Chapitre 34 - La potion de scellé

Encadrée par la garde et d'Edhelís qui me soutient par une épaule, je suis conduite dans mon ancienne chambre. Je n'ai pas réfléchi à ce qui se passerait après que j'aie injurié Lothràl. Un tribunal d'exception sera-t-il constitué pour me juger ? Est-ce cela, la Lumière dont il a parlé ? Si je défends Chaff, c'est moi que l'on accusera de génocide et de trahison. Le roi dispose certainement de suffisamment d'arguments pour me faire condamner.

Je ne me fais aucune illusion : Lothràl veut se débarrasser de moi. Ou plutôt, il va le faire. Ce n'est qu'une question de temps.

Il désignera certainement Ryön pour m'exécuter. Celui-ci n'a pas esquissé le moindre geste lorsque les gardes ont pointé leurs flèches et leurs épées sur ma gorge. À ce souvenir, je ne sais si mon cœur est submergé davantage par la colère que par le chagrin.

Les incroyables iris d'Edhelís sont braqués sur moi, purs et pleins de tristesse. Nous sommes seules dans la chambre. Elle s'efforce de ne pas juger mon comportement mais en insultant son roi, j'ai heurté sa sensibilité, sa patrie, sa race, son identité. Enfermée dans mon mutisme, je n'ose défier son regard brûlant. De la pulpe du doigt, je lisse la broche argentée qu'elle m'a jadis offerte.

La narration d'Edhelís me ramène à la réalité : elle a saisi la première occasion de s'enfuir de la Faille. Quel a été son soulagement lorsqu'elle a constaté que la flotte était préparée et prête à intervenir. À son apparition, le signal a été lancé. Elle a cru bien faire.

« Buvez ceci, cela apaisera votre tourment.

Je la contemple d'un air absent en repensant à nos moments difficiles passés dans la bulle. D'un trait, j'avale la décoction odorante et orangée qu'elle me tend. Elle murmure quelques mots en elfique, les yeux rivés sur les vitraux.

— Un narcotique ? »

La guérisseuse place délicatement une main tiède sur mon épaule tremblante et s'assied près de moi, sur mon ancien lit. D'un élan maternel, elle essuie une larme sur ma joue.

Je devrais la remercier, pour m'avoir maintenue en vie, pour s'être sacrifiée et avoir pris des risques infinis pour que nous nous survivions, elle et moi.

Pourtant, je reste sans voix.

Le galbe de son corps n'a pas souffert de la pression des abîmes. Le mien en revanche nécessitera un entraînement de musculation.

Edhelís retire l'épingle de ma broche et la dépose sur le chariot médicinal. Ce simple geste est éloquent : elle me retire son présent.

« Malgré les circonstances terribles, je ne peux vous dissimuler mon soulagement quant à la disparition d'Ashtar et de sa sous-espèce.

Une rumeur sourde me remonte le long de la colonne. Elle me fait fourmiller le ventre et gonfle mon cou. Ma tête cogne et ma poitrine se secoue de saccades.

Aucune espèce n'a de date d'expiration.

Je repose le gobelet vide sur le chariot. Le bruit mat imprègne le silence de la chambre. Un goût âcre descend dans ma gorge.

— Les Apsis ne sont pas une sous-espèce, mais une race qui a évolué différemment. Elle s'est adaptée à son environnement : les bas-fonds. S'ils n'avaient pas enseigné la méthode de la membrane d'air au Peuple de l'Eau, notre escapade aurait été très brève !

Edhelís me prend les mains avec une douceur infinie en évitant les taches de sang maculant ma robe. Elle parle comme à un enfant chagriné.

— Si les Apsis étaient les mieux adaptés à leur environnement, alors ils étaient les plus susceptibles de pérenniser leur espèce en se reproduisant. Or, ils n'étaient qu'un petit nombre. Leur population dépérissait déjà.

— C'est là le malheur des Elfes, n'est-ce pas ? Perdre des centaines d'années en vue de trouver le meilleur partenaire était un parfait calcul, il y a de cela des millénaires. À présent que le monde s'accélère, cette habitude cause petit à petit la perte de votre race !

Edhelís accuse une expression choquée. Je repars à l'assaut.

— Le faible population d'Apsis n'était pas liée à des causes naturelles. Lothràl a significativement réduit leur nombre lors d'une première guerre, en même temps que vous preniez contact avec le Peuple de l'Eau.

— Les Apsis étaient un frein réel à la paix.

— La paix, Edhelís ? Quelle paix exactement ? N'avez-vous pas connu Ashtar ? N'avez-vous pas vu qui il était vraiment ?

Elle me considère, toujours interloquée.

— Qui il était ? questionne-t-elle de sa voix cristalline.

— Il nous défendait tous. Toutes les créatures. Il défendait un équilibre.

— Il nous a enfermées et humiliées ! Sans moi, vous ne seriez plus. Je vous ai maintenue en vie : oxygène, azote, hélium, dihydrogène et tous les autres gaz dont vous n'avez pas idée ! Vous n'imaginez pas les difficultés d'assemblages auxquelles je me suis heurtée, les privations que j'ai moi-même endurées... Tout cela pour que vous offensiez mon roi !

Je retire mes mains. Mes membres continuent à trembler sans que je puisse en maîtriser les vibrations. À retardement, une haine implacable contre Lothràl s'éveille en moi. Je le gêne.

— C'était à juste titre. Ne comprenez-vous donc pas ? Vous êtes-vous mis à la place d'Ashtar ?

— Lui et son peuple étaient voués à sombrer car telles sont les lois de l'évolution.

— C'est faux ! Ce sont les lois que vous, que nous avons créées !

— Lorsque vous atteindrez un âge avancé, vous aurez appris à mieux reconnaître quand et où il est utile de battre. Vous comprendrez aussi la valeur stratégique de rester à l'écart de desseins qui nous dépassent.

— Ashtar ne demandait rien de mieux qu'un traité mais Lothràl l'a trahi pour tenter de s'emparer de ses secrets ! Demandez-le-lui !

À la lumière diaphane des vitraux, la bouche de l'Elfe se plisse en une grimace.

— Comment osez-vous, Jehanne ? Vous êtes sous la protection des Elfes, rappelle-t-elle en se raidissant. Sans notre surveillance constante, vous seriez la proie de tous les prédateurs de la Confédération. Lothràl vous a sauvée. Votre impudence pourrait vous coûter la vie si ces paroles lui venaient !

Comment est-il possible qu'Edhelís soit aussi naïve ?

— N'ai-je pas le droit de m'exprimer ? Je peux comprendre votre vision mais je n'ai plus rien à perdre. On m'a soustraite des miens, de mon passé et de mon futur ! Par ma faute, une race a été massacrée et l'un de mes seuls amis a été exécuté ! J'apprends aujourd'hui que votre roi s'est mis en tête d'exterminer tous les peuples qui entraveraient la vision de son monde !

Affolée, elle jette un œil sur mon gobelet vide. M'a-t-elle droguée ?

— Même vous, Edhelís, vous m'avez menti. Qu'y avait-il dans cette décoction ?

— Un tranquillisant, je l'admets.

Elle s'inquiète encore, la voix brisée par une souffrance qu'elle ne cherche pas à dissimuler :

— Reprenez-vous, Jehanne. Je vous en supplie ! Vous risquez d'être châtiée.

— Je vais mourir, Edhelís.

Elle secoue la tête.

Je me demande si elle m'a écoutée. Craint-elle d'être déconsidérée par les siens du fait de mon comportement ? Edhelís m'en veut de ne pas correspondre à ses attentes. Elle risque son statut social en prenant ma défense.

— Amie, ne seriez-vous pas aveuglée par votre loyauté envers Lothràl ? La logique des évènements est-elle si difficile à accepter ?

— Notre roi est bon. Il a toujours œuvré pour un monde meilleur, un monde en paix.

Je la regarde de travers. Il paraît illusoire de compter sur le moindre dissident Elfe. Son assertion pose une autre question : que puis-je contre un roi adulé de ses sujets ?

— Lothràl l'est indéniablement vis-à-vis des Elfes. Mais ne lisez-vous au-delà ? Quel était son véritable intérêt ? Gagner l'accès à la Faille ! Il a renoncé à parlementer avec les peuples des fonds qu'il a estimés les moins évolués. En réalité, les Apsis perturbaient l'atteinte de son objectif.

— L'impatience et la frustration vous font plonger dans l'extrémisme.

Mon nez recommence à saigner.

— L'extrémisme ? Lothràl a transformé la Faille en charnier et a condamné à mort un innocent pour couvrir ses ambitions ! L'admettre vous est désormais impossible car cela reviendrait à accepter que la nation Elfique ait fait du tort à tous, et que sa vision du monde soit erronée ! Vous avez peur d'avoir perdu votre temps, vos rêves et votre place. Votre cause est devenue plus importante que la vérité !

Les pupilles étrécies, Edhelís élève la voix. À l'image de ses traits, toute la pièce s'assombrit.

— Le dément Ashtar a dû vous mettre des inepties en tête !

Elle fronce le nez :

— Lothràl m'avait prévenue. J'aurais dû l'écouter.

Un épais voile de fureur obscurcit ma vue. Je bondis du lit et renverse le chariot.

— Personne n'insultera Ashtar devant moi !

— Avez-vous perdu l'esprit ?

— Au contraire ! Je l'ai retrouvé ! Ce n'était pas des Apsis que j'étais prisonnière, mais des Elfes !

Edhelís se lève prestement.

— Renier vos protecteurs ? Ce n'est pas dans l'ordre des choses !

Ses lèvres pâlissent :

— Je ne peux pas croire que vous m'ayez entraînée là-dedans !

— Où allez-vous ?

— Loin de l'ingratitude. Loin de vous. »

Elle quitte la pièce en silence.

Il me faut partir au plus vite. Si Edhelís m'a réellement droguée, je dois me mettre à l'abri.

Avec autant discrétion et de rapidité qu'il m'est possible, je contourne les trous d'eau de la Cité, les écorces et les fontaines en évitant les rencontres. Aucun ordre ne semble avoir encore été donné. Lothràl prend son temps, comme un chat qui jouerait avec sa souris.

Subitement, une main raide me bâillonne et un bras hardi me retient.

Je me débats mais l'Elfe m'immobilise contre un tronc d'arbre. L'écorce saillante crase mes omoplates.

Il tire une lame.

Se faire égorger fait-il atrocement souffrir ou la mort est-elle immédiate ?

Je regrette de ne pas avoir trépassé avec Ashtar. Une lance dans le ventre et tout était réglé !

« Tu es aussi bruyante qu'un troupeau d'Adayoshs ! »

Sa dague en main, le regard aux aguets et le nez flairant tout autour, Ryön me traîne de force jusqu'à ses appartements, au sommet d'un vieux chêne foncé.

Sitôt la porte refermée sur nous, il en barre le passage de l'intérieur, puis jette un coup d'œil par une ouverture de la tour. Enfin, il rengaine sa dague et se dresse devant moi pour m'empêcher toute retraite.

« As-tu perdu la tête, d'avoir ainsi provoqué Lothràl ?

Son ton est dépourvu de reproche mais ma main part toute seule. Il n'évite pas ma gifle.

— Les portails... Les portails ont été dès l'origine utilisés par les Elfes. Tu le savais !

Il frotte sa joue lisse, à peine rosie, mais demeure impassible.

— Oui, avoue-t-il la mâchoire serrée.

— Je t'ai fait confiance !

Ma voix s'est étranglée. Nette à mon esprit est la promesse de Ryön, sous le préau de notre maison à la Capitale. Je me souviens de l'assurance de sa voix lorsqu'il m'a promis de m'aider à trouver un portail. Au-delà de l'humiliation, le pic de la trahison creuse un fossé dans ma poitrine. Notre complicité et nos discussions étaient donc feintes !

Le choc est rude. Tout ce que j'ai accompli dans ce monde perd de son sens car les Elfes ne sont pas bienveillants. Ils œuvrent à leur compte et manipulent les autres races. Ils prétendent propager la Lumière mais c'est Ashtar qui m'a éclairée dans les bas-fonds.

— Ce n'est pas nous qui fabriquons les portails car nous n'en connaissons pas les matériaux. C'est désormais un savoir que détiennent les Elfes des Brumes, et que nul ne peut leur extirper. Ils sont liés par un pacte dès leur naissance.

— Un pacte avec qui ?

— Avec nos parents communs, avec les Immortels, avec l'énergie qui nous nourrit tous, avec la Source. Jehanne, crois-moi, je n'ai voulu...

— Je ne veux pas de tes excuses ! Chaff a été exécuté ! Il est mort ! Mort ! Mort !

Plus je répète ce mot et plus il s'ancre dans la réalité. La douleur est insupportable. Ashtar. Chaff. Ce monde. Le mien.

Le visage de Ryön est décomposé.

— J'ai appris son sort en même temps que toi.

— C'est impossible !

— Si, je suis demeuré à la Cité. J'attendais ton retour. Quelque chose d'étrange s'est produit... Je n'ai pas le temps de te l'expliquer...

— Assez de mensonges ! Je vous déteste, Ryön. Toi, les tiens et vos secrets : Je suis désolée que cela ait pris tant de temps pour que je m'en rendre compte !

Il se fige et flaire l'air avec anxiété.

— Tu n'es pas en sécurité.

J'empoigne le col de sa chemise, si propre, si douce.

Un grondement sourd retentit. Affolée, je baisse les yeux.

Oreilles tournées vers les côtés et les yeux topaze obliques, Kipper oriente ses vibrisses dans tous les coins opposés à sa tête. Sa queue et tous ses membres sont tendus en position d'attaque. Ses griffes, que je sais terriblement tranchantes, sont sorties.

Je relâche Ryön et rassemble mes esprits.

— Je parie que Lothràl t'a promis la clé du Jardin de Verre. Es-tu satisfait, maintenant ? Est-ce que cela t'aide de penser que toute une population s'est faite massacrée pour une clé ?

— Aucune clé ne m'a été promise. Je ne le savais pas, Jehanne. Les plans du roi Lothràl ont toujours été confus.

— Ton roi ne veut pas la paix ! Il veut la technologie, il veut conserver l'avance des Elfes pour perpétuer son hégémonie sur ce monde ! Lothràl est capable d'anéantir les autres espèces pour parvenir à son objectif. Pire, il justifie ses atrocités sous prétexte d'accomplir la volonté des Fondateurs des Mondes ! Il veut renvoyer les Humains et les autres, voire les massacrer si nécessaire ! C'est ça, la vérité !

— Qui a... ?

— Lothral lui-même vient de me le révéler ! Ashtar m'avait déjà mis sur la piste... Il m'a partagé une vision : un Elfe lui a rendu visite, il y a très longtemps.

— Comment as-tu... murmure-t-il d'une voix atone.

— J'ai cru un moment que c'était toi mais Lothràl est encore plus grand lorsqu'il est étiré. Ce ne peut être que lui !

— Que veux-tu dire ?

— Lothràl a d'abord promis un traité aux Apsis ! Mais il a réalisé que ce peuple, dans sa primitivité, s'était vu attribuée une garde.

— Une garde ? Pour garder... ?

— Est-ce que tu allais me le dire un jour, que je n'étais que moi-même qu'un outil ? Tu m'as menti, Ryön. Je préfèrerais que tu me tues maintenant plutôt que...

Pleure-t-il ? Ses iris de verre brillent et le bleu de ses yeux se démultiplie comme dans un stroboscope.

Je fais un pas contre la porte, anéantie.

Kipper a changé d'attitude. Il se frotte contre mes jambes et me pousse de son museau par petits coups pour m'en éloigner. J'obéis au félin à regret. Ses canines sont longues et il est capable de me mordre au sang.

— Ne me regarde pas avec cet air, Ryön. Tu savais aussi que je tomberai dans la clairière de Bois Blanc.

Il inspire un peu d'air, sûrement pour gagner du temps.

— Je ne le savais pas, je l'ai senti. Lorsqu'un portail s'ouvre, je le trouve rapidement. Mais je ne peux pas te dévoiler comment sans te mettre encore plus en danger. Ce que tu dois savoir, tu l'as déjà deviné. Charles a tant modernisé ce monde que Lothràl a pris peur de la rapidité des changements. Il a ordonné la destruction des portails. Un seul portail stable a survécu, dans le Jardin de Verre. Mais Charles en a trouvé d'autres, des éphémères. Cela, Lothràl ne le savait pas.

— Alors, tu as protégé Charles.

— Nous avons conclu un pacte, rappelle-toi. Finalement, Lothràl a changé d'avis sur les portails. Il a trouvé le moyen d'en créer un pour attirer à lui un Traverseur et sa technologie. Ce portail s'est refermé, lui aussi car il n'était pas suffisamment stable. C'est par celui-ci que tu es apparue.

Du menton, il désigne un jardinet sous l'ouverture baignée de soleil. Le bac de granit doit être long d'un mètre. Il y pousse une ribambelle de fleurs odorantes, certaines grimpant jusqu'aux murs tapissés de livres.

— Ce jour-là, j'ai écrasé une fleur, de la même espèce que celle que j'ai mise à ta broche, celle qui représente le jour de ton anniversaire. Celle que tu portes si bien.

— Épargne-moi ça !

Un pli amer se forme sur sa bouche.

— J'ai envoyé un Messager à Ysma et suis venu le premier pour t'accueillir dans la clairière. Je suis sincère, Jehanne. Je vais être soumis à la Lumière de Lothràl et je tenais à ce que tu saches cela avant que... Que... As-tu vu Edhelís ?

— Oui.

— As-tu consommé quoi que ce soit ? A-t-elle prononcé des paroles avec lesquelles tu n'étais pas familière ?

— Une décoction. Orange avec des pétales jaunes dedans. Elle a prononcé quelques mots en elfique.

Ryön se mord les lèvres.

— Une potion de scellé ! Le temps presse ! Je vais à présent être sondé sur mes intentions car Lothràl veut s'assurer de ma loyauté envers les Elfes. Hroaar est en bas. Il t'extradera.

— Hroaar ? À la Cité ? Encore un piège !

— Non ! Il va te permettre de t'échapper, m'oppose-t-il en désignant l'ouverture qui sert de fenêtre. J'ai senti que les choses tourneraient mal après le carnage des eaux de la Faille.

Son regard est suppliant :

— Une fois à la Capitale, va immédiatement trouver Grinalím. Elle a promis de t'aider.

Des bruits de course résonnent sous nos pieds. Poil hérissé, Kipper rentre sa queue à l'intérieur de ses pattes postérieures. Ryön a dressé la tête. Flairant encore l'air, il me pousse vers l'ouverture.

— Va ! Ne perds pas un instant !

— Cette sorte de fleur que tu as choisie pour symboliser mon anniversaire... C'est celle que tu as écrasée dans la clairière le jour où j'ai traversé le portail. Alors... Ce choix n'était que pour te rappeler que tu devrais me piétiner encore !

— Pardon, Jehanne. J'espère que tu comprendras.

J'enjambe le jardinet et m'accroupis sur le rebord. Dans les broussailles tapissées de feuilles mordorées, j'aperçois un colosse au crâne rasé. Le Lieutenant attend de me réceptionner.

Ryön me met d'autorité dans la poche son porte-bonheur : le caillou gris. Il est lisse d'être passé maintes fois entre ses doigts :

— Puisse ceci te porter chance. »

Il recule. Je lui jette un dernier regard. 

Avec une expression indéchiffrable, il pointe un doigt sur sa poitrine et y trace un arc de cercle renversé, aux arches élevées vers le ciel.

J'imagine que c'est un signe d'adieu.

Je saute.  

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Merci de votre lecture !

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