Chapitre 14
Quand je me suis réveillée, je me demandais si je l'étais vraiment. La nuit commençait, et la forêt était dans l'ombre la plus totale. Je me demandais où j'étais, et pourquoi j'étais là, avant de me souvenir du chasseur. Je voyais des yeux étranges fluorescents juste à côté de ma tête, et un petit souffle chaud. Je me suis d'abord inquiétée avant de me rendre compte qu'il ne s'agissait que de Filou. Celui-ci était allongé, la tête posée contre mon épaule.
Je voulus m'asseoir, mais une fulgurante douleur se lança dans mon bras droit, si forte que j'en braillai. Le petit goupil se redressa sur ses pattes et me lécha la joue en couinant. Je me tournai légèrement afin de pouvoir voir la blessure, mais je n'y voyais rien dans ces ténèbres.
J'enlevai le sac que j'avais sur les épaules, en râlant, en me plaignant. Un seul mouvement trop brusque me faisait souffrir. Je réussis à l'enlever. Je l'ouvris et en sortis une petite lampe torche que j'allumai de ma main valide. La faible lumière qu'elle produisit me permit de mieux m'y repérer.
Filou recula un peu, se demandant ce que c'était. Il posa sa truffe sur l'objet afin de la sentir, puis se rallongea, posant sa tête sur moi. J'analysai la situation et l'environnement dans lequel je me trouvais. Les arbres, gigantesques ombres nocturnes, semblaient tendre leurs branches comme des bras vers les nuages pluvieux qui passaient au-dessus d'eux. La lune, faible cercle blanc caché derrière le coton gris, était effrayante, montant à peine à l'horizon. J'entendais les hurlements des loups. Les crevasses dans les troncs formaient des grimaces peu rassurantes. C'était comme si les arbres me dévisageaient.
Les taillis balançaient légèrement au gré du vent qui augmentait en puissance. J'avalai ma salive, épouvantée. J'aurais tant voulu être dans mon lit, au chaud... Mes parents et ma sœur s'inquiétaient-ils pour moi ?
Je sentis la pluie commencer. Puis elle devint plus présente, et enfin, très forte. L'eau était gelée. Elle s'écroulait sur mon visage si vite qu'elle me frappait. Elle était tel un coup de poing dans la figure. Elle coulait ensuite sur ma peau, me faisant frissonner de froid. Je sentais les gouttes s'incruster dans mes chaussures, me refroidissant terriblement les pieds. Lorsqu'elle touchait ma blessure, j'avais envie de hurler. Je serrais les dents à chaque fois qu'elle passait.
En regardant ma manche, je vis qu'elle était ensanglantée. Allais-je mourir ?
Le ciel tout entier semblait pleurer. Ses larmes étaient si nombreuses, qu'elles devaient évoquer une très grande mélancolie. Une très grande peine.
Je regardais mon renard. Savait-il à quel point j'avais mal ? Non, sûrement pas. Pourtant, il restait là, malgré la pluie tombante. Son pelage en devenait trempé. Sa queue, qui était d'habitude touffue, s'affinait sous l'effet de l'eau. Il avait posé sa tête sur moi, et il me regardait de ses petits yeux bruns. A quoi pensait-il ? Je ne le savais pas, et jamais je ne l'aurais su.
Tout ce que je savais, c'était qu'il était là pour moi. Oui. Il ne me laissait pas tomber. Il pouvait tout à fait se réfugier dans le terrier, se mettre à l'abri de la pluie. Mais il était là, à mes côtés. Il avait faim, les fraises n'étaient pas si loin que ça, il pouvait y aller. Mais il n'y est pas allé. Filou était un renard sauvage, mais c'était le renard le plus spécial du monde. M'aimait-il ? Je ne le savais pas. Mais, ce qui était sûr, c'était qu'il ne voulait pas me quitter.
Me prenait-il pour sa maman ?
J'avais si froid. Je n'avais qu'une envie : me recroqueviller. Mais, si je bougeais, mon membre me faisait souffrir le martyr. J'avais eu une hémorragie, et le sang coulait encore un peu. Avais-je perdu beaucoup de sang ? Je m'étais évanouie. Je n'avais plus la notion du temps, alors je vérifiai ma montre. Il n'était pas très tard, mais assez pour que mon cas soit grave.
Enfin, je vis des lumières gigoter. Ma mère hurla mon nom et accourut jusqu'à moi. Mon père, lui, n'en croyait pas ses yeux en voyant le renard, et ma sœur, elle, était paniquée en voyant le sang qui avait coulé de ma plaie.
Je ne compris pas vraiment la suite, mais, ils m'avaient longuement compressé le bras, et cela m'avait fait très mal. Je ne cessais pas de répéter la même chose.
— Ne faites pas de mal à Filou...
— Calme-toi, ne parle pas, chut... Économise tes forces... Me chuchota ma mère en passant sa main dans mes cheveux.
— Prenez-le... Mettez-le à l'abri... Le renard... Filou...
Au final, lorsqu'ils ont commencé à appeler les secours, je m'étais de nouveau évanouie, le noir complet avait reprit le contrôle de mon esprit, et, avant de sombrer, je m'inquiétais pour Filou. J'ai tendu ma main vers lui afin de lui caresser la tête, me demandant s'ils allaient le prendre, l'abandonner à nouveau, ou lui faire du mal. Je murmurai quelques mots à Filou en perdant conscience.
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