3. LUCIE

Les jours sont passés vite entre les visites fréquentes de mon père et celles de Smith. Chaque jour, ils paraissaient tout les deux plus rassurés que le suivant. Moi aussi, je dois dire. Même si mes cauchemars étaient toujours aussi présents et le visage d'Alban aussi, je commençais petit à petit à reprendre confiance en Smith. C'est d'ailleurs la seule personne avec mon père, qui pouvait me toucher. Mais modérément bien sûr. Ce qui me faisait plaisir, c'est qu'il l'acceptait sans broncher.

Mais cette nuit, il s'est montré particulièrement têtu, et m'a pratiquement supplié pour qu'il vienne s'installer dans mon lit pour dormir avec moi. Il m'a dit que c'était pour nous familiariser un peu plus, que la première phase de ma remise en forme était enclenchée. Il voulait que j'ai une totale confiance en lui, même si elle était déjà là. Allons savoir pourquoi, cela ne lui suffisait pas. Il voulait me toucher et il voulait que je ne ressente plus la peur pendant qu'il me caressait doucement les bras. Sauf que les choses avançaient un peu trop vite, et il l'a bien compris. Donc, il m'a juste touché le visage et les mains comme à son habitude.

La semaine se termine ce soir, et je dois normalement sortir de l'hôpital, après presque deux semaines d'examen complet. Amanda m'a fait savoir que tout était en ordre et que je ne devais pas m'inquiéter. Elle m'a aussi avoué en toute franchise qu'il se pourrait que j'ai encore des moments de coupure. Où ma respiration se ferait difficile à manipuler. J'ai seulement secoué la tête, légèrement paniquée à l'idée de rentrer chez moi.

Pendant cette semaine de soins intensifs, mes coupures avaient vite cicatrisé à part celle qui marquait ma hanche. Mais je savais désormais quels soins y apporter, et seule. Mes cotes me faisaient toujours un peu mal, mais elles s'étaient remises d'après la radio que Amanda m'avait montré.

Assise sur une chaise à côté de Smith, je regarde mon père signer la décharge pour me faire sortir d'ici. Il a l'air heureux que je revienne enfin chez nous. Même si je suis encore très tourmentée par mes souvenirs, je suis contente à l'idée de quitter ces lieux que je n'ai jamais aimé.

Mon père revient avec quelques papiers en main, avant de me soutenir un bras autour de mon épaule. Smith s'affaire à appeler l'ascenseur, tandis que je dépose un léger baiser sur la joue de mon père. Il sait autant que moi, que ce combat sera loin d'être facile et gagné, mais par contre il y croit bien plus que moi, comme Smith. Je me dis que j'ai de la chance dans un sens.

— Aller viens, on rentre à la maison, me murmure mon père.

— On rentre à la maison, je chuchote à mon tour.

Je passe un bras douloureux autour de sa taille, tout en lui posant un léger baiser sur la joue, une seconde fois. Il me sourit, avant de passer un bras à son tour, autour de mes épaules. Il me maintient contre lui, juste avant qu'on arrive devant la voiture de Smith, qui est restée garé à cette même place pendant ces deux semaines.

Smith s'installe à la place du conducteur, et après un échange mouvementé, j'oblige mon père a monté devant. Il me fait la grimace avant de céder. Je monte derrière lui, à l'arrière, tout en veillant à trouver une bonne position. J'ai encore mal aux cotes, même si ça va un peu mieux.

Smith a insisté pour qu'on prenne l'avion et que ça soit lui, qui nous paye les billets. Mon père a accepté mais pas pour les billets, c'était hors de question pour lui, et il avait tout à fait raison. Smith, lui, rentrerait en voiture avec ses amis, qui étaient restés tout ce temps à ses côtés. Je les admirai, même si je les avais à peine croisé. Apparemment, ils préféraient me rencontrer en personne, et tout cela tombait à pic pour Smith, parce que le Bal des Pompiers avaient lieu dans quatre jours.

Au début, j'ai refusé d'y aller, si c'était pour voir du monde et me rappeler qu'ils pouvaient me toucher à tout moment. Mais Smith m'a alors promis qu'il serait le seul à pouvoir me toucher, comme je le voulais. Et après quelques minutes de rabâchement, au sujet de ma remise en forme et de ma reprise en main, j'ai cédé. Je n'étais pas ravie, mais après tout, il avait raison. Cette période était révolue, même si elle était toute fraîche. Smith tenait vraiment à coeur la cause pour laquelle il militait. Ouais, c'est comme ça qu'il me l'avait expliqué, ces derniers jours. Je me souviens encore de sa phrase.

— Tu sais quoi, Lucie ? il m'avait soufflé à l'oreille, alors qu'on était en pleine nuit.

Je m'étais retournée vers lui, à moitié endormie. Lui, il avait les yeux ouverts, parfaitement réveillé. Toujours allongé près de moi, dans mon lit hôpital, comme chaque nuit malgré mes protestations et celles des médecins. Il n'en faisait qu'à sa tête.

— J'ai décidé, à cette minute précise, il est donc trois heure trente-cinq du matin, que j'allais militer pour toi. Pour ta renaissance et ta repentie. Pour ton coeur aussi. J'en fais une affaire personnelle.

Sa voix était chaude et douce ce soir là, et il avait l'air beaucoup plus sérieux que toutes les autres fois, où on avait osé parler de mon passé douloureux avec Alban. Il avait posé sa grande main sur mon ventre, et son autre main dans mes cheveux, avec lesquels il jouait. C'est à ce moment là que je me suis rendue compte que je tenais beaucoup à lui, et que notre lien s'était solidifié jusqu'à ce qu'il se grave sur la matière brute de nos deux cœurs.

— Alors comme ça, je suis une affaire, j'avais ris tout bas.

C'était la première fois que j'acceptais de rire encore.

Il avait posé ses lèvres sur la veine qui palpitait sur mon cou, comme à chaque fois qu'on dormait ensemble, tous les jours et toutes les nuits.

— Non, tu es bien plus que ça, Lucie. Tu es mon affaire, l'affaire de mon coeur.

J'ai senti mon coeur fondre et se réfugier dans ma gorge, tandis qu'il me chuchotait ses paroles à l'oreille. Les larmes ont failli sortir de leur cachette, mais heureusement, je les ai retenu, et pour toute réponse, j'ai serré sa main qui était posée sur mon ventre, dans la mienne. Je voulais qu'il sente que je me sentais bien à cet instant précis, que c'était grâce à lui. Il l'a senti.

Il l'a senti et il me l'a fait sentir de toutes ses forces. Peut être qu'il n'avait aucune idée de ce qu'était l'amour, mais moi je savais ce que c'était. Et j'en ai perçu un bout dans ses paroles et dans son coeur, ce soir là.

Smith prend la route qui mène à l'aéroport de New York, tandis que je reviens enfin sur terre. Vu le coup d'œil insistant qu'il a à mon égard dans le rétroviseur, et la façon dont mon père se penche, on m'a parlé. Je n'ai rien entendu.

— Oui ? je me risque à demander.

— Tout va bien, tu te sens bien ? me questionne mon père, inquiet.

Je souris à Smith dans le rétroviseur, et je pose ensuite ma main sur l'épaule de mon père qui se détend à ce touché. Je le sens aussitôt sourire.

— Oui, je vais bien. Je vais même dormir un peu, je réplique.

J'échange un regard lourd de sens avec Smith, et les souvenirs de cette journée me revienne en mémoire et me submerge. J'aimerai tellement y revenir et ne jamais avoir quitté Phoenix pour New York. Je soupire un bon coup, en tournant la tête, pour regarder les voitures qui nous entourent. Je suis triste de quitter cette ville, parce que j'aime ce grand air. Mais en même temps, je suis vraiment contente de sortir enfin de cet environnement étouffant et remplit de souvenirs éprouvants. Ma mémoire cherche à se rappeler d'Alban, sauf que je m'y refuse. Je ferme les yeux, sombrant dans un profond sommeil, qui j'espère sera plus réparateur que destructeur.

•••••

Avant de nous quitter, avant que je ne monte dans l'avion avec mon père, Smith me prend dans ses bras avec tellement de force qu'il réussit à me faire lever du sol. Je grimace en silence en sentant mes cotes n'en faire qu'à leurs têtes, tandis que Smith pose ses lèvres dans mon cou. Je crois que je me lasserai jamais de ce geste. C'est un petit geste pour quiconque, mais s'en est un grand pour nous.

Dans la seconde qui suit, il me repose au sol, et aussitôt sur la terre ferme, ma main vient se refermer sur mon pansement qui est toujours intact heureusement. Smith suit du regard mes doigts qui eux s'agitent doucement sur mes cotes. C'est à lui de grimacer cette fois-ci. Il se gratte même la nuque, nerveusement, en évitant mon regard.

— Je suis désolée, j'y suis allé un peu fort, il me souffle tout bas.

Je ris, parce qu'il a raison, mais que ce n'est pas grave du tout. J'amorce un pas vers lui, alors que ses yeux sont rivés sur le sol. Puis, je le prends à mon tour dans mes bras, de façon tendre. Je nous surprends tout les deux en faisant le premier pas. Je ne sais pas, cela s'est fait naturellement, mon corps en avait envie, il faut croire.

— Je vais bien, grand gaillard, je lui murmure à l'oreille.

Je me recule un peu. Smith a ses mains sur mes hanches, et moi, je touche le bout de ses cheveux caramels du bout des doigts. Il arbore une barbe un peu plus impressionnante depuis mon séjour à l'hôpital, et je dois tout de suite avouer, qu'elle lui va bien. Elle lui donne un côté sauvage et encore plus mystérieux qu'il ne l'était déjà.

Notre façon de nous regarder et nous tenir à ce moment là, me rappelle une fois de plus notre journée, passé au bord du lac, dans un restaurant Mexicain, dans une salle remplit de personnes venues pour voir le même combat de boxe que nous avec la même admiration que la nôtre, et sur une moto poussée à toute vitesse en pleine nuit. Tous nos sourires et nos paroles, heurtent nos visages. J'aperçois dans les yeux de Smith, qu'il le sent aussi. Il est juste entre nous. Nous pourrions l'attraper pour le forcer à rester et à nous unir pour toujours. Mais on sait bien tout les deux, qu'il est trop tôt.

Ma bonne humeur se brouille, lorsque son pouce s'aventure sur ma hanche où ma vilaine cicatrice semble prendre de plus en plus de place en moi, au fur à mesure que les jours passent. Je me rappelle encore des paroles d'Alban et de la douleur que j'ai ressenti quand la lame est venue m'écorcher vivante.

Je recule sous le choc. Smith comprend immédiatement, si bien qu'il ne cherche pas à me rattraper. Il chuchote seulement mon prénom pour que je ne sombre pas plus bas. J'ai l'impression que c'est devenue sa solution à lui, lorsqu'il me voit basculer de l'autre côté. Il me murmure toujours mon prénom au creux de l'oreille, et je refais toujours surface pour le regarder profondément. Cette fois-ci aussi, je fixe mes yeux aux siens, et je me retrouve chez les vivants. J'esquisse un sourire maigre, et jette un coup d'œil à mon père qui nous regarde, un sourire radieux sur le visage.

J'ai eu vent de leur moment qu'ils ont partagé tout les deux, et je dois dire que je suis fière d'eux. Mon père m'a dit, qu'il avait vu chez Smith quelque chose changé quand il a enfin osé l'appeler Fiston, tout comme lui. Je pense qu'il a utilisé ce mot pour Smith, parce qu'il n'a jamais pu le dire à Charlie. Pour Smith, cette réaction, reste intime. Mais quelque chose me dit que je ne tarderai pas le savoir. Oui, je crois que les semaines à venir vont nous permettre de nous ouvrir un peu plus, l'un à l'autre. Du moins, c'est ce qu'a sous-entendu Smith, un soir, alors que nous devions dormir, mais que nous faisions tout autre chose que cela. Mes nuits à l'hôpital se résumaient à rester dans les bras de Smith, qui me devenaient de plus en plus supportables, au fil des jours ; et l'écouter parler et me promettre tout et rien, ou alors, écouter nos silences qui disaient tout pour nous.

— Tu vas me manquer, il lâche soudain. D'ailleurs tu me manques déjà.

Smith avait franchi le stade renfermé depuis mon coma. Il était devenu plus ouvert, comme s'il cherchait à me pousser à faire la même chose parfois. J'aimais bien cela, mais il me faudrait du temps avant de me laisser complètement bercer et aller. Oui, il me fallait du temps, comme un oiseau pour prendre son premier envol.

— Moi aussi, Smith, tu vas me manquer. Sois-prudent.

Tout les deux, on était plus proche à chaque minute, et cette attraction entre nous ne faiblissait pas. Mais comme le disait si bien Smith, nous préférions la mettre un peu de côté, pour nous consacrer à notre rédemption. C'était un chemin que nous avions choisi de faire commun. Enfin, Smith ne m'avait pas vraiment laisser le choix.

— Comme toujours. Vous m'envoyez un message lorsque vous êtes à Phoenix, il me demande.

— Et toi, dès ton retour à Mesa, je rajoute.

Il me sourit en me faisant un clin d'œil. Mon père s'avance enfin vers nous, et embrasse Smith dans une accolade virile. Il le remercie encore, avant de lui souhaiter bonne route.

— Je t'attends avec une bière dans le frigo, dès ton retour, lui lance mon père.

Smith se retourne, en enfilant ses lunettes de soleil.

— Pas qu'une, j'espère ! il plaisante.

Il part tout suite, en nous faisant un dernier signe, puis il disparaît dans l'aéroport. Quelques minutes plus tard, nous embarquons dans l'avion qui nous ramène à la maison. Une fois en place, j'attache ma ceinture pour le décalage, et je regarde par le hublot, la ville se faire plus petite et plus lointaine.

— Tu as choisi le bon gars, cette fois Lucie, soupire mon père en s'installant confortablement dans son siège.

Je me retourne instantanément vers lui, en fronçant les sourcils. Je sais qu'il parle de Smith, mais je ne préfère pas penser à ce genre de chose en ce moment. Peut être que nous avons l'air proche comme si nous étions un tout, mais nous sommes bien trop brisés pour ce genre de chose. Je préfère me dire que nous allons faire notre chemin ensemble, vers une paix intérieure, et qu'ensuite, nous pourrons envisager une suite. Et puis, je ne suis pas sûre de pouvoir m'engager avec un homme, après tout ce qui s'est passé.

Peut être que les choses dégénéreront, mais pour l'instant, j'ai envie de croire en cela.

— Tu as appelé à l'hôpital aujourd'hui, pour maman ?

Le sourire de mon père disparaît aussitôt, et je m'aime pas vraiment cela. Je culpabilise encore de ne pas avoir été suffisamment présente à ses côtés, et j'ai parfaitement raison. C'est ce que je mérite.

Mon père pose sa main sur la mienne, avant de sourire faiblement.

— La maladie d'Alzheimer est rendue à son maximum chez ta mère. C'est ce que m'ont dit les médecins, hier soir. Comme tu dormais, j'ai préféré ne pas te le dire au risque de te réveiller. Mais ils ont dit qu'elle réagissait plutôt bien à leurs méthodes pour entretenir sa mémoire.

Je souris maigrement, en pensant à elle, qui doit être perdue dans sa chambre d'hôpital. A partir de ce moment, je me fais la promesse d'aller la voir tous les jours. Comme je ne suis plus inscrite à NYU et que les vacances d'été approchent à très grands pas, et que j'ai envie d'oublier mes malheurs, je sens qu'avec ma mère, je vais pouvoir me délecter d'une autre tâche beaucoup plus importantes que celle d'Alban, qui n'était pas suffisamment assez fort pour être sauvé.

— Je pense que te voir, lui fera du bien, tu sais.

— Je lui rendrais visite tous les jours maintenant, papa. Je ne la lâcherai pas, et je ne vous lâcherai pas.

Il dépose ses lèvres sur ma tempe, avant de me regarder fixement, ses yeux remplit d'un amour incomparable aux autres.

— Tu es sûre que tu vas tenir le coup ?

— Il le faut bien, je souris. Et puis, Smith est là maintenant. Et toi aussi, papa.

Mon père passe un bras sur mes épaules, juste avant que je ne pose ma tête sur son épaule et que je ferme les yeux, fatiguée par cette longue matinée mouvementée.

— Smith est là, il répète tout bas.

Oui, et il m'a promis qu'il ne me lâcherait plus jamais, et que tout rentrerait dans l'ordre. Et je le crois, parce que nous sommes assez forts tout les deux.

•••••

Lorsque le panneau de PHOENIX se peint sous mes yeux, je crois sentir mon coeur faire un bond dans ma poitrine, tellement il est joyeux de revenir ici. Mon père, lui affiche comme à son habitude depuis ces jours interminables, un sourire éblouissant. Je suis contente de le voir enfin sincère, si bien que je pose délicatement ma main sur la sienne qui est posée sur le levier de vitesse. Il détourne les yeux de la route pendant une petite seconde, pour me faire clin d'œil. Je souris comme une enfant.

— Je t'aime ma puce, il me souffle.

Moi aussi, je t'aime tellement, et je suis si désolée de ne pas avoir été présente pendant ces longues semaines. Mais maintenant, je suis là, et je ne pars plus.

— Je t'aime papounet.

Nous arrivons après quelques minutes. Mon père se gare à l'intérieur de l'allée de la maison, et lorsque j'ouvre ma portière, je respire enfin un air familier, que je ne veux plus jamais quitter. Oui, plus jamais quitter. Cette fois, je m'y tiendrais et pour de vrai.

— Re-bienvenue à la maison, Lucie, me glisse t-il, en me soutenant à la taille.

Je grimace à son touché pendant l'espace de quelques secondes, avant d'oublier son geste. Mon père ouvre la porte d'entrée, et me laisse rentrer la première. Je souris encore plus, et sans attendre, je me précipite comme je peux, vers le jardin. Il fait beau et chaud, aujourd'hui, et je ne suis plus à l'hôpital. Enfin.

— Tu veux manger quoi ce soir ? j'entends au loin.

— Peu importe, papa. Tout ce que tu choisiras me conviendra, tu sais.

Il hoche la tête, tout en prenant le téléphone dans les mains pour nous commander une pizza chacun. Je ris, en lui disant que je n'arriverai jamais à manger tout cela, et lui rit aussi, en me disant que si, j'y arriverai forcément. Je lève les yeux au ciel. Nous passons le reste de la journée et de la soirée à regarder des matchs de boxe à la télévision. Puis, au bout d'un moment, je sens la fatigue poindre le bout de son nez et des tiraillements sur mon corps. Comme me l'a expliqué Amanda, je peux enfin enlever mon pansement aux cotes, et c'est ce que je fais en lavant bien la cicatrice qui est en train de se former et en la désinfectant ensuite, après.

Je souhaite une bonne nuit à mon père, avant qu'il ne me tende son téléphone et me dise qu'un message m'attend. Je fronce les sourcils en le remerciant et en montant dans ma chambre. C'est une fois dans les draps que je vois qu'il s'agit de Smith.

SMITH : Heureusement que ton père a pensé à envoyer un message. Je suis encore sur la route, mais je vais bientôt m'arrêter. Appelle-moi.

Un sourire discret vient s'échouer sur mes lèvres, tandis que je vois que son message a été envoyé, il y a une heure et qu'il est pratiquement minuit. Tant pis, je décide de l'appeler quand même, comme il le voulait. Il décroche à la deuxième tonalité. Sa voix est rauque quand il me salue.

— Coucou, je réponds en baillant.

— Tu es prêtes à dormir, alors ? il me questionne, d'un air taquin.

Bizarrement la fatigue s'est amoindrie, et même si mon corps aimerait se reposer, mes yeux refusent de se fermer. Je grimace. Et plus j'y pense, plus je me dis que dormir sans lui, va m'être difficile, je pense.

— Tu n'es pas là.

Mes lèvres ont parlé pour moi, les traîtresses. Je me mords instantanément l'intérieur de la joue.

Silence.

— Toi, non plus, tu n'es pas là. Je m'étais habitué à dormir avec toi, Lucie.

Sa sincérité me touche en plein coeur.

— Moi aussi, je lance tout bas.

Je ne sais même pas comment je suis capable de lui dire de telles choses. J'ai peur. Comme toujours.

— J'ai une idée, il murmure.

Je reste muette, attendant qu'il me la soumette.

— Je suis encore sur la route, mais je suis également avec toi, d'une certaine manière, il rit gravement. Et si, je laissais le haut-parleur et que tu laissais le tien aussi, toute la nuit ? Je serai avec toi, et tu serais avec moi. Tu en penses quoi ?

C'est une idée folle, mais j'aime bien l'idée d'entendre ses respirations et sa musique qui s'échappe de sa radio, me bercer.

— Je suis d'accord, je chuchote.

Je sens le sourire de Smith se peindre sur son visage lorsqu'il m'intime de m'endormir. Je ferme immédiatement les yeux, en l'écoutant conduire en plus de sa musique rock en fond. Je me laisse bercer dans les méandres dans mon sommeil, qui deviennent tout de suite ténèbres, et qui me renvoient toujours la même odeur, le même visage, la même voix grasse. Je les vois distinctement, Victor et Alban, penchés au dessus de moi, à rigoler comme des fous. Je crie silencieusement, tandis qu'ils m'attachent les poignets aux pieds de ma tête de lit. Leurs mains visqueuses me touchent et me caressent, et je crie encore.

— Lucie, tu m'entends ?

La voix de Smith n'est pas loin, elle n'est pas loin de moi. Elle me ramène parmi les vivants comme toujours. Je me relève d'un seul coup, et je grimace lorsque je sens une douleur m'assaillir l'abdomen. Aussitôt, je regarde l'heure sur mon réveil, qui s'affiche en rouge pétant. Il est un peu plus de trois du matin. Il est toujours éveillé, ou est-ce moi qui l'ai réveillé avec mon cauchemar ?

— Lucie ? T'es là ?

Sa voix remplie d'inquiétude me perfore la poitrine.

— Oui, je suis là, je réponds d'une petite voix.

Je l'entends soupirer fortement, avant que des bruits de draps ne remplacent ses bruits à lui. Je l'ai réveillé, c'est sûr, maintenant. Je m'en veux immédiatement, et je me dis qu'il faut mieux que je raccroche pour qu'il puisse dormir.

— Excuse-moi.

— De quoi ?

Je déglutis, en me précipitant vers la salle de bain, en faisant attention à ne pas faire de bruits.

— Pourquoi tu t'excuses, Lucie ?

Les mots ne sortent pas. Je me passe un peu d'eau sur le visage et soudain quelque chose se détache en moi, et je ne me retiens plus.

— Parce que je suis un poids lourd pour toi, parce que j'ai toujours été quelque chose dont tu devais t'occuper, depuis le début. Tu ne l'as pas choisi, et je te demande pardon. Parce que je t'ai réveillé à cause de mes cauchemars, et parce que je t'ai rejeté au lac. Parce que je ne suis pas capable de te laisser me toucher comme il faut, parce que j'aimerai sentir tes bras autour de mon corps, tout de suite. Mais surtout parce que je te fais souffrir aussi.

Je respire un grand coup.

— Alors, je suis désolée.

Je laisse dévaler les larmes silencieuses sur mes joues, tout en m'appuyant au lavabo. Je n'ose même plus me regarder en face.

— Lucie, tu te rappelles que tu es la quête de mon coeur, et que c'est moi qui ai choisi de te sauver. Et je dois dire que tu te trompes tellement putain, il souffle. Tu ne me fais pas souffrir, parce que je souffre depuis bien plus longtemps. Je souffre depuis mon plus jeune âge et surtout depuis que ma mère m'a quitté. Je souffre, non pas à cause de toi, mais pour toi. Pour ce qui est de mon sommeil, ne t'inquiète pas, je n'ai jamais aussi mal dormi de ma vie, il rit.

Alors je ris aussi, mais je pleure aussi. Sa mère. Pénélope. Elle est morte et je n'ai même pas été là pour lui. Je m'en veux encore plus. Mes larmes redoublent, mais je fais attention à ne pas renifler pour que Smith ne s'en aperçoive pas. Sauf qu'il s'en aperçoit toujours.

— Je ne mérite pas qu'on pleure pour moi, et tu ne mérite pas de pleurer pour lui, Lucie. Recouche-toi, et essaie de faire le vide dans ta tête, tu dois les combattre, les repousser aussi fort que tu peux.

— Je ferais mieux de raccrocher, tu dois dormir pour reprendre la route demain.

— Je ne veux pas que tu raccroches, je veux être sûre que tu dormes tranquillement.

Je ne bronche pas, je m'installe dans la douche. Puis, je m'assois en ramenant mes genoux vers ma poitrine. Je respire calmement pendant encore quelques minutes, voir une heure entière, je ne sais pas. Puis, il raccroche enfin. Et c'est à moment là, que je m'autorise à pleurer, à pleurer et à pleurer. Encore.

*******************

Coucou !! J'espère que vous allez bien ? Comment avez-vous trouvé ce troisième chapitre ? Le début du tome 3 vous plaît ?? En tout cas, j'ai l'impression que Smith est fin prêt à s'ouvrir pour aider Lucie à avancer !! Dîtes moi tout !! Comme vous savez les commentaires pour moi sont très importants ! Je remercie d'ailleurs toutes celles qui commentent, c'est un réel bonheur moi ! Je remercie tout le monde !!

200 000 vues pour FFU et 80 000 vues pour FFU2 !! Merci infiniment ! J'espère que vous avez vu mon message sur mon profil, si non, allez faire un petit tour ! :)

Bisous bisous !

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