๛ partie unique.




Les heures s'écoulaient inlassablement, à tel point que Yankumi se surprit à décompter les secondes dans un silence pesant. Ses yeux mornes se glissaient sur l'horloge du vaste couloir menant au gymnase, tandis qu'un énième soupir agacé franchissait le seuil de ses lèvres.

Voilà bientôt une semaine qu'elle s'était vue assigner les tâches les plus inconvenantes en raison d'une punition, celle de trop, d'après les dires de ses professeurs. Et bien qu'elle fût persuadée de s'en tirer avec quelques heures de retenue durant lesquelles elle flânerait en récupérant ses heures de sommeil, la voilà désormais devenue la ramasseuse de balles officielle des volleyeurs d'Itachiyama.

En plus d'être une tâche ardue, cela était une véritable source d'humiliation pour elle, condamné à courir derrière une balle jusqu'à nouvel ordre. Elle pouvait aussi compter sur le proviseur pour souligner ses multiples défauts, sans omettre également sur le sens de l'humour discutable de celui-ci qui lui répétait que de nombreuses jeunes filles de son âge rêvaient d'être à sa place compte tenu de la célébrité des joueurs.

Et sur cette dernière pensée, elle s'était finalement levée, en se grattant l'arrière des cheveux de manière flegmatique, geste pour le moins inhabituel chez une fille aussi vive que Yankumi, soulignant ainsi la rude épreuve qu'était d'être ramasseuse de balles.

Après quelques pas, elle s'apprêta à glisser sa pièce dans le distributeur, anticipant le réconfort d'une boisson fraîche. Cependant, un frisson la figea soudain lorsqu'une présence inattendue se fit sentir derrière elle. Curieuse, elle se retourna pour lui faire face.

C'était Sakusa Kiyoomi.

Ou l'homme le plus sinistre qu'elle ait rencontré.

Depuis le tout premier jour où elle avait foulé le seuil du gymnase, Yankumi avait directement cherché à créer des liens avec les joueurs, et elle y était parvenue avec les quelques uns d'entre eux qui avaient été épargnés de cette vanité du champion.

Yankumi était pourtant persuadée de détester très peu de choses et, surtout, très peu de personnes. Elle pouvait même jurer que ça pouvait facilement se compter sur les doigts d'une main, cherchant toujours à se faire des amies du fait de sa nature extrêmement sociable, mais visiblement, Sakusa Kiyoomi faisait exception à la règle.

De toutes les personnes qu'elle a croisées dans sa vie, Sakusa était le moins avenant. Elle ne le détestait pas réellement, car il n'avait jamais commis d'acte particulièrement odieux à son encontre. Pourtant, malgré une connaissance de longue date, une familiarité de façade depuis le collège, elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir une aversion sous-jacente pour lui, qui se cultiver contre son gré : notamment depuis qu'elle avait été assignée à cette maudite punition.

Elle se remémore la première fois où elle avait tenté d'interagir avec lui dans un cadre formel, contrainte de se soumettre aux présentations devant les membres du club ; outre l'ignorance affichée à son égard, il avait souligné sans ménagement que la connaissance de son nom était inutile, arguant qu'elle n'était qu'une racaille se contentant de récupérer leur ballon tel un vulgaire toutou.

À la suite de cette pique acerbe, Yankumi s'était aussitôt braquée, tant le mépris transpirait de ses paroles, au point qu'elle aurait pu jurer qu'il en était l'incarnation parfaite. Elle n'éprouvait aucun désir de lui faire la conversation depuis ce jour, consciente que leurs personnalités ne s'accorderaient pas ; ne récoltant en retour qu'un malaise palpable.

Mais cela ne l'étonnait pas plus que ça, conscient qu'il supportait déjà très peu de personnes. Et à en juger par ses habitudes solitaires, elle remarqua seulement qu'il n'avait pas changé depuis la première fois qu'elle l'avait connu pendant sa première année de collège.

Mais ce n'est qu'en le regardant de près que Yankumi s'aperçut de quelque chose d'étrange : outre le fait qu'il soit taciturne et peu accueillant, il y avait toujours dans ses yeux cette lueur d'agacement lorsqu'ils partageaient un contact visuel involontaire.

Pourtant, convaincue qu'elle ne suscitait d'autre sentiment que du dédain et de l'indifférence, elle ressentit bien vite que c'était son existence même qui semblait l'irriter.

Sakusa la jaugeait d'un air glacial et ennuyé, et les lèvres de Yankumi se pinçaient de frustration, ignorant totalement pourquoi ce dernier ne semblait pas la supporter. Elle détourna le regard, dans une démarche pacifiste et se recula du distributeur pour lui laisser la place.

Il n'affichait aucune considération quelconque et resta dans son mutisme, n'hésitant pas une seconde à répondre à sa faveur. Pendant ce temps, Yankumi se tritura les doigts, mal à l'aise et à la hâte de son départ.

Après un silence pesant qui semblait durer une éternité, Sakusa prit enfin la parole.

— Pourquoi es-tu ici ?

Yankumi écarquilla presque des yeux à sa question, qui semblait anodine, mais pourtant c'était la première fois qu'il lui adressait directement la parole.

Ou du moins, sans qu'elle n'ait à le solliciter.

— J'ai été punie.

Il ne répondit pas directement, laissant d'abord quelques secondes planer avant d'arborer un rictus dégoulinant de dédain et de sarcasme.

— C'est étonnant, pourtant je n'ai entendu que du bien de toi.

Yankumi était du genre simpliste, mais elle saisit instantanément la pointe de sarcasme qui se cachait derrière ses mots. Malgré tout, elle ne laissa pas la colère l'envahir, préférant garder le silence pour éviter de se mettre à dos celui qui semblait déjà la mettre dans une situation délicate.

Elle n'était pas si bête, avait-il pensé. Par ce fait, il se sentait soudainement frustré, ayant toujours eu l'habitude de ne jamais se tromper, calculateur comme il l'était.

— Et donc, tu comptes faire le pitre et agir de manière puérile pendant toute ta punition ?

Yankumi afficha seulement un air penaud, cet air qu'elle affichait lorsqu'elle se retrouvait devant une personne qui manifestait de l'hostilité envers elle.

— Je... Je ne vois pas où tu veux en venir...

Elle se défendît risiblement, incarnant la simplicité pure, un être sans tache ni pli. Le sarcasme et l'insolence glissaient sur elle comme des gouttes d'eau sur une feuille de lotus.

À sa réponse credule, Sakusa s'en moqua, une mine suffisante au visage.

— Tu n'as pas l'air d'être une lumière, dit-il toujours aussi froidement. Je déteste les maladroites dans ton genre. Ça doit faire la cinquième fois dans la journée que tu fais tomber le panier de ballon.

Et il n'avait pas tort. Yankumi était très maladroite, ce qui pouvait être très agaçant sur le long terme, mais dans cette situation, ça pouvait plus ou moins se comprendre.

Itachiyama détenait en son sein les plus grands volleyeurs lycéens, parmi lesquels Sakusa se distinguait, figurant parmi l'élite des joueurs nationaux de sa génération. Son talent avait été façonné dans l'élitisme le plus brut. À son arrivée dans le club, le numéro dix avait réussi à se démarquer dès les premiers instants, le virtuose incontesté.

Et cela avait dépassé Yankumi, bien qu'elle fût facilement impressionnable. Pour une fois, elle avait une raison légitime de l'être. Sa maladresse innée s'était donc accrue d'une manière considérable, la ridiculisant plus qu'elle ne l'était à l'origine, accumulant les catastrophes.

— C'est pas de ma faute si j'arrive pas à suivre la cadence.

Sakusa tiqua avec irritation et tranche crûment.

— Même une fonction aussi pitoyable que ramasseur de balles, tu ne sais pas la gérer, c'est assez pathétique.

Yankumi arqua les sourcils tout en demeurant silencieuse, consciente que contrarier la situation ne ferait qu'aggraver son état déjà désastreux. Si Yankumi se montrait honnête avec elle-même, Sakusa lui inspirait une certaine crainte.

Sakusa soupira finalement devant son absence de réponse.

— Tu es bien plus pathétique que je ne le pensais, Ojiho Yankumi.




































D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Kiyoomi a toujours été peu friand des relations humaines. En dehors de son foyer, il ne tolérait qu'une seule personne : Komori, son cousin qui l'avait initié à la passion du volley. C'est depuis ce jour, alors qu'il n'était encore qu'un enfant, qu'il se prit d'affection pour ce sport, y trouvant un semblant de quiétude et un réel réconfort.

Sakusa, naturellement très fier et orgueilleux, refusait d'admettre que sa germaphobie le handicapait au quotidien. Inconsciemment, il reléguait cette souffrance banale en la décrivant comme des aspects de la vie qu'il méprisait simplement.

Cependant, lors de rares moments d'égarement loin de sa passion, Sakusa se questionnait sur ce que cela faisait d'être au milieu d'une foule, de donner des poignées de main et des accolades sans ressentir un profond dégoût et une gêne incontrôlable.

En dehors de l'aspect social, les efforts d'attention à faire au quotidien étaient innombrables, au point où il avait fini par évaluer la quantité potentielle de germes d'un endroit à un autre. De plus, dans son hygiène, cela lui occasionnait également une anxiété induite par sa crainte irrationnelle d'être contaminé. Et au fond de son esprit, il éprouvait secrètement la crainte que cela puisse être un obstacle au niveau professionnel.

Sa germophobie était quelque chose qu'il avait mal vécu, souvent décrédibilisé par son entourage qui prenait sa peur en moquerie. Sakusa n'avait jamais véritablement osé exposer sa difficulté à vivre avec ce fait et avait fini par s'y adapter.

Cela lui fit voyager dans les méandres d'un souvenir, une réminiscence qui, après tant d'années, demeurait si vive qu'elle l'avait profondément marqué.

Une fois, une seule fois, il croisa celle qui prit à cœur sa phobie. Ce fut lors d'une après-midi printanière, sous un arbre paré de pétales rosés. Là, après sa victoire au tournoi de volley du collège, elle arriva, un sourire tendre sur les lèvres, ses yeux ambrés empreints de compassion.

« Ça ne doit pas être facile d'avoir peur des microbes. »

Lui avait-elle soufflé avec innocence, sans aucune trace de moquerie, juste une sympathie certaine et un sourire lumineux. Et alors qu'il avait déployé tous les efforts possibles pour éviter toutes formes de maladies, Kiyoomi se trouva face à ses premiers symptômes ; frissons, rougeurs, chaleur mystérieuse, chatouillements à l'abdomen, Sakusa succomba à la fièvre implacable.

L'amour.

Et qui en était responsable ?

Ojiho Yankumi.

Ce maudit cancre. Elle représentait pourtant tout ce qu'il détestait chez une personne ; bruyante, extravertie, conformiste à l'excès sur le plan social, et surtout, intellectuellement restreinte. Et à chaque instant où son regard se posait sur elle, c'était pour être témoin de ses pitreries, de son manque considérable de gêne, de politesse et surtout, ce brin de malice insupportable habitait son regard.

Malgré tous les arguments qu'il avait contre elle, son cœur s'agitait furieusement dès qu'il la croisait dans le tournant d'un couloir, têtu et condamné à la désirer ardemment, au point d'en devenir presque lancinant. Il se souvient que lorsque les premiers émois ont commencé à éclore dans sa poitrine, il avait prié, espérant que cela soit aussi passager comme lorsqu'on guérit d'un rhume ou d'une angine.

Voilà quatre années qu'il en était affecté, captif d'une passion aussi envoûtante que troublante, le consumant jusqu'au plus profond de son être ; alors qu'il terrait ce sentiment comme l'or de Yamashita, Kiyoomi préférait disparaître en nuées de poussière plutôt que d'admettre pleinement son attirance pour celle que l'on considérait comme le bouffon attitré.

Et comme si cela n'était pas suffisant, voilà qu'elle venait encore tourmenter son pauvre cœur en devenant ramasseuse de balles pour le club de volley, pour ses coéquipiers, pour lui, l'endroit qu'il considérait comme son havre de paix, du moins, avant qu'elle n'apparaisse.

Sois maudite, Ojiho Yankumi !


























                          

                         Quelques semaines s'étaient écoulées depuis les premiers jours de sa sanction. Yankumi, par sa facilité à communiquer et à répandre la bonne humeur, avait plus ou moins réussi à s'intégrer au sein de l'équipe. Bien que la situation soit délicate, elle avait réussi à nouer des liens amicaux avec le capitaine - Tsukasa Iizuna - qui l'encourageait souvent à se rapprocher d'eux et l'invitait même à les rejoindre pour un repas au restaurant après une victoire.

En y repensant, Yankumi ne put retenir le sourire simplet qui vint se coudre sur ses lèvres. Il y avait décidément du bon dans son malheur et en son for intérieur, elle nourrissait le désir secret de le voir perdurer.

— T'as fini de rêvasser, Ojiho ?

La voix grave de Sakusa la prit au dépourvu, faisant glisser des frissons le long de son échine tandis que l'angoisse commençait à l'envahir. Délicatement, elle reposa le ballon qu'elle astiquait quelques instants plus tôt dans le panier, avant de répondre d'une voix fébrile trahissant sa fausse assurance.

— Euh oui, désolé.

Sakusa était arrivé à terme, comme il le redoutait, son besoin irrationnel d'avoir un quelconque contact avec elle l'avait possédé et avait balayé toutes ses vaines résistances.

Il ne comptait plus les fois où il l'a vue seule, là, à sa portée. Ces moments lorsqu'il se projetait — malgré lui — dans un monde dénué d'obstacles, ceux où elle riait et rougissait à ses mots. Il avait conscience que cela n'était que des pensées dérisoires, mais irrésistiblement et honteusement séduisantes. C'était une force qui le dominait, l'empêchant de résister ; ô combien il rêvait.

D'un monde où elle lui offrait les yeux de Chimène.

Mais ce désir persistant n'était qu'une chimère, et il le savait au fond de lui. C'était une des raisons pour lesquelles il n'avait pas de volonté de le rendre réciproque, car dans sa réalité, cela était impossible.

— Si t'as fini de te curer le nez, tu peux reprendre là où t'en étais, les balles ne vont pas se ramasser toutes seules.

— Je ne me cure plus le nez depuis l'année dernière déjà ! Se défendit-elle avec passion, presque fière de son exploit.

Yankumi dans toute sa splendeur, il souffla par le nez, exaspéré et secrètement amusé.

— T'es vraiment qu'un sac à microbes, Ojiho. Il va vraiment falloir revoir ton hygiène.

— Mon hygiène se porte à merveille, Sakusa, siffle-t-elle avec agacement. Et puis de quoi je me mêle d'ailleurs ?

Même lorsqu'elle s'irrite, sa crédibilité vacille, Yankumi était bien trop rayonnante, rendant la colère incongrue sur elle.

Sakusa chercha des reproches à lui faire afin de ne pas rendre la situation bizarre. Il était connu pour détester les longs bavardages, et il tenait à ne pas usurper sa réputation.

— J'espère que tu es fière de toi maintenant que tu as mis Iizuna dans ta poche. Il a même soudoyé le coach pour que tu viennes au camp d'été avec nous, tu vas encore foutre tes germes partout.

Lorsque la parvient à ses oreilles, Yankumi arbora un sourire éclatant, déclenchant une énième secousse dans la cage thoracique de celui-ci.

— C'est vraiment le meilleur Iizuna !

Aïe.

Yankumi esquissait un sourire, une lueur suscitée par un autre homme que lui.

Et la jalousie le frappa comme la foudre.

— Ton sourire d'idiot m'énèrve. marmonna-t-il alors que ses trais du visage était déformer par la contrariété.

Bien évidemment, cela n'alerte pas le moins du monde l'injuriée, car tout ce qu'elle voyait chez lui, c'était ce qu'elle avait l'habitude de voir constamment : de l'aigreur. De toutes les manières, rien que le fait d'exister semblait l'horripiler.

— T'as déjà été heureux dans ta vie, toi, déjà ? Lance Yankumi avec lassitude et parsemé d'une légère colère.

— Quand tu es loin de moi, Ojiho, oui, je suis heureux.

Et une dispute éclate.

— Et bien, pour une fois qu'on a un point commun. Stupide volleyeur.

Et voilà, Yankumi avait atteint son point de rupture, un seuil qui n'était même pas censé exister étant donné sa personnalité très décontractée, mais visiblement, Sakusa avait le don pour la pousser dans ses derniers retranchements.

— C'est toi qui te mets en travers de ma route, sa voix faiblissait légèrement avec amertume. Constamment.

— Tu veux faire le malin ?

Il suffit de quelques secondes avant que les iris sombres de Sakusa s'élargissent de stupeur, lorsqu'il vit l'objet que celle-ci tenait entre ses doigts ; ses lèvres se pincent de frustration avant de cracher.

— Misérable vermine.

Pour toute réponse, un ricanement caustique, bien que fugace, franchit la barrière des lèvres de Yankumi.

— J'ai ton gel hydroalcoolique en otage, et toc.

Sakusa se fustigea, un vif éclat d'indignation qui courait dans ses yeux, se poursuivant par de la fureur à l'instant où le sourire espiègle de celle-ci se dressa fièrement sous son nez.

— Rends-moi ça, Ojiho.

Implacable, Sakusa retrouva très rapidement son air maussade pour ne pas se laisser dépasser par les événements, à l'instant, il rêva simplement d'arracher ce foutu sourire et de récupérer son bien. Son léger rire malicieux lui provoqua une énième vague de colère ainsi qu'une douce brise chaleureuse encercla son cœur, et encore une fois, le champion d'Itachiyama devint un concentré de sentiments contradictoires qui se lézardaient et s'entrecroisaient.

Sakusa avait les germes en horreur, cela était un fait. En revanche, il était autant reconnu pour sa fierté mal placée et s'il y avait bien une chose qu'il haïssait avec passion, c'était qu'on le défiait, qu'on osait mettre son courage en question, et ce, avec moquerie.

Soudain, l'air se fit rebelle, s'accrochant à ses poumons, tandis qu'une senteur envoûtante de bois d'argent l'enveloppait. Surprise, Yankumi se retrouva face à lui, à cette soudaine proximité qu'il avait instaurée, la surplombant avec suffisance alors que son regard était peint d'une lueur qu'elle ne pouvait déchiffrer.

Il ne la touchait pas pourtant, c'était juste lui et ses cinq centimètres d'écart qui valaient mille étreintes.

Son sourire espiègle s'évanouit, emportant avec lui son assurance, tandis que sa gorge se serrait légèrement, ses jambes semblables à des mottes de cotons.

Et cette fois-ci, ce fut au tour de Sakusa de laisser transparaître une lueur de victoire sur ses lèvres — dissimulée derrière son masque médical — mais perceptible aux yeux aiguisés de Yankumi. Elle demeura complètement immobile, perdue dans ce jeu étrange de rapprochement subtil.

Et Il s'était enfin emparé de son gel hydroalcoolique, en observant que ceci était vraisemblablement dû à l'intimidation ou à un choc, sans aucun doute, Sakusa n'avait pas commis d'erreur, pourtant, il lui manquait un élément.

Du trouble qui l'avait fait clore en elle.

Plus rien ne le retenait, et de ce fait, il s'éclipsa. Laissant Yankumi et son air penaud alors qu'elle essayait de rassembler toutes ses pensées.

Elle ressentit une chaleur déroutante lui monter aux joues lorsque son odeur boisée se maintenait encore dans l'air. La manière dont ses doigts avaient touché les siens lorsqu'il s'était emparé de l'objet chapardé lui avait laissé une myriade de frissons, tant qu'elle en émouvait encore des picotements. »

Sois maudit, Sakusa Kiyoomi !




































Le bus scolaire avait commencé sa route, et Sakusa avait simplement envie de le flamber, lui et tout ce qu'il contenait. Iizuna avait finalement réussi sa mission, emportant sa ramasseuse de balles préférée avec eux en camp d'été. À cet instant, Sakusa avait enfin saisi le sens du proverbe qui disait que le malheur des uns faisait le bonheur des autres.

"Il est amoureux d'elle ou quoi ?" n'avait-il pas pu s'empêcher de pester intérieurement.

Sakusa avait pleine conscience de ses réactions enfantines ; c'était précisément pour cette raison qu'il s'efforçait de maudire inlassablement Ojiho dans son esprit. Il détestait ce qu'il éprouvait, au plus haut point, particulièrement lorsqu'il se remémora du moment de faiblesse dont il avait fait preuve en allant délibérément engager la conversation avec elle, lui qui s'était pourtant juré de l'éviter comme la peste.

Quatre ans s'étaient écoulées, quatre années qu'il s'était épris de Yankumi durant lesquelles il constatait à quel point l'amour était un sentiment incompatible avec lui. Souvent, il entendait Komori lui répéter à quel point l'amour pouvait rendre simplet, et personne n'en était épargnée, pas même ceux qui avaient été gratifiés d'une intelligence innée.

Sakusa se laissa emporter par ses pensées, au point d'en perdre complètement la notion du temps et de ne pas remarquer qu'ils étaient arrivés à destination. Cependant, il se réveilla promptement, tiré de ses pensées par la voix de son cousin.

— Omi-omi, dépêche-toi avant que les autres prennent les meilleures chambres !

Sakusa soupire d'exaspération avant de répondre d'une voix morne.

— C'est une pièce commune, il n'y a pas de chambre.

— T'es toujours aussi fort pour casser l'ambiance. Fit le châtain dans une mine déçue.

Juste à leur côtés, Yankumi assistait involontairement à leur conversation, veillant à à rester près d'eux pour ne pas se perdre, compte tenu de son sens de l'orientation défaillant. Cependant, sa proximité attira l'attention de Komori.

— Oh Yankumi, tu n'es pas avec Iizuna ?

Yankumi sentit de légères rougeurs lui monter aux joues due à l'embarras, elle répondit en essayant de paraître décontractée.

— Iizuna est parti à l'intérieur du camp et je l'ai perdue de vue.

— Alors tu comptes nous coller aux basques pendant ce temps ?

Il n'avait pas pu s'en empêcher, Kiyoomi et sa langue acérée était visiblement de retour pour l'accueillir. Déjà qu'il arrivait à peine à accepter sa présence imposée par son maudit capitaine, l'idée qu'il soit obligé de l'avoir constamment autour de lui le fit presque grincer des dents.

Naïve comme Yankumi l'était, elle avait imaginé profiter de ce camp pour se détendre, mais Sakusa lui rappela bien rapidement qu'elle s'etait fourvoyée. Aucun humains dans ce bas monde ne lui avait causé autant de courroux et d'exaspération que lui.

— Le monde ne tourne pas autour de tes jolies bouclettes, Sakusa Kiyoomi. 

Une lueur de surprise anima les iris sombres et habituellement effacées du numéro dix, étrangement, il fut à la fois agacé par sa remarque sur ses cheveux mais étrangement amusé par son brin de sarcasme.

— Est-ce que je vois là une tentative d'un retour plein d'esprit ? Ce genre de choses est pourtant réservé aux personnes dotées d'intelligence, Ojiho Yankumi.

Yankumi se mordit la lèvre, à court de réponses,cherchant en vain une riposte acérée, consciente que Sakusa trônait déjà en maître sur ce terrain. Et Komori, qui était spectateur jusqu'à la, prend enfin la parole.

— On devrait peut-etre aller rejoindre les autres non ? Fit-il remarquer.

Yankumi acquiesça promptement, voyant là une occasion de s'extraire d'une énième querelle avec le champion d'Itachiyama.

Suite à cela, tous se rassemblèrent devant l'imposant gymnase, où évoluaient plusieurs équipes et joueurs tout aussi prometteurs. Malgré qu'Itachiyama incarne les champions incontestés parmi les lycéens à l'échelle nationale, ils ne semblaient pas enclins à se relâcher, surtout en observant avec quelle rapidité les nouveaux talents se développaient, notamment Karasuno.

A peine avait-il mis un pied que Sakusa s'échauffa, installant un silence mortel autour de lui. Yankumi avait indéniablement bon nombre de reproches à faire à Sakusa, mais s'il y avait bien certaines choses qu'elle ne pouvait pas remettre en question, c'est son talent brut, son aura de champion et son génie évident.

En contemplant Sakusa, Yankumi aurait également souhaité découvrir sa voie et y développer un talent. Cependant, elle estimait en premier lieu ne pas posséder ni l'intellect de ce dernier, ni sa rigueur, ni même des ambitions aussi puissante que le numéro dix ; uniquement passionné par la pistache et les frères Winchester.

Ses souvenirs se limitent à l'éloge de son entourage pour sa maîtrise du football lors de ses années de primaire. Elle considérait cette activité comme une parmi tant d'autres, sans la détester mais sans non plus s'y adonner passionnément.

Ses iris dorés se posèrent alors sur lui tandis que ses pensées s'entremêlaient. Yankumi prit soudainement conscience qu'elle n'avait jamais pris le temps de l'observer attentivement, du moins, d'un regard léger et dépourvu de jugement. Elle remarqua que malgré son tempérament sombre et lugubre, dès qu'il entrait en contact avec le ballon, Sakusa semblait rayonnait.

Elle se demandait si c'était le fruit de son imagination, mais elle avait l'impression que chacun de ses gestes était minutieusement orchestrée. Bien que cela puisse sembler impressionnant d'un point de vue objectif, pour ceux qui connaissaient Sakusa et son inébranlable pragmatisme, ces choses 
n'avait rien d'extraordinaire.

En effet, pour Sakusa, la virtuosité était simplement inhérente à sa nature.

Et alors qu'elle se perdait dans ses pensées, son esprit revint et ses yeux recroisèrent l'apparence de Sakusa, son regard s'éternisa au point qu'il en vint à éclore un semblant d'intérêt,  sentant cœur frémit d'une légère braise ; annonciateur d'un chaos imminent dont Yankumi n'avait encore nullement connaissance.

Yankumi sentit ses lèvres trembler légèrement tandis que son cœur accélérait — les yeux qui se perdaient en lui, et les projecteurs du gymnase semblaient monter en luminosité, ne faisant briller qu'un être parmi tant d'autres sur le terrain.

"Quelle beauté !" Clama une des voix aliénées dans l'esprit de Yankumi.

Oh oui. Qu'il était beau, que sa passion était belle, que son talent était captivant, que son intelligence était effrayante, splendide était-il ! Cela n'avait rien de matériel pourtant, c'était un éclat abstrait, presque métaphysique. Ce n'était ni ses jolies bouclettes et ses iris onyx, non c'était juste lui. Lui et son talent brut, et l'aura rayonnant qu'il enveloppait.

Et son cœur s'agita, alors qu'une myriade d'implosions enflammées s'acharna dans sa cage thoracique : semblable aux feux d'artifice de Nagaoka. Elle n'avait jamais ressenti telle sensation, qu'elle en paniqua presque, ses joues s'empourprèrent, sa gorge devint sèche et pâteuse, alors que les prémices de symptômes déroutants vinrent la contaminer.

Cela était encore trop récent pour en déterminer et en attribuer des mots précis, mais tout ce qu'elle savait à ce moment-là, c'est que ce ne présageait rien de bon.








































Seulement un week-end s'était écoulé entre-temps, et la durée du camp d'entraînement semblait interminable pour Yankumi. Regrettant presque d'avoir accepté l'invitation d'Iizuna, mais elle ne pourrait jamais lui dire, vu tout le combat acharné qu'il avait mené pour l'embarquer avec eux.

Pour la première fois de sa vie : Yankumi s'adonnait à une profonde réflexion, contrainte par la tourmente qui l'assaillait depuis qu'elle avait pris la décision de les accompagner, une tourmente engendrée par ce maudit champion : Sakusa Kiyoomi.

Elle demeurait perplexe, incapable de saisir pourquoi ce dernier semblait envahir son esprit sans lui accorder le moindre répit, pourquoi il hantait incessamment ses pensées, pourquoi elle se trouvait soudainement si intriguée par sa personne, de quelle manière ressentait-elle subitement le besoin d'en apprendre davantage sur lui alors qu'une telle curiosité ne l'avait jamais effleurée auparavant.

Des questions dénuées de sens, incessantes et surtout sans réponse : qui lui laissa indéniablement qu'une frustration amère.La seule hypothèse que Yankumi avait émise était que la proximité forcée avec une personne qu'elle avait jusqu'alors ignorée perturbait assurément son esprit.

Que ce soit durant ses années de collège ou sa première année de lycée, dans ses souvenirs, elle n'avait jamais véritablement échangé avec lui, à l'exception des disputes bien entendu. Et quand bien même, ses querelles n'existait que depuis peu.

Son regard se porta sur l'affiche suspendue au mur d'un des nombreux gymnases du camp. Les élèves de dernière année avaient organisé un test de courage lors du barbecue prévu ce soir au camp. Yankumi, d'ordinaire friandes de ce genre de choses, elle était bien trop épuisée pour manifester quelconque enthousiasme. Les tensions et la fatigue accumulées semblaient avoir atteint un tel point qu'elle éprouvait à peine le désir de participer à cette festivité.

Mais elle y était bien obligée de toute manière, Komori et Iizuna l'avaient particulièrement sollicitée. Même Sakusa participait, bien qu'il n'en avait pas l'ombre d'une envie. Il y avait été contraint, tout comme elle.

Les heures s'écoulèrent et Yankumi se chargea de servir, de préparer les portions de repas et de surveiller tous les joueurs du camp : de toute évidence, le coach d'Itachiyama lui avait confié une tâche bien trop disproportionnée. Heureusement, elle n'était pas seule et quelques-uns des joueurs s'étaient portés volontaires pour lui prêter main-forte.

— Yanii', interpelle Iizuna au milieu de la foule qui se chargeait de l'organisation. N'oublie pas le test de courage !

La concernée rougit presque au surnom affectif que lui avait attribué le capitaine d'Itachiyama, et se contente d'hocher vivement la tête.

La célébration battait son plein et l'odeur de la viande grillée emplissait ses narines tandis que des groupes se formaient, riant et créant une ambiance joviale. Yankumi resta en retrait avant de rejoindre finalement les quelques joueurs d'Itachiyama dans les alentour, cherchant ainsi un point de repère.

Le test de courage avait enfin débuté, Iizuna arborait un large sourire alors que tous les participants se dirigeaient vers le lieu de l'événement : une vaste plaine parsemée d'arbustes mais insuffisante pour être qualifiée de forêt. Ils étaient en binômes et devaient simplement retrouver une sacoche contenant le butin remporté par le vainqueur : un maillot officiel du célèbre joueur Nicollas Romero, semblable au Saint Graal pour tous les participants.

— Ça se voit peut-être pas comme ça, mais le plus déterminé d'entre nous, c'est bien Omi-omi, déclara plus sérieusement Iizuna. C'est un fan inconditionnel de Romero, il ne va pas nous faire de cadeau, alors sois prudente et reste avec moi Yanii, d'accord ?

À ses mots, Yankumi retrouva son fin sourire espiègle qui la caractérisait. Faire équipe avec le capitaine et qui plus est, pour ratatiner Sakusa, que demander de mieux ?

— Ce maillot sera à nous ! Clame-t-elle déterminée en serrant le poing.

— Et bien, je l'espère ! Répond Iizuna en lui ébouriffant les cheveux.






































Yankumi se trouva rapidement isolée, égarée au cœur de nulle part, alors qu'Iizuna avait disparu de sa vue. Quelques instants d'inattention avaient suffi pour la désorienter et le perdre en chemin.

Une sensation de froid intense envahissait celle-ci, tandis que la peur s'insinuait insidieusement. Seuls les cris stridents des criquets rompaient le silence de la nuit. Tentant d'avancer, elle déboucha sur une clairière, et ses yeux s'écarquillèrent devant ce qu'ils découvrirent.

Elle se rendit compte qu'elle était revenue au point de départ, manifestement, en voyant la fontaine dans laquelle les joueurs avaient commencé leur excursion.

Un peu désespérée, Yankumi décida d'emprunter la suite la plus logique : rester sagement auprès du point de départ en espérant qu'Iizuna passerait par là. Elle s'assit sur le bord de la fontaine d'eau et prit le temps d'observer le joli spectacle au clair de lune, l'écho de l'eau qui coulait la détendait et elle sentit sa peur s'endormir peu à peu.

Tiens, qui va là.

Le cœur de Yankumi bondit violemment sous la surprise et un hoquet sortit de la barrière de ses lèvres et accidentellement, elle se renversa à l'arrière et tomba dans la fontaine d'eau.

Sakusa, qui était visiblement le responsable, paniqua légèrement.

— Ojiho !

Il s'approcha de la fontaine, alors qu'une rare lueur d'inquiétude traversa ses iris onyx. Cependant, il jugea que la profondeur de l'eau était bien trop minime pour s'en alarmer, surtout que cela le conforta dans son idée de ne pas attraper plus de germes qu'il ne doit y en avoir dans cette fichue plaine.

Yankumi se releva un peu difficilement, le souffle hachée et les sourcils froncées ; signe de son courroux.

— Espèce de gros crétin ! Qu'est-ce qui t'a pris de m'interpeller de cette manière ?

L'expression de Sakusa se renfrogna, se sentant assez coupable d'avoir provoqué sa chute, mais aussi légèrement irrité de se faire gronder comme un enfant.

— En même temps, il n'y a que toi pour avoir des réactions aussi stupides.

— Tu peux être normal et t'excuser ?

Sa seule réponse fut un soupire moqueur et dédaigneux.

Yankumi lève simplement les yeux au ciel et s'installe sur l'herbe, tandis que Sakusa la jugeait avec un air dégoûté. Ses vêtements humides, qui lui adhéraient à la peau, et la fraîcheur de la nuit lui causaient des frissons, tandis que ses lèvres rosées viraient légèrement au violacé.

Soudain, elle sentit la présence de Sakusa derrière elle, et avant  qu'elle ne puisse l'interroger, elle se trouva enveloppée d'un vêtement sec, nettement trop large pour sa taille d'un mètre soixante-cinq. Elle ressentit alors son maudit parfum de bois d'argent l'envahir.

— Sakusa..? Ne put-elle s'empêcher de murmurer, sous une œillade troublée.

— Si tu tombes malade, j'aurai plus de chance d'être contaminée. Fit-il comme si cela allait expliquer son geste étrange.

Quelques secondes passent avant que celui-ci décide de prendre place à ses côtés, s'assurant tout de même de garder une distance qu'il juge raisonnable. Il ne brise pas le silence, se contentant seulement de regarder le ciel étoilé.

— Tu trembles comme une feuille.

Sakusa avait simplement constaté ce fait, il ne s'attendait pas à une réponse, ni à une réaction. Ses yeux s'attardent un instant sur le visage de Yankumi, alors qu'une mèche mouillée s'était étalée en plein milieu de son visage.

Elle se trouve indubitablement attirée par son regard ardent, et tous deux s'égarent dans la profondeur du regard de l'autre. Il semble qu'ils viennent de se découvrir mutuellement en profondeur. En particulier, Yankumi qui ressent son corps tremblait, annonçant un commencement de fièvre, tandis que lui, perçoit tous ses sentiments prohibés ressurgir.

Comme s'il était devenu la chose la plus délicate et fragile du monde, Sakusa passa ses doigts fébriles, osant à peine la toucher, sur la peau de sa joue. Yankumi se statufia, figée, gelée sur place, alors que la lueur dans les iris de Sakusa devint plus vive, plus désireuse.

Le cœur du champion s'agita, ouvrant la porte à sa vulnérabilité ; lorsqu'il souffla par mégarde.

— Tu es belle.

Yankumi ressentit le sol se fissurer sous ses pieds, son cœur chutant alors que ses yeux s'écarquillent. Était-ce la folie qui la gagnait ? trois mots, plus surprenants les uns que les autres, s'assemblant pour former une phrase que jamais, même dans un million d'année, n'aurait imaginé l'entendre prononcé.

Cette caresse légère, telle une toile en devenir sur sa peau, fut le point de départ. Son souffle s'emballa, tandis que son esprit tentait de saisir l'instant.

— Sakusa...

Ses doigts, après avoir exploré sa peau, frôlèrent désormais ses lèvres avec une délicatesse infinie. Enivré par la passion du moment, il comprit qu'il était désormais engagé sans retour possible.

Chacun de ses gestes, chacun de ses mots, dépassait de loin cette déclaration mièvre qu'il peignait dans ses fantasmes. Et alors que ce moment atteignait son apogée, le bruit de pas craquant marqua sa fin.

— Yanii, t'es là ?

C'était Iizuna, il avait enfin retrouvé.

— O-oui je suis là !

Elle s'était rapidement relevée, presque paniquée alors qu'à l'opposé de Sakusa, celui-ci semblait totalement détendu, comme si rien ne s'était passé.

— Où est-ce que t'étais ? Demanda le blond le souffle haché, mais il s'arrêta dans sa course, Sakusa ?

— Je l'ai croisée quand je t'attendais devant la fontaine. Expliqua-t-elle laconiquement.

Iizuna avait une expression assez troublée, Yankumi lui avait répondu bien trop étrangement à son goût et le mutisme de Sakusa ainsi que sa mine indéchiffrable le laissa perplexe.

Mais il balaya directement ses questions et afficha finalement un grand sourire.

— Devine qui a gagné le test ?

Les yeux de Yankumi s'illuminent lorsqu'elle vit le fier maillot de Nicolas Romero entre les mains du capitaine.

— Oh Iizuna ! s'exclame-t-elle dans un grand sourire, c'est génial, bravo !

Alors que Yankumi s'approchait pour féliciter le vainqueur, Sakusa demeurait imperturbable, dissimulant habilement le tumulte qui agitait son esprit. Les gestes imprudents, les compliments fugaces échangés entre deux effleurements l'avaient convaincu qu'il avait perdu toute raison.

Cependant, c'est surtout le regard critique de Yankumi qui le marqua profondément, le jugeant comme un être dépourvu de bon sens.

Et sans un mot, il se retira subitement, abandonnant le duo derrière lui.































La soirée se termina, assez lentement, à compter par ceux qui s'étaient éclipsés avant pour éviter de tout ranger et ceux qui voulaient faire perdurer la fête. Yankumi se situait un peu près dans le fond de la salle, assignée au lavage des tables et des vaisselles avec quelques managers de diverses équipes présentes.

Alors que Yankumi accomplissait machinalement ses tâches, son esprit divaguait sur les récents événements. Elle se remémorait en boucle ce moment déroutant partagé avec Sakusa. Les sensations persistaient : les doigts de Sakusa traçant délicatement un sillon sur sa mâchoire, ses yeux brûlant d'une convoitise ardente, et son parfum qui l'avait enveloppé.

Yankumi se demandait encore si elle n'avait pas halluciné, si ce n'était pas la fatigue qui avait eu raison d'elle. Elle pouvait encore sentir son cœur palpiter, son être tremblait sous le bout de ses doigts.

La manière dont elle avait répondu, murmurait son nom; désespérément, laissant sa faiblesse transparaître entre ses lèvres, comme si dans son souffle, elle émettait tous ses troubles, ses questionnements, ses craintes, son désir naissant et encore trop frais pour qu'elle sache ce qu'il en était. Ô combien elle aurait aimé que Iizuna ne vienne pas les interrompre, quelle aurait découvrir à quel point ils auraient pu perdre le contrôle.

À cette réflexion, elle ressentit la honte lui monter aux joues, embarrassée d'avoir seulement envisagé que ce moment perdure, l'idée même d'être effleurée par cet individu insensible devrait la révulser.

Cependant, en dépit de tout, quelque chose au fond d'elle le réclamait.

— Ojiho.

Tout son corps se fige lorsqu'elle entendit sa voix dans son dos, cette fichue voix qui appartenait à celui qui la tourmentait.

— Oui..?

Sakusa avait une expression imperturbable affichée au visage alors que son caractère morne et las était revenu.

— T'as toujours pas terminé ? Le coach t'attend pour manger.

La pression redescendit d'un coup, soulagée qu'il n'évoque pas le sujet de ses craintes.

— Euh oui, il me reste juste les chaises à ranger et ça devrait être bon.

Sakusa ne répondit pas, il se contenta seulement de l'observer pendant un moment alors qu'elle se déplaçait un peu partout dans le gymnase.

Il va sans dire que le motif de sa présence en était manifestement fallacieux. Son but véritable avait était d'évoquer avec elle l'épisode survenu derrière la fontaine, ce moment intime qu'ils avaient partagé à deux.

Ce n'était cependant ni le lieu approprié, ni le moment. Elle était occupée, fatiguée et assurément stressée en vue des jours à venir. Quant à lui, il n'était qu'un idiot frustré, tourmenté par ses propres sentiments.

— Ojiho, j'ai lutté.

La concernée rapporta son intention sur lui, perplexe et assez perturbée par cette déclaration énigmatique.

Il s'approcha avec précaution, avançant comme s'il foulait des œufs. Après avoir dégluti, il recouvra le peu de courage qu'il avait pu rassembler pour poursuivre d'une voix empreinte de vulnérabilité.

— Tu m'énerves. Se plaint-il presque par frustration. Toi et ton éternel sourire idiot..

— Je ...

— Je n'ai pas terminé.

Il l'a coupa avant même qu'elle puisse dire quoique ce soit, elle se tut instantanément et finit par l'écouter.

— J'ai essayé en vain, de te faire disparaître de mes pensées, de mon esprit... mais tu es constamment présente, là, à me tourmenter depuis ce foutu jour de printemps.

Il pris le temps, quelques secondes à peine pour rassemblait ses mots, pour lui montrer tout ce qu'il ressentait au cours de quatre années. Ses poings se serraient, comme si chaque lettres possedés une lame acérée myriades de poignards dans l'ame; totatalement consciencieux qu'il prenait là un gros risque.

— J'ai même pas les mots pour dire à quel point je te déteste de me faire subir ça, mon Dieu que je te hais Ojiho.

Sa voix avait mouru dans sa gorge, mcomme un sanglot, alors que sa salive était selblable à une lave volcanique qui lui brulait la trachée.

— Je te hais de me rendre si faible, si amoureux.

Sans qu'elle ne puisse les retenir, Yankumi sentit les larmes apparaître aux coins de ses yeux. Les sombres nuages de ses doutes se dissipèrent, laissant son cœur en proie à une tempête d'émotions.Mais dans ce tourbillon intérieur, une colère sourde et une déception amère tissèrent leur toile, prenant le dessus sur tout le reste.

— Est-ce que je dois te remercier à genoux ? Ne put-elle s'empêcher de répondre, la voix fébrile.

Le visage de Sakusa se décomposa à cette réponse, il n'en revenait pas. Lui qui venait de se mettre à nu, écrasant son orgueil pour que sa fierté soit bafouée de la sorte.

— C'est tout ce que tu as à me dire Ojiho... sa voix chancelle, après que je t'ai déclaré mon amour, après m'être humilié devant toi ?

— Un amour maudit à ce que j'entends ! Répondit Yankumi, à la fois frustrée et offensée. Parler d'humiliation quand tu évoques tes sentiments, n'as-tu pas là une intention évidente de me blesser ?

Un rire s'échappe de sa gorge, dénué de joie, une manifestation de l'ironie du moment et à quel point il trouvait ses propos absurdes.

— Et donc quoi Ojiho ? Tu t'attendais à ce que j'accepte un sort pareil ?

— Et qu'est-ce qu'il y a de mal à aimer enfin ?

— Il n'y a rien de mal à aimer, certes, mais tu parles d'acceptation, la blague ! Lança Sakusa, dans un rire sans joie. Décidément Ojiho, tu n'usurpes pas ta réputation de clown, c'est la première de tes blagues qui arrive à me faire rire.

Yankumi perdit son souffle.

— Que veux-tu dire par là ?

— Ce que je veux dire, c'est que tu me parles d'accepter ses sentiments, comme tu pouvais toi-même m'accepter.

Yankumi se figea finalement, alors que Sakusa lui balançait ses propres insécurités, et une douce lueur vint se peindre sur ses iris dorées.

— Pourquoi penses-tu que j'en serais incapable ... ?

Au fond, elle en avait connaissance, mais elle souhaitait s'en assurer.

— Tu sais quoi ? Oublie tout ce que je viens de te dire.

— Sakusa ! Attends!

Yankumi lui attrape le poignet, se mettant en travers de sa route et soudainement, elle prit conscience de sa phobie des touches physiques et s'écarta aussi vite que possible, mais toujours avec ce mélange de détermination et de vulnérabilité qui recouvrait ses yeux.

Mais elle se ravisa, lorsqu'elle vit le regard noir de Sakusa qui le dissuada directement d'insister davantage, mais au fond, comme une lueur aussi discrète qu'une brise d'été, elle aperçut une fine supplication, comme s'il implorait de cesser, d'en finir afin que son cœur ne souffre pas d'emblée.

Et dans un souffle résigné, Yankumi battit en retraite, un air abattu au visage, et ce fut sous les échos de ses pas qui s'affaiblissaient au fil des secondes que la discussion fut close.

Et une larme coula, puis une autre pour en accueillir par myriade, le cœur et l'esprit complètement retourné.

Oh s'il savait ! S'il savait à quel point elle en voulait au monde et tout ce qu'il contient depuis qu'il est apparu dans sa vie.





































Le camp d'entraînement, à son plus grand soulagement, prit fin. Cependant, Itachiyama n'avaient pas eu l'opportunité de se reposer, étant tous assignés à la préparation du gala sportif organisé par le fondateur des U19. Toutes les éminentes figures du volley dans la région de Tokyo étaient présentes, ainsi que quelques clubs inter-lycées de renom tels que Furukodani, Nekoma ou encore Nohebi.

Yankumi n'avait pas pleinement saisi l'importance de ce que représentait cette situation pour les joueurs avec lesquels elle était contrainte d'aider depuis le commencement de sa sanction. Néanmoins, elle s'était résolue à leur prêter main-forte, afin de les soutenir, même si cela ne faisait pas partie intégrante de sa punition initiale.

Ce tourbillon d'événements l'avait empêchée de se pencher profondément sur sa récente interaction avec Sakusa, un échange qui l'avait profondément ébranlée. Yankumi demeurait figée au stade préliminaire de l'acceptation, se questionnant toujours sur la nature du barbecue orchestré par les entraîneurs, craignant qu'il renfermaient des substances hallucinogènes. Un véritable casse-tête. Malgré ses investigations rationnelles et approfondies, aucune explication ne semblait convenir ; tout ceci était décidément dépourvu de sens.

Comment cela pouvait être possible ? Le fier et sinistre Sakusa épris de la désinvolte et irresponsable Ojiho Yankumi ? En voilà un composant d'élément qui exploserait en myriades au moindre frôlement, aussi incompatibles que l'eau et l'huile, oui, Yankumi en était persuadée maintenant.

Tout cela était une blague de mauvais goût.

Sakusa Kiyoomi est amoureux d'elle, Il l'aime comme Fitzwilliam Darcy aime Elizabeth Benett.

Rien que ça.

Elle n'arrivait pas vraiment à se faire à cette idée, de plus, elle avait trop été obnubilée par le fait qu'il n'accepte pas cet amour, sans prendre en considération ses propres sentiments.

Ses sentiments, oh misère.

Pourquoi était-il amoureux d'elle de toute façon ? Yankumi le détestait à ce moment-là. Elle avait envie de lui hurler dessus et l'envoyer valser en priant pour que tout redevienne comme avant, à ses années d'insouciance où le prodige Sakusa Kiyoomi n'était qu'une ombre qui passait entre deux couloirs.

Oh si tu savais, je te déteste tout autant, voilà un sentiment qui nous unis à part ce lien déroutant et indésirable, que je te hais Kiyoomi de m'infliger de tels tourments, que je te hais dans mon déni ou tout semble parfait.

Quelques instants après avoir clamé ces mots au plus profond de ses tripes, son regard tomba sur lui, et le monde se figea. Elle détourna directement son attention presque douloureusement alors qu'il commençait à lui rendre, ses iris onyx brûlants dans son dos qui firent d'elle un brasier éclatant.

Les va-et-vient des joueurs qui plaçaient les tables, les décorations, ceux qui s'occupaient de la nourriture et de l'accueil étaient une véritable main tendue pour s'extirper de cette situation. Yankumi assura au coach qu'elle s'assignerait à la décoration avec quelques secondes et volontaires différents qui s'étaient gentiment proposés pour prêter main-forte.

Ils progressaient à un rythme soutenu, approchant rapidement le moment d'accueillir les convives du gala. Yankumi devait apporter la touche finale en disposant une des décorations au sommet des rideaux à l'aide d'une échelle, mais la fatigue accumulée l'a rapidement rappelée à l'ordre.

Un seul instant d'inattention a suffi, une légère perte d'équilibre précédant la chute des trois marches ou elle était suspendue, sous un écho qui a avait attiré tous les regards et suscité des hoquets de surprise.

Y compris celle de Sakusa.

Fort heureusement, la chute ne fut pas d'une grande violence, elle était retombait sur son bras, évitant ainsi une commotion cérébrale. Cependant, cette issue ne suffit pas à le tranquilliser. Alors qu'Iizuna se proposait volontaire pour examiner brièvement les blessures de Yankumi, Sakusa prit les devants, presque avec jalousie.

— Tu peux te lever ? S'enquit-il d'une voix légèrement fébrile, trahissant son inquiétude.

Yankumi acquiesça simplement avant de se redresser péniblement, la douleur lancinante dans son bras. Elle le suivit jusqu'à l'infirmerie.

Arrivée à destination, Yankumi s'assoit doucement sur le bord du lit, son cœur battant lorsqu'elle  prit conscience de l'absence de l'infirmière ; se retrouvant ainsi isolée avec Sakusa entre quatre murs.

Après avoir fouillé dans les petites étagères, Sakusa trouva rapidement ce qu'il cherchait : une boîte où étaient rangés les outils de premier soin. Il vint s'asseoir à ses côtés et commença à passer la boule de coton alcoolisée sur la plaie de son bras.

— Tu n'es qu'une idiote Ojiho.

Dans un soupir, il rompit le pesant silence par ce reproche, tentant d'étouffer la peur qui l'avait saisi en la voyant chuter devant lui.

— Et toi, un emmerdeur. Ne put-elle s'empêcher de répliquer.

Il tiqua, alors qu'il passait maintenant au bandage.

— Je te déteste.

Quel menteur.

— Pas plus que moi.

Et quelle menteuse, finalement, ils se complétaient bien tous les deux, n'est-ce pas ? Mais comme le souligne un bon vieux dicton, quand le mensonge prend l'ascenseur, la vérité prend l'escalier.

Tout avait une fin.

Et elle venait d'être prescrite.

Leurs regards se croisèrent dans une entente silencieuse et partagée, s'enlaçant avec désespoir, ce genre d'étreintes qui offrait la sensation d'une renaissance, comme si une seconde vie leur avait été octroyée.

tout de suite, si Sakusa n'était Sakusa, il aurait certainement éclater en sanglot. Bien que leurs sentiments fussent indéniablement puissants, ce n'était manifestement pas la même sensation pour lui. Yankumi savourait l'étreinte d'un amour encore juvénile, qui venait tout juste de naître. Lui, avait eu le temps de connaître l'amour désespéré, des fantasmes qui l'avaient tourmenté, et ce, pendant des années.

— Ojiho... débute-t-il, à la fois frustrée et émue, je sais que les femmes ont besoin de baisers, d'étreintes... de mots doux. Tu sais très bien que j'aurai du mal à t'offrir ça, j'aurai parfois du mal à te toucher...

Il était si vulnérable à cet instant, glissant ces mots dans un murmure tremblant, partageant ses appréhensions, se prévenant lui-même de la piètre qualité de partenaire amoureux qu'il pourrait être, espérant qu'elle l'accepterait.

— Je le sais, souffle tendrement Yankumi, balayant ses tourments d'un soupir rempli de tendresse, je ne connais rien de l'amour mais je reste persuadée que ça ne s'arrête pas à ça.

Oui, au fond, tout ce qu'il venait d'énumérer ne semblait être que des préfaces, délicieuses certes, mais de simples préfaces. Yankumi l'aimait lui, et pas quelque chose qui lui ressemblait en balayant tous ses défauts.

Sakusa pouvait mourir de bonheur dans ses bras, humant son parfum vanillé alors qu'il caressait ses cheveux puis se reculant, l'admirait et peignant son visage de ses doigts sous un regard vitreux.

— Ta peau est brûlante.

Il avait simplement commenté avant qu'elle ne réponde finalement, sous un doux sourire presque résignée.

— Ce n'est rien, juste une fièvre de printemps.
















j'espère que cet os vous aura plu <3 n'hésitez pas à partager vos avis! prenez soins de vous,

ney 🫶🏼

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