9 * Plus jamais

Agathe

Notre van a atteint le territoire italien. Zachary et moi avons posé l'ancre dans la nature, non loin de vignes qui se dessinent à perte de vue.

La chaleur ne semble pas vouloir nous laisser de répit. Malgré que la nuit soit tombée, elle continue de nous étouffer sans relâche. N'ayant pas trouvé de lac ou de point d'eau où nous installer, nous nous sommes vite rendus compte que la climatisation du véhicule avait ses limites.

Pourtant, mon ami a insisté pour aller visiter le village avoisinant. Nous voici donc à pied, longeant la route sous les étoiles. La petite ville semble très calme. Avec l'heure tardive, les terrasses de café accueillent encore quelques clients mais les rues paraissent vides. Les murs en pierre libèrent le peu de fraîcheur qu'ils contiennent.

Vêtue d'une robe légère et fleurie, je talonne l'homme aux yeux bleus, portant un short beige et un Tee-shirt blanc. Ces couleurs mettent ses prunelles en valeur, plus que jamais. Depuis ce matin, je peine à m'en détourner, pour me montrer honnête... Les mains dans les poches, il déambule dans les ruelles pavées, dans ce silence qui le caractérise si bien. Malgré tout, je sens une excitation chez lui, que je ne parviens pas à nommer. Je mets cela sur l'envie de se désaltérer.

— Tu veux t'arrêter boire une bière fraîche dans un bar ? m'enquiers-je doucement, ayant toujours peur de le brusquer dans ses pensées.

— J'ai une meilleure idée, viens avec moi, chuchote-t-il comme s'il s'agissait d'un secret d'état.

Intriguée, je m'exécute. Il semble suivre des panneaux et finit par nous emmener dans une impasse déserte. En réalité, j'ai l'impression qu'il suit une longue barrière en fer vert. Soudainement, il s'arrête, l'air fier de lui. Poings sur les hanches, il pivote dans ma direction.

— Tu me fais confiance ? me questionne-t-il, les iris brillants.

Sans réfléchir, j'acquiesce. Instantanément, il grimpe par-dessus la clôture et saute de l'autre côté en quelques secondes. Éberluée, je l'observe tout en restant immobile.

— Aller viens, insiste-t-il, tout sourire.

— Mais qu'est-ce que tu fous ? m'exclamé-je à voix basse, jetant des coups d'œil autour de moi.

— Plus tu vas rester là, plus on a de chance de se faire attraper. Magne-toi !

Pressée par son ton, je m'exécute tant bien que mal.

— Retourne-toi, marmonné-je le cœur battant, tu vas voir ma culotte.

Malgré un sourire amusé, il soupire avant de me tourner le dos. Maladroitement, je le rejoins et m'empresse de me cacher derrière un arbre. Nous voilà dans une sorte de parc. Mais qu'est-ce que je fiche ? Nous ne sommes même pas en France et voilà que je m'introduis dans un espace privé. Que penseraient mes frères de cette situation ?

— Tu ne pouvais pas attendre demain ? Il aurait été ouvert, bougonné-je en croisant les bras.

— Le jour où tu arrêteras de râler, tu me feras signe, rit-il en me pinçant le nez.

Réprimant un soupir, une moue étire mes traits. Comment lui en vouloir ? Surtout lorsqu'il paraît si fier de lui ?

Sans un mot, je progresse précautionneusement parmi les arbres jusqu'à tomber sur ... une piscine. Entourée par la végétation et l'obscurité, elle paraît cachée du monde entier. Avec prudence, je m'avance vers l'eau pour en tester la température : fraîche à souhait.

— Tu as de la chance : je sais lire les panneaux italiens et nous mener à la piscine municipale, annonce Zachary dans mon dos.

À peine ai-je le temps de me retourner qu'il s'est déjà dévêtu et enfoncé dans l'eau, en caleçon. De ma place, j'admire ses épaules puissantes ruisseler, son torse poilu – si masculin – et ses cheveux se coller sur son front. Puis, son regard ténébreux qui me prend aux tripes. Subjuguée par la vision qui s'offre à moi, je ne parviens pas à me détourner.

— Tu ferais mieux de te dépêcher avant qu'on se fasse repérer, me prévient-il, disparaissant à nouveau sous l'eau.

Comment vais-je faire pour lui résister ?

Zachary

Je ne sais pas ce qu'il m'a pris de sauter cette barrière. Et, en réalité, je ne comprends pas l'italien. J'ai simplement aperçu l'étendu d'eau entre deux arbres, tout juste éclairée par la lune et quelques lampadaires extérieurs. Cette baignade me fait un bien fou. Enfin un peu de fraîcheur.

Du coin de l'œil, j'aperçois sa robe sur le sol.

Merde.

Je n'avais pas anticipé cela. En l'espace de quelques secondes, elle se retrouve à mes côtés, en sous-vêtements de dentelle blanche. Cette couleur ressort à la perfection sur sa peau hâlée. Agathe m'offre un grand sourire puis plonge. Son corps frôle mes jambes avant de réapparaître quelques mètres plus loin. Un frisson me parcourt le dos tandis que je ferme brièvement les yeux, tentant de retrouver mon sang froid.

Sous la lune, ses cheveux reflètent les étoiles. À présent tout proche de moi, je sens les mouvements de l'eau sur ma peau. Elle est là, tout près. Ma main replace une mèche de ses cheveux bruns derrière son oreille. Peu à peu, son sourire s'efface pour laisser place à une expression pleine d'attente.

Je ne tiendrai plus, c'est trop pour moi.

Il me reste si peu de temps auprès d'elle. Je ne peux plus me permettre de me cacher sous prétexte d'une appréhension. Ses yeux noisettes me fixent intensément tandis que ses jambes frôlent les miennes à nouveau.

Alors que je m'approche d'elle, le cœur battant, j'entends du bruit venant du bâtiment jouxtant la piscine.

— Agathe, grouille-toi ! m'écrié-je en sortant précipitamment.

Affolée, elle court derrière moi, pendant que j'attrape nos vêtements au vol. Atteignant la balustrade, je l'aide à passer au-dessus.

À présent, tu te fiches bien que je vois ta culotte...

Puis, nous détalons les rues sans nous retourner, toujours en sous-vêtements, gagnant quelques sifflements sur notre passage.

Vivement, j'attrape le bras d'Agathe et la tire dans une ruelle escarpée, lui arrachant un cri de surprise. À l'abri, nous nous rhabillons en reprenant notre souffle. Encore trempés par notre baignade improvisée, nos habits se retrouvent vite mouillés. Essoufflé, l'adrénaline a un effet puissant sur mes pensées. La peur mêlée au temps qui passe me fait définitivement perdre mes moyens.

— Tu es fou, soupire la brune, passant une main sur son visage.

Là, dans cette rue italienne où personne ne nous connaît, ni elle ni moi.

Ici, où la nuit semble m'offrir une chance inespérée.

Je pose mes paumes sur ses joues, mon front sur le sien. Mon regard se plonge dans le sien avec intensité. Elle ne recule pas, bien au contraire : elle s'accroche à mes bras.

Fou de toi, Agathe.

Et, enfin, je pose mes lèvres sur les siennes. Comme si elle n'attendait que cela, elle répond immédiatement à mon baiser, se dressant sur la pointe des pieds.

Mon myocarde semble pouvoir exploser à tout instant. Il se débat, encore et toujours, ne sait plus où donner de la tête. Avec douceur, je la pousse contre le mur d'une maison et l'emprisonne contre mon corps. Tout près de moi, où j'ai toujours rêvé qu'elle se trouve. Et je l'embrasse encore et encore, jusqu'à n'en plus pouvoir. Mon cœur paraît se détacher de mon âme tant les sensations me prennent aux tripes.

Toute cette souffrance a l'air de me laisser en paix pour vivre ce moment tant imaginé. Mes rêves se trouvaient à mille lieux de la réalité. Cette fille est l'incarnation même de la douceur. Tous ses gestes m'enveloppent de tendresse. Ses petites mains jouent avec mes cheveux, m'attirant plus encore à elle. En cet instant, je n'ai plus peur, ni mal. J'ai l'impression de voler tant je suis léger. Cet échange dure autant une éternité qu'un court instant.

Jusqu'à ce qu'elle murmure :

— Zachary...

Je ne réponds plus de rien. Il n'y a qu'elle, moi, et mon amour inconditionnel. Aujourd'hui, j'en ai bien la preuve : il est toujours là, plus fort. Ne voulant pas m'éloigner, de peur qu'elle regrette, je veux profiter encore un peu de cette étreinte tant espérée. Nichant mon visage dans son cou, je respire son odeur. Elle sent... mes biscuits au chocolat. Probablement qu'elle a encore piqué dans mes rations.

Agathe répète mon prénom avec une douceur qui me bouleverse.

— Je préfère Zach, murmuré-je en la laissant enfin.

Je donne tout ce qui est en mon pouvoir pour ne pas pleurer tant les émotions qui affluent en moi s'avèrent fortes.

— Pas « Harry » alors ? s'amuse-t-elle, passant ses doigts dans mes cheveux dégoulinant.

Elle ne me rejette pas.

C'en est trop pour moi, je dois m'éloigner pour ne pas tout lui dire. Enfonçant mes poings dans mes poches, je ne peux éviter ce sourire sur mes lèvres.

Le sang pulse dans mes tempes et je réalise peu à peu que je viens d'embrasser Agathe. Et qu'elle le désirait autant que moi. Le souffle court, mes pupilles l'observent : ses cheveux bruns gouttent au sol, sa peau bronzée, ses lèvres rosées. J'ai l'impression de flotter , d'avoir du coton dans les oreilles.

— Non, Zach, c'est très bien.

Elle acquiesce, les yeux brillants.

— Et maintenant ? me questionne-t-elle en penchant la tête.

Maintenant, je ne te laisse plus partir.

Plus jamais.

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Bonsoir !

Ça y est, Zachary s'est enfin lancé...

Peut-être que tout va un peu vite entre eux mais, leurs chemins se séparent dans peu de temps ;) J'espère vraiment que ce chapitre vous aura plu !

Bon week-end,

Fantine

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