Chapitre 13


Les mots de Voldemort avaient plongé Severus dans un abîme de détresse. Ainsi donc, Potter l'avait trahi sans le vouloir. Les pensées de ce gosse avaient été pillées et il était bien placé pour savoir à quel point son esprit était désordonné.

Il blêmit, sans pour autant oser baisser la tête ou rompre le contact visuel.


Voldemort se laissa aller en arrière dans son fauteuil et tendit la main pour caresser son serpent, comme il aurait pu le faire avec un chat ou un chien.
Il hocha la tête, et plissa les yeux.
- Alors Severus ? Est-ce vrai ?

Il n'y avait aucune raison de nier, Severus le savait. Tenter de mentir de pourrait qu'aggraver sa situation et il préférait être tué dans un accès de rage que méthodiquement torturé.
- Ça l'est.

Le rouge des yeux de Voldemort brilla avec plus d'intensité et il siffla de colère. Il grogna sourdement.
- Pourquoi ?


Severus resta un instant figé, incrédule. En général, les traîtres étaient tués sans sommations, devant les autres. Et aucun n'avait été aussi loin que lui. À sa connaissance, Voldemort n'avait jamais pris le temps de converser presque civilement avec une future victime. Ou même avec un de ses Mangemorts. Il ordonnait et exigeait. Il ne posait jamais de questions.

Puis, la colère familière qui grondait en lui depuis la mort de Lily se réveilla, et il se redressa, ignorant tous les signaux d'alarme de son cerveau.
- Vous osez demander ? Vous avez tué la seule femme que j'aimais. La seule femme qui m'avait offert son amitié. Lily.... Lily Evans, elle m'était précieuse !

Il n'y eut pas le moindre sort. Juste le seigneur des ténèbres qui le fixait pensivement.
Finalement, ce dernier secoua la tête et une expression étrangement humaine que Severus ne put identifier passa sur ses traits.
- Et bien, je ne vais pas m'excuser, Severus. J'ai fait ce qu'il fallait. Mais sache que je lui ai proposé la vie sauve. Elle pouvait s'écarter et me laisser tuer l'enfant de la prophétie, ou se mettre sur mon chemin. Elle a refusé de vivre... tout simplement.

Severus sembla choqué, mais il ne fit pas la moindre réflexion. Voldemort eut un rictus rusé.
- Bien sûr, son mari a été tué sans sommations. Pas de pitié, il était un idiot, n'est-ce-pas ?

Cette fois, le Maître des potions s'humecta les lèvres et secoua doucement la tête.
- Pourquoi l'auriez vous épargnée ? Elle était une née de moldus.
- Effectivement. Une née-de-moldus. Mais elle était douée et intelligente, pas vrai ? Une sorcière puissante ? Je ne veux pas affaiblir le monde magique, juste préserver... le reste.
- Je ne comprends pas.

Voldemort ricana.
- Oh ça va venir, mon petit Mangemort. Cette conversation n'est pas terminée je t'assure.
Severus ferma les yeux un instant, essayant d'oublier sa rancoeur et le chagrin toujours à vif de la perte de Lily. Lorsqu'il se reprit, celui qu'il nommait Maître l'observait étrangement, et le Maître des potions ne put s'empêcher de frissonner.

- Où en étions nous ? Ah. Ta trahison. Ainsi donc tu es allé pleurer dans les robes de Dumbledore dès la mort de ta sang-de-bourbe ?

Severus passa sa langue sur ses lèvres sèches et secoua doucement la tête, avant de répondre, vaguement honteux. Il ne savait même pas pourquoi en cet instant il se sentait comme un enfant qui a fait une bêtise, il devrait être fier d'avoir défié ce monstre pour assurer un avenir meilleur au monde magique.
- Avant. Après avoir livré la prophétie, à l'instant où j'ai pris conscience que Lily était en danger. Je... J'ai voulu échanger ma vie contre la sienne, mais Dumbledore n'a pas...

Les yeux de Voldemort s'enflammèrent et son air furieux donnèrent envie à Severus de fuir, mais il s'obligea à rester immobile. Puis, le mage noir ricana.
- Évidemment qu'il n'a rien fait ! Ce vieux fou appelait l'affrontement de ses voeux, il voulait que sa foutue prophétie s'accomplisse ! Même si je n'avais pas eu ce rat de Pettigrew de mon côté, je suis certain que ce cher Directeur aurait fait en sorte de me mener à la charmante famille Potter.

Severus ferma les yeux, alors qu'il croyait ce que lui disait Voldemort, sans la moindre hésitation. Avec les années, il avait eu l'occasion de se rendre compte que Dumbledore s'arrangeait souvent avec les évènements, pour son plus grand bien. Comme lorsqu'il fermait les yeux sur les frasques de Potter, ou qu'il le laissait participer au tournoi des trois sorciers malgré le danger. Comme lorsqu'il se rendait pas compte que l'un de ses plus vieux amis était un imposteur sous polynectar.

Une vague de nausée le submergea et il soupira.
- Le gosse, Potter. Vous allez le tuer ?
Loin de hurler, ou de lui jeter un sort pour son impertinence, le mage noir ricana, et haussa les épaules.
- Nous verrons bien. Ça dépendra de plusieurs choses. Je suppose que tu es attaché à ce qu'il reste en vie malgré la haine manifeste que tu lui porte ?
Severus chuchota, malgré lui.
- C'est le fils de Lily. Je lui ai promis...

Le maître des potions agrippa les pans de sa cape, frissonnant presque, totalement perdu. La situation surréaliste le perturbait et il se demanda un instant s'il n'était pas simplement en train de faire le rêve le plus étrange de sa vie. Peut être qu'il avait pris un mauvais coup et qu'il était entre les mains de Pomfresh. La vieille cinglée rêvait de lui faire tester ses potions, furieuse qu'il refuse de passer entre ses mains expertes lorsqu'il rentrait blessé.
Cependant, au fond de lui, il savait qu'il était réellement face au Seigneur des Ténèbres et qu'il avait réellement cette conversation étrange. Pour l'instant, il n'était pas réellement blessé et ne subissait pas de violences, alors il pouvait peut être s'en accommoder.
Peut être qu'il pourrait jouer à Shéhérazade et faire parler le monstre face à lui encore et encore pour différer son exécution.

Finalement, Severus était presque soulagé d'avoir été démasqué. Vivre une double vie était particulièrement éprouvant pour les nerfs, et les années l'avaient vieilli prématurément.

De façon surprenante, le professeur pensa soudain qu'il aimerait assurer à Potter qu'il n'y était pour rien. Le connaissant, le gosse allait se sentir terriblement coupable...

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