Dernière partie : The Truth Told.

YunGi avait fumé plusieurs cigarettes d'affilées la première fois. C'était lui en dessous, et ça lui avait vraiment fait bizarre. En fait, il avait vite oublié la rancune qu'il avait envers lui. Pourtant, tous les bleus qu'il avait sur le visage ne s'étaient pas encore totalement estompés. Mais Suga fumait parce qu'il ne comprenait pas pourquoi ça avait fini par lui faire autant de bien, pourquoi il avait aimé le voir nu, sur lui, en lui, souriant et soupirant, murmurant son nom d'une voix enrouée par le plaisir, déformé par le désir. Comment pouvait-il avoir envie d'un mec comme lui, en fait ? Comment avait-il pu se laisser faire quand le blond, encore inondé par l'envie, l'avait renversé par terre près du canapé, et lui avait demandé de se retourner pour que lui aussi sache ce que ça faisait de jouir dans un homme ?

La deuxième fois, il avait oublié pourquoi il le détestait. Il avait quand même allumé une cigarette, pour la forme, pour se remettre les idées en place. Tout ce à quoi il pensait c'était cette image du dos de HoSeok qui gesticulait, essayant d'accentuer les vas et vient de YunGi. De sa voix aussi, surtout de sa voix, parce que son nom qui sortait inlassablement de sa bouche, en rythme d'abord, puis totalement anarchique, ses râles, tout... tout avait été trop parfait, et maintenant, maintenant qu'il avait fini de le faire sous la douche et que son paquet de tabac était terminé, le blond enfila son jean à la va-vite, sans aucun regard pour HoSeok, et partit presque précipitamment vers la sortie.

- Ça va pas ? Hurla le brun dans le couloir, trottinant caleçon en main à sa suite.

- Si si, j'ai juste un truc à faire.

- C'était pas bien hier ? J'aurais peut-être dû être plus tendre si c'était la première fois que-

- C'était très bien, arrête de t'en faire pour ça, j'ai bien aimé, répondit Suga en enfilant ses chaussures. Mais j'ai plus de clopes, c'est pas en s'envoyant en l'air que ton enquête va avancer, parce que j'étais un peu là pour ça à la base, mais maintenant c'est le foutoir dans mes pensées et il faut que j'aille parler à NamJun. Et m'acheter des clopes. Plein de clopes.

- Tu sais que ça tue la clope ?

YunGi soupira, ouvrit la porte d'entrée.

- Ça fera un connard de moins sur Terre alors.

La porte claqua avant que le brun ait pu lui dire :

- T'es pas un connard Min YunGi.

YunGi s'arrêta chez le premier vendeur qu'il trouva sur son chemin, acheta trois paquets de cigarettes avec le reste d'argent liquide qu'il avait sur lui, en alluma une aussitôt sorti de la boutique et courut presque vers la bouche de métro. Il attendit en haut des marches d'avoir terminé de fumer entièrement (et s'il avait pu tirer sur le filtre il l'aurait certainement fait) et descendit ensuite dans les bouches puantes qui le conduiraient à son train. Il resta silencieux sur son strapontin pendant la demi-heure qui lui sembla interminable. Suga essayait de se concentrer sur les derniers éléments à chercher, n'importe quoi qui pourrait lui donner une piste, mais non, tout ce qui lui venait en tête, qui le polluait littéralement, c'était le visage d'HoSeok qui le regardait dans les yeux alors qu'il murmurait son nom hier soir, tard dans la nuit.

Il eut envie de faire demi-tour pour se consacrer à ça encore quelques heures de plus, mais il ne fallait pas. Il n'aurait jamais cru que le sexe, avec un homme, pourrait lui plaire autant, mais c'était le cas. Cependant, YunGi avait promis à NamJun qu'il serait chez lui dans moins d'une heure, et qu'il passerait du temps avec Néo. D'ailleurs en arrivant chez lui, au quatrième étage, le barman lui avait fait la faveur de l'attendre devant sa porte.

YunGi fourra une cigarette dans sa bouche pour la cinquième fois depuis le début de la journée et ouvrit une fenêtre en oscillo-battant pour que son ami puisse respirer.

- Tu voulais me parler donc, commença le barman, éventant la fumée avec sa main.

- Ouais. Il s'est passé un truc hier soir.

- T'as baisé pour la première fois oui, et ?

Il y eut un silence, puis :

- Comment tu sais ça ?

- SeokJin me l'a dit. Il l'a deviné à ta façon de te comporter devant nous. Et donc, t'as baisé. C'était bien ?

- Oui...

Le barman sourit, agitant toujours sa main.

- Juste oui ? Sans plus ?

YunGi cracha sa fumée à l'intérieur de l'appartement, faisant éternuer Néo qui partit se lover sur un coussin du canapé, le scrutant de son seul œil.

- Ouais, c'était génial, c'était féerique, magique, tous les adjectifs gerbants que tu veux, mais c'est pas ça mon problème.

- Oh si, justement. À part la baston, t'aimes rien. Et c'est pas ton style d'aimer tendre les fesses, mais pourtant c'est arrivé hier et t'as adoré. Et c'est exactement ça qui t'inquiète YunGi. T'as aimé ça et tu as peur d'être en train de t'attacher à lui.

Le blond fut incapable de répondre. Il avait tapé dans le mille, et il ne savait plus quoi faire pour sauver les apparences. NamJun renchérit :

- C'est pas une honte de s'attacher. Et t'as pas à avoir peur de l'aimer.

- Pourquoi ça ?

- Parce que ça ternira pas ton image de mec qui peut mettre n'importe qui au tapis, et dans le cas où t'aurais eu tord d'aimer ce type, ça te rendra juste plus fort mentalement.

- Physiquement aussi, si j'étais en train de faire une erreur je lui casserais la gueule.

Le barman ne put s'empêcher de rire à l'entente de ces mots. Il reconnaissait bien son ami. La route allait être longue et difficile pour lui mais il savait qu'HoSeok serait capable de le rendre plus humain qu'il ne l'avait jamais été. Quand il avait connu YunGi il y a presque six ou sept ans maintenant, c'était un adolescent comme lui qui ne savait pas quoi foutre de sa vie, qui fraudait sans arrêt pour pouvoir payer son loyer, et qui avait pris il ne savait plus combien de mois de taule pour ça. Parce qu'il avait piraté le PC de trop et qu'il s'était fait chopper. Et quand il était sorti, NamJun l'avait découvert encore plus renfermé qu'avant, encore plus seul. Et il avait désespéré trouver quelqu'un qui puisse rallumer la flamme. C'était chose faite il fallait croire.

- YunGi, tout ira bien. Jin et moi on te lâchera pas parce que t'as décidé d'aimer quelqu'un d'autre que toi.

Le blond laissa la fumée de cigarette sortir par ses narines. Il ne savait plus sur quoi focaliser ses pensées. C'était trop, ça bouillonnait. Il n'aurait jamais dû faire ça. Pas maintenant. YunGi avait été trouvé par HoSeok dans le seul but de résoudre l'enquête épineuse que personne n'avait jamais réussi à élucider. Ni plus ni moins, mais pour l'instant, rien n'avait été fait. Le blond avait épluché tout le dossier, l'avait appris par coeur. Mais ça ne servait à rien s'il ne pouvait rien en tirer.

- Pourquoi tu fais cette tête ? Demanda le barman, le coupant dans ses pensées.

- Parce que je cherche le type qui a certainement buté sa sœur. C'est pour ça qu'il est venu me mettre au tapis. Pour que j'accepte de l'écouter et de l'aider. Mais son histoire... c'est un labyrinthe avec une entrée mais aucune sortie. Que des culs-de-sac.

- Bah bon courage.

Ce fut tout ce que NamJun pouvait lui répondre. Ce n'était pas son histoire. Il était seulement là pour écouter son ami, le rassurer comme il pouvait. Mais le génie, c'était YunGi, pas lui. ll ne pourrait rien faire de plus pour l'aider. Et il avait ses propres problèmes à régler. Le barman lui asséna une claque amicale sur l'épaule. YunGi grimaça pour la forme, puis NamJun fit volte-face pour le laisser tranquille.

Le blond le regarda sortir de l'immeuble, le suivit du regard un petit instant, puis ferma les rideaux pour plonger le séjour dans le noir. La routine était simple : Slayer à fond dans l'appartement, un litre de café préparé sur la table basse et une paille réutilisable (il pouvait être le connard le plus fini de la planète, mais au moins il ne la polluait pas en utilisant trop de plastique ou en jetant ses papiers de gâteau par terre), son pc branché sur l'écran plasma 4k et le clavier qui s'éclairait aux couleurs de l'arc-en-ciel sur les genoux. Néo se lova un peu plus contre lui une fois installé confortablement dans son canapé, et YunGi se focalisa sur le dossier de l'enquête policière de Dawon.

Il avait forcément manqué quelque chose, alors il reprit tout depuis le début. Cette fille, la grande sœur de HoSeok, avait tout juste dix-huit ans, lui allait sur ses quatorze. Ils se trouvaient au centre ville, dans les rues marchandes, pour acheter un cadeau d'anniversaire pour leur père. Ils avaient fait chou blanc au bout de deux heures trente et avaient donc fait une pause dans une petite boulangerie pas loin de la boutique Chanel. La police, grâce au témoignage de HoSeok, avait pu retracer tout leur parcours grâce à la vidéosurveillance des différents magasins. Conclusion : ils n'avaient été suivis ni en voiture, ni à pied.

En revanche, HoSeok avait remarqué que Dawon ne semblait pas vraiment sereine et ne cessait de regarder son téléphone. Elle avait fini par recevoir un message, cinq minutes avant qu'une voiture noire ne se gare de l'autre côté de la rue et qu'elle lui demande de l'attendre ici. Un homme qui devait avoir le même âge qu'elle était sorti pour lui ouvrir la portière, mais il avait un visage tellement commun, les cheveux noirs et la même coupe au bol que tout le monde dans les lycées ou au début des années universitaires.

En relisant tout ça une fois de plus, YunGi fut persuadé que toutes les réponses se trouvaient dans le téléphone de la jeune fille, mais celle-ci l'avait emporté avec elle avant de disparaître. Rien chez elle ne pouvait donner de piste. D'après HoSeok, elle tenait un journal intime, mais la police n'avait pas réussi à remettre la main dessus. Soit elle s'en était débarrassé, soit elle l'avait bien caché.

HoSeok le savait forcément. Elle ne pouvait pas l'avoir pris avec elle. Le mettre dans une planque totalement improbable passait encore, mais jamais une fille ne prendrait son journal dans son sac à main pour aller faire du shopping. Encore moins si elle prévoyait de rencontrer un type potentiellement fou à lier. Suga décrocha donc son téléphone et pesta intérieurement d'avoir à attendre trois tonalités avant qu'il ne décroche.

- J'te manque déjà ? fit la voix enrouée de HoSeok.

- Non. Mais le journal de ta sœur, oui. Je suis sûr à cent-dix pour cent qu'elle a mis tout le fin mot de l'histoire dedans.

- Oh moi aussi tu sais, mais pas moyen de savoir où elle l'a mis. Sa chambre a été fouillée de fond en comble et les flics n'ont rien trouvé.

- Elle ne l'a pas mis dans sa chambre.

- Comment tu peux en être aussi sûr ? demanda le brun à l'autre bout du fil.

- Ça me parait logique. Imagines t'es une fille. Tu sais que tu vas rencontrer un gars en ville, que ça risque de mal tourner. Peut-être même que ce mec la harcelait et savait où elle avait l'habitude de ranger son journal. Tu sais que tu ne reviendras peut-être pas de ton excursion. Où t'irais mettre ton journal, le seul détenteur de la clé de l'affaire et possiblement la seule pièce à conviction valable ?

HoSeok resta silencieux pendant quelques secondes qui semblèrent être des minutes pour le blond, puis un fracas retentit.

- HoSeok ? appela YunGi. Tout va bien ?

- Oui oui, répondit-il précipitamment. Je viens juste de me rappeler de quelque chose. Un truc que j'avais oublié de raconter aux flics. Merde, quel con.

- Tu pouvais pas y penser. Ça t'a paru anodin et sous le stress, t'as pas pensé que ça pouvait être important. C'est pas ta faute.

Le brun ne répondit rien. YunGi allait instinctivement continuer à lui passer de la pommade dans le dos. Un sanglot transperça la gorge du brun et YunGi l'entendit lui raccrocher au nez. Sa gorge se serra. Il avait un mauvais pressentiment. Il fourra son téléphone dans sa poche, enfila sa veste à la va-vite et courut dans les escaliers, direction les parents du brun.

Il arriva en trombe devant la porte des parents (fort heureusement pour lui absents) et frappa. HoSeok lui ouvrit d'une main tremblante, les yeux fixés vers le sol, un cahier avec une couverture vichy dans les mains.

- Si je l'avais trouvé plus tôt elle serait sûrement en vie...

Le blond se mordit la lèvre. Pourquoi avait-il fallu qu'il remue le couteau dans la plaie en tiltant le seul truc auquel personne n'avait pensé ? Il se posait la question, encore et encore, alors que J-Hope fondit en larmes, le nez coulant sur sa bouche entrouverte qui sanglotait. Tant pis pour sa veste. La moindre des choses que le blond pouvait faire, c'était essayer de panser les plaies qu'il avait lui-même rouverte. YunGi l'attira contre lui et glissa une main dans ses cheveux. Il sentait bon. Un mélange de tabac froid et de shampoing à l'hibiscus.

- Ça n'aurait pas changé grand chose. Au moins... si tu en as toujours envie, tu peux avoir la réponse.

- J'aurais dû l'empêcher de partir ce jour-là ! J'aurais dû la supplier de ne pas me faire attendre... ou la menacer de manger son éclair au chocolat ! J'en sais rien, mais elle méritait pas ça !

- Je sais HoSeok... personne ne mérite ça. Même pas Charles Manson.

Le brun ne répondit rien et appuya un peu plus sa tête contre le cou du blond.

- J'aurais jamais pensé ça de toi... prendre les gens dans tes bras alors que tu détestes qu'on te touche pour autre chose que la baston...

- Que veux-tu... les gens changent HoSeok...

Oui, ça c'était certain. Le brun releva la tête, essuya son nez avec sa manche de gilet et attrapa les joues du blond pour approcher leurs lèvres. Le baiser fut tendre, presque désespéré, comme un appel au secours de HoSeok, qui lui hurlait de ne plus le laisser seul. Maintenant qu'ils s'étaient trouvés, ils ne se lâcheraient plus. Sans le savoir, puisqu'aucun des deux ne le jura à l'autre. Mais le brun savait que sans lui, jamais il n'aurait eu le courage de trouver la vérité, et de l'affronter. YunGi quant à lui, sentait qu'il pouvait enfin vivre correctement sans avoir peur de parler aux gens, d'être laissé.

- Tu sais HoSeok... je t'aime bien...

Les mots étaient sortis tous seuls dans un murmure, presque inaudible. Le brun sourit. Rien de plus. Son cœur se brisait un peu plus en même temps qu'il se réparait. Et même si ça allait être plus facile de surmonter tout ça, il fallait quand même affronter la vérité, et il ne s'en sentait pas capable, seul ou à deux. Ses parents seraient dévastés, peut-être même plus que lui alors qu'il était très proche de sa sœur.

YunGi fit un pas à l'intérieur, referma la porte derrière lui. HoSeok déglutit, se retint de vomir la bile qui lui brûlait la gorge, en sursit. Ses doigts glissèrent sur la couverture, bientôt rejoints par ceux de Suga. Il les entrelaça, comme si ça pouvait lui donner la force qu'il n'avait pas, puis fit basculer la couverture pour entamer la longue et intrusive lecture de la vie de sa sœur.



Le journal était bel et bien la pièce manquante du puzzle. HoSeok n'eut le courage de lire lui-même les mots inscrits dans le carnet alors YunGi, la voix tremblante, lui fit la lecture. Il y retraça tous les bons moments que HoSeok et Dawon avaient partagés, qui les avaient unis un peu plus chaque jours, qu'elle avait décrit comme le rayon de soleil de ses journées universitaires.

Elle y décrivait ensuite cette peur qui avait grandi comme une tumeur en elle alors qu'un certain SangWon se faisait de plus en plus opprimant, la suivant en voiture jusque chez elle, lui laissant des cadeaux anonymes dans son casier : échantillons de semence, lettres d'amour signées avec des mèches de cheveux, photos d'elle se changeant avant d'aller dormir... Elle avait fini par prendre son courage à deux mains et donner rendez-vous à son stalker pour le menacer. Dawon avait bien expliqué dans son journal le lieu et la date précise de la rencontre, le même jour des emplettes avec son frère, devant la pâtisserie. Elle avait caché le journal dans la remise du jardin, sous les yeux de son frère, parce qu'elle craignait qu'il lui arrive quelque chose, et le cas échéant, voulait que quelqu'un se rappelle de l'endroit où elle avait exposé ses secrets.

La suite était simple. Elle était montée dans la voiture, avait menacé SangWon, qui du coup avait démarré la voiture en trombe. La police avait retrouvé le jeune homme pendu dans le gymnase de l'université quelques jours après ça, mais Dawon ne fut retrouvé que deux jours après la découverte du journal, enterrée derrière ledit gymnase.

YunGi se surprit à pleurer avec HoSeok lors des funérailles. Depuis ce jour, les deux ne se quittèrent plus, et montèrent une agence de détective privé en ligne, partageant les honoraires. Ils revinrent tous les vendredis soirs au Fight Club sous les yeux attendris de NamJun et SeokJin qui essayaient toujours les mêmes verres, et se tapèrent sur la gueule jusqu'à ce que leurs vieux os ne leur permettent plus rien d'autre que de rester assis au bar à siroter des bières. 


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Salut. J'espère que ce qui devait être un OS mais qui fait finalement quatre chapitres t'aura plu. 

J'ai eu du mal à avoir des idées au début, et peut-être que ça se sent (et ça a dû en dégouter plus d'un), mais si tu es arrivé(e) jusque là, alors merci à toi. 

N'hésite pas à me laisser un petit commentaire pour me dire ce que tu en as pensé, bon comme mauvais, ça ne peut que m'aider. 

Bisous, 

Alice.

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