Chapitre 24

Le temps passait, défilait sous mes yeux comme un nuage emporté par le vent.

Chaque jour, je pensais à lui. Filou. Mon renard. Vivais-je simplement pour lui ? Certainement que oui. Mais, je n'avais plus d'espoir. Il devait être mort, désormais, tué pour sa fourrure. Mes larmes s'épuisaient, et chaque jour, je serrais fortement Nyx dans mes bras. Il me regardait, son regard inquiet et interrogateur. Il ne comprenait pas ce qu'il m'arrivait, pourquoi j'étais triste, mais il le savait, il savait que quelque chose n'allait pas, que la tension dans la famille était très présente, comme si un violent orage arrivait peu à peu, prêt à déchaîner ses vives et brusques foudres aveuglantes. Quand je le prenais son cou poilu dans mes bras, que j'enfouissais mon nez dans sa fourrure, Nyx posait ses deux pattes avant sur mes épaules. Voulait-il me réconforter ? Longtemps je l'avais délaissé sur le côté, ne m'intéressant qu'à mon renard, seulement mon renard. Peut-être que le chien était malheureux, méprisé, car j'avais préféré être avec Filou.

Je ne sortais plus. Je n'osais pas. Je ne voulais pas voir d'autres renards, au risque de penser à Filou, et encore moins croiser la route d'un chasseur. Ces maudits chasseurs, qui tuent des animaux innocents aux yeux emplis de joie de vivre ! Je ne voulais pas retomber sur ces cadavres, et certainement pas ce chasseur.

L'enquête n'était pas encore aboutie. La police était en train de chercher des traces d'ADN et d'empreintes digitales sur les renards morts et la lettre déchirée. Mais, prenaient-ils vraiment cette recherche au sérieux ? Quand ils avaient vu ma blessure, ils se demandaient si c'était vraiment dû à un morceau de plomb, car elle s'était déjà un peu cicatrisée. Désormais, elle ne me faisait plus mal, et je bougeais mon bras comme je le souhaitais. Je n'écrivais plus mes journées. Au moment où j'écrivais quelques lignes sur un cahier au papier plutôt brunâtre, j'ai regardé la photo adorable de Filou, accrochée au-dessus de mon ordinateur. Je l'avais mise là afin de pouvoir toujours la regarder avant d'aller me coucher.

Ma mère essayait souvent de me rassurer, en disant que ma pétition finirait par aboutir un jour ou l'autre. Mais, le temps était compté, je le savais, et j'étais pratiquement sûre qu'il était trop tard. Oui, trop tard.

Elle allait souvent se coucher avant tout le monde, épuisée par tous ces événements. Scott, lui, rentrait très tard du travail, bien plus tard que d'habitude, et il s'inquiétait, car la police ne trouvait pas le coupable. J'avais l'impression qu'il essayait de le retrouver lui-même, était-ce pour ça qu'il revenait tardivement ?

Noémie, elle, continuait ses études, et les bus étaient souvent bloqués dans des embouteillages, mais elle arrivait tout de même à rentrer avant mon père. Elle essayait parfois de me changer les idées en voulant me faire jouer à des jeux de sociétés avec elle, mais, je ne voulais jamais. Je claquais souvent la porte de ma chambre quand elle m'embêtait trop avec ça. C'était incroyable comment l'enlèvement de Filou m'avait détruit, avait détruit ma famille. Cela en valait-il vraiment la peine ? Après tout, Filou n'était qu'un simple renard. Un animal comme les autres. Et puis, j'avais Nyx.

 Mon renard était ancré dans mon cœur à jamais. C'était un être-vivant, doté d'un cœur, tout comme moi. Avait-il une conscience ? Oui. Sinon, il ne m'aurait pas suivi, il ne m'aurait pas fait confiance. Il était capable de ressentir la douleur, la mort, la solitude.

Lui manquai-je ? Je me le demandais.

Ma pétition ne servait sans doute à rien, il devait être trop tard. Je claquai mon poing contre la surface dure de mon bureau en bois. Filou était mort ! Mort ! Mort...! Mort... Mort. Oui, mort.

Je me décidai donc, aujourd'hui, à arrêter la pétition, à abandonner, car elle n'allait jamais être entendue, et de toute manière, mon renard devait être mort à l'heure qu'il était. Cet élevage n'en faisait qu'à sa tête, et pensait plus à l'argent qu'au bien-être de ses renards...

Pourtant, un « ding ! » retentit de mon ordinateur. Je tournai la tête, voyant qu'un nouveau mail était arrivé. Était-ce encore un de ces faux et inutiles soutiens qui m'envahissaient ?

Je m'assis et ouvrit le mail.



Objet: Entente de votre pétition « Aidez-moi à récupérer mon renard ! »


Chère Julia Trecker,

Bonjour. Après avoir reçu votre pétition sur papier et votre pétition en ligne ayant atteint au total les 21 753 votes en France et 536 votes au Canada, nous avons décidé de vous proposer un terrain d'entente afin de conserver la bonne image de notre élevage.

Nous vous proposons de pouvoir racheter votre renard prénommé Filou, en bonne santé, pour la somme de 3 567 euros si vous détenez le certificat de détention d'animaux exotiques ainsi qu'un grand enclos fermé et sécurisé. Nous vous demanderont également de bien vouloir déclarer votre renard après son adoption et de vous trouver un vétérinaire exotique qui pourra prendre en charge votre renard.

Veuillez noter qu'un délai de 3 semaines vous est donné avant que le renard prénommé Filou ne soit abattu à but industriel et commercial.

Je vous accorde mes plus sincères salutations.

Cordialement, M.Reynolds

Elevage des Fourrures Soyeuses


Je n'en croyais pas mes yeux,  je hurlai presque. Filou n'était pas mort, mais il mourrait si je ne donnais pas une somme exorbitante !

Comment allais-je faire ? C'est la fin, pensai-je.

C'était de l'escroquerie ! Ils m'avaient prit Filou, et maintenant, ils voulaient de l'argent en masse pour me le rendre...

Puis je repensai aux presque vingt-deux mille votants... En trois semaines...


Pouvais-je sauver Filou ?

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