Chapitre 4 - Mer des Caraïbes, les entrailles du KRAKEN
Un des marins accompagna Sandra et Mickaël à travers des coursives et il arrivèrent dans ce qui paraissait être la salle à manger.
Il leur servit à boire de l'eau fraîche, puis des sodas sucrés et leur donna diverses choses à manger, dont des biscuits secs.
Il parlait un mauvais français avec un accent d'un pays de l'Est, semblait-il, mais ils parvinrent à comprendre qu'il les questionnait sur leur santé.
Ils n'avaient heureusement pas séjourné plus d'une demi-journée et une nuit sur le canot, et s'en tiraient physiquement sans trop de dommages.
Puis il les mena à une cabine qui aurait eu besoin d'un sérieux rafraîchissement, c'était le moins qu'on pouvait dire...
Il s'agissait d'une sorte de grande alvéole, en fer bien sûr comme tout le bateau, peinte en jaune pâle avec de gros rivets partout.
Il fallait lever les pieds pour franchir le seuil et la porte ressemblait un peu à celles fermant les sas étanches.
Un hublot donnait sur l'extérieur à tribord et, le long du mur de droite, se trouvaient deux lits superposés dont le couchage était fait avec des couvertures en laine vert foncé semblables à celles de l'armée.
Il y avait un lavabo, assez sale, mais pas de toilettes et enfin, dans un coin, une tablette scellée dans la cloison et deux chaises.
Le marin leur montra que les sanitaires se trouvaient au bout de la coursive et leur fit signe de se reposer. Il expliqua avec difficultés qu'on mangeait à 19 heures.
Quand il fut parti, Sandra s'assit sur le lit du bas.
- Tu parles d'un accueil ! dit-elle.
- Oui, c'est spartiate, constata Mickaël en jetant un coup d'œil circulaire à la pièce.
- Je ne parlais pas de la chambre, dit-elle, il ne fallait pas s'attendre à du 5 étoiles sur ce genre de bateau, mais de l'accueil du commandant. Quel sale type ! Tu as vu comme il matait mes jambes ?
- Oui, et il n'était pas le seul, l'équipage aussi, dit Mickaël en souriant. Remarque, tu as de jolies jambes, un short court, et ces types sont en mer depuis un moment, sans voir de femmes...
- C'est vrai, mais bon, il nous a clairement fait sentir qu'il se serait bien passé de nous. Il nous a sauvés mais ça lui a coûté. C'est la meilleure, celle-là !
- Bah, il a sans doute des impératifs, il faut se mettre à sa place. Mais c'est vrai que c'est un rustre. Entre français, il aurait pu faire un effort. A propos, as-tu remarqué comme l'équipage est cosmopolite ? On dirait que peu sont français.
- En tous cas, ils sont bien cradingues et ça pue le mazout ici, soupira Sandra.
- Allez, dit-il, on s'en tire bien, on aurait pu y rester, tu sais. Et puis, avec un gros bateau comme ça, on sera vite en France, environ une dizaine de jours je pense. Là, je ferai jouer les assurances et dans quelque temps, on racontera cette histoire comme un bon souvenir de baroudeurs.
Sandra commençait à fermer les yeux. Ils se reposèrent jusqu'au soir.
Peu avant 19 heures, un autre marin vint toquer à la porte. C'était l'heure du dîner.
Ils rejoignirent l'espèce de salle à manger où avaient pris place une quinzaine d'hommes qui les regardèrent entrer et s'assoir comme des bêtes curieuses.
Le repas était correct.
Ah, bien sûr, pas de punch ni de langouste cette fois, mais c'était tout de même mieux que les rations de survie...
Ils allaient avoir fini de manger lorsque le commandant vint s'assoir à leur table, une bouteille et trois verres à la main.
Il leur servit du rhum blanc.
Sandra n'osa pas refuser mais ne toucha pas à son verre : c'était du rhum agricole d'au moins 55 degrés !
Le commandant avala le sien cul sec et se resservit.
- J'ai été un peu pète-sec tout à l'heure, mais c'est mon caractère, je suis méfiant. Et puis vous comprenez, on n'est déjà pas trop en avance. J'ai une pleine cargaison de fruits là-dessous à livrer, c'est périssable. Votre sauvetage, hormis le coût du déroutement dont vous n'avez pas idée, m'aura fait perdre une demi-journée.
- Nous comprenons commandant, vous nous avez tirés du pétrin, nous n'avons qu'à vous remercier.
Sandra lui jeta un œil noir.
- On transporte des fruits, là, alors ? Quelles sortes ? demanda Mickaël.
- Bananes et ananas, les cales sont pleines.
- Vous êtes donc partis du Costa Rica ? demanda encore Mickaël.
Le commandant lampa son verre en le regardant fixement.
- Pourquoi du Costa Rica ? Qui vous a dit cela ?
- Euh, personne, c'est juste que le Costa Rica est grand producteur à la fois de bananes et d'ananas, dit Mickaël, fier de lui. Sandra et moi, nous le savons car c'est de ce pays que nous avons débuté notre périple en voilier.
- Il y a d'autres pays producteurs, dit le commandant...
- Je disais cela aussi parce vous suivez une route très au sud, bien différente de celle habituellement empruntée par les cargos de fret.
- Vous êtes un petit malin, vous, hein ?
- Simples déductions, fanfaronna Mickaël. Je note aussi que votre équipage est très hétéroclite, rajouta-t-il d'un ton simulant la confidence.
Sandra avait de l'aversion pour ce capitaine de bateau antipathique qui ne lui inspirait rien de bon.
Elle maudit intérieurement Mickaël d'essayer ainsi de jouer au plus fin avec ce type.
- Ecoutez, dit le commandant, je n'aime pas les fouineurs, je croyais vous l'avoir fait comprendre dès que vous avez mis les pieds sur le pont de ce bateau. Le port duquel est parti le KRAKEN, sa date d'appareillage et la route qu'il suit sont mon affaire, tout comme ce qu'il transporte, que ce soient des bananes, des ananas ou des perroquets ramenés illégalement.
- Mais je...
Le commandant lui coupa sèchement la parole :
- Je vous le redis : mêlez-vous de vos affaires, ne posez pas de questions et faites ce pourquoi vous êtes montés sur ce navire, c'est-à-dire vous laisser transporter jusqu'en France. C'est un conseil que je ne vous répéterai plus...
Il fit un sale clin d'œil, empoigna la bouteille et quitta la salle.
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