Chapitre 11 (*)
Smith
Je sens Leah rapprocher sa main gourmande de mon sexe, lorsqu'un vilain soupire vient se glisser entre ses lèvres. Je fronce immédiatement les sourcils, curieux de savoir pourquoi elle affiche cet air hautain et méchant. Son regard est vrillé vers l'extérieur, sur l'entrée du centre commercial. Ça ne me dit rien qui vaille. On dirait presque une hyène prête à chasser sa proie.
— Oh, regarde ailleurs pétasse !
Sa voix est froide comme son regard, qui lui, envoie littéralement des éclairs. Je n'aimerais pas être la personne qui reçoit ses foudres ni même sa mauvaise humeur en pleine tronche.
Voyant qu'elle ne bouge pas, figée sur sa victime, je fronce les sourcils en essayant de me redresser. Dans la seconde qui suit, face à ce silence assourdissant, mon cerveau percute et je deviens penaud à l'idée que ce soit Lucie qui nous observe. Contre toute attente, mon désir de la préserver est plus fort que celui qui aurait pu pointer le bout de son nez, si les choses avec Leah étaient allées plus loin.
Tout en clignant des yeux, j'arrive à dire gentiment — même à demander — à Leah de se lever et de partir d'ici. La concernée me regarde avec de gros yeux l'air de ne rien comprendre. Je reste sérieux.
— Lève-toi.
Une grimace se forme sur ses lèvres, avant que la bombe n'explose, comme à son habitude.
— Quoi ? Tu ne vas pas te dégonfler et me planter à cause de cette fille ?
Mes mains se serrent sur le volant.
— Smith ?
Je serre les dents.
— Cette fille n'est personne. Moi, je suis là.
Je jette un coup d'œil à Lucie, qui mains sur les hanches, attend fermement. Son regard est froid et légèrement perdu.
Qu'est-ce que je fais ?
— J'ai dit : lève-toi.
Leah ronchonne mais ne bouge pas d'un poil. Elle essaie même de me toucher, mais je ne la laisse pas faire, énervé.
Le fait que Lucie n'ait toujours pas dit un mot, me dérange au plus haut point. Même si je sais ce qu'elle pense, j'aimerais qu'elle parle, qu'elle dise quelque chose.
Je me sens con. Très con.
— Si c'est moi qui dérange, je peux partir. De toute façon, je n'ai pas acheté de paires de chaussures.
Sa voix est calme. Trop calme, pour être vraie.
— Ouais, va acheter tes foutues paires de chaussures ! Fais pas chier, d'accord ? peste Leah.
Je n'entends pas de réponse de sa part, ce qui m'inquiète sur le moment. Mes yeux captent enfin ce qui se passe dehors. Elle est vraiment partie.
Merde, merde, merde.
Alors que je rêve de renvoyer Leah, un bon coup de pied au cul, pour rejoindre Lucie, je sens quelque chose d'humide goûter ma nuque. Bientôt elle se met à me mordre, et c'est à cet instant, que je reprends forme de réflexion.
Aussitôt, je la repousse et lui ouvre brutalement la porte de ma bagnole, me foutant royalement de ce que pourraient penser les gens qui sont sur le parking. Je ne peux malheureusement pas faire plus bref, comme message. Bien sûr Leah s'exerce à faire du grand Leah. Un cinéma pas possible.
Elle me crie dessus, me reprochant de l'avoir jeté dehors alors qu'elle est à moitié à poil. Moi, je me marre bien. Qu'est-ce que j'en ai à foutre déjà ? Rien.
— Dégage !
— C'est ce que je comptais faire !
Elle passe la portière avant de se retourner vers moi. Je la trouve plus conne qu'intimidante.
— Tu n'es qu'un sale con, Smith ! Un sale con qui ne sait même pas ce qu'il veut ! Ne m'appelle plus jamais, t'entends !
Sa voix criarde me donne une migraine pas possible. Je lui envoie la seule réponse que je connais et qui me fait bien marrer : un doigt.
Tant mieux qu'elle ne revienne plus, elle m'épuise à force, avec ses piaillements et ses petites manières. J'en ai à rien carrer de ce qu'elle pense des autres, ou de moi. Et puis, d'abord, je ne l'ai jamais appelé. C'est elle qui passait par le parking et qui s'est installée dans la voiture, comme une fleur avec l'idée d'être cueillie.
Merde à la fin !
Je colle mon poing dans mon volant, la colère s'emparant de moi. En prenant une grande respiration, j'ose relever les yeux. Lucie n'est toujours pas ici. Je dois à tout prix la retrouver. Ce n'est pas le moment de la jouer en division des troupes, parce que ça ne va pas marcher des masses.
Je me précipite vers le centre commercial, demandant à toutes les personnes que je croise, s'ils n'ont pas vu une petite blonde, aux yeux clairs et assez mignonne. Malheureusement, personne n'a envie de coopérer aujourd'hui.
Le karma se déchaîne sur moi, pour mon comportement de merde. Je savais que je n'aurais pas dû appeler Leah, mais elle m'a tellement allumé avec son message d'hier.
J'ai les mains moites.
Au fur et à mesure que j'arpente le centre commercial, je m'approche de plus en plus de la sortie. Je cogite, seul. En n'oubliant surtout pas de me traiter de tous les noms d'oiseaux, possibles à trouver.
Il ne me reste qu'une chose. Je m'assois sur un des terres plein centrales et je regarde les gens, passer, près de moi, heureux d'être ici. Certains sont en train de se sourire comme des crétins, main dans la main, éblouie par le bon côté de l'amour. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que l'amour n'est pas bon. Il vous fait souffrir jusqu'à votre dernier souffle, vous étouffe toujours un peu plus, chaque seconde de votre existence en ce bas monde.
— Merci, bonne journée ! j'entends tout près de moi.
Nul doute, il s'agit de la voix douce de Lucie. Je me relève et accélère le pas, pour me retrouver face à elle, une boîte à chaussure sous le bras. Lorsqu'elle pose ses yeux sur moi, Lucie me regarde d'un air impassible, les traits du visage assez froids.
Je fronce les sourcils. Je n'aime pas vraiment ça.
— Tu foutais quoi ?
Je m'efforce de garder mon calme, mais en vain. Je sais bien que ce n'est pas à moi d'être le plus en colère entre nous deux, mais j'ai le droit de l'être aussi. Elle disparaît comme ça, sans prendre le soin de m'attendre.
Bon, je suis conscient que c'était difficile à avaler.
— Tu te moques de moi, j'espère ?
D'ordinaire, je n'aime pas qu'on me parle sur ce ton — en plus je suis frustré — et ça ne manque pas.
— J'en ai l'air ?
Mes mâchoires sont serrées à bloc, contractant tous mes muscles sans exception. Je me retiens vraiment pour essayer de ne pas lui faire de mal. Pour ne pas faire quelque chose que je pourrais regretter. Mais, elle est tellement agaçante à se donner des airs. Au fond, elle est faible, comme on l'est tous à un moment de notre vie.
— Malheureusement non. Pousse-toi de mon chemin, maintenant !
— Non.
Elle essaie de m'esquiver, mais je la contre. Puis je prends puissamment son poignet avec l'aide de ma main, me fichant bien de ce qu'elle pourrait me dire, ou la crise qu'elle pourrait faire. À mon grand étonnement, Lucie ne dit rien, prenant sur elle. Nous nous affrontons du regard pendant quelques minutes, avant que je lâche soudainement son poignet. Je réalise que les choses peuvent vite déraper entre nous.
— Laisse-moi passer, Smith.
— Et pourquoi, je ferais une chose pareille ?
Je râle.
— Je ne veux plus rien avoir à faire avec toi, ni avec tout ce merdier d'ailleurs ! Je veux me tirer d'ici, tu comprends ? Je veux retrouver mes parents ! (Elle soupire fortement). Je croyais que tu avais un tant soit peu de respect en toi, mais apparemment non !
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Je suis piqué à vif. Je n'aime pas qu'on me mette le nez dans mes fautes, mes conneries.
— Mon petit doigt. Il ne ment jamais.
Elle rit amèrement. Son regard est déterminé à me descendre, on dirait.
— Mais putain, tu ramènes cette pute dans ta voiture, pour baiser ! Ça me dégoûte ! Pourquoi tu fais ça, Smith ? Tu profites que j'ai le dos tourné pour t'abandonner à tes plaisirs morbides ? C'est ça ? Tu veux que je te laisse un peu plus d'espace, que je dégage de temps en temps, pour que tu puisses sauter cette fille ? Dis-moi !!
Je suis déconcerté et abasourdi par ce qu'elle vient de me balancer à la gueule. Elle envoie le paquet ! Je sais que je le mérite, mais est-ce que l'option "avec plus de tact" existe chez cette fille ? Sûrement pas. Je la dévisage, les traits ternis par la colère qui vient envahir chacun de mes muscles et de mes neurones.
Et puis d'ailleurs, ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé, merde.
Une étincelle jaillit dans mon cerveau.
— J'ai compris ton petit jeu, Lucie !
— Quel petit jeu ?
Je la regarde grincer des dents, prenant un malin plaisir à la provoquer.
— Tu es jalouse que je me tape Leah, au lieu qu'on prenne notre pied ensemble ?
Sur le moment, je ne regrette pas mes paroles.
Je suis persuadé que c'est faux, mais j'ai envie de la blesser, de lui faire mal, l'espace de quelques secondes, comme elle l'a fait lorsqu'elle a osé dire que je n'avais pas de respect.
Je vois tout à coup ses traits se faire plus froids et plus durs, me mettant en garde. Elle est touchée, mais elle n'ose pas me l'avouer. À l'intérieur de moi, je jubile d'avoir pu lui rendre l'appareil. Mais deux secondes plus tard, je ne sais pas pourquoi, une partie de moi me reproche ce que je viens de faire subir à Lucie à l'instant.
— Comment peux-tu croire cette merde, une seule seconde ? Ta merde que tu invente de toute pièce !
Je ne lui avais jamais entendu ce vocabulaire, mais j'avoue qu'elle me fait sourire lorsqu'elle utilise mes expressions. Je les ai souvent employées contre mon père, un gros salaud. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il est devenu, chose que je n'ai pas envie de savoir dans tous les cas. Il restera toujours comme une personne inexistante pour moi, point barre. Une poussière dans un immense trou noir.
— Alors tu crois vraiment que je suis jalouse de ta pétasse en petite tenue ? Laisse-moi te dire une bonne chose, Smith. Et je ne le répéterai pas, c'est clair !
Elle s'avance vers moi, me défiant du regard. Ma colère se dissipe peu à peu, en la voyant se pincer les lèvres avec grâce. Lucie se met soudainement sur la pointe des pieds, pour que mon nez frôle le sien et que nos regards ne vrillent jamais.
— Même si tu étais la dernière molécule d'eau sur cette terre, capable de me maintenir en vie, je continuerais à te contourner ! Tu n'es qu'une toute petite passade dans ma vie ! Seulement une mauvaise passe, qui va vite se terminer ! Tu m'as promis de gagner, et bien tu vas le faire et vite !
Je reste là, sans rien dire, la force de ses paroles me clouant au sol. Après tout elle a raison, je ne suis qu'une passade, comme elle l'est pour moi. Ce sont seulement quelques semaines, voire quelques mois à vivre ensemble. Puis ensuite, je n'entendrai plus parler d'elle. À cette simple pensée, mon cœur tambourine un peu plus fort dans ma poitrine sans que je sache pourquoi.
Au bout de quelques secondes de réflexion, je retourne en voiture, où Lucie se trouve déjà, essayant à tout prix de ne pas croiser mon regard. Je démarre précipitamment, encore plus frustré que je ne l'étais avant.
Dans quelques minutes nous arriverons à l'hôpital. Dans quelques minutes, je verrais ma mère dans un état encore plus critique que la dernière fois. J'ai la frousse !
— On commandera à manger là-bas, et puis, tu as des toilettes au rez-de-chaussée si tu désires, pour te changer.
Elle ne répond rien, comme je l'avais imaginé. De toute façon, je n'ai pas besoin de l'entendre, le silence est de meilleure compagnie en cet instant.
Après quelques minutes de trajet, nous arrivons enfin devant l'hôpital. Mon cœur bat un peu plus fort dans ma poitrine, accélérant ma respiration. Lucie sort de la voiture en même temps que moi.
Lorsque nous nous trouvons au rez-de-chaussée, une dame nous accueille. Elle me donne le nouveau numéro de chambre de ma mère qui a changée de lieu, il y a peu de temps. Je la remercie aussitôt à l'aide d'un sourire. Puis, nous nous rendons vers l'ascenseur.
Lucie m'arrête subitement en posant sa main sur mon bras nu. Je frissonne sans le vouloir.
— Va voir ta mère, je vous rejoins après.
Son regard s'est radouci, tout comme sa voix. Je suis sûr qu'elle essaie de faire un effort puisque nous sommes à l'hôpital et qu'elle sait pertinemment que je suis stressé. Alors je vais essayer de faire de même.
Juste avant qu'elle ne parte pour les cabines de toilette, je l'interpelle. Lucie se retourne, ses cheveux virevoltants par la même occasion. Elle a l'air fatiguée, comme je le suis. C'est à cet instant que je comprends mon erreur. J'ai vraiment bien déconné. J'ai agi comme le gars que je déteste de plus en plus.
Je n'aurais pas dû lui parler sur ce ton, juste avant qu'on parte. Je ne sais même pas ce qui m'a pris de lui balancer qu'elle était jalouse. Ma colère me fait faire n'importe quoi. Souvent.
— Fais attention.
Elle hoche la tête pour seule réponse en me souriant timidement. Je souffle un bon coup, essayant de remettre de l'ordre dans mes idées. Je pense qu'il serait bon pour nous de nous expliquer sur ce qui se passe en ce moment. Je sais bien que la situation dans laquelle Lucie se trouve est dure pour elle. Mais elle l'est aussi pour moi. Puisque cette fois-ci c'est différent. J'ai cette soif de gagner, que je n'avais pas autant lors des anciens jeux de combats. Je ne sais pas si s'est lié à Lucie, ou à cause de Carter, qui me met encore plus sur les nerfs.
Je pencherais plutôt plus pour la deuxième proposition.
Après avoir pris les escaliers pour monter deux étages et parcouru les couloirs, je trouve enfin sa chambre. J'hésite un peu avant d'ouvrir la porte, de peur de la déranger ou un truc dans le genre. Je ferme les yeux en soufflant un bon coup, puis je finis par l'ouvrir. Ma mère est allongée sur son lit, les joues creusées par la fatigue et les membres amaigris pour cause du cancer. Je grimace avant de m'asseoir auprès d'elle. Elle tourne subitement la tête vers moi, un sourire radieux sur son visage.
— Mon beau Samuel, sourit-elle.
Elle me tend sa main que je serre dans la mienne. La bile me monte lorsque je vois son regard triste s'abattre sur moi. Mon malheur se confirme en voyant ses pupilles dénuées de tout sens. C'est bientôt la fin pour elle, chose que je ne supporterais pas bien longtemps. C'est la première fois que je m'en rends réellement compte.
J'ai les nerfs en boule. Je ne suis rien sans ma mère si elle me quitte du jour au lendemain.
Je respire avec beaucoup de difficulté, essayant de maintenir son regard qui lui seul me voit vraiment. Qui voit à quel point je me cache sous un caractère bien trempé et derrière mes poings.
Elle seule, me voit tel que je suis réellement, sans les vilaines couches.
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Coucou tout le monde ! J'espère que vous allez bien ? Alors qu'est-ce que vous pensez de se nouveau chapitre ? ;) Ça fait encore des étincelles entre Lucie et Smith ! Ça vous plait ?
Comment va se passer l'entrevue entre Smith, sa mère et Lucie à votre avis ?
J'attends vos commentaires avec impatience !!
Rendez-vous au prochain chapitre.
Bisous bisous.
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