6. LUCIE

Dans la suite des événements...

Tout le monde est couché. Moi, je continue de bosser sur mes cours en psychologie, en espérant au plus vite finir mes deux années de master. Étant encore en première année, j'essaye de me booster mentalement et physiquement, mais ce soir, mes yeux ne suivent pas le rythme malheureusement. Je me les frotte machinalement, tout en éteignant tranquillement mon ordinateur portable.

— Tu devrais aller te coucher, Lucie.

La voix de Charlotte me fait légèrement sursauter. Je ferme doucement l'ordinateur avant de le poser sur la table. Mon amie — enfin je pourrai presque la qualifier de meilleure amie après tout ce qu'on a vécu ensemble — me rejoint sur le canapé. Elle se cale bien au fond, avant de se tourner vers moi, un sourire léger sur le visage.

— On dirait que ça va mieux toi, je suis contente alors.

Un sourire vient prendre possession de mes lèvres, à mon tour. Charlotte secoue la tête positivement, tout en posant une de ses mains sur mon genoux.

— Nathan m'a appelé pendant votre balade avec Milou. Il prend l'avion demain matin. J'ai le trac mais comme tu l'as dit ce qu'il y a de plus important pour lui, normalement, c'est moi, alors je ne vois pas pourquoi ça se passerait mal hein ?

Je pose ma main sur la sienne, sur mon genoux. En forme de soutien.

— Il vient avec sa fille, Alyssa. Et... c'est ce détail qui me fait stresser le plus, et me rend nerveuse comme je ne l'ai jamais été. J'en ai brièvement parlé à Vic, Armand et Basile. En fait, je me sens plus à l'aise à en parler avec toi. Mais tout va bien se passer hein ?

Je serre mes doigts dans les siens.

— Tout va bien se passer, je te le promets. Si jamais il se passe quoique ce soit, tu m'appelles sur le champ. D'accord ?

— Oui, promis Lucie. D'ailleurs à propos de ça... tu devrais regarder sur ton lit avant de te coucher.

Je fronce les sourcils, pas sûre d'avoir saisi le message.

— Juste... regarde attentivement.

Son sourire se fait plus large, ce qui pique ma curiosité. Je me lève aussitôt. Sauf que la main de Charlotte me retient. Elle plisse les yeux. Je comprends tout de suite ce qu'elle essaie de faire. Elle veut parler de lui, de ce qui se passe. Je souffle en me rasseyant. Moi aussi, j'en ai besoin. Besoin de vider mon sac. Si je ne peux pas le faire avec Samuel, je sais que je peux le faire avec Charlotte.

Enfin de compte, j'ai dû en parler à Charlotte. Lui parler de Alban, de ce qui avait suivit : de la vérité tout simplement. Alors, je lui ai raconté Victor et ses partenaires, le message que j'avais reçu de lui qui m'apprenait la mort d'Alban, de leur meurtre, de ma souffrance et de ma peur des retrouvailles. Ensuite est venu le jour où j'ai le flic qui m'a interrogé sur la mort suspecte d'Alban, le fait que j'ai tout d'abord nier le connaître, puis lorsque je suis revenue sur mes pas, prête à saisir cette corde et commencer un combat que j'espère gagner. Elle ne m'a pas jugé et m'a accompagné dans les moments difficiles. Comme ceux où mon père m'a posé des dizaines de questions auxquelles je ne pouvais pas répondre dans l'immédiat.

— Tu as rendez-vous demain, c'est ça ?

Je me mord nerveusement les lèvres.

— Ouais.

— Et je présume que Samuel n'est pas au courant ?

Je baisse les yeux.

— Très bien.

Elle prend une longue inspiration.

— Tout ira bien, Lucie. Tu m'entends, tout ira bien. Ces enfoirés finiront en prison et tu pourras enfin vivre la vie que tu veux avec Samuel.

Je souris tristement. J'y crois. J'ai l'espoir que toute cette obscurité s'arrête, mais au fond de moi lorsqu'on parle de ces hommes, j'ai un mauvais pressentiment.

— Je suis là, avec toi. Demain tu vas rendre visite à l'Agent Scott et écouter ce qu'il a à te dire. Peut-être qu'il s'agira de bonne nouvelle, une avancée sur l'enquête et sur l'identité de ce Victor. Même si pour l'instant il paraît comme un fantôme, sans nom de famille révélateur de sa personnalité officielle, ils finiront pas le coincer. Quand tu fais quelque chose de mauvais, ça finit toujours par te retomber dessus, tu le sais aussi bien que moi.

Oui, je le savais très bien. Mais c'est juste que parfois, j'avais du mal à croire en cette folie dans laquelle je m'étais embarquée. Je ne baissais pas les bras pour autant, cela dit.

— Une fois que toute cette histoire sera terminée, tu pourras même faire tes adieux à Alban, au cimetière.

N'ayant aucune famille, c'est la ville qui a financé ses funérailles et son enterrement, ainsi que la tombe, l'emplacement... tout. Le médecin légiste qui avait examiné son corps pour l'enquête avait dit qu'il était temps que Alban prenne son chemin vers le repos. Il était donc sous terre au cimetière, enfin en terrain paisible, là où il ne pourrait plus faire de mal et obtenir la paix.

— Oui, c'est ce que je compte et ensuite, je tournerai définitivement la page. Plus jamais je ne reviendrai mettre les pieds ici.

— A part pour me rendre visite ?

— Tu comptes t'installer ici pour toujours ?

— J'aime cet état.

Elle sourit doucement.

— Mais, je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. Peut-être habiterais-je au Canada, ou que sais-je, à Tokyo. Oui, ça me plairait bien de visiter cette ville, elle rit. Peu importe, on s'égare là. Ne stresse pas pour demain, tout se passera bien. Tu m'appelles s'il y a un souci même si je suis avec Nathan et Alyssa.

Je secoue la tête.

— A quelle heure arrive t-il demain ?

— Je ne sais pas exactement. Il ne veut pas partir tard pour qu'on puisse déjeuner tous les trois le midi dans un restaurant sympa, dont il m'a laissé le privilège de choisir. Il est à Cleveland en ce moment, et il a dit qu'il partirait au plus tard vers dix heure pour que la petite puisse faire une bonne nuit. Son vol dure moins de deux heures. Je suis chargée d'aller les récupérer à l'aéroport avec ma voiture. Même ça, ça me stresse, elle rit nerveusement.

Je lui souris gentiment, avant de la regarder s'arracher une peau. Moi aussi, je fais ça, lorsque je suis stressée ou nerveuse.

— Si ça te travaille autant que ça, je peux t'accompagner, au moins pour aller les chercher et après je file rejoindre les autres à l'appartement. Mon rendez-vous n'est que l'après-midi. Vers quinze heure, si je ne me trompe pas. De toute façon, j'ai le papier posé sur ma table de nuit.

Je ris nerveusement, moi aussi, tandis que Charlotte me regarde comme si j'avais trouvé la solution à tous ses mots.

— M'accompagner à l'aéroport ne te dérange pas ?

— Non, bien sûr que non. En plus, j'ai pouvoir rencontré ce champion de Kickboxing qui a fait chavirer ton coeur et sa petite puce. J'ai hâte !

Elle se lève d'un bond pour me prendre dans ses bras.

— Tu es la meilleure.

— Toi aussi.

Et je le pense vraiment. Maintenant, je me rends compte du manque qu'on peut ressentir vis-à-vis de nos amis. Celui que je ressens pour ma famille et Samuel est différent, mais pour mes amis, je comprends. Ce petit pincement au coeur, ces souvenirs qui inondent, et cette sensation de plénitude lorsqu'on le retrouve. C'est ce que je ressens dans les bras de Charlotte, à ce moment là.

— Il serait peut-être temps qu'on aille dormir, tu ne crois pas ?

Je lâche Charlotte, en lui souriant.

— Il est quelle heure ?

Elle regarde son portable qu'elle sort de la poche kangourou de son pull.

— Presque minuit.

— Ouais, il est temps, je soupire.

— Dis-moi, sur quoi tu bossais ?

— Sur les cours qu'on nous fait sur la complexité du cerveau humain.

Elle hoche la tête avant de nous conduire dans le couloir. Nou rentrons chacune dans nos chambres respectives, après nous être souhaité une bonne nuit. Tout en me rappelant ce qu'elle m'a dit à propos de bien regarder sur mon lit, je me mets à observer mon drap. Et c'est là que je repère le paquetage. Lentement je m'assois sur mon lit en m'emparant de celui-ci, curieuse de savoir ce qu'il contient. Parce que j'ai une petite idée de qui cela peut venir.

J'ouvre et tombe sur un téléphone portable tout neuf, design et tendance. Ce n'est peut-être pas le tout dernier à la mode, mais il paraît très complet. Je fronce les sourcils en me demandant pourquoi Samuel aurait déposé une telle chose sur mon lit. Et comment a t-il pu le faire ? Sûrement quand je parlais avec Charlotte dans sa chambre, et avec l'aide d'un complice. Mais lequel ? Ils sont tous susceptibles d'avoir joué ce jeu.

Peu importe. Je l'allume avec précaution. J'arrive à voir que toutes les modifications et programmations sont faites. Mes yeux sont soudainement attirés par un petit mot qui se cache dans le fond de la boîte. Je le prends et le lit.

"Juste une pensée pour toi avec ce téléphone, pour les secondes, les minutes, les heures, les jours et les mois paraissent moins longs entre nous... Je sais que tu es pas mal occupée avec tes études, mais j'ai besoin de savoir que je t'ai porté de main... Je t'aime. Tu me manques affreusement... A toi de choisir, si tu veux m'envoyer un message... En tous cas, sache que je l'attends avec impatience. N'oublie pas ton père aussi. J'ai rentré nos numéros. Je te laisse faire pour les autres. Encore une fois, parce que notre amour est plus fort et que ces mots méritent d'être dit à l'infini : je t'aime.

Samuel."

Un sourire s'étend sur mes lèvres. Immédiatement, j'ouvre mon téléphone, heureuse d'en avoir un autre avec lequel je peux communiquer. En un jour, un soirée aussi, Samuel m'a fait réaliser une chose. Certes, nous avons besoin de faire notre chemin séparément pour mieux se retrouver — c'est le but — mais je ne pourrai jamais me résoudre à me couper de lui. Il m'est beaucoup trop important, et il est bien trop têtu par dessus le marché.

Je cherche son nom dans les messages et je tape ce que je veux lui envoyer. Simple et concis.

Moi : Merci Samuel. Tu me manques aussi. Je t'aime. Passe une bonne nuit.

Puis, je passe à mon père.

Moi : Papa... tu me manques énormément. Excuse-moi pour toutes ces absences. Je promets de me rattraper. Je reviendrai, tu le sais bien. Je t'embrasse fort et maman aussi. Je t'aime tellement.

Je pose le téléphone sur ma table de nuit. Je me glisse dans mes draps, déjà prête à dormir. Sauf que je ne peux pas. J'observe tranquillement ce nouveau téléphone, attendant patiemment qu'il s'allume pour me dire qu'ils m'ont répondu. Je suis consciente de l'heure, mais j'attends, patiemment.

Quelques minutes plus tard, qui me paraissent lentes, très lentes, mon portable s'allume. C'est Samuel. Mon père dort sûrement. Il doit être épuisé avec ces journées chargées. D'ailleurs, il n'y pas longtemps, mon père m'a dit qu'il avait repris du service, que les entreprises se faisaient plus présente pour son métier d'opérateur de saisie informatique. Oui, il a vécu une période dure, une période de doute après la perte de son travail, plus tôt. Mais aujourd'hui, il ne se laisse pas aller, il sort la tête de l'eau malgré l'état aggravant de ma mère. Il a un boulot fixe à domicile depuis quelques années, qui paie les frais d'hôpitaux. Sauf que ce n'est pas assez. La dernière fois encore, quand j'étais à la maison, j'ai vu les factures mais aussi les prêts qu'il avait fait à la banque. Je déteste le fait qu'il soit dépendant d'une somme qu'il va devoir rembourser à la banque tôt ou tard.

Soudain une idée — qui mettait déjà apparue — me trotte dans la tête, celle de me trouver à mon tour un travail. En plus de ça, nous avons reçu hier, un prospectus d'un bar à Manhattan qui cherchait une serveuse pour les extra. De vingt et une heure à deux heure du matin. Je pourrai très bien arriver à jongler entre les cours et le boulot. C'est décidé, demain j'irai au Rudy's pour tenter de remporter ce job.

En me passant une main sur le front, je regarde le message de Samuel.

Samuel : Bonne nuit, Dove.

Je souris comme une idiote. Mon coeur gonfle, heureux de voir ces mots. Je repose mon portable sur ma table de nuit, en baillant. Puis, peu de temps après le sommeil vient me cueillir.

*

* *

Je me réveille de bonne humeur ce matin. En jetant un coup d'oeil à mon téléphone, je vois une réponse de mon père, que je m'empresse d'ouvrir.

Papa : Coucou ma puce. Je pense décidément que Samuel est le gendre idéal. Il te l'a dit. Tu me manque tellement. Ta mère dépérit de jours en jours et je retire ce que j'ai dit. J'aimerai tellement que tu sois là, mais tu as tes études. A très vite. Je t'aime tellement. Bonne journée.

Mon coeur rate un joli bâtiment. Plusieurs choses font échos dans ma tête. Je me relève d'un bon. Merde... Je viens juste de dire à Samuel qu'il est temps qu'on avance chacun de notre côté, tout en étant encore aussi proches dans un sens. Mais... maintenant, je n'ai qu'une envie, c'est de prendre l'avion pour Phoenix, rejoindre mon père, voir comment va ma mère et aussi prendre des nouvelles de la petite équipe dont je fais partie. D'ailleurs, en pensant à ça, les nouvelles de Léna se font rares. Elle aussi, est prise par ses études à Chicago.

Brutalement, j'envisage de prendre un billet pour retrouver ma ville natale dès aujourd'hui, mais je stoppe mon geste impulsif. Je me laisse encore la semaine à venir pour réfléchir, entre les cours, aux pauses et le soir. J'en parlerai avec Charlotte.

Justement, en parlant de Charlotte, je regarde l'heure : huit heure et demie du matin. Je suis dans les temps pour l'accompagner. Pourtant, je me lève aussitôt pour allumer mon ordinateur que je récupère dans le salon et me constituer un CV en béton à servir au Rudy's. C'est sûr, avec ce que je fais, ils ne pourront pas me refuser.

Mon téléphone vibre brutalement me sortant de ma torpeur. Je l'attrape. C'est Samuel.

Samuel : Aujourd'hui, au programme quelques finalisations, et toi ?

Je réponds aussitôt.

Moi : Je recherche du boulot et j'accompagne Charlotte à l'aéroport pour récupérer son "petit-ami" parce qu'elle est stressée ce que je comprends tout à fait. Je serai pareille à sa place. Tu m'enverras des photos ?

Samuel : Compte sur moi, je veux avoir ton avis. Et toi, tu me dis si tu es prise, j'aurai à te mettre en garde.

Je fronce les sourcils, en souriant.

Moi : Pourquoi me mettre en garde ? Et contre quoi ?

Samuel : Tu verras le moment venu, Dove. Bonne journée.

Je râle.

Moi : Ou jamais. Bonne journée Sam.

Je repose aussitôt mon portable sur la table basse du salon, reprenant mon activité. J'ai enfin fini lorsque j'aperçois une Charlotte encore endormie, se lever pour préparer du café. Elle m'en rapporte un, tout en jetant un oeil à mon ordinateur.

— Tu cherches du boulot ?

— Eh oui, il faut bien qu'on devienne responsable, je plaisante. Je suis vieille, j'ai vingt-quatre ans et toujours pas de boulot tu te rends compte ?

Charlotte rigole.

— Moi non plus, tu sais.

— Ouais mais tes parents ont les moyens pour l'appartement et puis je te rappelle que dans un an, tu es sur le marché du travail. Enfin, dans un moins d'un an.

Elle prend une gorgée de son café avant de s'emparer du prospectus de Rudy's qui indique clairement aux gens qu'ils recherchent et vite fait.

— C'est pas loin, ça va. Tu tentes là-bas du coup ?

— Exact.

— Je suis sûre que tu seras prise. Bon, moi je vais me préparer.

Elle se lève, la démarche encore traînante.

— Je te suis dans quelques minutes, le temps que j'imprime le tout.

Une fois mon CV imprimé en main, je file dans ma chambre m'habiller et me préparer pour un éventuel entretien pour ce job. Fin prête, je me regarde une dernière fois dans la glace, mes yeux se posant encore une fois de plus sur ma cicatrice qui borde ma mâchoire comme une blessure de guerre. Même si j'ai encore du mal, je me dis chaque jour qui passe que le temps guérit.

En arrivant dans le salon, je remarque que tout le petit monde qui vit ici, est réveillé. Ils sont encore en pyjama, trop occupés à prendre leur petit déjeuner. Je leur offre à chacun un baiser sur la joue. Ils me sourient.

— Tâche de détendre Charlotte, elle est un peu droite sur ses chaussures à talon de déesse, me déclare Vic.

Je lui fais un clin d'oeil.

— Char m'a expliqué. Tu m'envoies un message avec le lieu où tu es, et j'accoure sur ma belle bécane te chercher, chantonne Basile.

Depuis qu'on était tous les deux en première année de Master, je m'étais rapprochée de lui. C'est un garçon charmant et bourré d'humour. Comme tout dans la collocation, cela dit. Je les aime tous. C'est comme ma deuxième famille.

— C'est noté, partenaire.

Il me sourit chaleureusement. Charlotte arrive telle une tornade, vêtue de son manteau, un jean troué, une écharpe qu'on peut appeler plus communément, un plaide, et un sac à la main. Elle est belle, très belle. Mais légèrement affolée.

— Tu es prête Lucie ?

— Ouep !

En saluant les autres de la main, je suis Charlotte à son Audi, garée devant l'immeuble. Une fois à l'intérieur, j'observe Charlotte regarder l'intérieur de la voiture, vérifiant si tout est niquel. Puis, elle inspecte son profil, ainsi que son visage dans son rétroviseur. Ensuite, elle rentre sa clé et fait ronronner sa belle voiture. Ce qui est sûr, c'est qu'elle va faire bonne impression avec une bagnole comme la sienne.

Elle s'engage sur la route tandis que je m'occupe de la radio. La musique adoucit et m'aide à me sentir bien parfois, peut-être que ça sera la même chose pour mon amie. Je choisis la station et monte le volume d'un cran. Alors que je m'apprête à me caler dans mon siège, j'entends Charlotte jurer dans sa barbe, ce qui me retient dans une posture droite.

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle fait le tour du rond-point pour faire demi-tour. Je fronce les sourcils, ne comprenant pas ce qui lui arrive.

— La petite a trois ans, Lucie, comment j'ai pu être aussi bête pour ne pas me rendre compte qu'il lui faudra un siège auto pour monter dans ma voiture ? Je suis trop conne.

Elle donne un coup dans le volant. Immédiatement, je pose ma main sur son bras pour l'apaiser. Je la vois serrer les dents, et quelques minutes plus tard, nous voilà dans un des magasins grandes surfaces qu'abritent l'État de New York. Charlotte grogne toujours autant, en cherchant un siège auto. Je la suis tranquillement, avant qu'on arrive enfin dans le bon rayon.

Charlotte me lance un coup d'oeil, en me désignant un siège.

— Lui, tu penses, que ça ira ?

Je ne sais pas vraiment s'il fera à l'affaire à ce moment-là, mais comme il s'agit d'un siège auto, j'acquiesce. Charlotte le prend sans plus attendre, tout en avançant vers les caisses. Une fois en poche, on l'installe tranquillement dans la voiture, et nous revoilà sur la route pour l'aéroport.

— Il m'avait dit onze heure et il est déjà moins le quart. On va être en retard parce que je suis pas foutue de penser normalement.

— Hé, Char, calme-toi tu veux.

Elle tourne la tête vers moi, la mine triste.

— Mais on va être en retard et c'est toujours de ma faute.

— Mais tu racontes n'importe quoi. Et puis, tu n'as jamais eu d'enfant Charlotte, c'est normal que tu ne penses pas à ce genre de chose.

Elle prend une grande inspiration avant de me sourire.

Le trajet se fait plus calmement et quand vient l'heure de l'aéroport, Charlotte reste quelques secondes assise dans sa voiture. J'observe ce qu'elle fixe au loin et je vois un homme et sa petite fille main dans la main, se démarquer des autres personnes marchant tranquillement ou hélant des taxis à pleins poumons. Effectivement, c'est un beau brun, bien bâti, les épaules carrées et l'air mystérieux. La petite fille qu'il tient à l'aide de sa main marque aussi de beaux cheveux bruns qui tombent en cascade autour de ses épaules, ondulés. Elle parle à son papa, elle le fait même rire. Mais il ne perd pas le cap. Il attend, regardant tout autour de lui.

Je relève rapidement les yeux sur mon amie, qui semble avoir buggé. Je pose délicatement ma main sur son épaule, et elle sursaute, me faisant sursauter à mon tour. Charlotte pose ses yeux sur les miens.

— Je lui envoie un message pour lui dire qu'on est là ?

Je plisse les yeux. Voir Charlotte dans cet état me contrarie. Je ne l'ai jamais vu autant stresser. Et surtout pour un mec. Alors pour la rassurer avant qu'ils n'arrivent vers nous, je pose mes deux mains sur ses épaules et inspire un grand coup. Elle m'imite.

— Qu'est-ce qui te fait le plus stresser dans cette rencontre ?

Elle mord sa lèvre.

— Euh... le fait qu'il soit sûrement plus mature que moi, actif dans sa vie et non en étude encore avec l'aide des parents, et qu'il est papa d'une petite fille déjà. Je me dis que je ne suis pas forcément la femme qu'il lui faut.

C'est donc ça : elle n'a pas vraiment confiance en elle.

— Et puis, il a été marié avec une femme de son âge, qui est la mère de Alyssa. Et si elle ne m'aimait pas ? Et si tout compte fait il s'était trompé et que la mère de sa fille était son véritable amour ? Je...

— Hé, Charlotte. Écoute-moi, d'accord ? S'il a quitté sa femme c'est qu'il avait une bonne raison de le faire non ? Une relation peut s'éteindre dans le temps, malheureusement ça arrive.

— Oui, mais parfois ça peut être plus compliqué...

Je soupire, en jetant un oeil dehors pour voir qu'ils sont toujours au même endroit à attendre.

— Ne t'inquiète pas, il a fait le voyage pour son combat d'accord, mais aussi pour toi. Tu vois, ce midi ils voulaient que vous mangiez tous les trois, avec Alyssa. Il veut que sa fille te connaisse et qu'en même temps tu te rapproches d'elle. Tu comprends ça ?

Elle acquiesce tranquillement.

— Il te veut dans sa vie, dans leur vie.

— D'accord, j'ai compris, je lui envoie un message et après on s'avance vers eux.

Je hoche la tête en souriant. Une fois que Nathan lui a répondu, enfin, on descend toutes les deux de la voiture pour se rapprocher d'eux. Nathan lève les yeux et reste à l'affût. Lorsqu'il aperçoit Charlotte, un sourire craquant dévoilant deux petites fossettes sur ses joues, détend ses lèvres. Il se penche vers sa fille pour lui souffler quelque chose à l'oreille et la petite lève ses yeux sur mon amie. Je l'entends même dire à son papa :

— Belle.

Arrivée à leur hauteur, j'observe les yeux de la petite pétillés lorsque son papa accroche son bras autour de la taille de Charlotte, pour l'embrasser tendrement. Charlotte rougit et sourit timidement.

— Salut, Lottie, il souffle d'une voix rauque.

— Salut.

Nathan se tourne vers moi.

— Bonjour.

— Bonjour.

Je lui fais la bise. Puis, Nathan s'accroupit vers sa fille pour faire les présentations. La petite chuchote des mots à son papa, qui rit.

— Elle veut vous faire un bisous sur la joue, à chacune.

Dans un même geste, Charlotte et moi, nous nous accroupissons vers Alyssa, qui nous dépose un léger baiser.

— Mamoune ? Elle demande à Charlotte.

Charlotte, légèrement gênée relève les yeux vers Nathan, qui les observe toutes les deux avec des yeux brillants.

— Aly ?

La petite fille relève les yeux vers son papa. Très à l'écoute.

— Charlotte n'est pas mamoune... du moins pas encore (il rit nerveusement ce qui me fait sourire et sa fille aussi) mais c'est une personne très très importante pour papa. Papa ressent des sentiments forts pour Lottie. Tu comprends chérie ?

Alyssa secoue la tête, avant de se mettre à rire.

— Lottie... lolotte !

Nathan fixe ses yeux dans ceux de mon amie, avant de l'embrasser tendrement.

— Elle t'a déjà adopté.

— Moi aussi, je l'adore.

— J'espère que tu vas quand même m'accorder du temps, hein ? Je connais les filles et je sais à quel point ça peut être de vraies pipelettes. Ma fille en est une.

Charlotte me renvoie un sourire.

— Je m'occuperai bien de toi, aussi.

Nathan attire un peu plus Charlotte dans ses bras, pour lui chuchoter quelque chose à l'oreille. C'est le moment que je choisis pour m'éclipser et leur dire au revoir.

J'appelle un taxi pour me rendre au Rudy's. En entrant dans l'établissement, je tombe sur une des serveuses qui attrape avec plaisir mon CV. Elle semble heureuse de mon envie de travailler au Rudy's. Apparemment, ils ont besoin de nouvelles têtes ici et d'après elle je devrais faire l'affaire. Je lui fais donc mon plus beau sourire.

— Je donne ton CV à Trent aujourd'hui et il te passera un coup de fil dans la semaine.

Elle jette un coup d'oeil à mon CV, encore une fois.

— On a ton numéro en plus donc c'est nickel. Tu veux prendre un verre ?

Son sourire amical a raison de moi, j'accepte volontier et nous nous mettons à parler de tout et n'importe quoi. J'apprends qu'elle s'appelle Caroline et qu'elle rêve de faire le tour du monde mais qu'avec son salaire de serveuse, son plan se termine par traîner boire un verre après la fermeture et rentrer chez elle. Rien d'exaltant d'après elle.

Je reste un petit moment avec Caroline et ne vois même pas le temps passer. Je finis par rester manger ici. Le repas est un délice. J'ai bien fait de postuler ici.

Après mon repas, mes pensées se tournent sur mon rendez-vous, aussi bien que je reste à arpenter les rues de la ville jusqu'à l'heure précise de celui-ci. D'eux même, mes pieds m'emmènent au lieu tant attendu.

Je stresse. Mes doigts se croisent et se décroisent nerveusement. J'ai l'impression que la dernière fois que je me suis retrouvée devant ce commissariat se compte en année. Alors qu'elle se compte seulement en mois.

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