Chapitre 16

Il y eut un silence si long que Severus crut que Voldemort avait changé d'avis, qu'il n'aurait aucune réponse, et qu'il allait payer sa trahison. Mais le Mage Noir soupira, se montrant subitement terriblement humain.

Le Maître des potions cligna lentement des yeux, stupéfait. Il avait toujours vu son Maître comme un monstre qui avait sacrifié son humanité, sans coeur, sans émotions. Incapable d'aimer, ou d'être aimé.

D'un coup, la carapace se brisait et il entrevoyait l'homme qu'il avait été. Qu'il était.
En cet instant, Severus se sentit proche de lui, partageant ce sentiment que connaissaient ceux qui avaient eu le coeur brisé. Ceux qui avaient perdu l'être aimé.

Voldemort soupira et eut un léger rictus, comme s'il souriait à une plaisanterie connue de lui seul.
- J'ai un fils. Il l'ignore, évidemment. Et je ne compte pas le dévoiler publiquement, je refuse que Dumbledore...
L'homme s'interrompit brusquement et Severus hocha lentement la tête. Bien évidemment, si le Directeur apprenait un jour que Voldemort avait un enfant, il n'hésiterait pas à le traquer et à s'en servir pour affaiblir le mage noir.

Severus décida que son sort était scellé, quoi qu'il arrive. Voldemort se décidait à se montrer honnête, et il pouvait peut être se montrer franc. Après tout, il n'avait plus rien à perdre.
- Maître... Vous... Vous le connaissez ?
Un ricanement lui répondit.
- À ton avis, Severus ? Qu'ai-je pu faire en découvrant que j'avais un fils ?

Le Maître des potions haussa les épaules.
- Je suppose que vous ne l'avez pas élevé.

Il y eut un rire qui sonnait faux. Pas aussi cruel qu'à son habitude.
- Au début, je n'ai rien fait. J'ai prétendu que ça n'avait pas d'importance. Puis... je l'ai regretté. Je n'ai pas pour habitude de regretter mes actes, mais... j'espère que si j'avais su quelle vie attendait cet enfant, j'aurais pris la décision de... le protéger. Mon inaction... a tué sa mère.

Severus soupira, puis se frotta le visage.
- Est-ce pour cette raison que vous ne m'avez pas tué ? Parce que j'ai contribué à la mort de Lily et que j'ai abandonné son fils malgré ma promesse ?

Voldemort leva la tête vers lui et plissa les yeux. Son expression effraya Severus, qui pensa qu'il avait été trop loin. Cependant, il finit par grogner.
- Tu n'as rien compris, n'est-ce-pas ? Je devrais probablement être plus clair mais je n'ai pas l'habitude de ce genre de conversation. Il y a bien trop de temps que tout le monde me craint et m'appelle Maître.
Voyant l'air effaré de son vis à vis, il ricana moqueusement.
- Je ne vais pas te torturer Severus. Je devrais. Je devrais également te mettre à mort pour ta trahison. Mais...

Severus se crispa. Il pensa que l'heure de payer ses erreurs était venue, et il se résigna, fixant malgré lui le mage noir, alors qu'autrefois il n'avait jamais osé le regarder réellement. Personne ne fixait le Maître sous peine de recevoir un Doloris. Même Bellatrix qui rampait à ses pieds en essayant de le séduire ne s'y risquait pas.


Leurs yeux se croisèrent et Voldemort reprit son récit, avec une précision qui gela le coeur de Severus.
- La jeune fille qui a... capturé mon coeur - aussi mièvre et détestable soit cette expression - était une jeune Serpentard du nom de Eileen Prince.

Il y eut un long silence, et Severus souffla.
- Je suis né en janvier 1960. Huit mois après le mariage de mes parents. Tout le monde a cru que sa précipitation était due à sa grossesse, qu'elle avait... Mais...
- Ce moldu... si tu ne l'avais pas mis à mort, je l'aurais fait, Severus.
- Vous êtes...

L'homme s'interrompit, incapable de prononcer les mots qui lui brûlaient la langue. Il eut l'impression de tomber dans un puits sans fond, l'esprit en déroute.

Severus se rappela brusquement de son enfance, terrible. Sa mère dépressive, effacée. Soumise à ce moldu ivrogne et violent, résignée. Comme si elle expiait un péché connu d'elle seule. Son adolescence, guère plus brillante. Illuminée brièvement par Lily, sa fée rousse. Son étoile filante, disparue aussi rapidement qu'elle était entrée dans sa vie. Les Maraudeurs, le poussant à bout sous le regard indulgent de Dumbledore. Il s'était senti rejeté, comme toujours.

Son entrée dans l'âge adulte, où il avait rapidement compris qu'il n'avait pas d'autre option que de rejoindre les Mangemorts. Il n'allait pas continuer à subir les Maraudeurs, et Lucius l'avait assuré qu'il serait protégé. Intégré.
Malgré son statut de sang-mêlé, il avait été intronisé et il était rapidement devenu le favori de Voldemort. Il n'avait jamais souhaité cette place, et il s'était fait bien des ennemis.

Désormais, il comprenait pourquoi il n'avait jamais été torturé, pourquoi sa trahison n'avait pas entraîné sa mise à mort immédiate.
Étourdi, il ferma les yeux.
- Quand ? Depuis quand le savez-vous ?

Il y eut une hésitation claire, puis le mage noir tourna la tête, laissant son regard se perdre dans le vide.
- Juste après la mort de Eileen. J'ai découvert la vérité à cet instant.
- Vous auriez pu... m'aider.
- Mes Mangemorts avaient pour ordre de te recruter. Ton talent inné en potions a été le prétexte mais je ne me voyais pas débarquer et t'annoncer que j'étais ton père. Que ta mère avait préféré vivre une vie malheureuse plutôt que de rester à mes côtés.

Severus se passa une main tremblante sur le visage.
- Et maintenant ?
- C'est une excellent question, Severus. La raison me hurle de te neutraliser, de te punir pour tes actes insensés. Mais... je ne peux pas tuer mon... le fils d'Eileen.
- Ma mère. Vous l'aimiez réellement, n'est-ce-pas ?
- Elle n'était pas la créature soumise et brisée que tu as connu, Severus. J'aurais dû comprendre plus tôt à quel point elle m'était précieuse et me battre pour la récupérer. Je pensais la protéger, je pensais qu'abattre l'Élu de la prophétie mettrait fin à cette guerre interminable. Je pensais que j'aurais obtenu ce que je désirais le plus au monde...
- Et vous avez tué Lily.
- Je l'ai tuée sans regrets. Et j'aurais tué son fils sans le moindre remord. Il était un obstacle, Severus.

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