Chapitre 13

Nous nous retournâmes, et nous fûmes affolés. Une grande bête au poil argenté avait les babines retroussées. Ses crocs étincelaient autant que ses yeux jaunes, la fourrure toute redressée sur son corps. Elle était bien plus grande que notre border collie, et j'en étais terrifiée. Les oreilles rabattues, la bête avançait vers nous d'une démarche silencieuse.

C'était un loup. Était-il seul, ou venu en meute ? Je n'en savais rien, et je me demandais surtout si nous allions nous faire dévorer. Je reculais, lentement, les mains levées.

  — Tout doux le loup... Fis-je d'une voix tremblante.

Le loup grognait. Filou devait être encore plus terrorisé que moi. Il n'osait plus bouger, tremblotant de tous ses membres. Le prédateur le regarda un instant, prêt à lui foncer dessus. Je me souvins de ce que m'avait dit mon grand-père au sujet des loups. Ils n'attaquent pas l'Homme. Ils le fuient. 

Alors je me mis à crier et à piailler en agitant des bras, le cœur battant à toute allure, l'adrénaline vive coulant dans mes veines. Le loup aboya et recula de quelques pas. Je pris un bâton, mais à ce moment là, le loup commença à poursuivre Filou.

  — NON ! M'époumonai-je. 

Je fis volte-face et les suivis. Le loup se mit à forcer le passage dans une sorte de terrier, mordant dans le vide. Je tapai le sol avec mon bâton, et il se retourna vers moi, de la salive coulant de sa gueule.

  — Laisse-le tranquille !

Le canidé gris s'apprêta à bondir, puis, tout à coup, il jappa et prit la fuite. J'entendis une voix, et me retournai. Un cavalier et son cheval bai galopaient vers moi. 

  — Ho, ho, tout doux.

L'équidé à la crinière et à la queue noire s'arrêta en hennissant. Je regardais l'homme habillé en cow-boy qui était assis sur la selle.

  — Tout va bien, petite ? Demanda-t-il.

— Je ne suis pas petite ! Rétorquai-je.

— C'est vrai. Tu as été courageuse d'avoir osé faire face à un loup. Tu as de la chance qu'il ne soit pas venu avec une meute.

  — Les loups n'attaquent pas les humains...

— Que fais-tu ici toute seule, dans la forêt ? Où sont tes parents ? Interrogea alors l'homme en secouant son chapeau de cuir, en changeant de sujet.

— J'ai le droit d'aller seule dans la forêt.

— Tu sais, c'est dangereux, avec les loups, les lynx, les ours...

— Je n'ai pas peur ! Ils ne me feraient rien.

  — Bien sûr que si, ils pourraient t'attaquer.

Je jetai un coup d'œil au terrier. Filou était-il sain et sauf ? Je m'accroupis devant. L'homme, sceptique et curieux, m'observa.

— Que fais-tu ? Demanda-t-il alors.

— Je veux vérifier si le renard va bien.

— Un renard ? Dans ce terrier ? Écarte-toi, je vais l'éliminer. 

Je crus que mon cœur allait exploser. Dans un silence total, je me retournai vers lui, lui lançant un regard noir. Ses yeux bleus glacés ne me terrifiaient pas.

  — Touchez à ce renard et vous le payerez.

  — Comment ça ? Les renards, c'est des nuisibles ! Ils mangent nos poules !

— Laissez ce renard tranquille ! Les renards n'ont rien fait de mal. C'est les chasseurs qui ferment mal leurs poulaillers...

Je me levai, le fixant, bien droite, fière, malgré ma petite taille à côté de son cheval. L'homme sortait d'une lanière une carabine chargée. Mon sang ne fit qu'un tour dans mon corps. J'attrapai le fusil et commençai à le tirer. L'homme tira à son tour, et le cheval, lui, piétinait sur place, la queue battante, en humant.

  — Vous n'avez pas le droit ! Laissez les renards tranquilles ! Criai-je.

L'homme me poussa d'une main et je tombai sur mon arrière-train en gémissant. L'homme calma son cheval en lui tapotant l'encolure et en lui susurrant quelques mots à l'oreille. Moi, je me relevai, prête à tout pour défendre Filou.

  — J'ai le droit, c'est autorisé par la loi. Je ferais ça avec respect. Il ne souffrira pas, je te le promets.

Je hurlai. Je tentai de frapper l'homme avec le bâton, mais le cheval se cabra en hennissant fortement. Ses sabots cognèrent lourdement le sol, et faillirent me toucher. J'eus très peur et je reculai. Ce chasseur était fou ! Il pressa la détente vers le terrier...

Mais son cheval, nerveux, se retourna en s'ébrouant. La balle fila, et le coup de feu retentit à m'en faire siffler les tympans.

Je m'écroulai. Ma tête percuta durement le sol. Ma bouche était ouverte, j'étais secouée de spasmes. Ma vue se troublait peu à peu, se secouant violemment de droite à gauche et s'assombrissant. J'eus à peine le temps de voir l'homme aux yeux écarquillés faire demi-tour et s'enfuir, disparaissant entre les arbres avec son cheval...

Je n'eus pas la force de hurler. Je ne sentais plus mon bras droit. La force me quitta peu à peu, je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Filou me rejoignit et commença à me renifler le visage. Je levai la main gauche faiblement pour l'effleurer du bout des doigts, et puis, plus rien.


Je ne vis plus que du noir.



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