C'est l'histoire d'un Homme. Un être amical, fidèle, loyal, combatif, et surtout heureux. Jusqu'à ce doux matin d'automne lointain où elle ne se réveilla pas, malgré ses douces chatouilles et ses légères demandes chaleureuses. Malgré les 15 autres essais qui suivirent. Malgré les pleurs. Malgré les coups sur son cercueil noir.

Le ciel pleurait avec lui, dans cette maison vide, blanche. Téléphone à la main, il n'attendait qu'une chose: qu'on lui marmonne « T'en fais pas papa, je serais là, avec toi. » mais à la place il n'avait droit qu'à cette voix monotone, lui disant que personne ne répondait, mais qu'il pouvait laisser un message. Ce qu'il fit, avec son fils, essayant, encore, toujours, de l'appeler, le sourire aux lèvres. Puis avec son petit fils, encore, toujours, le sourire aux lèvres -tremblantes-, puis encore avec son fils, les larmes aux lèvres.

"La mort te guette mon vieux. Tu vas la rejoindre."

Solitaire, il regardait son jardin, amer, il ne voyait rien. De l'herbe, des feuilles, mais rien d'autre. Aux jours qui passaient, aux mois qui passaient, il regardait la verdure de son jardin monochrome comme s'il attendait un miracle, désespéré. Jardinier amateur, il voulait faire pousser des fleurs, ne serait-ce que pour retrouver le bonheur. Mais il n'y arrivait pas.

Puis un jour, elle a éclot.

Il la vit. De ses yeux hébétés collés à la fenêtre, croyant au rêve. Il sauta de joie. Il ressemblait à un pauvre gamin. Il sortit, pour la première fois depuis tant de jours. Il s'avançait vers cette fleur. Elle était resplendissante, magnifique, trouva t-il. Il était si heureux. Tellement heureux. Un rayon de lumière avait enfin traversé sa vie faite de noir et de blanc depuis tant d'années. Et ce rayon était d'une teinte bleutée.

Son sourire était désormais présent tous les jours sur son visage meurtri par le temps. Il prenait, tous les jours, des photos de cette petite merveille, ce petit miracle. Il s'en occupait tous les jours avec la même affection. Et chaque jour, cette fleur brillait un peu plus de son éclat bleuté. Il était si heureux. Il en oubliait même la mort qui planait autour de lui. De toute façon, il allait mourir, il le savait bien, mais il s'en fichait. Il était heureux, il avait retrouvé le bonheur, bonheur qui avait maintenant chassé son malheur, ne serait-ce qu'un peu. Alors il voulait en profiter jusqu'au bout. Les jours passaient, il commençait à boiter douloureusement. Mais il s'en fichait. Il commençait a avoir du mal à respirer. Mais il s'en fichait. Il était heureux, il n'avait que faire du reste. Il voulait être heureux jusqu'au bout. Jusqu'au moment où il s'écroula au sol, devant sa porte vitrée, incapable de bouger. La douleur était horrible, mais il s'en fichait. Il voyait la fleur, resplendissante. C'était la dernière image qu'il verrait de sa vie. Il se mit a sourire, puis à pleurer. Les émotions s'entrechoquaient, mais il pleurait de joie. Il pouvait partir. Il le savait maintenant. Il avait profité du dernier cadeau de la vie.

Et le vent l'emporta vers les cieux, le sourire aux lèvres. Il ferma les yeux. Il était heureux. Il avait retrouvé le bonheur.

Grâce à une petite fleur bleue.