de cocaïne sur le KRAKEN, cette nuit. En pleine mer, ça évite bien des problèmes avec des contrôles surprise au port. Il y en a pour beaucoup d'argent. Votre mari, au lieu de dormir dans sa cabine, a vu ce qu'il n'aurait pas dû voir.
- Commandant, dit Sandra, vous nous avez sauvés d'une mort certaine sur notre canot. Nous avons une dette envers vous. Mon mari a été trop curieux, c'est un de ses défauts, mais je peux vous jurer que nous ne vous dénoncerons pas. Qu'aurions-nous à y gagner, d'ailleurs ? Ni Mickaël ni moi ne sommes flics. Nous avons de l'argent, nous n'avons pas envie d'avoir plus d'ennuis à rajouter au bout de ceux qui nous attendent avec ce malheureux naufrage. Le voilier, nous l'avions loué, vous savez.
Mickaël ne disait rien. C'était sans doute mieux ainsi.
Le commandant, d'un geste de la main, intima le silence et se mit à réfléchir.
Sandra et Mickaël se regardaient, comprenant que leur sort se jouait à cet instant.
Il finit par dire :
- Ecoutez, je ne peux pas vous débarquer en France, ni où que ce soit, d'ailleurs. Mais je ne suis pas un assassin et je vais donc vous donner votre chance : j'ai à bord un petit canot en bois, une sorte de dinghy dont rien n'indique qu'il vient du KRAKEN. Il a une paire de bons avirons. Le temps est au beau fixe pour un moment encore. Nous sommes en train de quitter la mer des Caraïbes pour entrer dans l'Atlantique en laissant Puerto Rico et les Iles Vierges Britanniques à bâbord. Je vous ferai donner une provision d'eau. Si je vous dépose dès le jour levé, en ramant bien, direction sud sud-est, vous atteindrez Antigua et Barbuda...
Il alla à son bureau et regarda une carte de marine qui était dépliée.
- ... oui, reprit-il, il y aura environ 60 km, Antigua et Barbuda, vous pouvez être à Saint John's avant la nuit, Une fois là-bas, version officielle : vous avez fait naufrage avec votre voilier, vous aviez ce dinghy à bord, vous aviez sauvé des vivres et de l'eau, vous avez ramé et dérivé, vous n'êtes jamais monté à bord du KRAKEN, vous n'avez jamais entendu parler de ce bateau. De toute façon la balise de votre voilier n'a pas dû émettre plus de quelques minutes et celle de votre petit canot de sauvetage ne fonctionnait pas quand nous vous avons remontés.
- Mais, commandant, dit Mickaël, 60 km à la rame, s'il y a des courants...
- C'est à prendre ou à laisser, coupa-t-il. Vous n'êtes pas en position de discuter.
Il alla ouvrir la porte de la cabine et les deux marins entrèrent.
- Emmenez-le dans sa cabine et attachez-le, ordonna le commandant. Moi, j'ai quelques mots à dire en privé à la jolie Sandra, dit-il avec un affreux sourire.
Mickaël se leva d'un bond. Les marins l'agrippèrent aussitôt et tentèrent de l'entraîner dehors. Il se débattait de toutes ses forces mais l'un des hommes lui asséna un grand coup de crosse à la tempe. Il s'écroula et ils le traînèrent dehors, chacun le tirant par un bras.
Sandra s'était levée de son canapé et hurlait.
Le commandant s'approcha d'elle et lui dit d'un air venimeux :
- Allez, ma belle, ne fais pas d'histoires, c'est le prix à payer pour vos vies. Et ce n'est pas cher, je trouve.
Elle essaya de le frapper mais elle ne faisait pas le poids en face de ce costaud. Il lui attrapa le bras droit et le lui tordit violemment. De la main droite il accrocha sa culotte et l'arracha puis il la repoussa brutalement dans le canapé.
Comme elle essayait de se relever, il lui envoya une gifle à toute volée et elle retomba, à moitié assommée.
Il se jeta sur elle et lui fit subir ce dont il avait envie depuis le moment où elle était montée sur son bateau.
********
Mickaël émergea d'un seul coup de l'épais brouillard dans lequel l'avait plongé le coup de crosse à la tempe : on venait de lui jeter de l'eau au visage.
Il avait une douleur atroce à la tête.
Dans une semi-inconscience, il vit Sandra assise en face de lui. Elle avait les lèvres fendues, les cheveux tout emmêlés et pleurait.
Il réalisa enfin qu'ils étaient dans le dinghy.
Un filin était accroché à l'avant et à l'arrière de la petite embarcation en bois et un treuil les descendait lentement le long de la coque du cargo qui naviguait à très faible allure.
Le commandant avait tenu parole : une paire d'avirons et un bidon d'eau étaient posés à leurs pieds, ainsi qu'une boussole dont le cadran était enchâssé dans du plastique.
Dès que le dinghy toucha l'eau, les pinces métalliques des filins se défirent et ceux-ci remontèrent, enroulés à toute vitesse par le treuil.
Le commandant les regardait de tout là-haut et fit un petit signe. Ils ne pouvaient pas voir l'expression de son visage, il était trop loin.
La poupe du KRAKEN s'éloigna doucement. On n'avait pas remis les machines plus fort, sans doute pour ne pas les faire chavirer, pensa Mickaël.
Il voulut saisir les avirons pour les fixer dans les tolets et vit qu'ils flottaient. La boussole aussi, flottait : il y avait déjà au moins 10 centimètres d'eau dans le fond du canot.
L'eau entrait par plusieurs fentes qu'on avait dû pratiquer avec un outil très fin entre les lattes de bois du dinghy.
Sandra se mit à hurler.
Cette fois ils n'avaient ni gilets, ni balise.
Le dinghy coula en moins de 10 minutes.
___________
FIN
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