Chapitre - 12
" Te rencontrer m'était destiné.
Devenir ton amie était mon choix.
Tomber amoureuse était hors de mon contrôle."
Inconnu
*******************************
Un silence accueillit les paroles de Grey. Les minutes passèrent, il crut qu'elle n'allait jamais répondre.
"-... Je... Je croyais qu'on s'était promis de ne plus en parler." sa voix sonnait étrange, même en murmurant.
"- Et pourquoi au juste ?" de nouveau le mutisme comme seul retour. C'était à se demander si parler au mur ne serait pas plus productif.
"-... On était bourrés Grey. On était bourrés.
- Et alors ?
- Et alors on ne savait pas ce qu'on faisait !" Lucy avait parlé plus fort qu'elle ne l'aurait voulu. Sa voix avait résonné comme exacerbée dans toute la pièce, d'autant plus qu'ils s'étaient jusqu'à lors contenter de chuchoter, comme si c'était le seul ton, la seule hauteur de voix adaptée à leur discussion, et l'horaire trop nocturne.
Non. Lucy se trompait.
Ce soir-là, Grey savait parfaitement ce qu'il faisait.
Il savait ce qu'il faisait quand il avait raccompagné Lucy chez elle, après une soirée un peu trop arrosée à la guilde.
Il savait ce qu'il faisait quand il avait embrassé Lucy, conscient qu'elle en avait autant envie que lui.
Il savait qu'il l'avait blessé, en lui laissant croire que ce n'était qu'un jeu, en la laissant s'enfuir sans même savoir la réciprocité de ses sentiments.
Par la suite, lorsqu'ils avaient discuté de cet "accident" -comme l'avait appelé la blonde- Grey s'était rangé à la théorie de Lucy sans rien dire, parce que c'était la meilleure chose à faire. Il lui avait promis de faire comme si ce moment n'avait jamais existé.
Quand bien même il avait un peu douté en voyant la tristesse dans le regard de la Constellationniste.
Mais il la comprenait et sans aucun doute même.
Quoi de plus normal, quand on pensait s'être fait volé son premier baiser par son meilleur ami, ivre, qui ne vous aimait même pas comme vous l'aimez ?
Mais ce soir... Ce soir c'était différent. Ce soir ils étaient sobres.
Il ne restait qu'à trouver une excuse, mais ça, ce n'était pas tellement compliqué.
Il laissa passer quelques minutes, volontairement, avant de murmurer à nouveau, tout près de la blonde, assez pour la faire sursauter.
"- Et si on recommençait ?"
Lucy pensait avoir mal compris.
"- Quoi ? Comment ça ?
- Bah... Ce matin, je crois que ça se voyait qu'on ne s'était jamais embrassés auparavant. Alors on ferait mieux de... s'entraîner... Tu ne crois pas ?" son amie soupira. Elle avait l'air déçue.
"- Alors... Ce n'est que pour notre petit "mensonge" ? Juste pour ça ?
- Non... C'est aussi parce que j'en ai envie."
Silence.
"- Et parce que... Même si je ne te force pas le moins du monde, je pense que tu en as envie toi aussi. "
C'était évident -sûr et certain même- que Lucy n'aurait pas accepté en temps normal. Elle le savait. Trop de choses lui aurait crié que c'était une mauvaise idée, en tête de liste probablement qu'elle allait regretter, passer pour une fille facile, que Grey ne l'aimait pas, et que ce n'était là qu'une manière plutôt masochiste de foncer dans le mur en espérant s'en sortir sans blessures.
Mais aujourd'hui ce n'était pas un jour "normal". Et puis, ce soir, Lucy était fatiguée. Trop fatiguée pour réfléchir convenablement.
Alors, Lucy accepta. Accepta ce qui ressemblait à un pacte avec le démon, ou bien une mise à mort.
Grey se redressa, d'un mouvement souple et élancé semblable à un félin. Etait-elle sa proie ?
Lucy frissonna de tout son corps quand Grey s'approcha d'elle, faisant bruisser les draps sous ses déplacements.
Consciente qu'elle ferait mieux de ne pas rester allongée, la blonde se remit en position assise, adossée à la tête de lit, incapable de tenir seule, le monde tournant pratiquement tout autour d'elle comme une toupie.
Il se passa quelques temps, ou ils restèrent ainsi, incapable du moindre mouvement supplémentaire, du moindre bruit, du moindre mot.
Lucy restait définitivement immobile, atone et soumise à la tempête sentimentale qui soufflait dans tout son être. Elle l'enivrait, comme une boisson alcoolisée, un remède au poison si ce n'était pas le poison en lui même.
Sans cerveau était maintenant dans l'incapacité de former une seule pensée cohérente.
Alors Grey prit les devants. Il prit place sur les jambes que son amie avait étendues, faisant tout son possible pour ne pas lui imposer tout son poids. Lucy ne le sentait même pas ou presque. Ses sens étaient à la fois paralysés et exacerbés comme un cocktail, un cocktail Molotov, un volcan sur le point d'exploser.
Le silence. Le silence est le mot qui convenait le mieux à la situation.
Parce que le temps des chuchotements était fini. Terminé. Révolu.
Désormais seul le bruit de leurs respirations comptait. Seul les mouvements de leurs corps et le froissement des tissus comptait.
Grey posa ses mains sur le mur, de par et d'autre du visage de Lucy. Il était lent, il était doux. Il lui donnait le temps de changer d'avis, le temps de refuser.
Mais le temps du refus était désormais dépassé, lui aussi. Et tout ce qu'il restait de Lucy, -tout ce qui n'était pas encore ravagé par l'orage intérieur que ses émotions entretenaient sans répit- n'aspirait plus qu'à combler le si petit espace, le trop grand vide qui les séparait l'un de l'autre.
Alors, sa main douce, sa main timide et ferme de petite fille trouva son chemin jusqu'à la nuque de son ami, appuyant, l'exhortant à combler le néant, à baiser ses lèvres avec ses lèvres, à la soulager, la soulager enfin de ce besoin qui grandissait dans sa poitrine comme un ouragan.
"-Ahem... Prête ?" Lucy laissa échapper un faible gémissement pour répondre à la question, ses cordes vocales se trouvant incapables de prononcer un simple "oui".
Le jeune homme ne se fit pas prier plus. Avec toute la douceur dont il était capable, il posa ses lèvres sur les siennes.
C'était comme un papillon. Juste un papillon qui venait se poser sur la chair fragile et rosée de leurs lèvres. Un papillon qui battait des ailes, qui caressait, qui n'était que légèreté et allégresse. Un papillon de nuit, fragile, qu'il ne fallait découvrir que du bout des doigts, de peur de le faire fuir, de le voir s'envoler à regret.
C'était comme une première fois, timide, chétif, gêné. L'un et l'autre voulaient prendre le temps de se découvrir, de se rencontrer, d'apprendre à connaître l'autre dans tous les détails qui le constituaient, qui faisaient de lui cette personne qu'ils avaient appris à aimer au fil des jours passés ensemble, des sourires, des soupirs, des regards en coin quand l'autre avait les yeux tournés, ces œillades de petits adolescents incapable d'avouer ce qu'ils ressentaient réellement pour leur meilleur(e) ami(e).
Cela aurait put en être risible.
Malgré le simple effleurement qui -en dépit des sensations à vif- rendait toutes pensées cohérentes difficiles à cerner, les lèvres du mage des glaces étaient copies conformes des souvenir de la blonde : chaudes, brûlantes même, et un peu humides aussi.
Leur premier baiser était assez flou dans l'esprit de la jeune femme, qui ne gardait de ce souvenir enivré qu'une lointaine perception d'un plaisir inouï, bien vite remplacé par une gêne sans commune mesure et l'idée inébranlable d'avoir fait une erreur.
D'une certaine façon, ce baiser était leur premier.
Ils étaient sobres, ils étaient conscients, et ils en avaient autant envie l'un que l'autre -selon lui bien que la raison de Lucy ne pouvait s'empêcher de se méfier d'une telle idée-.
Ce soir, ils étaient deux, et ils n'étaient qu'un seul. Unis, divisés, inséparables.
C'était calme, c'était délicat, mais, vint le temps, où, comme à toute chose, à tout Amour, le papillon ne suffisait plus.
Ils voulaient plus. Bien plus.
Alors, les lèvres de Grey se firent plus puissantes, plus assurées, plus confiantes de ce qu'elles faisaient.
Quelle magnifique, quelle délicieuse torture elles accomplissaient là !
Comment ne pas finirent consumer par un tel brasier ? Un brasier dont il n'y avait strictement aucun moyen d'étouffer les flammes...
La bouche de Lucy avec un goût de ciel, comme une étoile filante à mi-chemin de tomber, un astre qui tentait désespérément de s'accrocher, encore, au morceau d'éternité qu'on avait sut lui accorder à l'origine.
De quelle manière une si petite chose, un si petit corps, était-il capable de représenter l'univers tout entier ?
Mais la raison était on ne peut plus simple, au fond.
Le monde de Grey se résumait à ce si petit corps -ou presque-, et il n'avait rien besoin d'être pour vivre. Rien d'autre que cette fille, cette fille qui avait sut réussir où toutes les autres avaient échouées.
Qui avait réussi à faire fondre la glace.
Alors Grey observait le ciel. Ce soir il devenait astronaute, ce soir, il explorait une galaxie qu'il était le premier à découvrir.
Ce soir, il avait soif d'aventures, soif d'un breuvage stellaire, mystique, parfait.
Ce soir -si elle l'acceptait- il se noierait dans cet océan d'étoiles.
Enfin... Pourquoi ce n'était pas interdit d'aimer autant une seule personne ?
Pourquoi ce n'était pas interdit de se compléter ainsi ?
Pourquoi ce n'était pas interdit d'embrasser comme un dieu ?
La main de Lucy qui était restée inerte jusque là, trouva la joue de son meilleur ami, s'y posant, avec grâce et affection, dans l'unique volonté d'amplifier les sensation, d'amplifier le baiser, d'être encore plus proche de l'autre.
Et celle dans sa nuque monta un peu plus haut, jouant avec ses cheveux d'ébènes, ses mèches aux couleurs charbons, si tendrement, si sensuellement, que le jeune homme faillit virer fou.
Plus les secondes passaient, plus leurs étreintes se faisaient instinctives, bestiales, incontrôlées. Pour riposter, les dents du jeune mage vinrent s'amuser à mordiller la lèvre inférieure de Lucy.
Elle poussa un petit gémissement. Ce n'était pas une plainte, ni un témoignage de douleur. C'était autre chose, et c'était assez plaisant à l'oreille. Très plaisant même.
Ca y est, il était littéralement dingue.
Sa langue vint demander l'accès à la bouche de Lucy. Dans un état second, la blonde accepta sans tarder.
Et leurs deux langues se rencontrèrent, s'emmêlèrent, s'imbriquèrent comme si elles avaient toujours été conçues pour le faire.
Elles se complétaient comme deux pièces d'un seul puzzle, comme deux faces d'une même pièce, comme le Ying et le Yang.
Elles n'étaient plus qu'une seule. Une seule même entité. Un seul univers. Elles étaient seules et nombreuses, pluriel et singulier, unies.
Elles s'aimaient.
A cette étape là, Lucy n'avait plus conscience du monde tout autour. Juste de Grey, de ses lèvres, de son corps pressé contre le sien, de ses sensations, de ses émotions, de sa volonté d'en avoir plus, et toujours plus.
Elle l'aimait.
A cette étape là, le monde tout autour de lui -quand bien même il n'était qu'obscurité nocturne et faible éclat de lumière lunaire qui passait de la fenêtre- semblait plus vivant, plus grand, plus amplifié. Grey n'avait jamais eu autant conscience de tout ce qu'il y avait autour de lui, et en lui. Ses sens amplifiés, ses perceptions douloureuses d'être si présente en son être, et surtout, de sa passion dévorante. Il en voulait plus, toujours plus.
Il l'aimait.
Les mains de Grey quittèrent le mur, caressant un instant la peau douce des joues de sa meilleure amie. Puis, elle descendirent le long de ses courbes, découvrant ce sentier sinueux, ce nouveau chemin, cet itinéraire jamais emprunté.
Elles arrivèrent à l'ourlet que le tissu du tee-shirt -son tee-shirt à lui- faisait sur les cuisses de la jeune fille.
Ce qui restait de bon sens à la jeune fille lui fit comprendre la situation.
Elle s'écarta d'un bond. Elle était essoufflé, elle avait les lèvres enflées, rougies. Quand bien même son ami n'était pas en meilleur état.
Lucy rassembla toute la raison, toutes les forces qui lui restait pour formuler une phrase. Une phrase, une seule.
"- Je crois qu'on ferait mieux de s'arrêter là.
- Ouais. Ouais... Tu as raison." répondit Grey dans un souffle, comme une nuance de dépit dans la voix.
Sans un mot supplémentaire, il s'écarta, reprenant sa place dans le lit, assez écarté de la blonde -à l'opposé même-, au-delà de l'écart que la décence imposait.
Et leur discussion s'arrêtait là, sans rien de plus. L'un et l'autre résigné à s'offrir aux bras de Morphée, pourtant trop éveillés pour trouver le sommeil.
Et silencieux, incapable de parler, leur Amour maudit la pénombre nocturne.
Parce que sans elle, Grey aurait vu que les joues de Lucy étaient plus humides qu'elle ne le prétendait.
Parce que sans elle, Lucy aurait vu que le mur était resté gelé, là ou les mains de Grey s'étaient ancrées au plus fort de leurs étreintes.
Gelé. Gelé parce que ses sentiments avaient prit le contrôle de sa magie.
Parce que la pénombre nocturne leur cacha ce que Lucy n'aurait jamais crut possible.
Ils s'aimaient. Ils s'aimaient tous les deux.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top