10. SMITH
"Respire Sam, respire..."
**
Je ne peux supporter une minute de plus, la voix de Frank prendre possession de mon ouïe. Et ses paroles qui s'incrustent dans ma peau, comme de nombreuses brûlures qui ne demandent qu'à m'achever.
Ma mère n'est plus là.
Ma mère n'est plus de ce monde.
Malgré les supplices de mon père, et le conseil de l'ancien médecin de ma mère, de ne pas prendre le volant ; je n'en fais qu'à ma tête. Je ne peux pas rester une seconde de plus dans cet hôpital, à l'atmosphère intoxiqué par la tristesse et toutes les sensations qui s'ensuivent.
Après avoir lancé un regard froid et hargneux, à ce qui a été mon père pendant quelques années, je sors de ce bâtiment. Lorsque l'air s'abat sur ma peau, je respire, mais sans vraiment prendre compte qu'il ne s'agit toujours pas d'air.
Mon oxygène s'apparentait à ma mère, et elle est MORTE.
C'est finit.
Je suis out.
G
A
M
E
O
V
E
R
J'ai perdu.Tout.
Avant de démarrer cette foutue voiture, mon poing vient violemment s'abattre sur le volant. J'ai cette envie de me faire casser la gueule, jusqu'à ce que je me sente suffoquer. J'ai envie de m'arracher ce tatouage qui compte tellement pour moi, et pour ma mère. Je l'ai fait faire pour elle. Pour qu'elle soit enfin heureuse et fière de moi.
Sans plus attendre, je l'enlève mon haut, en le jetant sur le siège passager. Mes mains viennent tout de suite pincer, gratter, maltraiter, l'encre tatoué sur ma poitrine.
Je déteste ce foutu tatouage. De tout mon coeur.
Enfin, de ce qu'il en reste. Si bien évidemment, il reste quelque chose.
Les larmes coulent sur mon visage, et je pleure comme un enfant de six ans. Les minutes qui passent me paraissent des heures, auxquelles je ne peux pas échapper. Pendant ce temps, je me torture encore et encore, voulant à tout prix que les endroits où ma mère a posé sa main, ou sa bouche, disparaissent.
Le fardeau me bouffe. Tout cru.
Évidemment sans réfléchir, je regarde mon téléphone, un espoir de réponse naissant dans le creux de ma poitrine. Mais rien. Enfin de compte, c'est peut être vraiment elle qui m'a envoyé ce message ? Elle mène à bien sa mission. Je ne suis qu'un étranger pour elle, rien de plus.
Pourquoi penser à ça, penser à elle, m'achève, tout d'un coup ?
J'ai comme l'impression d'avoir été abandonné. De toute façon, je savais qu'entretenir une relation, ou un lien affectif avec une femme, me ferait souffrir. L'idée de finir ma vie seul, me convient mieux, à cet instant présent. Ou finir ma vie, tout de suite.
Je n'ai plus rien. Rien du tout.
Personne ne peut s'attacher à moi. En fait, on m'a toujours fait croire à ces choses débiles, comme l'amitié et l'amour. Comme par exemple, mon père et Paul, qui eux, se sont bien foutus de ma gueule. Ce ne sont que des hypocrites, tout compte fait. Ils excellent dans la matière, alors que j'essaie d'être moi même pour une fois.
La seule personne qui me faisait croire à ce trop plein d'émotions qui vous submerge lorsque tout vous dépasse, était ma mère. Aujourd'hui, le lien est rompu.
Je ne sais plus comment faire. Respirer, devient une chose impossible et insurmontable. Je ne sais plus comment vivre. Ni même parler. Je garde alors les yeux rivés sur la nuit qui tombe sur Mesa, les lampadaires s'allumant instantanément, afin d'éclairer la chaleur qui règne ici même. Une chaleur qui m'a quitté, qui me maltraite dorénavant. J'ai envie de crier et je le fais, faisant retourner quelques passants vers moi. Ma douleur inonde mon corps, et m'empêche de faire un geste. Le froid essaie décidément de me piquer, mais je ne sens rien. Je sens juste ma peau s'enfoncer encore un peu plus dans ma poitrine, pour en arracher les bout un par un.
Je me sens soudainement couler, me noyer. Je n'arrive plus à respirer, mon corps est comme rattraper par de grosses chaînes qui n'empêchent de me sauver, de me sortir la tête de l'eau. Alors sans trop savoir pourquoi, j'enfile à nouveau mon t-shirt, les bras remplit de plomb. Puis je respire un bon coup, séchant mes larmes jusqu'à la dernière présente sur mes joues.
Respire Sam, respire.
Je respire, je respire, je respire. Je tiens bon, tiens bon, bon. Mes mains tournent immédiatement les clés, pour mettre le contact. Je commence une marche arrière, avant de partir vers mon immeuble. L'appartement, où ma mère a vécu également. Des souvenirs remplissent cet appartement, comme une vague glaciale. Pendant un instant, je pense à changer de lieu de vie, mais je n'ai pas assez d'argent pour me permettre de faire une telle chose.
Ne pense plus à rien, Sam. Plus à rien.
Pendant le trajet, je regarde à peine les voitures qui passent autour de moi. Si bien que je m'arrête au beau milieu de la route, sans remarquer à quel point je dérange. Une voiture me klaxonne au moins dix fois, ce qui ne fait qu'accroître ma douleur et ma colère.
Du calme, Sam. Calme.
Malheureusement, je ne peux plus m'arrêter lorsque le conducteur de cette voiture, frappe avec fermeté contre ma vitre. Au lieu d'ouvrir celle ci, j'ouvre ma portière, lui faisant face. Je ne sais strictement pas pourquoi, mais je suis heureux qu'il fasse la même taille que moi, et qu'il ait à peu près la même corpulence. Mon désir de violence refait surface de plus belle, et j'ai toujours cette furieuse envie que quelqu'un me démonte, me casse la gueule.
- Frappes, je lance avec hargne.
L'homme recule d'un pas, afin de me jauger. Vu mon expression très sérieuse, il doit me prendre pour un fou. C'est vrai, qui demanderait qu'on lui pète la gueule, en pleine nuit, au milieu d'une route déserte ? Moi seul, bien sûr.
- Je ne bougerais pas d'ici, tant que tu ne m'auras pas frappé, connard, je rapplique sèchement.
Je vois soudainement ses narines grandir, au fur et à mesure que la colère le gagne. A ce moment là, je ne suis plus moi-même. Ma mère m'a quitté, et je ne suis plus moi. Je suis le même homme qui aimait se battre bien avant que toute cette merde m'arrive à la gueule. Je redeviens Smith, le garçon sans coeur, et sans limite.
- T'attends quoi, chochotte ? je crache.
L'homme envoie alors valser son poing dans ma mâchoire. J'entends un léger craquement battre dans mon corps, qui vient légèrement toucher mon coeur, en pleine ventilation. Je me laisse faire les bras ballants. L'homme me décoche plusieurs coups de poings, finissant par me mettre à terre. Ma joue heurte violemment le béton, laissant le goût du sang se rependre dans ma bouche.
Je vois ensuite, l'homme faire demi-tour, à une vitesse phénoménale. Je reste un moment contre le sol, le sang se mélangeant à mes larmes. Je crois bien que ma joue en a pris un sacré coup. Je le sens ; la douleur élancer tout mes muscles. Là, maintenant, j'aimerais détester l'homme qui m'a mis une grosse beigne, pour lui rendre, mais je ne peux pas. Je suis le seul responsable. Je suis responsable de tout.
Je n'aidais pas souvent ma mère, étant jeune. Peut-être que pour cette raison, que mon père m'a abandonné, nous a abandonné. Pour que je prenne conscience, qu'il fallait que je sois là à mon tour, pour elle. Paul, lui s'est bien foutu de moi, peut-être parce que je lui ai pris son unique choix d'avenir. Quoique, Lucie n'était pas vraiment attiré par lui. Cela se voyait à vue d'oeil. Enfin de compte, elle est partie, parce que je n'ai pas fais mon maximum. J'ai perdu.
C'est ma faute. Tout est de ma faute, ma faute, faute.
Je reste quelques secondes de plus, imprimé sur le béton, avant de me relever délicatement. J'ai mal à mon genoux, mais surtout à ma joue. Avant de reprendre la route, je jette un coup d'oeil dans le rétroviseur, afin de voir les conséquences des dégâts. J'effleure donc ma peau, et ça fait un mal de chien. Je jure plusieurs fois, en serrant les dents.
C'est qu'un enfoiré, ce type ! Il est aussi taré que moi !
Je regarde ensuite mes mains qui sont bien amochées également. J'ai même du mal à plier les doigts, sans sentir un élancement. Qu'est-ce que je peux être con parfois !
**
- Un shot, s'il vous plaît, je demande fermement.
- C'est comme si c'était fait, me souffle la jeune femme derrière le bar.
A chaque fois, je me tape une fille. C'est bien quelque chose qui me fait chier, mais vraiment incroyablement chier. Je devrais peut-être me raser les cheveux ou me les teindre, ça éviterait aux femmes de s'approcher de moi. Je veux bien croire que les tatouages peuvent attirer, mais au bout d'un moment, il faut dire stop.
Je crois que j'ai un peu trop bu. Ouais, j'ai quand même avalé, un shot, deux shots, trois shots, quatre shots, cinq shots. Et là, c'est le sixième. Je devrais peut-être arrêté et prendre en compte les conseils de ma mère, qui est morte. Comment je pourrais m'ouvrir au monde, moi ? Je n'ai pas la clé à cette énigme, et je crois que je ne l'aurais jamais.
- Et voilà le shot, mon beau, elle murmure sauvagement.
- Hum, je le bois cul-sec.
Une fois que je repose le verre sur le bar, j'aperçois celle ci me regarder attentivement, les yeux pétillants. Je la toise alors du regard, en lui envoyant ensuite mon plus beau sourire, auquel elle répond bien sûr. Elle s'abaisse soudainement, collant sa poitrine contre le bar. De ce fait, j'ai une vue plongeante sur eux.
- Tu es drôlement amoché, dis donc, elle plaisante.
- Ouais, je suis un pompier drôlement amoché, et surtout amoché, je ris.
Elle se met à rire niaisement, en me regardant intensément. Quelques secondes plus tard, elle se trouve à mes côtés, tentant de s'asseoir sur moi. Je pose alors mes mains sur ses hanches, la regardant se trémousser tout contre mon entre-jambe.
- Je pourrais peut-être rectifier ça ? elle lance sensuellement.
- Peut-être.
- Je connais un endroit sympathique, qui devrait faire l'affaire, elle rajoute en se collant encore plus à moi.
Elle me tend sa douce main, pendant quelques minutes, où je prends soin de réfléchir. Mais malheureusement, je n'y arrive pas. Je pose alors ma main dans la sienne, et la suis vers une pièce un peu plus éloignée. Avant même qu'on ait pu rentrer à l'intérieur de celle ci, je me retrouve projeté contre un mur. Ma tête tape si brutalement contre celui ci, que j'en perds tout contrôle. Je tombe alors contre le sol, avant de relever la tête. Je vois subitement un homme, pousser la jeune femme hors de l'enceinte, pour revenir vers moi. La colère a l'air de l'animer, ce qui ne me ravie pas davantage. Il se rapproche et m'ordonne de me relever. Je me relève, le souffle fort. Cette fois ci, je n'ai pas demandé à cet homme de me casser la gueule !
A peine suis-je debout, il me frappe au niveau du ventre. Je frappe moi aussi, mais avec moins de conviction. Je vois double et flou, à cause de l'alcool qui laisse sa trace dans mes veines. Il mange chacune de mes fonctions, me privant de tout. L'homme en profite alors pour me remettre une raclée, puis encore, encore, encore et encore.
Je flotte, flotte au dessus du sol. Je ne sens rien, à part le sang qui coule à flot sur mon visage. Je me noie dans les projecteurs de la boîte, ne sentant qu'un goût métallique envahir ma bouche.
J
E
S
O
M
B
R
E
Toujours plus bas.
L'homme me jette à terre, et demande à tout le monde de déguerpir, ou quelque chose comme ça. Je n'entends plus très bien ce qui se passe. La musique se mouve dans mes oreilles, rythmant alors les coups de l'autre pochtron. Ma joue qui saignait d'avance se trouve collée encore une fois au sol, me faisant un mal de chien, une fois de plus. Je ne peux pas crier, je n'ai plus de force, ni de voix.
Brutalement, l'homme m'enserrent les bras, au dessus de mon dos. Je ne peux plus rien faire. Rien. Il en profite pour me plaquer au sol, une unième fois. Puis il place sa bouche près de mon oreille, comme pour me dire quelque chose.
- La prochaine fois, regarde qui tu choisis, il me menace.
Quelques minutes passent, et je ne sens plus rien sur moi. Plus de poids, ni de coups. J'essaie de me relever à l'aide de mes bras, mais je n'y arrive pas. Putain de merde !
- Samuel ? murmure une petite voix, tout près de moi.
Je ne réponds rien. J'ai à peine le temps de voir qu'il s'agit de Léna et Dany ; je m'effondre dans un ailleurs lointain.
Je m'en vais.
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Coucou !!! Par chance, j'avais fait ce chapitre en même temps que le chapitre de Lucie (9). J'espère que vous avez bien aimé ??? :) Dîtes moi tout !! Je veux tout savoir, les commentaires et les votes, ainsi que les lectures sont précieux pour moi !!
En tout cas, merci pour tout !!
Un énorme BISOUS !!
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