22. SMITH
Tandis que Paul conduit dans un silence morbide, j'envoie un message à Lucas pour m'excuser de mon absence. Celui ci me répond à peine quelques secondes après, en m'envoyant une photo de lui en présence de ses amis, des verres en main. Je souris instantanément, avant de lui dire que ce verre au bar sera à rattraper un jour ou l'autre, et que je compte lui rappeler chaque jour où on se croisera. C'est à dire, tout le temps. Puis, j'éteins mon téléphone, au risque qu'un coup de fil puisse me perturber, lorsque je réglerai son compte à Carter et à ses petits chien-chiens.
Mes yeux se posent soudainement sur un quartier miteux, où chaque maison est proche de l'effondrement. Instantanément, je vrille. Je n'ai jamais pensé que tout cela pouvait être un piège. J'ai tellement été aveuglé par notre conversation et par les conséquences graves qui pourraient s'abattre sur Lucie. Heureusement, l'air stressé de Paul me rassure un peu, et visiblement j'ai envie d'y croire. J'ai envie de croire en Paul, même si je ne sais pas comment les choses vont se dérouler, une fois que je serai en face de Carter. J'ai imaginé tellement fois son visage en sang, qui s'ensuit par un séjour à l'hôpital, que j'ai du mal à croire que je vais enfin le revoir.
— On est presque arrivé. Ça t'étonne tant que ça qu'il habite dans un bled aussi pourri qu'ici ? me demande, Paul.
Je ne réponds rien, restant concentré. S'il espère qu'on pourra encore déconné lui et moi, comme avant, il se trompe de gars. En tout cas, pas de maintenant.
— Alors, tu vas tomber des nues, lorsque tu verras la maison close qui se trouve être en face de son trou perdu, me déclare Paul, en ricanant amèrement.
Une grimace amère me prend instantanément. J'ai comme l'impression que ça ne me choque pas de savoir qu'il passe la journée avec des putes assissent autour de lui, commandées à assouvir chacun de ses désirs. Soudainement, j'ai envie de vomir, mais je me retiens.
— C'est la maison du fond, m'avertit Paul, avant de se garer quelques mètres plus loin.
Lorsqu'il arrête le moteur, Paul se retourne soudain vers moi, très intrigué. Je sais ce qu'il va me demander, et franchement, je n'en ai pas la moindre idée. Tout ce que je peux dire, c'est que j'ai fait tout cela sur un coup de tête, pendant que j'étais à chaud. Alors quoi dire de la suite ?
— C'est quoi ton plan ?
Je l'avais parié cette question.
— Y'en a pas, je lâche en me concentrant sur la maison devant moi.
Paul a bel et bien raison. Sa maison est un vrai trou à rats, à bâtards aussi, si je puis me permettre. Il n'a même pas de vitre pour se protéger du froid, des intempéries ; ce sont seulement des plaques de bois qui jouent ce rôle.
— Je ne savais pas que Carter et ses chien-chiens étaient devenu des vampires, je ris.
Et sur cette vanne pourrie, à laquelle Paul rit à coeur joie, je descends de la voiture. Une fois devant la porte en bois, déjà rongée par les mites, une voix nous interrompe dans notre lancée.
— Paulo, je pensais que tu viendrais plus ! Tu viens à nouveau prendre ton pied, c'est ça fréro ? lui demande, une voix rauque.
Je me retourne subitement pour voir à qui on a faire, et lorsque je reconnais Brad MacCall, un sourire carnassier se forme sur mes lèvres. J'aurais bien voulu l'éclater cette nuit, mais il a été plus agile et plus rapide.
— Le poulain de Jim est ici, aussi. On a touché le jackpot ! plaisante Brad.
— Tu t'es fait roulé dessus récemment, le géant ?
C'est tout ce que je trouve à dire pour qu'il ferme sa grande gueule qui ne tourne pas rond. D'ailleurs, cela marche, et je peux enfin ouvrir cette putain de porte. Lorsque la lumière filtre dans la pièce principale, j'entends quelques rires hystériques, et des gémissements. Brad me pousse sur le côté, avant de prendre sa route dans l'un des nombreux couloirs qui nous font face. Cette maison est peut être en piteux état, mais elle est super grande.
— Je te suis, je sonne à Paul.
— Vu l'heure qu'il est, il doit être en train de boire comme un trou, avec ces potes, en déduit celui ci. Viens, c'est par ici.
Je le suis sans rien dire, tout en observant les lieux qui me donnent la gerbe, à cause des traces de sang séché sur les murs, les tissus moisis, et les capotes usagées par terre. Je me demande comment on peut vivre dans un tel déchet, sans gueuler un coup de temps en temps à cause de la puanteur qui y règne.
— Tu fais quoi maintenant que les combats illégaux ont été rayé de ta vie ? me demande Paul, pour faire passer le temps.
Putain, on finira jamais ce couloir de merde, qui sent l'alcool à plein nez.
— Je suis pompier volontaire. Si tu envisages, une seule fois de me rendre visite là bas, pour faire un de tes petits numéros, je te défonce, Paul.
— Je ne sais pas si je serais revenu vers toi, si Lucie n'avait pas eu des problèmes, me déclare t-il, en toute sincérité.
Je serre les poings.
— Heureusement, tu m'aurais servi de punching-ball, je lâche sèchement.
Il ne parle plus, et je ne parle plus également. Le silence règne entre nous, et visiblement, il me fait du bien. Il m'apaise et prépare mon corps à une pression forte et imminente.
Instinctivement, il pose sa main sur la poignée d'une porte à quelques centimètres de nous, mais il ne l'ouvre pas. Il m'observe du fond des yeux, avant de déglutir difficilement.
— J'ai une question pour toi, Smith.
— Grouille, je veux en finir avec ces conneries ! je tique, nerveusement.
Il serre les dents pendant quelques secondes, pendant que je danse sur un pied, à la fois excité et déboussolé.
— Penses-tu réellement, une seule seconde, que j'ai fait tout ça de ma propre intention ? il me demande, droit dans les yeux. Tu choisirais quoi toi, entre la défaite de ton meilleur pote à un combat primordial, et le viol de ta petite soeur suivit du meurtre de tes parents ?
Je m'immobilise, en marquant un temps d'arrêt, afin que les informations ne viennent pas me tourmenter. Jamais je n'aurais pensé que Carter était un maître en manipulation, et qu'il pouvait aller si loin dans ses propos, le salaud. Je connais Tania, la petite soeur de Paul, et j'aurai fait la même chose que lui. Je l'aurai protégé. Même Mariska, sa mère, ne mérite pas de mourir à cause de lui, malgré qu'elle ait été exécrable, le peu de temps que je l'ai connu.
Je respire un bon coup. Tout ça est trop vif, pour moi.
— Tu sais que je t'aurais soutenu tout du long, mais j'avais des priorités, même si tu étais mon meilleur ami. Je comprends si c'est trop dur, mais un pardon est mieux que rien.
Il tourne la poignée d'un cran, sans ouvrir la porte.
— Tu sais aussi, que je n'ai jamais trahit mes engagements, et je te supporterai quoi qu'il t'arrive. Carter est un salaud, et je le dis depuis plus longtemps que toi, il se pince les lèvres.
Tout ce que je trouve à faire, est de hocher la tête, comme pour lui dire qu'on remettra cette conversation à plus tard. Il me réponds à son tour, et ouvre la porte en grand. Tout les regards gorgés de sang, se tournent vers nous. Mais je n'en retiens qu'un, celui de Carter. Il est assis sur un coussin, une bouteille de Whisky à la main.
Il lui faut quelques secondes de répit, pour me reconnaître, avant qu'il ne se lève en titubant. Il manque bientôt de tomber à même le sol, mais un de ses hommes le retient. Puis soudain le seul bruit qui perce les murs de cette pièce sombre, est le rire démoniaque de Carter.
— Regardez moi, qui a bien voulu nous honorer de sa présence, ce soir ! Celui qui a perdu contre ma poigne de vainqueur né, lâche sobrement Carter.
Chaque regards se braquent soudain sur moi, une haine profonde dansant à l'intérieur de chacune de leurs pupilles.
— Moi aussi, je suis content de te voir, je grogne. On peut s'asseoir, j'ai vraiment envie de me détendre. En plus, il vaudrait mieux pour toi, que j'ai quelques verres en trop.
Carter me jauge pendant quelques minutes, avant de rapporter son attention sur Paul, curieux. Puis, après ce qu'il me semble une éternité, Carter nous laisse une place dans son cercle privé, en face de lui.
— On va parler d'affaire ? Dis-moi oui, parce qu'avec les combats crégnos que je me tape en ce moment, j'ai besoin de fric facile, d'urgence, réclame Carter en ne quittant jamais Paul des yeux.
— Je viens au sujet de Lucie, Carter. T'as gagné ce combat final, et depuis je n'ai plus nouvelle d'elle. T'es au courant de quelque chose ?
Je préfère la jouer soft, avant de le retourner complètement. Avec Carter, il faut la jouer fine, et heureusement, je suis le seul avec qui il est dupe. C'est pour ça qu'un mensonge s'impose, juste avant que la vérité n'explose dans cet endroit néfaste pour tout individu cherchant une vie saine.
— Lucie, Lucie, Lucie.
Il répète son nom en un nombre incalculable de fois, avant de se stopper net, et d'afficher un sourire grandiose. Quelque chose se met brutalement à briller dans ses yeux, et à consumer son corps. A son tour, tout les yeux sont braqués sur lui, et ses prochaines paroles.
— Tu crois pas que les mieux placés pour savoir une telle chose, sont Cal et Dean, me lance t-il.
Je souris à mon tour, impatient de rentrer dans son jeu, pour le briser un peu plus.
— Ces deux abrutis n'en savent rien, non. Je pensais que tu étais plus malin, et que ton oreille avait traîné comme à ton habitude. Même peut être plus que ton oreille, je raille.
Carter garde cet air carnassier, et son sourire forcé sur son visage. Je prends instantanément la bouteille de Whisky qui traîne près de moi, ne le lâchant pas une seule fois du regard, et je sais qu'à ce moment là, il comprend tout. Il comprend que je sais quelque chose que je ne devrais pas, et que je suis venu ici pour un but précis. Il sait dès à présent qu'il ne doit pas jouer au con avec moi. Puisque même s'il m'a eu à ce dernier combat, au fond de lui, il sait que tout ça n'était que supercherie. Il sait que je suis le meilleur de nous deux, et que le premier à se rendre en pleurant comme une fillette, ne peut être que lui.
Mais je continu à le regarder durement, un air de défi dans l'air, heureux de voir à quel point j'arrive à reprendre le dessus.
— Pourquoi je te dirais ce que je sais, Smith ? Tu veux encore jouer les chevaliers servants alors que tu n'es pas capable de sauver les gens que tu aimes ? il débite, d'une voix fausse.
Un silence s'étend dans la pièce, et j'ai soudain l'impression que celle ci ne renferme plus que moi et Carter.
— A ce propos, je suis vraiment navré pour ta mo-man, il ricane amèrement. Comme je suis désolé pour ce tragique accident, où Jim nous a quitté.
Mon sang ne fait qu'un tour dans mes veines, pulsant contre leur parois avec force. Je sens comme une vague de colère me submerger, mais je tiens bon. Une fois que j'aurai eu une réponse, je le défoncerai sans jamais m'arrêter. Pas avant que son coeur ne cesse de battre.
Je le fixe, droit dans les yeux.
— C'est qui ce mec avec qui t'a passé un accord, pour truquer les matchs, et pour que Lucie atterrisse dans une merde pas possible ? je serre les dents.
— Tu crois vraiment que je vais te le dire, Smith, s'amuse Carter.
L'alcool est déjà bien monté dans ses veines, son regard n'est que sang et hystérie. Alors que je commence à devenir fou devant son attitude de premier connard du coin, je me lève, esquissant un mouvement brusque. La bouteille de Whisky que j'avais dans la main s'explose contre le mur, faisant régner un silence sans faille.
— Merde Smith, c'était du Whisky de marque ! me lance sèchement, Carter.
Systématiquement, il se lève à son tour, mais je n'ai pas peur. L'adrénaline baigne dans mon corps tout entier, se mêlant à la colère qui m'abbrite. Je fais un pas vers lui, avant de saisir le col de sa chemise froissée. Puis, je le plaque contre le mur, si fort, que sa tête cogne dans un bruit sourd. Tout ce que trouve à faire Carter dans ce moment précis, est de m'agacer avec son rire et son haleine répugnante.
— C'est quoi son nom, et où est-ce que je peux le trouver, merde ! je cris fortement.
Il me sourit encore et encore, comme pour me narguer. Pour lui montrer que je ne plaisante jamais, je place mon bras sur sa trachée, et exerce une pression, qui le fait presque suffoquer. Pendant quelques minutes, il continu de me regarder, ce même regard narquois ; celui qu'il avait fait avant de quitter l'entraînement de boxe lorsque Jim l'avait viré. Il a prévu quelque chose, un coup. Quelque chose cloche, mais je n'arrive pas à savoir quoi.
Je regarde tout autour de moi, mais je vois seulement que ces hommes foutent le camps par la porte de derrière. Je fronce instantanément les sourcils, tendant l'oreille. Des bruits de gyrophares se font entendre, de plus en plus proches. Ma tête vrille, en voyant tout cet alcool sur le sol, et les sachets de coque qui traînent à côté, avec de l'argent.
— Sale fumier !
Je le lâche et j'en profite pour lui coller un droit, suivit d'un crochet. Le sang sort de sa bouche et se répand sur mes mains. Mais je sens que ce n'est pas suffisant pour moi. Immédiatement, sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, je lui envoie mon poing en plein estomac. Carter se plie en deux, en rigolant. Toujours en rigolant.
— Je reviendrai Carter, je reviendrai te faire la peau. Cette fois ci, je te garantis que tu me diras tout ce que je veux savoir, je crache violemment.
Tout en se tenant au mur, il écoute attentivement ce que je lui dis. Puis, juste avant de disparaître en boitant sévèrement, il se retourne pour me regarder, toujours aussi fière de lui.
— Je t'attends, alors.
Sa silhouette s'efface de ma vue, tandis que la police se rapproche de plus en plus. Je décide donc d'emprunter la même sortie que lui, en courant de toutes mes forces. Lorsque je sors enfin dehors, j'entends des pas devenir de plus en plus pressant à l'intérieur de la maison, suivit de voix qui se rapprochent vivement de moi.
Je coure vers le trottoir, pour m'apercevoir que la voiture de Paul n'est plus là. Je jure en serrant des poings. Pourquoi je l'ai cru putain de merde ? Il savait ce qu'il allait se passer, et que Carter n'ouvrirait pas sa grande gueule. Si ça trouve, c'est un coup monté, inventé de toute pièce par ses soins, pour m'éloigner et m'enfoncer au plus loin.
Une fois que j'ai rejoins un endroit sûr, je m'arrête pour souffler un peu, en posant mes mains sur mes cuisses. Je vérifie si personne ne me suit, d'un rapide coup d'oeil, puis je reprends ma course contre la montre.
— Oh, Smith ! m'interpelle une voix masculine, à quelques mètres.
La voiture grise de Paul, fait irruption derrière moi, avant de s'arrêter à ma hauteur. Celui ci m'ouvre rapidement la portière, afin que je puisse m'y engouffrer. Je ne me fais pas prier, et je monte d'un pas décidé. Paul regarde chacune des maisons, des sorties, tout en écoutant les bruits suspects, avant de démarrer dans un dérapage monumental.
Après une petite heure de route pour nous sortir de ce merdier, Paul s'arrête sur un parking désert, destiné à une clientèle privilégié du supermarché qui nous fait face. Je prends une profonde respiration, tout en restant calme. Mais à l'intérieur, tout mon corps crie et chacune de mes cellules peinent à se régénérer correctement.
— Tu pensais vraiment que je t'avais laisser tomber ? soupire Paul, le front poser contre son volant.
— Bas ouais, espèce de couillon, je ferme les yeux.
Paul me sourit, heureux qu'on s'en soit sorti. Sauf que je n'arrive pas à sourire, je n'arrive pas à être heureux. Mon coeur bat si fort dans ma poitrine, que tout s'effondre sur moi.
— Tu savais ? je balance.
Paul relève la tête vers moi, mais je refuse de le regarder. Non, pendant ce temps ci, je m'occupe d'enlever le sang qui commence à sécher sur mes mains.
— Après tout ce que je t'ai dit, tu crois vraiment que je mens, et que je t'ai entraîné dans ce plan rien pour te voir arrêter par les flics ?
Lorsque je m'autorise à le regarder, il paraît hilare et hors de lui.
— T'as perdu la boule, ou quoi ? Je me suis excusé pour les crasses que je t'ai faite, et tu crois vraiment que j'ai envie d'en rajouter ? Je suis pas suicidaire à ce point, Smith.
Je reste silencieux.
— Ma parole, quel abruti ! il jure, tout bas.
Tout en cherchant mes mots désespéramment, je rallume mon portable. Mon visage se crispe lorsque je m'aperçois que j'ai un appel manqué de George, suivit d'un message provenant...
— Qu'est-ce qui se passe ? s'inquiète Paul.
...de Lucie.
Je relève instantanément les yeux, et fixe l'heure qui s'affiche sur le tableau de bord. Il est plus de trois heures de l'après midi, ce qui me fait grimacer.
— Tu peux me ramenez, s'il te plaît ? je lui demande tranquillement.
Paul secoue la tête, avant de démarrer à turbo. J'allume une seconde fois mon portable, pour pouvoir lire le message que m'a envoyé Lucie.
LUCIE : Il est parti aujourd'hui, mais je suis toujours ici.
Mon coeur se réchauffe instantanément, m'apaisant un peu. J'ai même l'impression de sentir un espoir naître au plus profond de ma chair, ce qui me fait un peu flippé. Ouais, à chaque fois que je vois Lucie, je flippe.
J'ai peur qu'elle parte et qu'elle ne revienne jamais.
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Coucou !!! Vous allez bien depuis la dernière fois ??? Je voulais vous remercier de tout vos commentaires, de vos votes, et surtout d'être aussi nombreux à me soutenir !! Merci infiniment !! J'espère que ce chapitre vous a plu ? J'attends vos réactions avec impatience ! 😄
Bisous bisous !
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