23 * Achille
Agathe
Installés au même endroit que la veille, nous faisons face à mes quatre frères : Arthur, Alexis Auguste et Achille. Ils s'amusent de l'angoisse évidente de mon compagnon, mettant cela sur l'appréhension des présentations. Les garçons ont eu l'air surpris de le découvrir dans mon salon. Après tout, je ne leur avais jamais parlé de cette relation. Malgré ça, ils se sont montrés ouverts et ne l'ont pas rejeté. L'homme aux yeux bleus a semblé se décontracter légèrement à la suite de cela mais il n'est pas comme d'habitude. Depuis le début, il reste en retrait, peinant à se relaxer. J'ai conscience qu'il se torture l'esprit, ne sachant pas comment agir à leur égard. Pour ma part, j'ai fait la part des choses entre son cadet de lui. Mais, qu'en sera-t-il de ma fratrie ?
Sentant que Zach devient de plus en plus mal à l'aise, je l'entraine dans la cuisine, prétextant avoir besoin d'aide. Penaud, il me talonne, enfonçant ses poings dans ses poches.
— Zach, calme-toi, murmuré-je, quand nous nous sommes suffisamment éloignés, à moitié cachés derrière le mur.
— Mais je... je n'arrive pas à rire avec eux en sachant ce qu'il s'est passé, balbutie-t-il nerveusement, emmêlant sa chevelure brune.
Posant ma main sur son bras, j'essaye de le détendre comme je peux.
— Tu n'es pas responsable, affirmé-je à voix basse.
— Je sais que ce n'était pas moi. Seulement, j'ai l'impression de ne pas me montrer honnête et je n'aime pas ça.
— Je comprends...
Devons-nous tout leur dire maintenant ? Vaut-il mieux attendre ? Attendre quoi ?
Avant leur arrivée, nous avons eu une discussion à ce sujet et avons convenu de taire tout cela pour l'instant. Cependant, Zachary est trop droit et authentique pour y parvenir. Je refuse qu'il souffre encore de cette situation. Nous allons devoir y passer un jour ou l'autre de toute manière. Pourquoi pas aujourd'hui ? Peut-être l'accepteront-ils plus facilement s'ils le savent dès à présent ?
— D'accord, nous allons leur expliquer dans ce cas.
— Tu es sûre ? s'inquiète-t-il.
Je secoue négativement la tête. Quelle que soit la décision que nous prenions, ce ne sera pas la bonne pour eux. Je leur ai donné tout ce que j'avais alors, j'espère qu'ils parviendront à accepter notre relation. Il m'est impossible de choisir entre eux et Zachary aujourd'hui. J'ai conscience qu'ils réagiront mal mais j'ai besoin d'avoir leur approbation et leur compréhension. Plus que tout, je n'ai pas envie qu'ils s'en prennent à Zach. Il a suffisamment payé tout le long de sa vie, il n'a pas besoin de la haine de la fratrie de sa copine.
— Agathe, je ne peux t'imposer ça, susurre-t-il, entremêlant nos doigts.
Furtivement, je jette un coup d'oeil à mes frères, rigolant ensemble sur le canapé. Dois-je leur infliger une telle chose ? Le décès de Maman risque de les remuer encore. Je devrais les préparer progressivement.
Alors que je me concentre à nouveau sur Zachary, ses prunelles bleues me font perdre pied. Et lui dans tout ça ? Doit-il attendre encore et encore ? Il penche légèrement la tête, me laissant carte blanche. À nouveau, il s'oublie totalement et laisse les autres agir comme bon leur semble. Pourtant, je sais qu'au fond il préfèrerait se montrer honnête, quitte à payer les pôts cassés à la place de son cadet.
— Je suis incapable de décider, avoué-je fébrilement.
— Bon Agathe, vous fichez quoi ? s'exclame Arthur, impatient.
À ses côtés, Achille sourit de toutes ses dents, visiblement content.
Achille...
C'est lui que j'ai tiré hors des flammes de toutes mes forces. Sur sa joue demeure une cicatrice indélébile due au feu. Après ça, je l'ai toujours surprotégé malgré moi. Qu'en est-il aujourd'hui ?
La balance entre eux et Zachary semble parfaitement stable.
Crochetant le pull de Zach, je l'attire à moi, me blotissant contre lui. Instantanément, ses bras se referment sur moi, protecteurs.
Et mon père ? Comment lui annoncer ? Quelle sera sa réaction ? J'irai le voir juste après, pour qu'il ne l'apprenne pas par quelqu'un d'autre.
— Si tu préfères attendre alors je patienterai, me promet-il, le cœur serré.
À la base, je souhaitais simplement que mes frères rencontre l'homme qui partage ma vie. Mais, le dénouement paraissait inévitable. Ils m'en voudront encore plus si je repousse l'échéance. Et Zach en souffrirait une énième fois.
— Non, maintenant, décidé-je, puisant mon énergie dans son étreinte.
Il hoche la tête, son index frôlant ma joue. Avant de les rejoindre, il dépose un baiser sur mes lèvres avant de s'emparer de ma main.
— Ah, vous voilà ! s'exclame Alexis, une moue moqueuse sur le visage.
Achille comprend instantanément que quelque chose cloche. Cette nuit tragique a tissé un lien inexplicable entre nous. Sa bonne humeur s'envole tandis que ses trois aînés ne remarquent rien, continuant de charier gentiment ma moitié. Ses yeux gris me fixent intensément, cherchant à deviner le fond de ma pensée. Malgré les sept ans qui nous séparent, il est celui dont je me sens le plus proche. Il m'offre un léger sourire rassurant qui finit de me convaincre.
— Il faut que je vous avoue quelque chose, commencé-je, anxieuse.
Zach ne lâche pas ma paume, restant fermement à mes côtés.
— Tu es enceinte ? s'écrie Alexis.
— Non, pas du tout.
Stressée, je secoue la tête, n'osant pas les regarder dans les yeux. Je ne vais pas y arriver. En réalité, j'ai trop peur de lire la déception sur leur visage. Maladroitement, je me lance dans des explications qui n'ont aucun sens. Quatre paire de globes occulaires m'observent dans l'incompréhension la plus totale. Merde... J'en suis incapable. Les larmes me montent tandis que l'émotion s'empare de moi, me privant de tous mes moyens.
— Ce qu'elle veut dire, intervient la voix posée de Zachary, c'est que mon frère est à l'origine de l'incendie qui a coûté la vie de votre mère.
Avec une simplicité étonnante, il leur relate le déroulement de cette soirée. De mon côté, je tente de respirer normalement malgré la terreur qui m'enserre. Dès qu'il termine son récit, la porte claque : l'un d'entre eux est parti. Un autre commence à insulter mon petit ami, la voix vibrante de colère et d'indignation.
— Arrête, le supplié-je, il n'y est pour rien.
— Et toi alors ? Quelle trahison... Comment as-tu pu... ?
Alexis ne termine pas sa phrase. Il me dévisage durement puis, sans un regard pour mon compagnon, se lève et quitte la pièce à son tour. Il ne reste qu'Auguste et Achille. Ce dernier m'observe calmement et son regard a le don de m'apaiser en l'espace de quelques secondes : il a compris.
— Mais, pourquoi réagissent-ils ainsi si toi, tu n'es pas responsable ? bredouille Auguste, visiblement surpris par le comportement de ses frères.
Levant les yeux au ciel, j'essaye de ne pas pleurer. Le cœur battant, je me rends compte que je presse la main de Zach de toutes mes forces. M'excusant dans un murmure, je remets de l'ordre dans mes esprits.
— Peut-être que raviver le souvenir de Maman n'est pas simple pour eux, suggéré-je, infiniment triste de leur départ précipité.
— Tu as le droit d'être heureuse, Agathe, assure Achille, prenant place à mes côtés. Et nous allons discuter avec eux, ils reviendront sur leur décision.
Sans le vouloir, je sanglote sur son épaule. Deux de mes frères sont toujours là et ne témoignent d'aucune animosité. Leur calme à tous les trois m'étonne et je me repose dessus, soudainement épuisée.
Arthur et Alexis se sont toujours montrés impulsifs, voire légèrement égoïstes. Ils agissent en leur propre intérêt et n'hésitent pas à en venir aux mains si besoin. Âgés de vingt-deux et vingt ans, ils cherchent à prouver à Papa qu'ils peuvent endosser le rôle d'homme de la maison. Alors, voir qu'un cinquième garçon va intégrer la famille et qu'il a un lien avec notre tragédie a dû les mettre hors d'eux. Je les vois déjà se concerter de leur côté, prévoyant comment faire fuir Zach. Parce qu'ils prennent en compte ce foutu rôle paternel, mais pas mes sentiments. Ont-ils conscience que j'ai servi de père et de mère pendant dix ans ? Seule et sans leur soutien ?
— Je suis certain que tu es quelqu'un de bien, si elle t'a choisi malgré tout ça, affirme Auguste, les sourcils froncés.
Avec son éternelle modestie, Zachary hausse simplement les épaules. Un poids s'envole de ma poitrine, me permettant de respirer convenablement. Observant mes mains, je murmure un « merci », adressé à toutes les personnes présentes dans cette pièce. Le cœur lourd, je pose ma tête sur l'épaule de mon compagnon, cherchant un réconfort qu'il m'offre sans l'once d'une hésitation.
— Nous allons apprendre à nous connaître, déclare Achille, regardant ma moitié d'un air sérieux.
— J'en serais ravi, répond l'intéressé.
Alors que je commençais à me détendre un tant soit peu, mon téléphone vibre sur la table.
Papa.
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Bonjour !
Dans ce chapitre, vous faîtes la rencontre des quatre frères d'Agathe, et d'Achille, Ô combien importe à ses yeux.
Comment les avez-vous trouvés ?
Comprenez-vous leurs réactions ?
Visiblement, Agathe n'est pas au bout de ses peines...
En espérant que ce chapitre vous aura plu :)
Bonne fin de semaine,
Fantine
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