9. LUCIE

Je garde mes doigts entrelacés dans les siens sur ma cuisse, pendant tout le trajet. Je crois même m'assoupir quelques instants. Pleins de questions tournent en boucle dans ma tête. Pourquoi son père est-il aussi froid avec lui ? Pourquoi Smith ne réagit pas ? Pourquoi il ne se défend pas ? Comment cela a pu arriver ? Comment une famille peut se briser à un moment aussi triste ? Pourquoi j'ai l'impression qu'il est seul face au monde comme moi ? Cependant, je n'ose pas lui faire part de mes pensées silencieuses, ni de ces questions. Je ne veux pas le mettre mal à l'aise. Il faut du temps pour parler de ce genre de chose.

Vers cinq heure, nous arrivons enfin au terrain. Smith arrête la voiture, et j'aperçois Léna courir vers nous. Lucas, lui, se tient adosser à un bar. Il la regarde se précipiter en rigolant. Smith a raison, à première vue, il paraît nonchalant, mais maintenant, je le trouve gentil. Simplement dans ses mouvements et aussi sa voix, qui m'a interpellé hier soir. Il est calme.

— Vous voilà enfin tout les deux. Le mec qui nous présente le circuit, s'appelle Stéphane et il est très impatient. Alors s'il vous plaît, en piste et tout de suite ! elle nous supplie, essoufflée.

Smith lui sourit comme un idiot, tandis que je lui renvoie une grimace compatissante. Elle ouvre ma portière, tout en me saisissant par le bras. Une fois que je me retrouve à la hauteur de Lucas, je le salue poliment. Il fait de même en m'adressant un geste amical avec sa casquette. Smith arrive derrière moi. Il fait un signe de tête à son ami, avant de prendre Léna dans ses bras. Je l'entends lui présenter ses excuses. Aussitôt son humeur reprend un nouveau tournant, elle rit en le serrant encore plus fort avec ses petites mains. Smith en profite pour me faire un clin d'oeil, auquel je réponds par un petit sourire.

— Bonjour, nous interrompt une voix ferme.

Je relève la tête de ce câlin amical, pour faire face à un homme d'une quarantaine d'années, je dirais. Il est vêtu d'une tenue digne d'un pilote de course, avec des mitaines noires en cuir. Il nous serre une poignée de main avant de nous demander de bien vouloir le suivre. Les groupes se forment. Je vois Léna quelque peu stressée tout près de Lucas. Lui aussi le remarque. Aussitôt, il passe un bras autour de ses épaules et elle sourit radieusement.

— Ils sont idiots ces deux-là, souffle Smith.

Je ne relève pas, je me contente d'acquiescer. Léna m'a raconté hier soir, à quel point leur relation était compliquée. Elle m'a dit que Lucas lui plaisait, mais qu'elle ne pouvait pas s'engager maintenant. Elle ne peut pas non plus n'espérer qu'une simple passade, une amourette ou une nuit intense. Elle ne peut pas et elle ne veut pas. J'ai compris dès l'instant où elle a posé ses yeux sur moi en disant ces mots. Je n'ai pas insisté, parce que c'est encore trop personnel et qu'on ne se connaît que depuis un jour, une soirée.

— Tu te sens bien, Lucie ? me demande t-il, tout bas.

Pour toute réponse, je lui prends la main. Il serre ses doigts tout contre les miens, et il ne les lâche pas, même durant les explications de Stéphane. Il écoute attentivement, mais il continue à exercer quelques pressions sur nos mains liées. Je souris souvent, et il sourit souvent aussi. Je m'en veux encore pour ma crise, et j'espère de tout coeur ne pas en faire une pendant le tour de voiture.

Soudain, alors que Stéphane explique aux garçons les consignes de sécurité, je me rappelle les paroles de Smith. A quel point, il avait l'air sincère lorsqu'il m'a déclaré être fier de moi, et être fier de faire ce parcours avec moi. Je voulais lui dire que moi aussi, j'étais fière de lui, de l'évolution qui l'avait suivit pendant tout ces mois. Mais les mots se sont bloqués dans ma gorge. Peut être qu'il est trop tôt pour moi, pourtant ces mots m'ont fait un bien fou. Je me demande s'il est devin, ou s'il me connaît assez pour me dire les bons mots.

— C'est à nous, jubile Smith.

Je vois du coin de l'oeil que Lucas est dans le même état. De vrais gamin. Alors que nous, les filles, on a un peu les chocottes. Moi peut-être un peu moins, parce que j'ai déjà vécu une expérience forte avec Smith sur sa moto. En tout cas, je suis heureuse de remédier à ce genre de course avec lui. Je lui fais confiance et il me fait confiance.

Je m'installe sur le siège passager, alors que Smith s'essaie au commandes, tout en démarrant la bête bleue. Son sourire me fait oublier mes craintes. Juste avant de démarrer, il me prend la main pour y déposer un léger baiser.

— Tout va bien, Lucie. Souviens-toi, crie de toutes tes forces, il n'y a pas meilleure façon pour chasser ses peurs.

Je hoche la tête, avant de m'attacher et d'attendre patiemment que la vitesse augmente jusqu'à que nous en puissions plus. Lucas démarre lui aussi, et Léna m'adresse un signe de main à travers la vitre. Je le lui rends, avant de donner le signal à Smith. Il avance la voiture devant la ligne d'arrivée parsemée d'un quadrillage blanc et noir comme dans les films. Stéphane s'avance sur la piste, entre les nos deux bolides, en agitant deux drapeaux. Juste avant qu'il ne déclare la course ouverte, Smith et Lucas échange un regard complice. Puis, c'est parti.

Smith appuie sur le champignon et nous lance à plus de 150 km par heure. Par réflexe, je m'accroche à mon siège, mon dos plaqué à celui ci. Mes cheveux volent à cause des fenêtres ouvertes. Smith est concentré sur la route, et je m'aperçois en pivotant légèrement la tête que nous sommes au coude à coude avec Lucas et Léna, qui eux, conduisent la bête rouge.

— Il faut qu'on gagne Lucie. Lucas et moi, on a parié une tournée générale.

Je lève les yeux ciel, avant de serrer les dents, lorsqu'il amorce un grand virage, assez raide. Je ne peux pas me retenir de crier à ce moment là. Smith me sourit chaleureusement, avant de crier lui aussi.

— Ouh !! il hurle, en tournant le volant d'un seul coup.

Je ris sans pouvoir m'arrêter, alors que l'air m'empêche de respirer pleinement, et que j'ai mal au dos. Je ris. Smith a l'air content de lui, alors il augmente la vitesse en frôlant les 180km par heure. Nous crions ensemble, si bien et si fort, que Stéphane doit nous prendre pour des tarés.

Je ne sais pas si c'est l'adrénaline et le fait que je me sente assez sereine sur le moment, mais je me lance. En faisant face à Smith, je lâche ma peur, celle qui s'est éveillée ce matin, et qui m'a enfoncé dans le plus profond trou noir de ma vie.

— Tu m'as renfermé, je hurle, pour qu'il m'entende.

Sur le moment, il ne comprends pas. Il se contente juste de hausser les sourcils, tout en m'interrogeant du regard. J'y vais, pas à pas. En me rapprochant de lui, je manque de trébucher, mais la ceinture de sécurité me retient.

— C'est parce que tu m'as renfermé, Smith !

Il me regarde, toujours les yeux ronds et l'air de ne pas comprendre. La voiture rouge de Lucas nous dépasse de quelques mètres, et Smith ralentie subitement. Je suis surprise, je pensais vraiment qu'il allait doubler les gommes et le rattraper pour ne pas payer cette fichue tournée. Mais non, il s'arrête même sur le bas côté du circuit. Il coupe le moteur, tout en se détachant. Je le regarde souffler un coup, avant de se tourner vers moi, et figer son regard remplit d'incompréhension dans le mien.

— Je ne comprends pas très bien, Lucie. Excuse-moi, il m'explique.

Sa voix est encore forte. Un rire nerveux traverse mes lèvres et comme je suis lancée maintenant, je décide de continuer. Je détourne le regard pour observer ses vieilles boots, et le bas de son pantalon, un peu retroussé au dessus.

— Tu m'as renfermé dans ton appartement, en me laissant toute seule, Smith. C'est pour ça que j'ai paniqué, je lance douloureusement.

Il ne dit rien, non, il m'écoute silencieusement. Peut-être qu'il attend que j'en dise plus. C'est ce que je vais faire, et cette idée me surprend plus qu'elle ne me terrorise.

— Lorsque je me suis retrouvée chez Alban, et bien comment dire, je n'avais pas le droit de sortir. Une fois, il m'a même renfermé dans ma chambre après avoir été violent avec moi, et le lendemain il me proposait des croissants comme je les aimais avant. C'est vrai, j'adorais les croissants quand on était ensemble, et que tout se passait bien. Il m'a forcé à faire des choses à dire des choses, mais je ne suis pas prête. Parce que j'ai ma part d'erreur dans l'histoire. Je le hais pour avoir voulu me tuer, pour m'avoir bousillé de l'intérieur, mais il reste en danger. Je m'en veux tellement.

Je ne réfléchie pas une seule seconde. Mon souffle est court et saccadé. En fermant les yeux pendant quelques minutes, j'aperçois ses yeux pleins de reproches, les vilaines blessures qu'ils renferment. J'ai mal. Je me hais encore et encore. J'aurai dû réagir plus tôt, j'aurai dû l'amener se faire soigner bien plus tôt. Mais jamais je ne l'aurai forcé et jamais il n'aurait voulu. Parfois, pendant ces deux semaines à l'hôpital et les nuits qui ont suivi, je ressassais mes erreurs, et je me demandais si les choses auraient été plus faciles si j'avais fait différemment. Si je n'avais pas menti à Alban pour le protéger de lui-même, les choses auraient pu être plus rapides et efficaces. Il n'y aurait peut-être pas eu toute cette haine et toutes ces larmes pour rien.

Lentement, la main de Smith s'accroche à la mienne. Il s'avance de quelques centimètres vers moi. Lorsque je relève la tête, son nez frôle le mien. Sans rien dire, il pose son front contre le mien, en entre-ouvrant les lèvres. Je baisse les yeux sur nos mains jointes où son pouce caresse ma peau.

— Mon père battait ma mère quand j'étais petit. Je me souviens de la crainte et de la haine qu'il m'inspirait. La cicatrice que j'ai dans le dos et sur le ventre, c'est lui. L'alcool a parfois de très mauvais effet sur les gens.

Je reste muette. Mes larmes redoublent. Je suis triste pour le petit enfant qu'il a été et pour ce qu'il a traversé. Soudain, je comprends plusieurs choses, plusieurs phrases qu'il m'a dit. Il voulait sans doute être seul parce qu'il avait peur de faire du mal aux gens comme son père lui en a fait à lui et à sa mère. Il est loin d'être devin, mais réaliste.

J'ai mal au coeur. Ma tête me tourne, et je ne peux retenir mes lèvres quand elles s'écrasent sur les siennes, dans un grand désespoir. Smith me rend mon baiser avec beaucoup d'ardeur et de rancœur. Son poids contre-balance le mien, et je me retrouve subitement sur lui, ma poitrine contre son torse chaud, et mon dos contre le volant. Il passe ses mains sous mon haut, et moi également. Avide de ses caresses, je me cambre pour lui faciliter la tâche. Mon désir double de volume lorsque je sens son érection se frotter contre mon intimité. J'ai encore envie qu'il me fasse l'amour pour qu'on oublie toutes nos craintes et nos douleurs, et je crois que cela ne changera pas. Peut être bien, jamais.

— Lucie, il murmure tout bas.

— Smith, je halète.

Il m'embrasse une dernière fois, avant de me regarder droit dans les yeux. Mes larmes ont basculé sur ses joues. Je m'occupe de les essuyer alors qu'il pose une de ses mains, sur ma poitrine où mon coeur bat fortement. J'ai juste à baisser les yeux pour voir que celle ci bouge sous son poids. Il vit et il tape contre moi, pour m'en demander plus. Smith l'apaise en le caressant du bout des doigts.

— Je ne sais pas si c'est une bonne idée, en plus, nous sommes sur un circuit. Tout le monde peut nous surprendre. Et puis, Lucas et Léna nous attendent là-bas.

Je souris tristement. Il a raison. Doucement, il dépose ses lèvres sur ma joue.

— Mon corps te veut et moi aussi, Lucie. Crois-moi, j'ai du mal à te résister, mais je pense qu'on devrait régler quelques petites choses avant de s'aventurer sur ce terrain. Ne pense surtout pas que je te vois comme une fille de plus. C'est faux, j'ai changé. Tu es différente, tu es comme moi. Tu as vécu des choses aussi bouleversantes que moi, et c'est pour ça que tu m'attires. Tu es tellement mieux que les autres. Entière, brisée, mais forte. Tu combats sans arrêts comme moi.

— Tu es bon Smith. Tu as un grand coeur toi aussi, même si tu refuses encore de le voir. Tu ne seras jamais comme ton père et je ne te laisserai sûrement pas finir seul avec des chats pour seule compagnie, je ricane.

Il remet une de mes mèches en place, derrière mon oreille, tandis que je m'efforce de le regarder droit dans les yeux. Son regard est si entier, intense.

— Il y a forcément une fille qui t'attend patiemment. Toi aussi, tu as le droit à ton futur idéal. J'ai envie de t'aider à l'atteindre à mon tour, je lui confie.

Il ouvre les lèvres comme s'il voulait dire quelque chose, mais il se ravise au dernier moment. Au lieu de cela, il esquisse un sourire taquin. Je sens mes joues s'empourprer lorsqu'il gémit en passant une main entre nous deux. Je l'observe déboutonner son jeans et ouvrir sa braguette. Brutalement, je me mords la lèvre jusqu'au sang, avant de reprendre ma place.

Le silence est présent, et je dois dire qu'il me rend quelque peu mal à l'aise, malgré les gestes et les paroles réconfortantes de Smith.

— Alors, on se l'a fait cette arrivée ?

J'opine. Il redémarre et monte dans les tours avant de passer la ligne en trombe, fier de lui. Après s'être reculotté, Smith descend et je fais de même. Je vois que Lucas et Léna nous attendent au petit bar sur le côté. Ils nous applaudissent durant notre marche vers eux.

— Alors les bières, elles arrivent ? se plaint Lucas.

Smith secoue la tête, s'avouant vaincu et commande quatre bière à la jeune femme aux cheveux colorés en violet qui s'occupe du bar. Elle nous donne quatre canettes comme prévu, avant de disparaître vers le garage. Smith nous distribue à chacun une bière. Tout à coup, un événement étonnant se produit. Léna s'approche de Lucas pour lui donner un léger baiser. Il a l'air plutôt content de lui, et en demande un peu plus. Ils s'embrassent plus goulument, pendant que nous rions ensemble, Smith et moi.

— Tu verras, demain, ils auront recommencé à se faire la guerre, il me susurre à l'oreille.

— Pas si sûre, je lui réponds en toute honnêteté.

Il fronce les sourcils, en prenant une grosse gorgée de bière. J'aime bien le mouvement qu'effectue sa pomme d'Adam quand il avale, en plus de se légère barbe qui lui encadre la bouche, ça rajoute à sa virilité.

— On prend le parie ?

D'ordinaire, je ne joue pas à ce genre de jeu et je ne suis pas prête à le faire. Même si cela pourrait être marrant, pas maintenant.

— Plus tard, dis-je, en lui donnant un coup amical dans l'épaule.

Pour toute réponse, il passe un bras autour de mes épaules et en profite pour me donner un baiser sur la tempe. Je rigole parce qu'il me chatouille et il en rajoute jusqu'à ce que j'ai mal aux cotes.

La fin d'après midi se passe vite, entre sujets de conversations, rires et embrassades. Très vite, dix-neuf heure arrive. En voyant cette heure-ci s'afficher sur le tableau de bord de la voiture de Smith, je lui demande gentiment de me prêter son téléphone pour envoyer un message à mon père afin de lui dire que je vais passer voir ma mère. Il le fait et sans que je le lui demande, il me conduit jusqu'à l'hôpital. Je ne lui demande pas de m'accompagner, alors qu'il me suggère de m'acheter un téléphone. Je ne le contredis pas, mais pour l'instant, je n'en vois pas l'utilité.

Avant de partir pour l'hôpital, je le remercie pour cette journée. C'est sans aucun doute la meilleure et la plus libératrice que j'ai passé, depuis mon cauchemar. Je le sens, je marche vers des eaux plus calmes. Les eaux troubles m'engouffrent encore, mais j'essaie de tenir bon.

Alors que je vais passer les portes coulissante de cet endroit, que je détesterais toute ma vie — je le pense très fort — Smith m'interpelle. Son visage n'est plus aussi souriant et son attitude est grave. Je ne le lâche pas du regard, jusqu'à ce que les mots sortent de sa bouche. Des mots qui lui font mal.

— Je veux que tu sois là pour la cérémonie dans deux jours, et pour l'enterrement de ma mère. Ton père aussi.

Je ne baisse pas les yeux, et en un seul regard, je lui promets d'être là pour lui. Mon père est très sensible en ce moment, mais le lien qui se créer entre eux le poussera à venir le soutenir.

— Nous serons là, Smith. Nous serons là, je déclare d'une voix forte.

Puis, sans me retourner je me dirige à l'accueil. Mon père m'a dit en répondant au texto de Smith, que Maman avait été transféré au pôle psychiatrique. Il s'agirait d'un endroit spécial pour les personnes souffrant de problèmes psychologique. Un endroit calme et beaucoup mieux pour elle, d'après mon père.

Je m'adresse à la dame qui se dresse devant moi. Elle me communique un plan pour que je trouve facilement le service. Je la remercie en lui souriant, avant de partir à la recherche de la chambre numéro 22. Après quelque temps à marcher et à regarder le monde tourner autour de moi — en évitant soigneusement qu'une personne me touche — j'arrive enfin devant la fameuse porte. Le numéro est écrit en blanc par dessus une peinture rose.

Je ferme les yeux et souffle un bon coup. Cela va faire des semaines que je ne l'ai pas vu, et que son état se détériore. Qui vais-je vraiment voir devant moi ? C'est là, que j'ai peur. En secouant vivement la tête, je tire sur les manches de mon haut, pour ensuite frapper à la porte. Elle pourrait être en train de faire n'importe quoi et je ne veux surtout pas la déranger.

— Oui ?

Sa voix a perdu en lumière. Elle est devenue terne et grelottante, on dirait.

Ma main tremble lorsque j'ose actionner la poignée pour pénétrer à l'intérieur de son intimité. Je la vois assise dans un fauteuil près de la fenêtre. Son regard est rivé sur le parc de l'hôpital, et sa main tient un long tube qui relie une poche à sa perfusion. J'aperçois également un déambulateur près d'elle. Un sourire triste se dessine sur mes lèvres. Au moins, elle peut marcher, un peu.

— Bonjour.

Ma voix tremble et mes membres aussi. Lorsqu'elle tourne la tête vers moi, une vague de douleur me heurte de plein fouet. Elle semble avoir maigri encore un peu plus, mais malgré tout cela, le sourire discret qu'elle me lance paraît toujours aussi chaleureux. Je m'approche doucement, avant de prendre une chaise et m'asseoir près d'elle.

— Bonjour, ma petite.

— Je peux ? je demande en désignant sa main.

Elle hoche la tête, lentement, avant de prendre elle-même ma main dans la sienne. Je sens ses os à travers notre échange. Après un rapide coup d'œil dehors, elle se reporte sur moi. Elle observe mon visage dans les moindres détails.

— Comment t'appelles-tu ?

Premier coup de massue.

Les larmes menacent de couler, mais je les retiens prisonnière. Au lieu de cela, je laisse traverser mes lèvres, un rire à goût amer. Elle me sourit sans trop savoir ce qu'il se passe. Ne pouvant pas supporter son regard, j'observe les moindres recoins de la pièce. Elle est bien installée, je dois dire. On dirait une chambre simple transformée en un petit appartement. J'espère qu'elle ne manque de rien.

Subitement, mes yeux dérivent les photos qui sont posées sur sa commode près de son lit. Je me lève sans attendre et lui rapporte un cliché de nous deux, que Papa avait du prendre, il y a longtemps. Je le lui donne, tout en me montrant du doigt.

— Je suis ici, je lui explique tout bas.

Elle relève les yeux, toujours en souriant, puis elle pose sur doigt sur elle.

— Et moi, je suis là.

— Exactement, maman.

Elle fronce les yeux aussitôt et resserre sa main autour de la mienne. Son regard est toujours aussi vide, fatigué, mais j'y vois une lueur briller. Je ne peux plus retenir les larmes et je pleure sans honte devant elle. Je pleure de joie en me rappelant ces bons moments, même si nos relations n'ont pas toujours été faciles, ni parfaites.

— Je suis vraiment désolée de ne pas t'avoir reconnu, Victoire.

Deuxième coup de massue.

Mais, je ne lui en voudrais jamais. Je l'aime.

— Je m'appelle Lucie, maman. Tu ne t'en souviens pas ?

Cette question idiote, mais j'ai besoin qu'elle me le dise d'elle-même.

— J'ai toujours voulu t'appeler Victoire, parce que tu étais ma première victoire, mais je me souviens que ton père, lui, aimait beaucoup Lucie. Sa consonance et sa simplicité.

Je ris. Mon père ne m'a jamais parlé de cela, elle non plus. Maintenant, je sais que j'aurai pu m'appeler Victoire. J'avoue que mon prénom me plaît mieux.

— J'aime beaucoup Lucie, aussi.

— Tant mieux. Tu veux faire une balade ?

Je n'ai pas pu refusé. Nous sommes restées quelques temps, assises sur un petit banc dans le parc. Des personnels de santé nous surveillaient de loin au cas où un accident se produirait. J'étais bien avec ma mère, à l'abri du petit vent d'été, sous de grands chênes. Plusieurs fois, sa mémoire lui a fait défaut, et plusieurs fois, cela m'a rendu triste. Puis, il est arrivé un moment où elle devait mangé. En tout, j'ai dû resté pas plus de trois quart d'heure. On a dû se résoudre aux embrassades.

Mon père m'attend devant l'hôpital, et une fois à l'intérieur de la voiture, je ne peux m'empêcher de m'effondrer.

— Ça ira, ma puce, souffle mon père.

Il veut me rassurer sur le moment, mais il sait tout aussi bien que moi, que tout n'ira plus désormais. 

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Coucou !! Me revoilà pour un autre chapitre !! J'espère que vous l'avez aimé hein ??? Dîtes-moi tout !! Et je vous dis à la semaine prochaine, ou dans deux semaines !! Bisous bisous et profitez-bien surtout ! <3 Je vous adore !

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