Minsungin
~ 29 Juillet ~
Journée internationale du rouge à lèvre
Assis sur son fauteuil en peau de bête, main sur son mementum Jeongin visionnait l'un de ses souvenirs. La scène se rejouait devant lui en taille réelle. Son lui du passé suivait son petit-ami, Han Jisung sans qu'il ne le sache. Comment aurait-il pu ? Jeongin s'étant rendu invisible à ses yeux. Il regardait donc Jisung marcher de son pas sautillant dans les dédales des rues pavés entouré de ces maisons aux façades de pierres des quartiers moyens.
Cette démarche joyeuse, Jeongin l'avait toujours apprécié, parce qu'elle rajeunissait son ainé. Jisung avait toujours eut cet air enfantin... Mais le souvenir continuait. Main toujours sur son mementum il posa un coude sur son bureau en bois massif et son menton dans sa main. Les sourcils légèrement froncés sous la concentration il regarda Jisung passer un portillon en fer forgé pour rentrer dans une petite cour à arbres fruitiers.
Son copain alla frapper à une petite porte en bois qui avait récemment été nettoyé en déduisit Jeongin. Son nez se fronça. Était-ce pour Jisung que l'on avait nettoyé cette porte ? Pour rendre la demeure plus accueillante ?
Une sans-pouvoir, reconnu grâce à sa robe au-dessus des genoux et son flot noir autour de la taille avait fait entrer Jisung. Heureusement elle avait tenu la porte assez longtemps ouverte pour que Jeongin se faufile à la suite de son petit-ami. Jisung avait alors fait comme chez lui et Jeongin l'avait suivi dans un logement étriqué mais dont le propriétaire mettait un point d'honneur à garder salubre.
D'une pression du pouce Jeongin mit sur pause au moment où Jisung allait rentrer dans la chambre. Il savait que son mementun n'était pas assez puissant pour lui retransmettre les émotions qu'il avait ressenti à ce moment-là, qu'il ne faisait que projeter un souvenir, pourtant son cœur se serra douloureusement comme la première fois. Il aurait aimé pouvoir changer le cours des choses mais c'était impossible. Dans cette scène du passé il avait encore l'espoir de se tromper, d'avoir fait fausse route tout du long. Dans le présent il savait qu'en poussant cette porte Jisung confirmerait ses pires craintes.
Il réactionna le mementun et le souvenir reprit son inéluctable cour. Jisung entra et Jeongin, la respiration sifflante, redécouvrit une sobre petite chambre. Il y avait un bureau devant une fenêtre avec un encrier et une plume et au centre de la pièce, un lit une place que le garçon qui s'y tenait sagement assis, mains sur les genoux, n'aurait jamais pu se payer sans Jisung.
Ou un autre de ses concubins, pensa Jeongin avec une grimace de dégoût. Il remit sur pause au moment où le garçon levait les yeux vers Jisung, un éclat de joie se créant dans ses yeux sombres. Il était mince, son nez formait une courbe délicate, sa bouche était comme le bouton d'une rose sur le point d'éclore et de longs cils encadraient ses yeux lui donnant un air androgyne. On voyait encore les traces de peigne dans ses cheveux. Il portait une chemise en lin que l'on laçait au niveau du col et un pantalon en toile de jute. A son poignet un flot noir à poids.
Jeongin eut un rire dédaigneux en relançant son souvenir. Son petit-ami c'était éprit d'un autre homme dont la dose de pouvoir était trop faible pour servir à quoi que ce soit. Jisung devait lui en avoir donné l'autorisation par le passé car le garçon se leva avec un sourire indécis, les yeux pudiquement baissé sur le plancher pour se poster juste devant Jisung.
Jisung prit le garçon par l'anse du pantalon pour le rapprocher de lui, les centimètres entre les deux hommes devenant quasiment inexistant. Même si Jeongin savait que son copain allait faire ce geste, son cœur se figea d'horreur. Il revivait tout comme la première fois.
-Ne t'ai-je pas déjà dit ce que je pensais de ce pantalon ? Le tança Jisung.
Les pommettes du garçon se colorèrent de rose. Avec un pincement au cœur Jeongin comprit ce que Jisung trouvait au jeune homme. Malgré son bas rang il était d'une beauté qui captait le regard. Une beauté pudique, qui s'ignorait, lui donnant plus d'éclat encore. En d'autres circonstance Jeongin l'aurait trouvé à son goût...
-Mes excuses... votre visite m'a prise par surprise...
-N'as-tu dont pas reçu la visite de rocket ?
Nouveau coup en plein cœur pour Jeongin. Rocket était le familier de son petit-ami et Jisung en parlait si naturellement comme si ce garçon connaissait tout de sa vie...
-Il y a peu seulement.
Jisung acquiesça et Jeongin savait ce qu'il pensait. Que c'était tout à fait probable. Rocket, son iguane, se perdait souvent à chasser les mouches au lieu de remplir les missions que lui transmettait son maitre.
Jisung relâcha le jeune homme qui se recula respectueusement d'un pas. Ses yeux toujours sur le plancher, les mains croisées sagement devant lui avec son flot noir à poids blanc au poignet.
-Enlève-le.
Jeongin tressaillit. Jisung ne s'était jamais adressé à lui ainsi bien qu'il soit l'ainé. Cela s'expliquait par le fait que Jeongin était hiérarchiquement plus élevé que son promi. Jeongin était un druide alors que Jisung n'était qu'un transmorphe. Il devait donc le respect à Jeongin.
-P-pardon ?
-Enlève-le, répéta Jisung en désignant le pantalon informe. Je ne supporterais pas de te le voir porter une seconde de plus.
Le garçon battit lentement de ses longs cils mais après hésitation s'exécuta non sans rougir. Jeongin le détesta d'être si naturellement mignon. A ce moment-là son lui du passé se décala pour voir Jisung de profil en prenant soin de ne pas le toucher. Il vit qu'il souriait en remontant son regard sur les jambes de son amant. Le spectacle lui plaisait. A Jeongin beaucoup moins.
-J-j'ai quelque chose pour vous..., dit le garçon après avoir plié convenablement son pantalon.
Sa longue chemise le cachait jusqu'à mi-cuisse. Jisung d'un mouvement très élégant du poignet présenta sa main, paume vers le ciel. Dévoilant ainsi le dessin sur son poignet. Un oiseau avec une branche de houx entre les pattes. Jeongin avait la même exactement au même endroit. Marque indélébile qui confirmait qu'ils étaient âmes sœurs. Comment lui et ce quasi sans pouvoirs pouvaient s'aimer alors que la trace de son appartenance à un autre était aussi visible ?
Le garçon avait contourné le lit pour y récupérer quelque chose caché à leurs yeux. Quand il se releva il avait un petit bouquet de fleur des chemins entre les mains. Jeongin grimaça tant l'attention était enfantine et tant son côté druide ne supportait pas qu'on abîme la nature à des fins aussi futile. Il les déposa dans la main ouverte de Jisung qui souriait si joliment. Les deux garçons le regardèrent porter le bouquet à son nez pour les sentir.
-Splendide mais je t'ai déjà de ne pas te ruiner pour moi.
-Non, je ne les ai pas achetés... je les aient cueillis.
Son copain pensait-il à lui et son amour pour la nature ? Jisung pensait-il ne serait-ce qu'une seconde à lui, son âme-sœur ? Apparemment non comme le prouva la suite des événements.
-Tu es adorable... Si obéissant et serviable pour moi, je devrais te récompenser, qu'en pense-tu ?
Jeongin vit le garçon rougir un peu plus alors qu'un sourire amoureux ornait ses lèvres. Petite catin. Il savait ce qui allait se passer et avait hâte devina sans mal le voyeur.
-Si tel est votre désir, je n'ai aucun droit de m'y opposer, répondit-il pieusement.
Cela fit un petit quelque chose à Jeongin. Mais il ne s'attarda pas là-dessus. Son petit-ami venait faire reculer son amant jusqu'au lit. Le druide retira sa main du mementum comme s'il l'avait brûlé. Coincé dans cette pièce avec eux il avait déjà été obligé de regarder leurs ébats une fois, pas deux. Ses oreilles bourdonnaient encore de leurs gémissements.
Il sentait son cœur noircit de colère. Revoir cette scène révélatrice de la tromperie de son petit-ami l'avait conforté dans sa décision. Dans un grincement il recula son fauteuil pour partir à la recherche d'un livre qui pourrait l'aider à réaliser son plan. Sa tunique ramassait les poussières du sol alors qu'il passait d'un pan de sa bibliothèque à l'autre.
Sa bibliothèque prenait un mur entier de son atelier pourtant elle ne semblait pas assez grande. Croulant sous les recueils anciens, les grimoires et les incunables, elle menaçait de s'effondrer à chaque instant.
Après avoir feuilleté quelques ouvrages sans résultat concluant, il sortit un grimoire relié de cuir dont le sommaire lui indiquait des potions dangereuses. Il les parcourut du doigt jusqu'à s'arrêter sur un nom évocatif : le baiser du diable. Le nez plongé dans le grimoire à la recherche de la bonne page il contourna son bureau se rendre à son établi.
Page trouvée, il le posa sur le pupitre intégré à l'établi pour pouvoir faire sa décoction en ayant toujours la recette sous les yeux. Il leva la tête vers le plafond où lévitait des lanternes de papier qui servaient à éclairer son atelier. Elles étaient encore trop récentes pour être à portée de main alors il opta pour une lanterne de verre.
Si l'un des murs était réservé à sa bibliothèque, celui qui lui faisait face était réservé à ses ingrédients, tous rangé avec soin dans des tiroirs à n'en plus finir. Il en ouvrit un avec assurance en sachant qu'il y trouverait ce qu'il y venait chercher. Il prit une petite boule molle qui ressemblait à une grosse goutte d'eau et alla la placer dans la lanterne. Il la pressa entre son pouce et son index avant de la lâcher pour vite ressortir sa main et refermer la petite ouverture. La boule s'écrasa sur le sol de la lanterne en s'illuminant déjà. La lueur se fit de plus en plus puissante et la boule s'agita dans sa prison de verre. Bientôt elle tapait carrément contre les carreaux dans une course folle jusqu'à s'empaler sur la pointe de la lanterne.
Jeongin n'avait pas attendu que tout cela se produise pour commencer à rassembler ses ingrédients. Aidé d'une échelle à roulette il ouvrit tiroir sur tiroir. Lâchant ce dont il avait besoin par terre Poly, son familier, se chargeait de les prendre dans sa gueule pour les ramener sur l'établit.
Quand il eut tout ce qu'il lui fallait, il retourna à son poste de travail en s'assurant du regard que son fennec faisait bien comme il lui avait appris, c'est-à-dire d'aller se débarbouiller le museau pour que les substances toxiques ne le tue pas.
Comme c'était le cas il se plongea dans la préparation du baiser du diable avec la hargne d'un amour bafoué. Lanoline, benzopyrène, plomb... Alors qu'il faisait son mélange dans son mortier Poly vint se frotter contre son mollet tel un chat en demande de caresse. Jeongin s'arrêta un instant pour la récompenser de son travail d'une caresse entre ses deux grandes oreilles.
-J'ai une autre mission pour toi Poly. Rend visite à Jisung et prévient-le de ma venue quand le soleil rencontrera la cloche du beffroi.
Les oreilles de son familier se tendirent comme s'il l'écoutait avant de déguerpir au pas de course par le battant de la porte fait pour elle. Jeongin la regarda partir en se disant qu'il n'y avait plus de retour en arrière possible. Il broya de la belladone et du rouge de fucus pour la couleur avant d'ajouter la cire d'abeille comme liant qu'il fit ensuite chauffer. Puis s'ajouta la l'huile d'olive et le beurre de karité. Il versa ensuite sa mixture dans une jolie petite boite en métal. Il n'avait pas vraiment le temps de faire sécher alors il referma le couvercle en espérant que le temps qu'il arrive chez son petit-ami cela ait séché.
Il laissa là son travail pour se préparer à partir. Il enfila son ceinturon et y plaça diverses fioles et bourses remplis de mélange et de préparation toujours utile en cas d'imprévu. Il mit un flot vert émeraude dans ses cheveux indiquant son appartenance à la lignée des Druides. Il noua une cape de velours émeraude autour de son cou prit le baume qu'il avait créé et sorti un pétale de coquelicot de l'une de ses bourses. Il le mastiqua jusqu'à en faire une pâte qu'il enfila autour de sa langue avant d'en souffler une bulle. Il se sentit soulevé dans les airs et eut à peine le temps de resserrer sa cape contre lui qu'il reposait les pieds sur la terre ferme.
Il était à côté du carré de coquelicot que faisait pousser Jisung dans son jardin. Il leva la main pour piquer un pétale qui remplacerait celui qu'il venait d'utiliser avant de se rappeler qu'il n'en aurait plus jamais besoin. Son regard se leva sur le beffroi qui s'élevait si haut qu'il était vu de tout le quartier. Le soleil n'était pas tout à fait sur la cloche, il avait un peu d'avance. Il haussa les épaules, ça n'avait aucune espèce d'importance Poly avait déjà dû prévenir Jisung.
Effectivement en portant son regard sur la maisonnette en charpente de bois apparente il vit que Jisung était à la fenêtre de sa salle à manger à le guetter. Quand leurs regards se rencontrèrent son petit-ami lui sourit avant de disparaitre pour courir lui ouvrir. Jeongin inspira un bon coup, il devait assurer s'il ne voulait pas que tout son plan capote.
La porte d'entrée s'ouvrit et Jeongin entra en faisant claquer ses talonnettes sur le parquet. Jisung était magnifique dans ses vêtements aux couleurs mouvantes, signe qu'ils étaient chargé de magie, prêt à se transformer en même temps que Jisung si celui-ci venait à le faire. Même son flot était de ces couleurs mouvantes, signe qu'il était un transmorphe.
La visite surprise de son petit-ami lui faisait plaisir, Jeongin le lisait facilement sur son visage. Alors pourquoi m'as-tu trompé ? Pensa-t-il presque tristement. De quoi moi, ton âme sœur, la personne la plus parfaite pour toi, ait manqué pour que tu décides d'aller voir ailleurs ?
-Tu ne viens pas m'embrasser ? Demanda-t-il en haussant un sourcil, pour éviter de s'apitoyer sur son sort.
Il en aurait tout le temps plus tard. Jisung eut un sourire contrit de cet oubli qu'il rectifia en rompant la distance entre eux. Il se mit sur la pointe des pieds pour pouvoir poser sa bouche contre celle de Jeongin.
C'était douloureux que même après la trahison de Jisung, son corps réagisse encore au toucher de son ainé. Du doigt Jisung effleura sa marque derrière son oreille droite et Jeongin frissonna. Ils disaient souvent qu'ils étaient des doubles âmes sœurs car ils avaient deux marques pour leur certifier qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Jisung avait la même mais lui derrière l'oreille gauche. Leur deuxième marque représentait une sorte de tâche de peinture qui dégoulinait. Leur baiser lui laissa un goût amer sur les lèvres.
-Je suis venu t'apporter un cadeau, dit-il de but en blanc.
Sans plus de cérémonie il sorti la petite boite en métal de dessous sa cape et la tendit à Jisung. Celui la prit respectueusement avec ses deux mains.
-Pour moi, mais...
-Ouvre-le que je vois ta réaction.
Jisung referma la bouche et s'exécuta docilement. Jeongin retint un petit rictus. Son petit-ami était bien loin de l'homme sûr de lui et autoritaire qu'il avait vue avec son amant. Ici c'était Jeongin qui menait la danse.
Le regard de Jisung s'illumina, en découvrant le baume d'un rouge pétant dans la boite. Il n'avait pas tout à fait fini de sécher mais seul Jeongin le remarqua. Jisung était simplement heureux que Jeongin ait utilisé son savoir pour lui faire un cadeau.
-C'est toi qui la réalisé ? Demanda-t-il un peu bêtement, un sourire jusqu'aux oreilles.
-Evidemment qui d'autre voudrais-tu que ce soit ? Essaie-le que je voie comment la couleur te va.
Mensonge. Essaie-le que je sache que tu l'as utilisé, que tout sera bientôt terminé. Jisung lui obéit comme un bon petit chien et prit un peu de produit sur son index avant de l'appliquer sur sa bouche. Encore un peu trop liquide, un peu de rouge coula à la commissure des lèvres. Jeongin se retint de l'effacer avec son doigt, il se serait fait avoir à son propre jeu sinon.
Jisung pressa plusieurs fois ses lèvres ensemble pour bien étaler le cadeau avant de sourire à Jeongin dans l'attente de son verdict. Jeongin sourit, non pas parce que cela lui allait, mais parce qu'en faisant ce geste Jisung avait certainement ingurgité un peu de produit.
-Splendide, dit-il en reprenant l'adjectif de Jisung pour son amant. Pense à ne pas le mettre trop près d'une source de chaleur, d'accord ?
Jisung acquiesça et Jeongin s'approcha pour déposer un long baiser dans ses cheveux. Il ferma un instant les yeux et huma l'odeur chèvrefeuille de celui qu'il aimait tant et qui serait jusqu'à la fin de ses jours celui qui lui manquerait le plus. Au revoir mon amour.
-Tu pars maintenant ? S'étonna Jisung en le voyant déjà tourner les talons.
-Oui, je suis passé t'offrir ce cadeau cependant d'autres obligations ne me permettent pas de m'attarder.
-Avant que tu ne partes serais-tu libre demain ? J'aimerais moi aussi t'offrir un présent.
-Demain, parfait. Je viendrais quand le soleil sera encore à l'ouest, accepta-t-il facilement puisqu'il n'aurait pas à répondre de cette obligation. Maintenant je dois vraiment te quitter. A demain.
-A demain, je t'aime.
Jeongin lui tourna le dos pour qu'il ne le voit pas grimacer. Il l'aimait ? Ils ne devaient pas avoir la même définition de l'amour alors. Il descendit les marches du perron, passa le petit portail en fer forgé qui grinçait et s'éloigna jusqu'à ce que Jisung ne puisse plus le voir de chez lui. Là il s'arrêta aux milieux des pavés et ouvrit une bourse dont il prit une pleine poignée de poudre bleu. Il la lança devant lui et fit un pas en avant pour qu'elle lui retombe dessus. A cause de sa cape il ne put sentir les picotements familiers sur sa peau. Il s'assura grâce au reflet d'une fenêtre qu'il était bien devenu invisible.
Il sourit à cette fenêtre qui ne renvoyait pas son reflet et retira ses chaussures dont les talons claquaient sur le pavé. Il retourna sur ses pas pour faire le guet devant chez Jisung en priant pour que celui-ci ne décide pas de se transformer en oiseau pour se déplacer plus rapidement. La chance était avec lui aujourd'hui. Quelques minutes plus tard, Jisung sortait de chez lui de sa démarche sautillante.
Jeongin le suivit en se fichant bien de pousser les sorciers et magiciens qui ne pouvaient pas le voir. En aucun cas il ne voulait perdre de vue son ainé. Bientôt les flots rouge, vert, bleu furent remplacé par des flots noir, noir à poids, ou marron terne. Les belles charpentes de bois disparurent pour laisser place à des façades de pierre grossièrement taillé et le pavé sous ces pieds étaient de plus en plus cabossé. Ils étaient à la jonction entre les beaux et les mauvais quartiers.
Jisung marchait devant lui et Jeongin eut la satisfaction de voir que sa démarche était déjà moins énergique, ses pieds plus trainants. Ils arrivèrent bientôt devant la demeure du jeune garçon. Jisung referma le portillon avant que Jeongin n'ait pu passer. Le jeune homme dû enjamber le muret puis courir pour se glisser juste à temps à l'intérieur de la maison avant que la sans-pouvoir ne referme la porte.
Ils traversèrent la petite pièce de vie, empruntèrent un étroit couloir avant que Jisung n'entre dans la chambre sans frapper. Le garçon qui l'habitait était à son bureau en train de gratouiller la tête du familier de Jisung. Cette fois il portait un pantalon de qualité moyenne et une chemise de lin identique à celle du souvenir de Jeongin. Était-ce Jisung qui lui avait offert ces vêtements ?
Le garçon se leva alors que Jisung était pris d'une quinte de toux. Jeongin sourit à l'entente de cette toux sèche alors que le garçon s'approchait d'un air inquiet. Il leva la main, hésita un peu avant de tapoter gentiment le dos de Jisung.
-Voulez-vous que je fasse porter de l'eau ? S'enquit-il alors que la toux de Jisung se calmait.
-Tu serais un ange.
L'amant sourit sous le compliment et s'approcha de la porte. Jeongin se plaqua contre le mur alors qu'il l'ouvrait pour crier.
-Li-Na apporte une cruche d'eau fraiche, je te prie.
-Mais c'est que tu as de la voix en fin de compte, le taquina Jisung qui s'était remis.
Il s'approcha de son amant et l'embrassa. La seule raison pour laquelle Jeongin ne détourna pas les yeux fut parce que ce baiser signifiait que Jisung transmettait l'échange empoisonné au jeune homme. Il regarda avec un sourire mauvais les yeux fermés ourlé de long cils de cet inconnu qui s'accrochait timidement aux épaules de Jisung. Il avait l'air d'apprécier sans se rendre compte que ce baiser causerait sa perte. Ils furent interrompus par une seconde quinte de toux de Jisung.
-Etes vous malade ?
-Non... j'ai... j'ai la gorge sèche...
-Je pense que vous devriez vous asseoir, Li-Na ne va pas tarder avec l'eau.
Il poussa la prévenance en allant même jusqu'à accompagner Jisung jusqu'au lit. Jeongin put enfin bouger de l'entrée et pénétrer un peu plus dans la chambre. Il fit attention que sa cape qu'il avait rendu transparente continue de le couvrir complétement.
Li-Na arriva avec un plateau et deux verres qu'elle posa sur le bureau avant de prendre congé. Le garçon versa un grand verre d'eau qu'il alla donner à Jisung. Quand il l'eut vidé, le garçon remplit le verre de nouveau et le posa aux pieds de Jisung au cas où.
-Assied-toi Minho, j'ai quelques heureuses nouvelles à t'annoncer.
Jisung tapotait le matelas à côté de lui comme si c'était lui le propriétaire de la chambre. Le prénommé Minho s'assit à une distance respectable du transmorphe. Jisung sortit de sa poche la petite boite que lui avait offert Jeongin un peu plus tôt. Jeongin se tendit. Alors Jisung allait offrir son cadeau à un autre ? Il en oubliait que le cadeau était empoisonné et qu'entre les mains de Minho cela l'arrangerait tout autant. Jisung l'ouvrit et en montra son contenu à Minho qui n'avait pas l'air de savoir ce que c'était mais montrait un intérêt poli.
-Ceci est ce que l'on appelle un rouge à lèvre. Je le porte actuellement sur ma bouche, c'est pour la rendre plus rouge.
Il frotta le rouge à lèvre avec son index avant de se pencher vers Minho.
-Regarde-moi et entrouvre la bouche.
Minho obéit bien gentiment et Jeongin regarda son petit-ami étaler le rouge à lèvre toxique sur les lèvres de son amant. Il eut envie de rire mais se retint pour ne pas déranger la scène.
-C'est Jeongin qui l'a fait pour moi.
Son cœur rata un battement. Pourquoi Jisung parlait-il de lui comme si ce Minho le connaissait ? Et pourquoi Minho hochait la tête comme s'il voyait véritablement qui il était ? Les réponses durent attendre un peu car Jisung toussa de nouveau. Si fort qu'il se tint la cage thoracique comme si elle lui faisait mal. Il eut un peu de mal à reprendre son souffle après. Minho le couvait d'un regard inquiet mais n'osa rien dire.
-Tu le rencontreras demain, dit Jisung comme si ses poumons n'étaient pas en feu. Et enfin nous serons tous les trois réu...
Une autre quinte de toux qui était si sèche qu'elle vous écorchait les oreilles. Jeongin fit un pas en avant pour mieux regarder Minho. Son rouge à lèvre faisait-il délirer Jisung ? Il n'avait jamais vu le visage de cet inconnu autrement que quand il avait découvert que Jisung le trompait.
Jisung remercia Minho d'un baiser pour l'avoir retenu par les épaules alors qu'il manquait de tomber du lit sous la force de sa toux. Puis ses mains glissèrent jusqu'au poignet de Minho pour y défaire le flot du tissu noir à poids blanc. Avec horreur Jeongin découvrit un oiseau tenant une branche de houx entre ses pattes. La même marque à l'identique que celle que lui et Jisung portaient. Il n'arrivait pas à y croire. Non, Jisung s'était trompé, il y avait une explication logique à ce quiproquo.
Jisung retraça la marque du bout des doigts, son corps vacillant sans qu'il ne paraisse le remarquer. Jeongin fit quelques pas de côté pour se placer derrière Minho. Son cœur s'arrêta, son souffle se coupa et il eut la nette impression de sauter d'une falaise. Au creux de la nuque de Minho une tâche de peinture qui paraissait avoir bavé.
Il réalisa alors son erreur. Minho était son âme sœur, à lui et à Jisung. C'est pour cela qu'ils avaient deux marques ! Jisung ne le trompait pas, il avait découvert leur seconde âme-sœur et attendait le bon moment pour faire les présentations...
Son regard écarquillé et déjà brouillé par les larmes se posa sur Jisung, la personne la plus parfaite pour lui. Son âme sœur. Comment avait-il pu penser que Jisung le tromperait après l'avoir rencontré, Jeongin était chimiquement parfait pour lui, jamais il n'aurait envie de voir ailleurs.
Jeongin avait commis le pire des péchés en ce bas monde, il avait tenté de tuer son âme sœur... Et s'il ne se pressait pas il allait réussir. Il abaissa sa capuche, révélant sa présence.
-Jeongin... ?... Mais... Mais qu'est-ce que vous faites là ?
Jisung ne pouvait même plus parler sans se couper pour tousser. D'un mouvement fluide dû à l'habitude de ceux trop faible pour se battre, Minho trouva protection derrière Jisung. Il ne voyait qu'une tête volant au centre de la pièce et cela le terrifiait.
Jeongin prit d'autorité le visage de Jisung dans une main et frotta de toutes ses forces sa bouche pour en enlever le rouge à lèvre. Son âme sœur gigotait en geignant de douleur. Jeongin n'y allait pas de main morte comme si avec toute sa force il pourrait faire disparaitre le poison.
-Vous êtes empoisonné, la situation est urgente. Surtout pour toi mon amour.
-C'est pour ça...
Jisung ne put approfondir, toutes ses forces étant dans sa volonté de ne pas sombrer et dans celle de tenir la main de Minho pour le rassurer. Son comportement inquiétait Jeongin. Il savait le poison fort mais maintenant il regrettait. Regrettait tellement... Jisung n'en avait plus pour longtemps, il était déjà condamné mais la douleur de le perdre était si forte que Jeongin ne pouvait pas ne pas faire tout ce qui était en son pouvoir pour le sauver.
Il arracha un morceau de sa cape qui redevint automatiquement visible et la tendit à Minho qui se recroquevilla un peu plus sur lui-même.
-Prend et essuie-toi la bouche aussi.
Minho s'exécuta, apeuré de ce qui pourrait lui arriver s'il n'obéissait pas à un druide. Jeongin s'en détourna, Minho avait beau être son âme-sœur il ne le connaissait pas encore assez pour le considérer comme tel. Contrairement à Jisung. Il souleva doucement son amour pour le prendre dans ses bras. Jisung se lova contre lui et Jeongin pu sentir la chaleur de ce corps qui se battait contre le poison. Tout comme il entendait cette respiration difficile alors que Jisung n'avait plus la force de tousser.
-ça va aller mon amour je te le promets. Je ferais l'antidote...
-M...M...Mi...nho...
Jeongin fouillait avec frénésie à la recherche de ses pétales d'hortensia dans l'une de ses bourses. Il glissa l'un des pétales dans sa bouche et commença à mâcher alors que Jisung devenait de plus en plus lourd. Il prit de force la main de sa seconde âme sœur et souffla une bulle.
Ils atterrirent dans son atelier juste à côté de son pot d'hortensia. Minho était au sol et il se mit à gémir comme s'il allait pleurer. Il ne comprenait pas, il ne comprenait rien à rien et il avait peur. Jeongin le releva de force mais Minho ne tenait pas sur ses jambes. Elles se dérobaient sous lui.
-Jisung... Jisung..., murmurait Minho comme si cela pouvait lui donner de la force. Jisung...
-Ecoute je sais que tu ne comprends rien mais j'ai besoin que tu sois fort. Occupe-toi de Jisung pendant que je vous prépare l'antidote.
Jeongin ne lui laissa pas le choix et lui fourra dans les bras un Jisung à la respiration déjà bien trop faible. Mais le temps qu'il respirait il avait encore une chance. Son grimoire était encore sur son établi. Il parcourut les pages, les arrachant presque, à la recherche de ce fichu remède. Trouvé ! Il lut les ingrédients à la va-vite et fonça sur son échelle, Polly déjà à son poste.
Dans son dos il entendit la première toux de Minho et son cœur se serra. Il allait perdre Jisung, il le savait au fond de lui. Son aimé allait mourir dans les bras de Minho et Jeongin ne savait pas s'il aurait la force de poursuivre la création du remède pour cet inconnu que seul Jisung avait eu le temps d'aimer.
Il broya, écrasa, roula, coupa dans une précipitation tel qu'il y mit un peu de son sang. Il ne lançait pas un regard vers ses âmes sœurs, cela lui était impossible. S'il le faisait il flancherait et voudrait prendre Jisung de ces bras malingres pour l'embrasser dans ces derniers instants. Mais il ne le pouvait pas, c'était lui qui avait engendré cette situation, Jisung était bien mieux dans les bras de Minho.
-I-il eeest... mort...
.
.
.
Le corps, l'esprit, la vie même de Jeongin s'arrêta d'être. Paralysé par les conséquences de sa jalousie. Incapable de pleurer sous l'atrocité de son acte. Il n'avait pas le droit de pleurer Jisung après ce qu'il venait de lui faire endurer, seul Minho le pouvait.
-Il est mort, répéta plus faiblement encore son âme-sœur.
Jeongin s'accroupit à côté de son établi. Minho s'était recroquevillé contre le pied de son établi et le mur, le corps maintenant sans vie de Jisung pressé avec force contre lui. Son corps n'était pas secoué de pleur mais d'une quinte de toux. Il était bien trop terrifié pour pleurer. Il était perdu, ne savait pas ce qui lui arrivait et n'était même pas bien sûr de qui était ce druide.
Seule certitude, celle que Jisung avait cessé de s'alimenter en oxygène.
-Vous êtes druide ? Sauvez-le s'il vous plait. Sauvez-le à ma place...
Il y avait tout le désespoir d'un cœur brisé dans ses propos. Jeongin lui fit un petit sourire triste pour éviter de pleurer. Il passa une main dans les cheveux de Jisung dans une dernière caresse pour ne pas avoir à regarder Minho quand il dit :
-Il est mort, je ne peux plus rien pour les morts.
-Mais... Et les fantômes ?
La voix de Minho était si petite et tremblotante, ne voulant pas dire un mot qui déchainerait la foudre du puissant devant lui.
-Fantôme ?
Minho acquiesça en baissant les yeux. Le regard que venait de vriller le druide était trop sombre pour lui. Trop plein du même chagrin que celui qui le ferait bientôt pleurer le décès de son âme sœur.
-Explique-toi. Qu'est-ce donc que ces fantômes ?
-C-ce n'est qu'une légende mais... Mais elle raconte que les fantômes sont l'âmes aveugle des défunts perdus dans les limbes qui attendent 60 jours d'être ramené dans le monde des vivants. Si personne n'est venu les chercher à la fin de ces 60 jours alors ils sont emportés par le passeur.
Jeongin se releva et retourna à son remède avec une détermination nouvelle. Tout n'était pas perdu. Il allait guérir Minho puis il lui ferait dire tout ce qu'il savait sur les fantômes, les âmes et les limbes. Puis ensemble ils auraient 60 jours pour ramener Jisung parmi eux.
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Par le passé le rouge a lèvre fut interdit et les femmes en portant considéré comme des sorcières car la composition du rouge a lèvre était très toxique (rouge de fucus, lanoline, plomb, aluminium, chrome, cadmium, benzopyrène, manganèse etc.). A cause du baiser du diable des hommes disparaissaient du jour au lendemain.
Sinon vous avez aimé l'os ? C'est la première fois que je m'essaie à la fantaisie et j'ai créé "l'univers" sur un coup de tête alors j'aimerais vos avis car peut-être que je développerai tous ça pour une histoire un jour...
Sinon le sommaire a été mit à jour pour le mois d'août !
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