6. SMITH

"J'ai besoin de cette illusion, maintenant, pour survivre..."

**

Ce matin, j'ai vraiment eu l'impression de respirer, à nouveau. Respirer un air meilleur. Je suis un nouvel homme après tout. Un nouvel homme qui doit faire face à ses responsabilités et son devoir, mais un homme à renouveler. Je me dois d'aller mieux, même si ma vie est carrément partie en cacahuète. Les mots de Lucas ont eu impact immédiat sur moi, ne cessant jamais de flotter dans mon esprit. Avoir confiance en moi, est une bien grande chose, hors de ma capacité en ces jours sombres, je pense. Mais je nierais jamais les sensations que m'ont procuré les paroles de Lucas, jamais. J'ai été secoué, mais encore à trop petite dose. Il m'en faudrait plus, pour me bouger davantage. Pour bouleverser ma façon de pensée, ainsi que ma façon d'agir. J'ai beau avoir pris ma vie en main, les choses ne sont pas aussi faciles. De plus, avec leurs réflexions sur mon geste dit héroïque, et leur opinion sur l'amour, je ne vais pas aller mieux.

Après avoir fait deux ou trois foulées, autour de l'immeuble, je suis bipé à deux reprises par Max. Il m'a expliqué par la suite, qu'il s'agissait d'un accident à domicile ; une vieille dame serait tombée dans son escalier.

- J'ai vu à quel point, tu étais doué pour rassurer les gens. Va donc aider Lucas et Carl pour cette intervention, me suggère Max.

- Bien chef, je hoche la tête.

Je rejoins Lucas et Carl, devant un véhicule d'urgence. Je leur serre ensuite à chacun la main, avant de prendre la route, vers le centre de Mesa. Nous arrivons dans un joli quartier, assez haut placé. J'aperçois devant la maison de la petite dame, une jeune fille à peine âgée de quinze ans, qui attend le moindre signe d'aide, paniquée. Je respire un bon coup, pour me donner du courage.

Lorsque Carl s'arrête devant la maison en question, je descends pour me diriger immédiatement vers la jeune fille. Mais mon portable se met soudainement à vibrer dans la poche arrière de mon pantalon, me dénuant de tout mouvement. Carl me fait instinctivement un signe de tête, pour m'annoncer qu'ils vont commencer à rentrer pour se rendre compte des dégâts. Je hoche alors à mon tour, la tête. Puis dans un mouvement brusque, j'arrache mon portable de ma poche, pour prendre l'appel. Il s'agit d'un numéro qui m'est inconnu ; mais je réponds quand même m'attendant au pire.

- Oui ? je questionne, sans trop de conviction.

Mais rien ne se passe. Sauf lorsque j'entends cette respiration insistante prendre possession de mon écoute. J'ai comme l'impression qu'il s'agit d'un vieux thriller, où le psychopathe au bout du fil, essaie de faire flipper, la jeune femme qui l'écoute attentivement. Malheureusement pour cet homme, je ne suis pas une femme, et j'ai loin d'avoir les chocottes. Je suis seulement intriguée.

Au bout de quelques minutes, à entendre une respiration lente et maitrisée, je raccroche. Et avant de m'approcher de la jeune fille, qui est restée tétanisée sur les marches qui sont positionnées devant sa maison ; je note le numéro.

- Bonjour, je souffle délicatement.

Elle lève les yeux, les lèvres tremblantes. Je décide alors de m'asseoir près d'elle, sur les marches. Elle me regarde attentivement, et se décale légèrement pour me laisser une petite place. Je prends une grande respiration, avant de poser mes mains croisées sur mes genoux.

- Je n'ai jamais vraiment compris pourquoi les bouches d'incendies étaient rouges, je lance innocemment.

La jeune fille tourne vivement la tête vers moi, en fronçant les sourcils. Je sais qu'elle doit me prendre pour un dingue, à l'heure qu'il est, mais j'essaie juste de changer de sujet pendant quelques secondes. J'aimerais qu'elle arrive à ne plus être triste, pendant au moins quelques minutes. C'est ça mon challenge, ce matin.

- Les camions de pompiers sont rouges aussi, elle réplique délicatement. C'est peut-être pour faire un petit clin d'oeil au feu ?

- J'en sais rien.

Elle fronce encore plus les sourcils.

- Je sais, je suis pompiers et je ne sais rien sur tout ça. Tu dois vraiment me prendre pour un amateur ; après tout, tu n'aurais pas tord. Je n'ai fait qu'une intervention, c'est tout, je ris. Je me présente, Samuel, pompier sans être pompier, je chuchote en lui tendant ma main.

- Clara, fan de jeux vidéo, sans pour autant être une geek, elle sourit.

Sa petite main s'emboite alors dans la mienne, pendant quelques minutes. Puis le silence est de nouveau instauré entre nous. Pendant ce temps là, Carl et Lucas sortent de la maison, la grand mère de Clara allongée sur un brancard. Je me lève instantanément, en même temps que Clara. Lorsque mes coéquipiers arrivent devant le coffre du véhicule, je m'empresse pour leur ouvrir.

Quelques minutes plus tard, nous sommes en routes vers l'hôpital le plus proche. Clara est assise à mes côtés, les jambes tremblantes, et la main posée sur celle de sa grand mère. Je regarde alors les larmes couler silencieusement sur les joues lisses de Clara, pendant quelques secondes. Mais je me rends compte que ce spectacle est tout simplement insoutenable. Je ne me souviens pas avoir pleuré quand ma mère s'est faîte hospitalisée. Tout compte fait, je n'ai jamais pleuré devant elle, mais seulement lorsque j'étais seul.

Lorsque nous arrivons devant l'hôpital, où se trouve ma mère, Carl sort d'urgence pour accueillir des médecins qui ont ouvert les portes du véhicule. Ils sortent le brancard, Clara les suivant de près. Celle ci me sourit, avant de disparaître dans le bâtiment.

- Vous pouvez ramener le véhicule à la caserne ; je vais voir si je peux apporter mon aide aux médecins ici, nous demande Carl.

Nous hochons tout deux la tête, le laissant s'éloigner dans les grands bâtiments, lui aussi. Le trajet est silencieux. Trop silencieux même, pour ne pas être gâché.

- Tu passes à la salle de sport, aujourd'hui ? me demande Lucas, sans jamais lâcher la route des yeux.

- Peut-être bien, je lui réponds.

Nous arrivons quelques minutes plus tard, Marc nous attend devant la caserne avec Léna et Dany. Lucas gare alors le véhicule de l'autre côté de la cour. J'ai comme l'impression qu'il y a quelque chose entre nous, mais je ne sais pas quoi. Je ne me souviens pas avoir ressenti ce malaise, quand j'ai rencontré Paul pour la première fois.

- Voilà mes deux grands gaillards ! s'exclame Marc. Tout s'est bien passé ?

- Oui, on a sorti Janine avec Carl, pendant que Samuel était en train de rassurer sa petite fille, lui explique Lucas, d'une voix ferme.

- Félicitation les gars ! nous lance t-il, un sourire franc sur le visage. Vous avez mérité une bonne séance de sport, rit-il.

**

- Tu es un ancien boxeur, ou quoi ? me demande subitement Léna, amusée.

Je lui souris, mais sans répondre. Je frappe encore et encore le sac qui se trouve devant moi. C'est mon seul ami, dans ces conditions là. Pendant que je me remets des bandes blanches sur les mains, j'aperçois Lucas m'observer avec perplexité. Il en profite ensuite pour s'approcher de moi, lorsque Léna et Dany quittent la salle.

- J'ai comme l'impression que quelque chose te tourmente, depuis que je t'ai rencontré, il chuchote.

- Qu'est-ce que tu essaie de faire au juste ? Jouer au psy avec moi ? je crache, sans faire attention.

Un rictus amère se place au coin de sa bouche. Les mecs dans son genre m'énerve au plus haut point ; et j'ai l'impression qu'il en joue ce petit con.

- Viens boire un verre avec moi, et je te promets de t'expliquer, il riposte.

Je fronce les sourcils pendant quelques secondes, avant de le toiser du regard. Jamais personne ne m'avait proposé une telle chose. Boire un verre, c'est ok ; mais m'expliquer quelque chose comme ça, c'est un peu tordu pour ma part. Mais je n'ai vraiment pas grand chose à dire, puisque je ne le connais pas véritablement. Je préfère tout de même m'assurer que rien ne va m'arriver si je le suis.

- Pourquoi je te suivrais ? je demande, froidement.

- Il ne te sert à rien jouer au gros dur, qui ne pleure jamais, que lorsqu'il est seul, Samuel. Tu es humain, et tu as le droit de montrer tes faiblesses, tes peurs, comme tout le monde. Il ne faut pas en avoir honte, au contraire, c'est une force dont très peu de gens utilisent les avantages et en font preuve. Veux-tu vraiment continuer à te morfondre jusqu'à ce que tu atteignes l'âge du pardon, ou veux-tu commencer enfin à vivre dans ce monde fait de cruauté, mais aussi de bon moment ? il me demande, avec le plus grands des sérieux.

J'ai comme l'impression que ce mec est venu sur Terre dans l'unique but de me faire chier avec tout ces discours à deux balles. Mais j'ai aussi la sensation que si je vais dans son sens, les choses changeront vraiment, et alors tout s'emboîtera dans ma tête, naturellement.

- Je ne suis pas là pour te faire chier, Samuel. J'ai trente ans, et je ne plus un gamin. Si tu n'as pas envie de savoir de quoi il s'agit, c'est ton problème, il continue. Seulement, après avoir vécu des choses aussi dures que moi, ou toi, nous avons besoin de vivre et de respirer à nouveau. J'ai longtemps eu cette impression de renaissance, chaque jour, mais ce n'était que du vent, de l'illusion. C'est ce que le monde voulait me faire croire, alors que je m'enfonçais chaque jour, encore plus bas, il soupire. Aujourd'hui, je peux enfin dire que je respire à nouveau, parce que j'ai sauté le pas.

Je fronce les sourcils, écoutant chacune de ses paroles, qui rentrent dans mon esprit avec rudesse.

- J'ai pris mon courage à deux mains, et j'ai fait cette foutue thérapie pour ma copine, qui venait de perdre la vie à cause de ce putain d'incendie, il peste avec rogne. Je ne sais pas ce que la vie t'a réservé dans ton passé, mais je sais que tu as vécu des choses, comme j'en ai vécu. Tu as les marques, Samuel. Partout, sur tes bras, ton visage, et même tes mains.

J'écarquille légèrement les yeux, frapper en pleine poitrine.

- Il ne sert à rien de se cacher, non. C'est le moment de se réveiller, et pour de bon. (Il rit, en baissant la tête). Je sais que je passe pour un fou, même un obsédé, mais je veux seulement t'aider. Seulement être ton ami. J'ai longtemps attendu quelqu'un pour m'épauler dans ces passes sombres, mais personne n'a été là. J'ai toujours été très altruiste et serviable envers les autres depuis l'accident. Et puis, Tracy aurait voulu que je m'ouvre plus, il sourit.

Je suis complètement out. Moi, qui ne laissait rien transpercer ma carapace avant ; voilà la deuxième fois que je me fais avoir. Bien sûr, la première fois, c'est Lucie qui a réussit à la percer. Mais maintenant, c'est ce gars que je connais depuis deux jours, qui réussit à fissurer mon masque.

Sans perdre de temps, je prends ma veste, et l'enfile à grande vitesse. Lorsque j'ouvre la porte de sortie, je me retourne vers Lucas, qui n'a pas bougé d'un poil.

- Je...je vais y réfléchir.

Mais c'est déjà tout réfléchi dans ma tête. Jamais je ne ferais de thérapie, les choses sont bien trop nombreuses dans mon crâne. Je n'arrive pas à casser les codes qui sont ancrés dans mon cerveau. Comment pourrais-je faire une thérapie, avec tout ces gens dont la pitié envahit leurs pupilles ? Non, je peux pas. Je ne peux pas.

Je prends le volant avec vivacité, dans l'intention de rester à errer dans mon appartement, la tête remplie d'interrogation. Je sens que si je vais rendre visite à ma mère, je vais m'effondrer dans ses bras. Lorsque j'arrive près mon immeuble, j'aperçois Teddy et Joah devant celui ci. Je m'arrête alors près d'eux, soudainement pris d'une violente vague d'adrénaline. Sans aucune une parole, ils montent à l'intérieur. Ils leur a suffit de voir mes yeux où vibre une tension sans limite, pour comprendre ce à quoi je faisais référence.

Les souvenirs me font face, lorsque j'enlève le vieux drap épais, qui trônait sur ma vieille bécane. Je l'effleure du bout des doigts ; l'étincelle m'attaque l'âme. Sans un mot, je la sors du vieux garage, tandis que Joah me tend un casque. Les vieux démons et les vieilles sensations qui me hantaient lorsque j'étais adolescent, et que mon père me chassait de la maison, reviennent en force. Pendant une seconde, je regarde le casque qu'il me tend, prêt à le jeter à terre. Les paroles de Lucas se reflètent dans mon esprit.

C'est le moment de se réveiller, et pour de bon.

J'enfile alors le casque, et lorsque j'entre dans la piste, seul, mon coeur bat rudement. Je respire un bon coup, avant de descendre la visière d'un coup sec. Je joue avec le moteur, le faisant gronder. La rage coule dans mes veines. J'explose.

Je me réveille, et je respire, au fur et à mesure que j'augmente la vitesse. Sentir le vent me donner des coups, me fait du bien. C'est comme si je sortais du ventre de ma mère, une nouvelle fois. J'observe un tout nouveau monde, d'une autre façon. Les réverbères m'éblouissent, m'éclairent, afin de refléter mon âme torturée depuis mon plus jeune âge.

Je reste quelques minutes, où quelques heures, je ne sais pas, assis sur ma moto. Je contemple le monde qui me voit chaviré chaque jour, sans rien faire. Peut-être que mon impression de bien être n'est qu'une illusion. Mais j'ai besoin de cette illusion, maintenant, pour survivre.

- Tu te sens mieux ? me demande Teddy.

Je hoche la tête lentement, sans délier ma langue. Le silence m'apaise quelque part.

- Je t'apporte un verre, me propose celui ci.

Je n'y fais pas attention, dévisageant encore cette plaine, avec les voitures et les rues éclairées. Soudainement mon téléphone vibre dans ma poche. Pendant une minute, je crois encore qu'il s'agit de cet inconnu au souffle coupé qui ose me rappeler, mais non. Il s'agit d'un message inconnu.

INCONNU : D'urgence à l'hôpital, Sam.

Je reconnais tout de suite mon père avec ce surnom, qu'il ne cesse jamais de me donner. La rage et le calme, laissent place à de l'angoisse qui me ronge la peau. Sans plus attendre, je fonce vers l'hôpital, en montant vite fait dans ma bagnole. Le vent me fouette violemment le visage, à cause de ma vitre ouverte. Lorsque je respire, j'ai l'impression d'inspirer du poison. En un seul message, mon monde réussit à s'écrouler.

J'ai besoin de cette illusion.

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Coucou !! J'espère que vous allez bien aujourd'hui ?? Ca fait longtemps, j'ai l'impression ahah !!

Bon, j'espère que vous avez aimé ce chapitre !! Que pensez vous de Lucas, maintenant ? Vous pensez qu'il fait bien en proposant cette thérapie à Smith ? Et ces fameuses marques, qu'est-ce que ça veut dire tout ça ? Dîtes moi tout, je ne veux pas perdre une miette, c'est très important pour moi !!

Merci 1 millions de fois pour le nombre de vote, de vue, de commentaire !! C'est EXTRAORDINAIRE !! MERCI INFINIMENT mes petits tigres !! :)Et merci beaucoup pour vos réponses sur Explication n°2 ! :)

Prochain chapitre sur le point de vue de Alban !!

Bisous bisous ;)

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