3. Décompression
Till I collapse - Eminem
Connais ton adversaire, connais-toi, et tu ne mettras pas ta victoire en danger.
- 𝐒𝐮𝐧 𝐓𝐳𝐮
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˗ˏˋ Cᴏ̂ᴍᴇ 'ˎ˗
L'art du combat n'est pas forcément loyal. Dans la vie, un combat peut être mené de différentes façons : la lâcheté : tu tentes de fuir la vie en devenant ce qu'elle désire, elle qui te tient comme un pantin, tire les ficelles, se joue de toi et te retire tout ce qui t'appartient. Puis, on a les combattants. Eux, ils encaissent les coups, les rentrent en eux et renvoient un uppercut. Mais il y a des risques à être en première ligne sur le champ de bataille. Ce sont souvent eux les premiers à crever.
Mes mains tremblent sur mes genoux que j'ai rassemblé contre mon torse. Celui-ci se soulève au rythme de ma respiration saccadée par les tourments de mes nuits. Mes cheveux se collent sur la pellicule de sueur qui s'est formée sur mon front et ma nuque, me donnant un aspect gluant que je déteste. Néanmoins, le pire, c'est l'eau qui brouille ma vue lorsque je tente de ravaler mes larmes en me remémorant la même phrase.
Direct... Crochet... Uppercut...
Ces trois mots sont un moyen que mon coach avait trouvé pour que je me canalise avant un combat. Le but était de fermer les yeux et de visualiser deux boxeurs sur un ring, entouré de multiples spectateurs. La garde proche du visage, protège-dents pour éviter d'en avoir une qui valse et position sur les appuis. Et enfin, le combat peut commencer.
Je rouvre les yeux. Plus de vue brouillée, mais un regard déterminé. Rapidement, je me lève, attrape mes cigarettes dans mon sac à dos et un jogging et un t-shirt dans ma valise pour aller décompresser.
Je tente de chercher la salle de bain en ouvrant la porte en face de moi, mais une vague de nausée me traverse quand je remarque Kaléo en train de dormir sur les genoux de mon frère. Ce dernier est assis sur le lit, une main plongée dans les cheveux de son petit-ami, et l'autre en train de taper je ne sais quoi sur l'ordinateur.
Je suis allergique à tout ce qui reflète l'amour, les relations sérieuses et les films romantiques remplis de poudre de perlimpinpin et de coups de foudre. J'ai tellement envie de gerber ; encore plus en période de Noël. Ces films ne servent à rien à part faire croire aux gens que la vie est rose, remplie de bisounours. Que des conneries !
Je referme la porte et ouvre celle d'à côté, où je remarque la cabine de douche.
Mon regard remonte sur mon reflet. Pour une fois, Julyann a raison. J'ai une sale gueule. Ma lèvre a gonflé, le bleu sur ma joue d'une teinte cheloue me donne encore plus un air morbide, sans oublier les cernes qui ornent les yeux. Je soupire, me change et sors de l'appartement.
Je dévale les escaliers à toute vitesse, appuie sur le bouton et sors de l'immeuble. L'air frais caresse mon visage balafré. Je peux enfin sentir la brise s'infiltrer dans mes poumons et observer la ville tout juste éclairée par le lever du soleil. Cela donne un effet idyllique sur les vitres des différents buildings. Seuls quelques bars ou restaurants sont déjà ouverts, pour accueillir les gens tout juste bourrés qui sortent de soirée et ceux qui se lèvent pour aller au travail. Les lampadaires ne sont toujours pas éteints et seules quelques personnes sont présentes dans les rues.
Je sors de mon paquet une cigarette et la coince entre mes lèvres. Une flamme s'échappe de mon briquet pour brûler le bout du bâton cancérigène. Un sentiment d'apaisement imprègne mon corps et me fait fermer les yeux. J'ai l'impression de me sentir dans un océan calme, sans trop de courant, qui me berce peu à peu dans cette sensation de bien-être.
Certains diront qu'un sportif ne doit en aucun cas fumer, ça réduit son endurance. Cependant, ce sont des idées pourries. La clope peut en effet réduire les capacités, mais avec l'habitude, tu ne le ressens plus. Au début, tu craches tes poumons, tu as du mal à respirer et sens ta gorge se serrer, mais après, tu ne sens plus rien.
Une fois le mégot consumé, je le jette au sol et l'écrase de ma semelle pour l'éteindre. J'ai besoin de décompresser, de m'évader entre ma respiration à contrôler et la douleur que mes muscles vont me procurer. Sentir la transpiration s'échapper de ma chair et, surtout, ce sentiment d'apaisement après.
Je démêle mes écouteurs et les glisse dans mes oreilles pour lancer "Till I collapse" de Eminem. Les premières notes de musique m'informent que ma séance de thérapie a tout juste débuté. Je commence à m'étirer en tournant mon cou dans tous les sens, puis c'est au tour de mes bras, mes hanches, mes genoux et mes chevilles. Je les bouge de droite à gauche et de gauche à droite pour les échauffer et éviter de me faire mal. Une fois mon corps bien chaud, je sautille sur place et commence à courir dans les rues de Chicago.
Inspire... Un... Deux... Trois... Expire.
Je contrôle ma respiration et garde le même rythme que la musique pour ne pas perdre le fil. Je ne lâche jamais. Même malade, je vais au moins courir quelques minutes. Ma tête se vide au fur et à mesure que j'avance et je tente de rejoindre mon but : Lakefront trail.
D'après ce que j'ai pu voir sur mon GPS, il faut environ une bonne dizaine de minutes pour rejoindre l'allée où je pourrais courir tranquillement. Les rues sont désertes, me facilitant l'accès. Je commence à sentir mes jambes tirer, mais je ne lâche rien pour autant.
Je cherche constamment à dépasser mes limites, à toujours aller plus vite, frapper plus fort, réagir et esquiver chaque coup que la vie me donne en lui redonnant d'une manière plus brutale.
La rive se trouve devant moi, j'accélère automatiquement pour pousser mes limites dans l'extrême. Plus vite, toujours plus vite.
Une fois arrivé, je relâche tout, essoufflé et pose mes mains sur mes genoux pour reprendre ma respiration. La vue devant moi me coupe encore plus le souffle. Le soleil m'éblouit et sa couleur se transmet sur le Lake Michigan. Un mélange de jaune, d'orange et de rose passant à travers plusieurs buildings sur l'autre rivage.
Je me mets à trottiner, bercé par une mélodie plus calme. Elle apaise les battements de mon cœur accélérés par ma course. Les oiseaux commencent à chanter le long de la rive. Pendant quelque temps, j'oublie où je suis, chez qui je suis et ce que je suis...
Un monstre.
Un monstre dépourvu de tout sentiment.
Parfois, je me demande si je ne suis pas mort et que ma famille se sent en deuil. Pas celui d'une personne morte, mais plutôt celui d'un vivant. Vivant, mais en plein combat, en première ligne.
𓆘
Je referme la porte de l'appartement derrière moi, essoufflé et apaisé. J'ai couru pendant plus d'une heure et observé les quelques recoins qui se sont présentés à moi. Je ne veux pas rentrer, mais j'ai besoin de prendre une douche, manger, et la chaleur commence à être insoutenable.
Mes baskets retirées, je me dirige vers la salle de bain. Mais une voix n'est pas du même avis et me coupe dans ma lancée.
— Salut, tu ne déjeunes pas ?
Je soupire et me tourne vers le ficello assis à table, son café dans une main et une biscotte avec de la confiture et du beurre dans l'autre.
Quel massacre !
Franchement, ceux qui bouffent ça, je me demande si leur palet est recouvert de merde. Bon, j'ai envie de dire, ça ne m'étonne pas trop vu son style pourri niveau mec – juste à voir mon frangin.
Je me demande si ce mec n'est pas débile, car je transpire tellement que la seule chose qui me vient à l'esprit, c'est me doucher.
— Tu ne vois pas que je dégouline de sueur, idiot ! D'abord, je vais peut-être aller me doucher. À moins que tu veuilles que je retire mon haut pour l'essorage dans ton café ? grogné-je.
Il affiche une mine dégoutée, mais garde comme toujours un sourire niais collé aux lèvres, qui m'arrache un roulement d'yeux. Je ne lui laisse même pas le temps de répondre et entre dans ma chambre pour prendre un haut noir et un jean à trous un peu délabré. Je dépose ensuite mon paquet de cigarettes et mes écouteurs sur ma table de nuit.
Je sors de ma chambre et me dirige dans la salle de bain. Mes vêtements tombent vite, laissant apparaître quelques bleus sur mon torse, mes mains massacrées et mon visage, qui n'a toujours pas changé, mis à part que mes cheveux collent à mon front et ma peau rougie par l'effort.
Je m'infiltre sous l'eau brûlante qui m'arrache dans un premier temps un grognement. L'eau dégouline le long de mon corps, sur chaque parcelle, une de mes mains posée sur la paroi tandis que l'autre passe quelques fois sur mon visage pour chasser l'eau qui s'écoule sur mes yeux.
Sous les ruissellements de la douche, ma peau rougit, mais à son passage, chaque centimètre de mon corps se relâche. Je me détends, bien que je sache que ma tension va encore une fois augmenter quand je vais aller bouffer, car l'autre citrouille va sûrement chercher à me faire la conversation.
Je soupire sous les plaintes de mon corps qui réclame son dû après le sport. Ses grognements me poussent à fermer à contrecœur l'eau pour sortir de la douche et je commence à me sécher vite fait. Une fois habillé, je sors de celle-ci et rejoins le copain de mon frère, encore assis sur la table brute, en train de scroller des images sur son téléphone.
Je l'ignore et ouvre le frigo pour sortir du jus d'orange, des œufs et du bacon. Le matin, je n'arrive pas à manger sucré. Ça me donne la nausée et me serre le ventre.
Mon regard se porte sur le petit garçon en train de jouer au parc en face de l'immeuble. Il sourit, joue au soccer avec ses amis sans se soucier de la manière dont la vie sera remplie d'obstacles quand il grandira. Quel choix fera-t-il ? Celui du combattant ou du lâche ?
— Un conseil : retire ton plat de la plaque avant de cramer ton petit-déj, déclare Kaléo.
Il me coupe littéralement dans mes pensées. Je lui envoie un regard noir et sors mes œufs brouillés et mon bacon pour m'assoir le plus loin de lui possible. Je peux sentir son regard sur moi pendant que je prends la première bouchée de mon plat. Irrité, je lâche d'un coup mes couverts ; le bruit résonne dans toute la pièce, strident.
— Tu n'as pas autre chose à faire de tes journées que de me mater ! Sans déconner, tu me saoules, donc va en cours comme mon frère et ne me fais pas chier.
Il lâche un rire rauque, puis me sourit avant de poser sa biscotte sur la table et planter son regard dans le mien. Mes poings se serrent, ma mâchoire se contracte, réduisant en miettes ce qui se trouve à l'intérieur de ma bouche.
— Désolé de te l'apprendre, mais ton frère ne va plus à l'université et, comme moi, il travaille dans un restaurant pas loin. D'ailleurs, il est en train d'effectuer son service.
Je reste bouche bée. Si je comprends bien, Julyann a arrêté les cours depuis je ne sais combien de temps et là, il bosse dans un restaurant. Sans oublier que mes parents lui paient un appartement pensant que monsieur bosse comme un acharné.
— Pourquoi ? Tu es trop con pour pouvoir aller à l'université ? demandé-je.
Je lui lance un sourire des plus provocateurs pour voir si le petit copain de mon frère a des couilles. Mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me rende mon sourire et continue de manger tranquillement en ne rentrant pas dans mon jeu. Mes dents grincent face à son ignorance. Il m'énerve.
— Pas vraiment, c'est compliqué, on va dire. Bref, j'ai besoin de toi. Une personne que je connais a besoin de prendre des cours de boxe. Tu penses être à la hauteur pour lui apprendre ?
Un rire m'échappe. Voilà pourquoi il ne se démonte pas. Il essaye de me mettre dans sa poche pour que j'enseigne à un de ses potes, qui à mon avis souhaite seulement boxer pour faire genre « je suis cool » devant les filles.
— Bien sûr que je suis à la hauteur. Mais j'aurais quoi en échange ? Car taffer sans rien avoir en retour ne me plait pas trop !
— Je me doute, mais le retour, c'est qu'on t'héberge alors que tu fais du mal à ton frère. Je ne te laisse pas le choix. Tu vis chez nous donc tu vas apprendre la boxe à mon ami.
Il est marrant, le petit.
Aussi haut que trois pommes et aussi maigre qu'une brindille, il pense m'imposer sa loi et me forcer à faire quelque chose dont je n'ai pas forcément envie. Je n'aime pas les gosses, encore moins les pleurnicheurs ; la garderie ce n'est pas pour moi.
Il me défie du regard pendant que je me lève pour me placer près de lui et lui murmure :
— Kaléo... Kaléo... Sache que je ne vais pas apprendre à ton pote mon sport, car d'un, je n'en ai pas envie, et de deux, je ne suis pas un baby-sitter. Si tu veux que ton puceau apprenne à se battre, va dans une salle avec un coach, mais pas avec moi.
Le ring est mon domaine, là où toute ma douleur part quand j'en ai besoin. Il m'aide à m'échapper et c'est hors de question que, quand je vais à la salle, une personne m'accompagne. C'est l'une de ma règle d'or. J'y suis toujours allé seul et je me tiendrai à ça.
— Je ne te laisse pas le choix, demain soir à vingt-deux heures dans la salle que ton frère t'a donnée. J'ai parlé au patron, il est prêt à te laisser l'endroit pour que tu lui apprennes.
Un rire sans émotion s'échappe de mes lèvres et je lève mon majeur pour lui faire comprendre qu'il peut toujours rêver. Je n'enseignerai à personne et encore moins gratuitement. Il m'héberge, certes, mais il n'a en aucun cas le pouvoir de m'imposer quoi que ce soit, car je ne pense pas que ma mère leur a laissé le choix.
Comme toujours, elle a dû se plaindre à mon frère en lui ordonnant de me prendre chez lui pour éviter le divorce. Donc, s'il veut que j'apprenne la boxe, ce sera contre quelque chose. Si j'arrive à me faire des sous, je pourrai me prendre un appart et me casser de chez eux en leur disant de bien aller se faire enculer.
— Bref, je ne te laisse pas le choix. Et ce soir, tu viens avec nous, on va en boite pour fêter ton arrivée à Chicago, continue le rouquin.
— Attends, Julyann boit ? demandé-je, perplexe.
— Oui, ton frère boit, comme toute personne présente sur Terre.
Je vois que le rouquin n'est pas au courant pour mon frangin, car il n'a ni le droit de boire, se droguer ou encore fumer une cigarette. J'en conclus que mon frère a caché à Kaléo qu'il est bipolaire, mais surtout qu'il ne prend pas ses médicaments. À mon avis, même sa psy est totalement fausse.
Bah alors, le fils prodige n'est pas si clean que ça à ce que je vois !
Ⓒ 𝐒𝐓𝐎𝐑𝐃𝐈𝐀𝐍𝐘
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Salut ♥
Dans ce chapitre, nous avons appris que Julyann est bipolaire, les actes parfois sévères de Côme envers son frère auront leur explication. Je voulais aborder ce sujet pour sensibiliser les lecteurs sur les souffrances que peuvent causer cette maladie, que ce soit pour la personne atteinte ou pour ses proches.
Je suis dédiée à soutenir toutes les personnes touchées par la bipolarité, et c'est pourquoi le personnage de Julyann, avec sa douceur et ses erreurs, leur est dédié.
Que pensez-vous des premiers chapitres sur Côme ? Êtes-vous impatient de découvrir notre chère Flavia ? Selon vous, sera-t-elle pire ou moins pire que Côme ? Vous le découvrirez dans le prochain chapitre la semaine prochaine ;)
Avec amour.
Stordiany ♥︎
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