Chapitre 2 - Mer des Caraïbes, cap à la dérive
- Viens m'aider ! Apporte des serviettes-éponges ! Dépêche-toi ! hurla Mickaël.
Sandra se leva d'un bond, ouvrit un placard et saisit une pile de draps de bains.
Elle descendit à son tour dans le fond du bateau.
Mickaël éclairait avec sa torche : il y avait une brèche dans la coque, située à peu près à la hauteur du premier tiers de la longueur du voilier, très nettement sous la ligne de flottaison, là où la coque s'arrondit pour former le fond.
Il alluma la lumière.
Le matériau composite avait éclaté et l'on voyait une ouverture en forme d'étoile d'où jaillissait un geyser d'eau de mer.
Des bribes de tissu de verre étaient arrachées et pendaient autour de l'avarie, témoignant de la violence du choc.
- Donne les serviettes, cria Mickaël ! Aide-moi, on va essayer de colmater.
Il se mirent à essayer d'enfoncer les draps de bains roulés pour obturer le trou.
L'eau les douchait copieusement, ce qui compliquait la tâche.
Mickaël saisit une barre de fer qui se trouvait dans l'atelier et réussit à bourrer une ou deux serviettes qui, ressortant à l'extérieur de la coque, étaient revenues se plaquer tant bien que mal contre celle-ci à cause de la pression de l'eau.
Il envoya Sandra chercher un ciré de marin qu'il réussirent aussi à infiltrer vers l'extérieur.
De cette façon, le jet d'eau avait perdu en intensité mais on voyait que l'eau entrait à gros bouillons dans le bateau.
- Mais qu'est-ce qui a bien pu faire ça ? demanda Sandra.
- Ecoute, je n'en sais rien, sûrement un espar flottant entre deux eaux, ce n'est pas le problème.
- Tu crois que c'est grave ? On va pouvoir réparer ?
- Oui, c'est grave : la voie d'eau est importante et on ne peut pas réparer, le bateau est en fibres composites. Et notre colmatage de fortune ne va pas tenir longtemps. De toute façon, même s'il tenait, ça n'empêche absolument pas l'eau de rentrer. Il va falloir mettre la pompe en route. On va l'alimenter par le groupe à gas-oil. Il y en a bien un électrique aussi, mais avec toute cette flotte partout, gare au court-circuit...
- Mais pendant combien de temps ? demanda Sandra.
- Pendant le temps qu'il y aura du gas-oil. Arrête de poser des questions, je vais mettre ça en place. Toi, va lancer un signal de détresse par radio et signaler notre position !
Sandra se retourna.
- Micka, la radio... dit-elle d'une voix blanche.
L'émetteur, que Mickaël avait démonté la veille au soir, était sur l'établi de l'atelier.
Le jet d'eau de l'avarie avait aspergé partout et le boîtier était plein d'eau...
- Bon, dit Mickaël. On est dans la merde. Va déclencher la balise de détresse.
- Mais, tu crois que...
- Qu'on est en danger ? Oui, ça me paraît évident, le groupe va pomper mais ça ne suffira pas, vu l'importance de la voie d'eau, il en rentrera plus que la pompe ne pourra en extraire. En plus le groupe ne pompera que le temps qu'il sera alimenté en gas-oil et qu'il ne sera pas lui-même submergé par l'eau qui va envahir la coque. Va déclencher la balise !
Mickaël se hâta d'installer le groupe, de faire le plein de gas-oil et d'y relier la pompe.
Le moteur du groupe démarra dans un boucan épouvantable et une fumée âcre envahit l'endroit.
Mickaël resta un moment pour voir ce qu'il se passait et vit que ses craintes étaient fondées : malgré le pompage, il était clair que l'eau continuait à monter.
Quand il remonta de la cale, il en avait déjà à mi-genoux.
Sandra avait déclenché la balise.
Il ne restait plus qu'à espérer, se dit Mickaël, que, sur ce bateau de location, la pile ait été vérifiée...
Et combien de temps allait-il s'écouler avant qu'on ne les localise puis qu'on vienne les secourir ?
- On va couler, dit Sandra. On va couler et on va mourir ! cria-t-elle d'une voix complètement hystérique.
Mickaël l'attrapa par les bras. Il fallait qu'elle se calme.
- Ecoute, oui, le bateau va sans doute couler, mais je pense qu'on a au moins deux bonnes heures devant nous. Tu as déclenché la balise, donc on va nous localiser. Et il y a un canot de survie qui se gonfle automatiquement et qui a lui-même une balise. Tu dois te calmer. Il faut mettre à profit le temps qu'il nous reste pour préparer des choses essentielles : de l'eau, des fusées de détresse, enfin, ce qu'on peut, quoi.
Elle était terrorisée et claquait des dents, trempée.
Au beau milieu de la mer des Caraïbes, sans aucune île à proximité, Mickaël n'en menait pas large non plus mais il essayait de ne rien montrer.
Ils sortirent un sac et fourrèrent dedans diverses choses qui leur paraissaient pouvoir être utiles, ainsi que de l'eau et quelques boîtes de provisions. Le canot de survie contenait de toute façon des rations de nourriture.
Une heure et demie environ après la mise en route du groupe à gas-oil, celui-ci s'arrêta, sans doute submergé par l'eau dans la cale.
Dès lors, sans pompage, les choses allèrent très vite.
Heureusement, le jour se levait.
Ils mirent le canot à la mer, amarré au bateau, et il se gonfla aussitôt. Il était rond et comportait une bâche cirée orange en forme de minuscule chapiteau. On pouvait ainsi le fermer et être abrité en cas de mauvais temps.
Sandra s'installa dedans et Mickaël lui passa le sac, puis il s'installa à son tour.
Le voilier s'enfonçait de plus en plus dans la mer. On aurait dit qu'une main géante lui appuyait dessus afin de le faire disparaître sous l'eau.
Puis, alors que l'eau semblait devoir envahir le pont, il commença à se soulever de l'arrière avec des craquements, la proue piquant au contraire sous la surface.
- Fichons le camp de là, dit Mickaël, il va y avoir un remous quand il va sombrer.
Ils pagayèrent rapidement avec les deux ridicules petites pelles en plastique qui servaient de rames.
Le bateau se redressa d'un seul coup et disparut dans un gros bouillonnement, les laissant seuls dans leur coquille de noix, au milieu de l'immensité bleue.
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