14. SMITH
"Ce vide se destinait à ma mère, mais pas que. A Lucie, également..."
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Je ne m'attends pas une réponse. Pourtant, mes yeux ne quittent pas mon téléphone portable, scrutant l'écran qui persiste à être noir, sans jamais s'allumer. Que m'arrive t-il ? Suis-je si désespéré ? En un soupire, je l'attrape avec ma main droite, avant de l'allumer. Je tape sur le menu « MESSAGERIE », puis je tombe immédiatement sur le message que j'ai envoyé à Lucie.
MOI : Ton père s'inquiète, il aimerait te voir. Réponds à son message, c'est la meilleure chose à faire.
J'espère sincèrement que Lucie lira ce message, enfin qu'elle fera l'effort. Même si elle m'a chassé de sa vie, en un message, j'arriverai peut-être à la retrouver. Son père m'avait l'air si triste hier soir, et sans m'en rendre compte, il m'a comme transcrit son inquiétude. Mais je tente de ne pas y penser, sauf que dans un coin de ma tête, dans un coin dans mon cerveau, quelque chose clignote. Quelque chose qui s'appelle « LUCIE ». La douleur me tiraille.
On a beaucoup discuté avec George hier, et c'est la première fois que j'ai avoué depuis la veille, que ma mère était morte. C'est la première fois que je l'ai avoué, à voix haute. Et à mon plus grand étonnement, George m'a été d'un réconfort infini. Il a trouvé les mots justes, et a pris le temps de m'écouter parler de ma mère. Je n'ai pas parlé de mon père, une seule fois. Je ne voulais surtout pas qu'il sache cette partie sombre de ma vie.
Après ça, il s'est confié au sujet de sa femme, de la mère de Lucie donc. La tristesse s'est sentie dans sa voix, et c'est à ce moment là, que je me suis rendue compte qu'on ressentait tout les deux un sentiment d'abandon. Pas pour les mêmes circonstances bien sûr, mais la même couleur de sentiment. On a même bu deux bières dans la soirée, et fumé quelques cigarettes, sans trop en abuser. Pendant un bref instant, je me suis senti accompagné, et non seul, comme quelques heures auparavant.
Mais lorsque George a évoqué Lucie, d'une voix tremblante, en se donnant du courage avec une gorgée de bière ; ma joie s'est tout de suite évaporée. J'ai pris une troisième cigarette, si mes souvenirs sont bons. Il a dit lui avoir envoyé pas mal de messages, et l'avoir appelé parfois. Mais rien, pas de nouvelle. C'est à ce moment là que j'ai décidé de lui parler de ce message que Lucie m'avait envoyé, juste avant de disparaître. Les larmes ont été son seul allié pour toute la nuit. Il est resté, allongé sur le canapé. Puis, il a disparu ce matin, après m'avoir laissé un message, me laissant également son numéro, sur un autre petit bout de papier.
« Smith,
J'ai envoyé un message à ma fille durant ma longue nuit blanche, et ne voulant pas te réveiller, je suis parti. Je n'aurais jamais cru dire ça à un jeune homme auquel ma fille m'a demandé de lui faire confiance, alors qu'il me l'a presque enlevé pendant des semaines, qui m'ont parut une éternité sans elle ; mais merci. Je me suis aperçu, qu'une partie de bon sommeillait en toi. Il suffit juste que tu l'exploite et la laisse t'envahir. Parfois, laisser les choses, les tensions, glisser le long de notre corps, peut être un bon moyen pour reprendre du poil de la bête. Ta mère est un sujet délicat pour toi, Smith, mais extérioriser les choses te feront du bien, je suppose.
Je te contacterais après avoir eu des nouvelles de Lucie. Je te remercie. Finalement, je commence à t'apprécier, on dirait bien.
George »
Un sourire se dessine sur mes lèvres, lorsque je lis les dernières phrases. Je ne pensais pas qu'il me remercierait pour si peu. J'ai seulement été poli en l'écoutant, et en échangeant ensuite avec lui. Mais, au fond de moi, je le remercie également.
Soudainement, la même sensation de chaleur coule dans mes veines, et mon corps reprend toute l'énergie dont il a besoin. Je prends une bonne douche, en veillant à prendre mon portable avec moi. A travers la vitre de ma douche, je lance des petits regards vers celui ci. Mais rien. Je me sens à plat. Mes muscles sont brûlants et me font légèrement souffrir. Surtout mes mains, et mon visage. Un bleu s'est formé autour de mes lèvres. J'ai l'air de ressembler à un zombie devant ma glace.
Après avoir enfilé un haut et mon jogging noir, je pars retrouver les coins de rue, que mes pieds foulent. Je maintiens une allure souple et rapide. La douche ne m'a pas assez réveiller, et j'ai besoin d'un bon électrochoc. Les paroles de George flotte dans mon esprit, faisant écho jusqu'à mes oreilles.
NE SOIS JAMAIS SEUL À AFFRONTER TES PEURS, TA SOLITUDE, SINON TU RISQUES DE SOMBRER PLUS VITE. OUVRE TOI AU MONDE.
Sauf que les choses ne sont pas aussi simple que cela. J'ai l'habitude de me débrouiller seul, et je me sens beaucoup mieux dans ce sentiment de solitude. Je n'aime pas partager mon fardeau. Je n'ai jamais partager la haine et la tristesse que j'éprouvais envers le départ de mon père, avec ma mère. J'ai toujours su me taire. Je vivrais seul jusqu'à la fin de ma vie, c'est ce que je m'étais dit. Ma mère paraissait souvent triste, mais elle ne s'en plaignait pas. Même avec toutes les conneries que je faisais, elle tenait bon.
La solitude peut être un atout, mais pas seulement. Elle peut vous enterrer plus bas que terre, et vous embrocher vif. C'est ce qu'elle fait avec moi, maintenant. Elle me consume jusqu'à la moindre parcelle de peau, présente sur tout mon corps. Même mon coeur semble perdre de sa ténacité. Moi, qui me croyait presque invincible. Tout est faux. Autrefois, la solitude était mon refuge, maintenant elle est lourde. C'est un poids sur mes épaules.
Je sais que les choses ne peuvent pas aller mieux, ou changer d'un claquement doigts, seulement grâce à des paroles. Mais les mots qu'a prononcé George ; mon corps s'en nourrit depuis cette nuit. Mon esprit tourne en rond, essayant de trouver une passade. Le problème, c'est que je n'y arrive pas. Putain, ça me fait chier !
Hier, j'ai pris conscience que 1) ma mère me manquait vraiment beaucoup, et que mon coeur se faisait bouffer de plus en plus ; mais que de parler de sa perte à George me faisait du bien. 2) ma douleur n'est pas la seule à exister sur terre ; ce dont je me doutais depuis le début, mais que je refusais de voir en quelque sorte. 3) apprendre que George n'avait pas de nouvelle de sa fille, m'a presque rendu parano, ajoutant en plus un vide, là. A l'intérieur de ma poitrine. 4) une forme de manque c'était installée dans ma poitrine. 5) ce vide se destinait à ma mère, mais pas que. A Lucie, également. 6) tout cela, était complètement fou, et je devais vraiment faire le tri dans ma tête.
Quoi de mieux qu'une bonne course à pied, pour se remettre les idées en place ? Après avoir fait quelques tours de pâté de maison, mon corps se dirige instantanément vers ma salle de sport, enfin mon ancienne ; qui est de l'autre côté de la rue. La salle de Jim. Je vois encore les flammes ravager le bureau de celui ci, lorsque je rentre à l'intérieur. Le visage narquois et arrogant de Carter, à l'époque, me fout un coup dans le moral. Je ferme les yeux, pendant quelques minutes, pour faire disparaître tout ses mauvais souvenirs.
Je me dirige ensuite vers le vieux placard, pour prendre des bandes que j'applique sur mes mains à l'arrache. Puis avant de frapper sur un des grands sac de sable dur, mes yeux se fixent sur un vestige du passé. Un passé non loin, mais qui pourtant, me paraît à des éternités. Les gants rouges que Lucie avait utilisé pour frapper pour la première fois, traînent encore au pied d'un autre sac remplit de sable dur. Je me souviens l'avoir entendu siffler des choses entre ses dents serrées et ses mâchoires contractées. Je me souviens également qu'elle m'ait révélé la mort de son petit frère dans un accident de voiture, ce jour là aussi. Mais c'est aussi, la première fois que je l'ai perdu. Sauf que j'ai su la rattraper. J'ai su la convaincre de revenir à mes côtés, en partageant des choses avec elles.
Comme ses lèvres. Un goût sucré, très agréable.
Maintenant que j'y pense, les choses se sont trop précipitées, mais mon coeur est devenu plus doux, avec elle. Avec sa présence reposante, mais parfois irritante.
Alors que je frappe sur mon sac, de toutes mes forces, mon portable sonne. Il s'agit de Lucas, et je réponds instantanément. Il me signale, qu'ils ont besoin de moi, à la caserne. Apparemment, c'est notre jour de ronde. La vie de pompier prenante que j'ai vécu pendant quelques jours, m'ait passé par la tête, à cause de tout ces drames de merde.
Ma vie est remplit de couilles, et je dois l'accepter, même si, la douleur persiste.
•••••
- Tu vas mieux, depuis...? me demande Lucas, posément.
Léna est Dany, sont assis près de nous, parlant de tout et de rien. Quand je suis arrivé à la caserne, j'ai cru que Léna me tirerait la gueule, à propos d'hier et de mon comportement qui j'avoue était un peu exagéré ; mais non, elle a l'air radieuse. Je lui vois même des petits coups d'oeil rapides, jetés vers Lucas, qui lui m'observe toujours.
Peut être qu'il a toujours ce projet de me faire entrer dans son groupe de soutien, avec les rondes de paroles, sur les événements qui nous bouffent de l'intérieur.
- C'est toujours la merde. Et ça le sera toujours, Lucas, je réponds d'un ton lasse.
- Moi aussi, ça l'est toujours, il m'avoue, le regard vide.
Je fronce les sourcils, ne comprenant pas réellement ce qu'il vient de me dire. Je pense à son groupe de soutien et à sa thérapie, qui sont censés l'aider à surmonter toute cette montagne d'embûches.
- Le groupe m'aide plus que quiconque, Samuel, il souffle comme s'il m'avait entendu. Mais les souvenirs sont toujours ici, et gravés dans ma tête, sur mon âme, comme si c'était hier. Sauf que le groupe m'aide à évacuer les tensions, et surtout la tristesse qui me bouffe. Bien sûr, il y a les restes que tu aimerais brûler ou jeter à l'eau, comme un grosse brute. Le problème c'est que la vie, c'est pas ça. Tu dois apprendre à vivre avec ça, mais te battre pour t'en sortir. Les souvenirs restent, et te rongent le sang, il laisse couler.
Il tourne la tête, un instant, vers la porte de sortie couleur rouille, comme s'il s'attendait à ce que quelqu'un se pointe. Puis il reporte son attention sur moi.
- Mais crois moi, lorsque tu nommes ces putains de souvenirs dont tu aimerais te libérer, ton corps s'allège. Je suis conscient que mes marques ne s'effaceront jamais, puisque ça fait parti de moi, mais je suis conscient de vouloir avancer, et de vouloir aller de l'avant, il s'exprime de façon claire, mais doucement. Ce n'est pas une question d'aller mieux, parce que de toute façon, je ne sais pas ce que ce fichu terme veut dire. Mais c'est une question d'avancer et d'enclencher de nouveau bouton qui font partis de ta vie future. Comme Léna a pu te le dire, tu devrais envisager à t'ouvrir, et tu verras les bouffées d'oxygène se faire de plus en plus présentes, il conclut. Le groupe pourrait t'aider, mais c'est à toi de faire ton choix.
Je reste sans voix, devant cette grande tirade, qui autrefois m'aurait franchement péter les couilles. Mais cette fois, c'est tout autre chose. Depuis hier soir, mon esprit est ouvert. La mort de ma mère y flotte toujours, mais je sens que les informations de Lucas, rentre par une oreille, mais n'en sorte pas.
Pas cette fois.
Cette fois, c'est tout autre chose. Je ne réponds rien, regardant la salle, renfermant quelques bureaux, et des vestiaires. Lucas, lui aussi, reste silencieux. Mon regard croise instinctivement celui de Léna, qui me sourit gentiment. Subitement, celle ci s'appuie sur la table, cherchant à se rapprocher de moi. Tandis je reste calé au fond de ma chaise, attendant de voir ce qu'elle va me dire.
- J'ai une idée, elle s'exclame, en jubilant presque.
Je lève les yeux au ciel, une espèce d'angoisse me pique la peau. Son grand sourire ne me dit rien qui vaille, mais bon.
- Vous aimez faire du sport les gars, pas vrai ? elle nous questionne.
On secoue tous la tête, positivement, sans grand entrain. Sauf Dany, bien sûr, vu qu'ils sont toujours fourrés ensemble, comme des meilleurs amis, ou un petit couple.
- Bon, vu qu'on fait notre ronde aujourd'hui, Carl m'a gentiment expliquer que demain, c'était repos ! elle lève les mains en l'air, en forme de victoire.
Un sourire se dessine sur mon visage. Cette fille est complètement folle-dingue.
- Que diriez vous de..., elle laisse durer le suspens.
- Crache le morceau, Léna, rétorque Dany, un sourire immense sur le visage.
Elle grogne, en lui donnant une petite claque sur l'épaule, en rigolant hystériquement. Ouais, complètement folle-dingue !
- Que diriez-vous d'une petite sortie en pleine nature ?
Lucas tourne la tête vers moi, un rictus au coin des lèvres, pour ensuite poser son regard sur Léna, qui rougit légèrement. Très légèrement même. Pendant l'espace d'un instant, Dany et Léna s'accordent un regard commun, pleins de sous-entendus.
- Comptez sur moi, lance subitement Lucas, en croisant ses bras sur sa poitrine.
- C'est même pas la peine de réfléchir, je viens, sourit Dany.
Mes collègues - que je pourrais presque qualifier d'amis maintenant - se tournent tous vers moi, des regards insistants, me brûlant la peau.
- Alors, le boxeur est prêt pour une nouvelle aventure ? plaisante Léna.
Cette fille peut vraiment être irritante, et avoir des idées farfelues, mais elle sait cerner les gens. Je ne peux pas lui reprocher cette qualité. A part sa lubie pour s'occuper un peu trop des affaires des autres.
Pendant l'espace d'un instant bref, les dires de ma mère, de Lucas et Léna, ainsi que George ; me reviennent en tête. Je souffle un bon coup, avant de capituler.
- C'est d'accord.
Léna lève les mains en signe de victoire, et vient même me faire profiter d'un léger baiser sur la joue. Je soupire d'abord, puis je me mets à rire. De bon coeur cette fois, et je ne sais même pas pourquoi. Dans mes circonstances, c'est presque indécent de rire, mais je ne peux pas m'arrêter. S'ouvrir aux autres n'est pas chose aisé, mais je vais peut-être finir par y arriver.
Il suffit d'y croire.
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Coucou !!! Je suis désolée pour mon grand retard !! Et je m'excuse aussi, je n'ai pas répondu à vos commentaires depuis deux ou trois chapitres! J'étais en plein bac blanc, et j'ai commencé un nouvelle lecture : Marquer Les Ombres, qui me porte aux tripes. Quelques unes d'entre vous l'ont lu ?
Alors, ce chapitre vous inspire quoi pour la suite ???? Vous en pensez quoi ???? Dîtes moi tout. Êtes-vous contente de la détermination que vous lisez en Smith ? Que va t-il faire ??
Gros bisous, et bonne fin de Week-end ! MERCI 1 MILLIONS DE FOIS POUR TOUT CE QUE VOUS FAITES POUR MOI, ET POUR LUCIE ET SMITH !!
Plus que 4 chapitres avant les retrouvailles !!! (Le chapitre 18 normalement, donc, bon !!) 👻
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