2. Rancoeur
Man or a Monster- Sam Tinnesz
La haine, la rancœur, la vengeance sont des sentiments dangereux, qui nuisent à la paix du cœur et de l' âme.
- 𝐌𝐚𝐫𝐢𝐞-𝐁𝐞𝐫𝐧𝐚𝐝𝐞𝐭𝐭𝐞 𝐃𝐮𝐩𝐮𝐲
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˗ˏˋ Cᴏ̂ᴍᴇ 'ˎ˗
Les yeux encore mi-clos, je commence à me rendre compte de la douleur dans mon dos. Un grognement s'échappe de mes lèvres et ma tête se plaque contre le hublot. Les sièges de cet avion sont carrément inconfortables, mais je n'ai pas eu le choix. Il restait plus qu'une place et ma mère n'a pas hésité une seconde à la prendre. Bien sûr, le tout sous les hurlements d'objection de mon père.
C'est bien une chose qui ne va pas me manquer, leurs chamailleries à répétition pour des âneries aussi pitoyable !
Je referme les yeux afin de me reposer. Juste le temps d'un instant pour me détendre un peu de tous ces évènements soudain. Ma fatigue détend mes muscles. Néanmoins, j'opte pour ne pas m'endormir. Morphée est du genre joueur : il extirpe mes peurs pour pouvoir jouer avec les maux de mon cœur. En même temps, je dois avoir un karma tellement pourri que cela ne m'étonne pas.
Un long soupir s'échappe de mes lèvres et je repense au moment où je suis rentré dans ma chambre ce matin. Mes parents se sont une nouvelle fois disputés et quelques minutes après, ma mère a débarqué dans ma chambre en déclarant que je devais préparer ma valise. Je pouvais lire dans les yeux de mon paternel toute sa peur. Elle ne comprend pas pourquoi il refuse que j'aille chez Julyann, pourtant c'est tellement simple : je risque de détruire le fils prodige de la famille !
Pour lui, Julyann est trop sensible et risque de ne pas réussir à contenir la colère qui coule dans mes veines. Il pense que mon frère pourra recommencer sous la violence de mes mots et surtout, il sait – comparé à ma mère – que Julyann et moi nous ne sommes plus frères, mais ennemis.
Un coup de pied percute mon siège, faisant vibrer ma colonne vertébrale et je grimace. Mes poings se serrent, mon sang commence à chauffer. Je me retiens de me retourner et d'envoyer une réplique sanglante au mioche derrière moi. Depuis le début du vol, il met mon dos à rude épreuve. Je ne sais pas ce qu'il fout, mais mon siège est loin d'être un sac de boxe. Je vais finir par craquer.
Ce qui devait arriver arriva.
Un grognement de douleur s'échappe de mes lèvres et réveille le diable en moi. Mon sang bouillant me force à me retourner et à lancer au mioche mon pire regard.
Ses yeux bleus et sa coupe à la Justin Bieber me donnent encore plus envie de lui apprendre la vie. Il affiche un sourire fier, comme s'il voulait m'emmerder.
Mais sache petit que tu es tombé sur la mauvaise personne.
Je me rapproche de son visage et lui souffle :
— Tu recommences encore une fois à faire ça, morveux, je te dégomme !
— Tu n'es pas le premier grand à essayer de me crier dessus. Tu crois vraiment que tu réussis à me faire peur ?
Le gamin doit avoir à peu près neuf ou dix ans. Il est totalement décontracté et s'en fout royalement de ce que je viens de dire. Mes mains se resserrent contre le siège et j'observe ce que je pense être son géniteur. Il est en train de pioncer, la bouche ouverte avec un filet de bave qui s'écoule de ses lèvres.
Dégueulasse !
Le gamin redonne un coup dans le siège, surement pour me faire réagir au quart de tour, et le pire est que ça marche. Je vrille littéralement. Je l'attrape par le col de son t-shirt pour le soulever et rapprocher son visage du mien. Dans ses yeux, je peux voir la terreur commencer à apparaître. Il déglutit avant de me souffler difficilement :
— Et... Et maintenant, tu passes à la violence, commente le petit. Tu... Tu ne me fais pas peur.
Je vois très bien le genre de mioche que c'est. Le petit a trop de sûreté dans ses yeux pour être celui qui reste au fond de la classe à ne rien dire. Il est ce qu'on appelle « le leader », celui qui dicte ce que toute la classe doit faire. Le voir est comme une claque en pleine gueule. J'étais comme lui. Et cela ne m'a servi à rien.
— Tu sais, il y a des risques à toujours mépriser les autres. Au fur et à mesure, tu finis par perdre ce qui est le plus cher quand on est gosse.
Je rapproche mes lèvres de son oreille et lui susurre d'une voix cassante :
— L'amitié, finis-je. Et tu finiras seul comme un con.
À ce jour, je ne sais toujours pas ce qu'est une amitié réelle. Enfin, je n'ai juste plus su en créer une depuis ce qu'il s'est passé.
Le petit secoue la tête par abandon. Je finis par le relâcher ; il a la langue bien pendue, mais très peu de bravoure. Je suis un peu déçu, j'aurais voulu que le mioche en ait un peu plus dans le ventre, mais bon.
J'enfile mes écouteurs et me laisse bercer par un mélange de guitare électrique et de batterie. Des frissons parcourent la totalité de mon corps quand le chanteur commence les premières paroles. Je plonge ma tête par la fenêtre et me perds dans la densité de cette brume d'air. C'est magnifique vue d'en bas, mais en haut, ça l'est encore plus.
Enfin, je peux commencer à voir Chicago, là où mon frère a décidé de faire ses études, sous les mécontentements de mes parents.
Enfin. Cela ne fait qu'une heure et demie que je suis dans ce putain d'avion et j'en avais plein le cul. Un long soupir s'échappe de mes lèvres. La ville reste magnifique, entre les buildings, la nature et les différents lacs autour de la métropole, ça donne envie de la découvrir. Je ne suis jamais allé au-delà de Memphis, mais j'adorerais découvrir le monde et les autres cultures.
L'avion atterrit et Dieu merci, je vais enfin pouvoir me tirer d'ici, afin de marcher et de détendre mes jambes encore engourdies. Avant tout, je laisse tous ces moutons pressés partir, pour pouvoir sortir tranquillement. Je sais que le mioche n'a pas bougé lui aussi. Une fois le troupeau sorti, je me lève, m'échappe à mon tour et lance un regard au jeune garçon, dont la tête est baissée alors qu'il joue avec ses doigts. Je souris et sors enfin de cet enfer pour en rejoindre un nouveau.
Mes jambes sont totalement engourdies par le léger air froid dans l'avion et le fait que je sois resté quasiment immobile pendant un certain temps.
Je déambule dans les couloirs afin d'arriver à l'endroit où je dois récupérer les valises. C'est impressionnant la manière dont ce lieu est totalement moderne. Je lève les yeux et remarque l'immense squelette de dinosaure qui me fait face.
Incroyable.
Mon téléphone vibre plusieurs fois dans ma poche, me faisant lâcher un soupir. À mon avis, c'est tous les messages que j'ai dû rater durant le transport. D'un geste nonchalant, je le sors et vois plusieurs notifications apparaître sur l'écran de verrouillage. Je soupire en voyant un message de ma mère. Elle me gonfle avec ses serments à deux balles.
La terreur : J'espère que ça te servira de leçon, Côme.
Huit mots, une phrase, aussi froide que son regard envers moi. Le pire, c'est que cela ne m'étonne même plus d'elle. Elle voulait se débarrasser de moi depuis un bon bout de temps. Je rigole et décide de passer au message suivant, mais avant de lire celui de mon géniteur, je rajoute un doigt d'honneur au lieu de lui lâcher un "vu".
Géniteur : S'il te plait Côme, fais un effort avec ton frère. Ne sois pas trop dur avec lui et sois sympa avec Kaléo. Ne ruine pas le couple de Julyann. Il va mieux depuis qu'ils sont ensemble. Prends soin de toi. Papa.
Je peux sentir son stress alors que nous sommes à plus de mille bornes d'écart. Mon père a toujours été très protecteur avec mon frère, depuis qu'il est tout petit. Et c'est vrai que de savoir que le vilain petit canard va vite vivre chez son petit poussin lui fout la trouille. Ne t'inquiète pas, papa, je vais me casser aussi vite que je suis arrivé. En parlant du loup, un message s'affiche sur le haut de mon écran, ce qui m'extirpe un juron.
Julyann : Côme, tu as fait quoi encore ?! Maman m'a appelé en larmes.
Julyann : Donc si j'ai bien compris, tu viens chez moi ?!
Julyann : Tu veux manger quoi ce soir ?
Julyann : Côme !
Julyann : Réponds !!
Julyann : Tu arrives à quelle heure ?
Julyann : Mais merde, tu vas me répondre, oui ?!
Julyann : Tu sais quoi, démerde-toi pour venir, maman a dû te donner l'adresse.
Je soupire sans lui répondre, c'est fou la manière dont il est susceptible et emmerdant sur les bords. Même juste là, ses messages font bouillir mes veines. Monsieur a un joli petit appartement à mi-chemin de la Northwestern University Feinberg School of Medicine, pendant que moi, je me casse le cul avec des parents qui me gueulent dessus pour que je travaille et « vive de mes propres moyens ». Bien sûr, le sale gosse que je suis n'obéit pas et je continue de procrastiner entre les soirées, les insomnies et le sport.
Je rentre rapidement dans un taxi en indiquant au chauffeur l'endroit où messire Julyann vit.
Ça me gonfle de devoir dépendre de lui !
Je commence à pianoter sur mon téléphone avec un goût amer le long de ma gorge.
Côme : J'arrive. Descends, les parents ne m'ont rien donné pour payer l'autre idiot dans son véhicule dégueu !
Rapidement le "vu" apparaît et la réponse ne se fait pas attendre non plus.
Julyann : OK.
Heureusement qu'il n'est pas bavard, car l'idée de voir sa tête dans les minutes qui vont suivre me donne la gerbe. Il a la manie de me monter les nerfs comme personne. Ma tête se plaque contre la fenêtre, j'observe le contraste entre les buildings à des hauteurs fulgurantes et la nature, afin d'essayer de calmer les nerfs qui font monter ma tension. Cette ville est vraiment incroyable. Comparé à Memphis, c'est totalement différent. C'est moderne à souhait alors que ma ville natale donne plus l'impression qu'elle a arrêté le temps aux années 70.
Mes yeux commencent à se fermer. Bien que je tente de me tenir éveillé en me pinçant, rien n'y fait. La fatigue tente de s'emparer de moi, mais je ne compte pas la laisser faire. Je me mets donc à traîner sur les réseaux sociaux, observant les quelques photos postées par les célébrités que je suis.
— Monsieur, nous sommes arrivées, m'informe le chauffeur.
Je hoche la tête et vois mon frère s'approcher de nous. Il ne passe pas inaperçu avec ses cheveux bouclés plus clairs que les miens et son teint légèrement hâlé. Cependant, lui aussi a beaucoup de cernes.
Je m'extirpe de la voiture d'une manière nonchalante. Deux jours sans dormir donne à mes jambes l'effet d'être une guimauve. Julyann paye le taxi et se tourne vers moi.
— Tu as une sale gueule, déclare-t-il.
Je ris froidement.
— Tu as vu ta tronche ? On dirait que tu ne dors pas.
— C'est ça la vie étudiante, petit frère, ricane-t-il.
En guise de réponse, je me contente de lever mon majeur, ce qui lui provoque un roulement d'yeux. Il croise ses bras contre son torse athlétique. Mon frère est beaucoup plus grand que moi, du haut de son mètre quatre-vingt-cinq, il aurait carrément pu pratiquer le basket.
Je soupire en partant chercher ma valise. Ça va être extrêmement long de passer du temps avec lui, d'essayer de contenir toute la haine qui me consume à chaque fois que je vois sa tronche.
Nous sommes tous les deux-là, plantés en plein milieu du trottoir à se regarder. Enfin, lui fronce les sourcils pendant que je lui envoie des éclairs. Julyann ne tient pas en place, il bouge de gauche à droite, son comportement me donne envie de gerber.
— Roh, tu as fini de me faire la gueule. Viens dans mes bras, petit frère.
Aussitôt dit, il se rue pour me prendre dans ses bras. Une grimace étire mes lèvres, mes bras pendants le long de mon corps. Je tente de chercher autour de moi de l'aide pour le dégager.
— Lâche-moi ou je te fous un coup de tête !
Il a un don pour m'énerver au plus haut point et en profite constamment. Il y a juste à voir le rictus dégueulasse qui se forme sur le coin de sa bouche quand il s'éloigne de moi.
— Bouge, Kaléo nous attend, soupire-t-il en attrapant ma valise.
Rapidement, je tire celle-ci vers moi et lui envoie un regard des plus noirs.
— Je peux la tirer seul, je n'ai plus quatre ans.
— Ah bon ? Tu m'en vois ravi, petit frère, mais de nous deux, je reste le plus fort.
Il m'attrape la valise des mains, me sortant de mes pensées aussi rapidement que celle-ci s'est détachée de ma prise. Il m'agace. Un juron s'échappe de mes lèvres et je lui emboite le pas.
— Quand tu rentres, retire tes chaussures, et on bouffe vers dix-neuf heures trente. Je suis allé t'inscrire ce matin à la salle de boxe près d'ici dès que j'ai appris ta venue. Et évite d'être trop méchant avec Kaléo ou je te casse la gueule, débite-t-il aussi vite qu'il peut.
Je roule des yeux et tente de le suivre. Cependant, il est rapide et ne se laisse pas devancer. Mais le pire, c'est qu'il martyrise ma valise en la faisant zigzaguer comme s'il y avait des plots invisibles entre chaque marche.
Il s'arrête devant une porte en bois avec écrit en grand « Reyes - James ». Il ne toque pas et entre rapidement. Retirant ses chaussures et déposant ma valise à l'entrée, il m'indique du doigt de l'imiter. Je soupire et retire mes baskets en les jetant à côté des siennes. Une fois mon geste nonchalant réalisé, je me relève vers lui et lui envoie un sourire rempli de haine ; il lève les yeux au ciel.
— Vous êtes là ! s'exclame une voix masculine.
Je me tourne rapidement et tombe nez à nez avec une citrouille aux yeux hétérochromes - le côté droit bleu et le gauche noisette. Il vient embrasser mon frère ; ce qui provoque chez moi une forte envie de vomir.
Son petit ami se tourne vers moi, le sourire aux lèvres. Il est plus petit que moi et mon frère. Un physique filiforme : des bras fins, un corps fin, des jambes fines. On dirait un ficello, ou un piquet.
— Côme, dis « bonjour » au lieu de dévisager les gens, ordonne mon idiot de frère.
— Salut, rétorqué-je, un brin agacé.
— Enchanté, je suis Kaléo, le copain de ton frère. Tu dois être Côme. En tout cas, c'est fou la manière dont vous vous ressemblez, dit-il en triturant ses doigts.
Là, j'ai une forte envie de frapper le ficello. Mon visage se crispe et mes poings se serrent. Parmi les choses que je déteste, c'est qu'on dise que je ressemble à mon aîné. Julyann et moi n'avons rien en commun. Il est plus grand, je suis plus musclé. Ses cheveux sont châtains, les miens sont aussi noirs que les corbeaux. Enfin, les yeux de Julyann sont noisette et les miens vert d'eau.
Je me rapproche dangereusement de Kaléo, mais l'autre abruti pose sa main sur mon torse comme pour me stopper.
— Range tes gants de boxe, Côme, on n'est pas sur un ring, là. Ta chambre est au bout du couloir à gauche. Tâche de te reposer, tu as des cernes qui seront bientôt des crevasses.
— Je t'emmerde.
J'attrape ma valise et me dirige vers l'endroit qu'il m'a indiqué. D'un geste désinvolte, je bouscule mon frère et son copain en levant mon majeur vers leur direction. Je remarque avant que je me retourne Kaléo glisser quelques mots à l'oreille de mon frère.
— Tu ne m'as pas dit qu'il boxait.
Je roule les yeux. La boxe est pour moi une échappatoire ; elle m'aide à trouver une ligne droite à la vie que j'ai décidé de mener. Donner les coups, en recevoir et surtout prévoir des stratégies pour vaincre l'adversaire. On croit souvent qu'en boxe, il est raison de force. Quand tu dis à une personne que c'est ton sport, la seule chose qu'il sait rétorquer c'est : « Alors on ne doit pas trop te chercher. »
Cette phrase me fait souvent rire : elle est drôle, car il suffit seulement que tu dises telle ou telle chose pour que l'on te mette dans une certaine catégorie. J'ai toujours haï ça. Tu boxes, tu es forcément un bagarreur. Tu es bien sapé, tu es forcément un gosse de riche. Tu es timide, forcément coincé.
Des catégories et toujours des catégories.
Je pousse la porte indiquée et tombe dans une chambre. La luminosité passant par la grande fenêtre qui donne vue sur la ville m'aveugle. Je grince des dents et dépose ma valise à côté de la porte en claquant celle-ci juste pour faire chier mon frangin.
Je m'avance vers la fenêtre et tire le rideau en essayant au mieux de cacher mon visage des rayons excessifs du coucher de soleil. Ma main se referme sur le couvre-lit en lin couleur crème, un long soupir s'échappe de mes lèvres alors que je m'allonge sur celui-ci.
Mon regard fixe le plafond et le lustre tout droit sorti de Walmart. Il est simple, seul un bout de métal noir avec un truc en verre autour de celui-ci. Je sens mes muscles se détendre. Mes yeux se ferment petit à petit. À bout de forces, je soupire, et à contrecœur, je capitule contre Morphée et le laisse m'emporter dans un pays imaginaire.
Faites que quand je me réveille, je ne sois plus chez cet idiot !
Ⓒ 𝐒𝐓𝐎𝐑𝐃𝐈𝐀𝐍𝐘
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Salut ♥
Dans ce chapitre, la relation amère entre les deux frères est mise en évidence. J'avoue que lorsque le caractère de Côme est apparu, j'étais sceptique quant à savoir s'il plairait. Vous en saurez plus sur la façon dont il s'exprime avec Julyann tout au long de l'histoire.
As-tu une idée de ce qui a pu détruire la relation entre les deux frères pour l'instant ?
J'espère que ce chapitre t'a plu en tous cas.
Si tu souhaites en savoir plus sur Fight Feelings, suivre ma petite vie d'auteur ou simplement interagir avec moi, je t'invite à me suivre sur Instagram (@stordiany). Je suis plus active sur ce réseau social ;)
Love.
Stordiany ♥︎
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