27. Smith

Je me réveille difficilement, une douleur agaçante dans l'épaule. J'ouvre alors les yeux, lentement, pour apercevoir une main toute fine, posée sur mon torse. Je tourne instantanément la tête, pour voir que Lucie est blottie contre moi, dans mon lit. J'ai comme une impression qu'il s'agit d'un rêve, mais en vérité, tout est bien réel. C'est étrange, Lucie n'aurait jamais dormi avec moi, à moins que je l'y oblige.

C'est drôle, mais je n'ai aucune envie de savoir ce qui a pu se passer, hier soir. Je me rappelle seulement de la bonne raclée que Carter m'a mise, et c'est bien suffisant. De toute façon, je savais que ça allait arriver. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais lorsque j'ai pris la route du retour, j'ai su que le combat n'allait pas se dérouler comme je l'avais prévu. Et se fut le cas, malheureusement.

Il faut dire qu'hier, j'avais la tête complètement ailleurs. J'étais perdu entre plusieurs sentiments différents. Tout s'est chamboulé, lorsque j'ai aperçu Lucie dans ce bois. Elle avait l'air tellement seule, tellement fatiguée et triste. Mais le pire, c'est quand elle a enlacé son père avant de partir, j'ai tout de suite pensé à ma mère. Ma mère qui est seule à l'hôpital. Ma mère qui croit toujours en cet homme qui nous a abandonné, sans jamais nous donner la moindre nouvelle.

C'est comme un électrochoc. Je repousse délicatement la main de Lucie, et glisse mes pieds hors de mon drap. J'enfile ensuite un jogging, et un haut propre, avant de prendre une barre de vitamine. Puis, comme chaque matin, je vais courir le long des quartiers de Mesa. Ici, la vie est tranquille, et sans emmerdes. Enfin, ça dépend des personnes. Il en faut toujours, à qui il arrive une tuile. Comme moi et ma mère.

J'en ai toujours voulu à la Terre entière, lorsque Frank nous a quitté comme des moins que rien. Après cet événement, qui a beaucoup affaibli ma mère, tout est allé crescendo. Elle a fait une dépression, même si parfois, son sourire était présent. J'en ai voulu à mon enfoiré de géniteur, de nous verser une pension tout les mois, alors qu'il en avait rien à battre de nos gueules. Puis c'est là que la nouvelle s'est abattue sur nous, emportant tout sur son passage, telle une tornade enchaînée. Le diagnostic est tombé comme un coup de massue. Le cancer de ma mère s'est développé à grande vitesse, la rongeant de plus en plus chaque jour. J'ai essayé de l'aider, en acceptant de payer tout ces putains d'examens et de soins, que nous ont suggéré ces idiots de médecins. Mais rien à marcher ! Ils m'ont entendu gueuler pendant quelques mois, avant que ma mère réussisse à m'apaiser. Elle m'a avoué qu'elle était prête à partir. Sauf que moi, je n'ai pas supporté cette idée tordue qui était sortie tout droit de sa tête. Je ne la supporte pas, encore et toujours. Je sais d'avance que la vie n'est pas éternelle, et que les gens proches de nous, finissent tous par mourir. Mais cette femme aussi généreuse et aimante, ne mérite sûrement pas de mourir d'une telle façon. J'ai besoin d'elle.

Sans plus attendre, je passe dans une petite boulangerie, où je prends quelques petites mignardises. Chose dont ma mère a toujours régalé. Aussi loin que je m'en souvienne, elle préparait toujours une petite sucrerie, chaque week-end, pour essayer de maintenir ce foyer en vie. J'ai toujours aimé sa force et son courage, dont elle faisait preuve chaque jour, devant moi. Puisqu'une fois la porte de sa chambre fermée, et la nuit tombée, j'entendais ses pleurs ricocher contre mes murs. Je n'ai jamais pu la consoler, et lui dire à quel point j'étais anéanti de la voir comme ça. Je devais, moi aussi, être fort pour elle.

En marchant vers l'hôpital, je prends mon portable dans mes mains, par réflexe, et finit par appeler les services médicaux pour pouvoir parler à ma mère et l'avertir de ma venue.

- Allô ? répond t-elle, d'une voix mince.

- Maman ? C'est moi, Sam. Je viens te rendre visite, tu veux bien ? je lui demande, tranquillement.

Je pousse la porte de l'hôpital, me retrouvant devant une nouvelle infirmière, à l'accueil. Je lui lance alors un sourire aimable, avant de me servir un verre d'eau.

- Bien sûr. Je suis contente que tu veuilles bien encore me voir, après tout ce qui s'est passé, avec ton père, elle tousse brutalement.

- On en parle plus, d'accord ? J'ai vraiment envie de passer un bon moment avec toi, maman.

Je m'approche de l'accueil, en informant l'infirmière de ma venue et de la visite que je vais rendre à ma mère, au deuxième étage. Elle opine de la tête, me souhaitant une bonne visite et une bonne journée également. Je lui souris alors une deuxième fois, avant d'emprunter ce fichu ascenseur que je n'ai jamais vraiment apprécié. Lorsque j'étais enfant, j'avais une peur bleue de ces engins à faire flipper n'importe quel gamin anormal.

Lorsque j'arrive devant la porte de la chambre où se trouve ma mère, une boule de stresse se forme à l'intérieur de ma gorge. J'ai toujours cette peur qu'elle s'effondre devant moi, ou qu'elle prononce ses dernières paroles sans jamais vraiment le savoir. De toute manière, je sais qu'elle est en phase terminale, et qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre. Les médecins me l'ont certifié, il y a quelques jours.

Avec tout le courage que je puise en moi, ma main finit par s'écraser sur la paroi de cette porte, afin d'ouvrir celle ci. Ma mère se retrouve instinctivement vers moi, un sourire faible étirant ses lèvres. Je sais parfaitement qu'elle essaie de faire bonne figure, mais je sais aussi pertinemment qu'elle souffre en silence. Il suffit juste de détourner le regard sur les mouchoirs remplit de sang, empilés sur sa commode. C'est encore pire que je le croyais.

Elle intercepte subitement mes regards, et prend soin de cacher ses mouchoirs, dans un des tiroirs de son meuble. Lorsqu'elle les empoigne, afin de les jeter dans ce tiroir étroit et vieillit par le temps, une grimace de douleur lui tord le visage. J'ai comme l'impression de souffrir en même temps qu'elle.

- Viens t'asseoir, Sam, m'intime t-elle.

Sa voix est rauque et douce à la fois, ce qui ne fait qu'empirer les choses. Elle tousse une fois de plus dans un mouchoir, qui se retrouve tâché de rouge, quelques secondes plus tard. J'ai comme une envie de vomir, en voyant de telles choses. C'est à ma mère qu'arrive ces putains d'emmerdes à la con ! Je suis incapable de regarder son mal-être se jouer devant mes yeux sans rien faire.

Je file dans les toilettes, pour remplir son verre, d'eau qui vient du robinet. Puis je m'approche d'elle, en m'essayant sur son lit, auprès d'elle. Dans un geste tendre, je lui tends le verre remplit d'eau, afin que sa toux s'arrête sur le champs. Elle le prend d'une main tremblante, et le vide d'une traite.

Pendant un moment, ses yeux tristes et sans la moindre d'étincelle de vie, se posent sur moi. Les brûlures que je cache en moi, se mettent doucement à me tirailler de l'intérieur, me ruinant petit à petit.

Ma mère essaie en vain de me parler, laissant ses lèvres entre-ouverte. Mais je vois bien, que l'agonie la prend sur le coup. Je pose alors ma main sur la sienne, puis j'enlace mes doigts avec les siens, dans un silence paisible.

- Tu devrais peut être éviter de parler, maman, je souffle tout bas.

- Tu as raison, mon fils. Reste allongé près de moi, et ça ira mieux, me murmure t-elle d'une voix à peine audible.

Je lui souris faiblement, avant d'allonger mes jambes près des siennes, et d'appuyer ma tête contre le mur froid et sordide de cette chambre d'hôpital. Je sens soudainement, la joue de ma mère se poser tout contre mon épaule. Un frisson passe le long de ma colonne vertébrale, me donnant une drôle d'impression. Mais je finis quand même par réussir à fermer les yeux, pour sombrer dans un univers où les choses sont beaucoup plus facile à réaliser, que la réalité en elle même.

**

Je me réveille, une douleur dans la nuque. Ma mère s'est allongée dans son lit, tenant fermement son oreiller d'une main, tandis que sa main droite repose sur son ventre. Je descends alors de celui ci, espérant ne pas faire de bruit. Puis je m'assois sur la chaise qui trône dans le coin de cette pièce à l'allure maussade.

En observant ma mère dormir tranquillement, mon envie de vivre seul, se renforce dans ma tête. Comment vivre avec une personne qui vous aime plus que sa propre vie, quand tout vas mal ? C'est impossible. Vivre seul est une solution plutôt bonne, lorsqu'on veut préserver l'autre de toute banalité, qui peut se transformer en cauchemars à tout moment. De toute façon, je ne serais jamais capable d'aimer une femme, à tel point que mon coeur tienne le coup. Il y a toujours quelque chose qui arrive, pour tout gâcher. Et puis, je ne vois pas l'intérêt d'aimer quelqu'un, si c'est pour se détruire chaque minute que l'on passe avec celle ci. En y réfléchissant bien, ma mère a perdu pied à cause des sentiments qu'elle ressentait envers mon père. Je ne veux surtout pas ressentir ça. J'ai vu, et bien trop de fois, les dégâts que pouvait engendrer un sentiment aussi puéril.

Alors que ma mère dort encore, et que les hypothèses fusent dans ma tête, mon téléphone sonne. Le nom de Paul s'affiche en gros sur mon écran. J'hésite un moment à prendre cet appel, mais au bout de quelques minutes, je me décide à décrocher. Je sors alors de la chambre, pour être tranquille dans le couloir.

- Ouais ? je réponds, froidement.

- Smith ? Tu es où ?

Je surpris de voir qu'il s'agit de Lucie, au lieu de Paul. Je me demande d'ailleurs, instantanément, ce qu'elle peut bien foutre avec lui. Mais je refuse d'y penser, la laissant parler, la voix tremblotante.

- Hum, je m'inquiétais de ne plus te voir dans l'appartement. J'ai croisé Paul, sur ma route. Et j'ai tout de suite voulu t'appeler. Dis moi que tu vas bien ? me dit-elle, inquiète.

Je fronce les sourcils. C'est bien la première fois qu'elle s'inquiète autant pour moi. J'ai l'impression que tout ça, a un rapport avec hier soir. Quelles merdes, je suis encore allé lui balancer ? Putain.

- Je suis à l'hôpital, pour rendre visite à ma mère. Et toi, tu es où ? je lui demande tranquillement.

- Je suis avec Paul, dans un petit café. Celui qui se trouve à deux pâtés de maison de l'immeuble, elle souffle. D'ailleurs, Leah et Pamela arrivent dans quelques minutes, elle siffle. Mais bon...

- Bouge pas, j'arrive, je la coupe.

Je raccroche directement, en prenant d'urgence l'ascenseur. Je sais pertinemment que Leah et Pamela ne viennent pas par hasard. Et tout compte fait, je suis heureux de les voir, puisque j'ai beaucoup de chose à leur dire. A tout les trois. En tout cas, je pense que lorsque je vais apercevoir leurs misérables visages de poupée, je vais exploser.

Je commence à trottiner, et m'engage sur le grand axe, à une allure plutôt élevée. Après un petit quart d'heure de route, j'arrive enfin devant le café. Et lorsque j'entre à l'intérieur de celui ci, j'arrive facilement à repérer les cheveux rouges de Pamela, et la chevelure doré de Lucie. Paul est assis en face d'elle, un sourire sur le visage. Une fois qu'il lève les yeux, je vois soudainement ses traits prendre un tout autre aspect. Leah et Pamela me sont de dos. Tout est parfait, à dire vrai. Il n'y a que Lucie, qui se retrouve seule, au bout de cette table.

Je m'avance à grand pas vers eux, et tandis que j'arrive à la hauteur de leurs chaises, je pose soudainement mes mains sur le dossier de celles ci. Les filles sursautent, en se retournant rapidement vers la sortie. Je vois leurs visages devenir blême, ce qui me fait jubiler à l'intérieur de moi. Mais j'essaie de rester indifférent, même impassible. Puis je m'assois en face de celles ci, sur la banquette en cuir.

- Je n'étais pas attendu ? je demande, un sourire amer se dessinant sur mes lèvres. Oups !

- Commence pas Smith, s'il te plaît, me chuchote Paul.

Je me retourne vers lui, les sourcils froncés. Mais dans quel camps, il est lui ?

- Écoute moi bien, Paul. Au fait, écoutez moi tous ! je ricane amèrement. J'ai plusieurs choses à vous dire, ok ? De une, Leah, tu peux trouver quelqu'un d'autre pour tes plans culs et foireux ! Pamela, tu ferais mieux d'arrêter de t'en prendre gratuitement à Lucie, sinon je n'hésiterais pas à te refaire une couleur, et te fracasser la tête sur l'escalier juste derrière nous. Compris ? je grogne.

Les filles se taisent, mais leurs regards venimeux en disent long. Mais j'en ai strictement rien à foutre, de ce qu'elles peuvent me dire.

- Quant à toi, Paul, mon ami de toujours ! je ris bêtement. J'aurais pensé avoir un peu plus de soutien de ta part, mais je vois que c'est mort. Si tu veux tomber dans le même sac que ces baltringues, je t'en prie. Après les jeux, j'arrête tout, compris ? A toi de voir, je crache.

Paul me regarde, les yeux écarquillés. Dire que je l'ai cru mon ami. Depuis tout le temps où est arrivé Lucie, il a préféré aller ailleurs que d'être plus souvent avec moi. Avant, on était des gars qui se bourraient la gueule à tout moment. On faisait des plans boîtes, et maintenant plus rien. Peut-être que j'ai changé moi aussi, mais c'est mieux comme ça. Je dois avoir un boulot, être là pour ma mère quand elle en a besoin, cette fois. Je ne dois plus jamais lui faire de la peine, en venant couvert de sang, et de bleu. Je dois être là pour elle, comme elle a su l'être pendant toute mon enfance, mon adolescence. Toute ma vie.

Je me lève, en regardant Paul ahurit, puis je me baisse à sa hauteur pour lui murmurer à l'oreille :

- Tu peux l'avoir, elle est juste devant toi.

Puis je pars vers la sortie. Mais juste avant de pouvoir commencer ma course, Lucie m'interpelle. Elle s'avance vers moi, en se mordant la lèvre. Je l'observe, le visage impassible. Je n'ai aucune envie de me justifier, ni devant elle, ni devant eux.

- Ce n'est pas par ma faute que tu arrêtes tes combats, j'espère ? me demande t-elle, timidement.

- Non, c'est pour ma mère. Tout ne tourne pas autour de toi, Lucie, je lance sèchement.

Je regrette instantanément mes paroles, lorsque je vois les traits de Lucie se faire plus vulnérables. J'ai comme une envie de la prendre dans mes bras, mais je ne peux pas. Si je veux gagner ce combat, pour la rendre libre, je dois la laisser. Sinon, je serais incapable de la laisser partir, comme elle le voudrait. Je me suis attaché à elle, comme personne auparavant. Jamais je n'ai pu ressentir quelque chose de vrai, pour une fille. Je ne vais pas dire que je suis amoureux d'elle, parce que c'est totalement faux. Je me suis seulement attaché à elle, depuis le début. Mais la fin approche, et c'est le moment de se détacher, tout en restant présent bien sûr.

- Tout compte fait, je préférais le Smith avenant et gentil avec moi. Si tu t'es décidé à jouer au con avec tout le monde, vas y, je t'en prie. Mais tu vas le regretter, balance t-elle, en partant à pied vers l'immeuble.

C'est con, mais je le regrette déjà.

---------------------------------------

Coucou !! J'espère que vous allez bien ??? :) J'ai réussi à l'écrire pendant le week-end dernier, mais corriger les fautes cette semaine, c'était chaud chaud. J'en profite pour le faire pendant une petite pause dans mes leçons ! J'espère qu'il vous a plu ? C'était électrique, hein ???? Dîtes moi tout mes choupinets et choupinettes !! :)

Certes, il n'y a pas beaucoup de dialogue, mais je trouve que ça vous permet de mieux connaître Smith, d'un côté. Il s'ouvre un peu plus aux lecteurs, contrairement au fait qu'il ne se livrera pas à Lucie, comme elle le souhaite, elle.

Désolée pour les petites fautes qu'il reste quand même...

Je pense faire 35 chapitres, que j'ai déjà préparé dans ma tête ! Et je pense également faire un debriefing avec vous, à la fin de ce premier tome !! Voilà, vous êtes au courant de tout, je pense !!

Bisous, et bon week-end à tous !


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top