Chapitre 2
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Malgré ce que je viens de vivre et le grand soleil inondant la cabine, je sens le sommeil pointer le bout de son nez. J'ai vécu tant d'émotions en moins de quelques heures, toute cette situation me dépasse. La douleur dans mon crâne ne cesse pas, elle ne fait que grandir. Les paroles de tous ces hommes me reviennent, leurs regards, leurs gestes. La peur me hérisse les poils. « Comme un livre de médecin !»- Les livres de médecine, leurs titres me viennent à l'esprit presque instantanément. De toutes les contrés et tous les auteurs : le royaume de Prusse, l'empire d'Autriche, la dynastie Ming, ou encore les Maures. Mes connaissances ne s'arrêtent ni à ma zone géographique de naissance ni à mon époque. « Médecin ? Les sciences sont des enseignements dédiés aux hommes uniquement. Ce n'est rien d'autre qu'une sorcière.» Il a peut-être raison ? Suis-je réellement digne et légitime de soigner ces hommes ? Quand Jayden m'a pris sur le fait, devant ses hommes, je me suis senti comme une intruse devant un grand crime que j'ai commis. Finalement, c'est un crime, oui. Une femme ne peut ni étudier les sciences, ni exercer un métier scientifique. Nous sommes douces et délicates. Les arts, la littérature ou la musique doivent être nos seules occupations, car ils alimentent ce caractère doux et docile que nos pères réclament. Une femme n'est rien d'autre qu'une source de problème. Elle n'est ni héritière de quoi que ce soit ni créatrice de richesses. Le mariage ? Au royaume de France, c'est la famille de la jeune mariée qui donne une dot à la famille du mari donc ici aussi elle est un poids financier pour sa famille. Hormis pour un objectif politique entre nobles et monarques, mais le bas peuple n'ayant que peu de moyens, une jeune fille n'est que présage de malheurs. Et mes parents alors ? Étais-je un fardeau pour eux aussi ? Comment ce genre d'informations me viennent si naturellement, mais l'identité des personnes qui m'entoure m'est totalement inconnue. Sous ces dernières pensées, je m'assoupis la boule au ventre.
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Tout de suite plongée dans un rêve, je vois une petite fille qui, du haut de sa petite taille, est entourée d'un homme. Au vu de la ressemblance, ce doit être son père, d'autres personnes âgées - sûrement, des grands-parents - et d'une femme - alors là, pas de doutes, sa mère, c'est son portrait craché. Une autre femme blonde, très antipathique, est pendue au bras du père, dont le regard froid, plein de haine et de dégoût, posé sur sa fille glace toute l'atmosphère. La blonde, l'incitant à gifler violemment l'enfant et sourit satisfaite lorsqu'il le fait. Un bruit sourd retentit dans la pièce, l'enfant écarquille les yeux de surprise et de douleur, court dehors en sanglotant. Sa mère se précipite pour la rattraper et une fois dans ses bras le jeune enfant se livre.
- « Mère, je ne comprends pas ! Je me sens si honteuse et déshonorée ! »
- « Cela va aller, ma fille, tu es une femme. » Dit la mère en la serrant fort.
- « Mais tu m'avais dit qu'être une femme était la meilleure chose qui soit, alors... pourquoi père me déteste ? »
- « Notre société est injuste, un homme n'aurait jamais subi une telle humiliation. Mais tu dois rester forte et ne jamais montrer tes faiblesses. Être une femme, c'est exceptionnel, ma fille, ne l'oublie pas. Tu réaliseras des choses qu'aucun homme ne sera capable de faire, tu verras.
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Je me réveille en sursaut, complètement paniquée, dans une pièce, désormais, sombre et froide. Qu'est-ce que cela ? Un rêve ? Je regrette la présence, si rassurante, de la femme de mon rêve. Dans cette réalité, il n'y a personne pour moi. Je ne sais même pas qui je suis ! Et puis cette haine que j'ai vue dans le regarde de cette gamine, je l'ai ressenti et la ressens encore pour mon agresseur de la veille. Les hommes sont tellement méprisables !
Et bien, je dois me calmer, ce n'était qu'un cauchemar. Avec toutes les pensées noires que j'ai eues avant de m'assoupir, ce genre de songes était inévitable. Je décide d'aller grignoter quelque chose et sort, emportant, on ne sait jamais, le couteau arraché au chevalier. Malgré mes céphalées d'hier, je me souviens encore de mes pas. J'arrive à une intersection qui donne le choix entre deux couloirs. Finalement, mon sens de l'orientation n'est pas si aiguisé. Que puis-je faire ? Il me suffit juste d'ouvrir toutes les portes, non ? Et si je tombais à nouveau sur un homme de l'équipage ? Mon intrusion dans ses appartements serait une invitation parfaite pour lui. J'abandonne aussitôt cette idée, je choisis le couloir de droite un peu par hasard et continue de le longer. Une pièce sans porte attire mon attention. Je m'y arrête et jette un coup d'œil. Une corbeille de fruits posée sur la table du milieu me donne un premier indice quand l'assiette des restes du dîner confirme mon hypothèse. J'ai pu trouver la cuisine plus facilement que ce que je croyais. Ce bateau ne doit pas être si grand que cela. Je me sers du poulet quand une main se pose sur mon épaule. Je me retourne immédiatement et dirige le couteau sur la gorge de l'inconnu avant de réaliser que c'est le Capitaine Jayden. Pourtant, même après l'avoir reconnu, je ne bouge pas.
- « Que me veux-tu ? » Ai-je demandé d'un ton froid et autoritaire.
- « Impressionnant, je me sentirais presque en danger si je n'avais pas une épée » Sourit le Capitaine pour me rassurer peut-être. Je baisse cette fois-ci le couteau.
-« Je suis désolé pour tout à l'heure... II est aux arrêts dans sa cabine pour cinq longs jours, » S'excuse-t-il sincèrement.
- « Comment l'as-tu su ? Pour le chevalier, je veux dire ? » Je suis surprise. Il l'a vu ? Mais alors, je n'avais pas remarqué sa présence ?
- « Je vous ai vus et j'avoue que tu es très douée au maniement de la lame. Nous pourrions nous entraîner. Si, un jour, à la fin de tes soins, tu voudrais un cours... N'hésite pas ! » Ironise-t-il ?
Je décide d'en rester là. Sa compagnie n'est pas aussi désagréable que d'autres membres de son équipage certes, mais cette gentillesse peut tout de même cacher des intentions pas plus nettes que son collègue le pervers. Je ne saurai pas dire pourquoi, mais je ne peux céder si facilement. Il est bien beau, je lui accorde. Fort gentil, avenant, protecteur et amical. Malgré toutes ces qualités, je ne peux lui faire confiance, c'est peut-être trop tôt ? Après tout, il ne s'est écoulé qu'une seule journée depuis qu'il m'a accueilli avec sa lame pointé sur ma gorge.
- « Cela, te dérange-t-il si je finis mon repas dans mes appartements ? Je serai plus à l'aise. »
- « Oui, sans soucis ! Veux-tu que je t'accompagne ? »
- « Je te remercie, mais je me souviens du chemin que j'ai emprunté. »
Je sors après l'avoir remercié et me retrouve dans un couloir sombre. La lumière de la lune qui éclairait la cuisine à travers le hublot s'est faite absorbée par les ténèbres du long couloir. Un courant d'air glacial qui me fit frissonner, m'empêche de continuer ma route.
Je ne suis pas une trouillarde ! Je fais appel au peu de courage qu'il me reste et fais un pas dans les ténèbres. Mon pas ouvre un nouveau chemin, cette fois-ci lumineux et chaleureux. La bougie qui brûle désormais derrière mon dos me fournit assez d'assurance pour courir à travers les couloirs du bateau. Jayden...
...
Le lendemain, après avoir fini ma nuit, sans mauvais rêves, je décide de rendre visite aux blessés. J'enfile une chemise blanche qui fait trois fois ma taille, mais je n'ai guère le choix, ils n'ont pas prévu de taille pour femme ici. Le plus problématique est le pantalon qui est tout aussi large que trop long. Mais comment je vais bien pouvoir rafistoler cela moi ? Et bien un bout de ficelle suffira à remplacer la ceinture en cuir bien trop grande pour maintenir le pantalon sur mes hanches. Des ourlés pour enfin marcher sans me casser la figure et cela suffira. J'ai l'air affreuse, mais ai-je réellement le choix ?
Je m'apprête à quitter ma cabine quand je remarque une mallette en cuir noir posé contre le mur près de la porte. Elle m'est étrangement familière, mais mon simple regard, posé sur elle, pousse ma douleur au crâne à me lancer de nouveau.
Je décide de faire abstraction de cet objet et son contenu. Et puis Jayden pourrai me renseigner. Non pas que je lui fais assez confiance ou qu'il me plaît, seulement, c'est son navire et il en connaît le moindre contenu, non ?
Le couloir est froid, tout comme la veille, l'odeur de l'eau de mer y est encore plus présente que dans ma cabine. Une silhouette pressée me bouscule légèrement et s'excuse avant de remarquer mon identité. Le médecin de bord s'arrête en pleine course le visage rongé par la panique.
- « Mademoiselle, la plaie d'un jeune homme est infectée ! »
Il ne me laisse pas le temps de répondre et attrape ma main pour se précipiter vers la pièce où sont les blessés. Il est bien âgé, mais ne manque pas de vivacité, je suis presque dépassé par le rythme de ses pas. Il m'a finalement trouvé avant que je ne me perde une nouvelle fois dans le bateau.
Nous arrivons dans cette pièce. Celle où mes souvenirs sont nés pour la deuxième fois... Les blessés sont toujours sur le même sol crasseux. Le médecin a beau leur mettre des mélanges cicatrisants, leurs blessures ne font que s'infecter.
- « Je savais que cela allait se répéter, il faut nettoyer ce maudit endroit ! »
Je me précipite vers le malade qui paraît souffrir le martyre. La plaie n'est pas belle à voir, mais je connais bien les herbes et les substances nécessaires à mélanger finement et à appliquer délicatement sur la zone infectée.
...
Après avoir fait le tour, je reviens vers le jeune homme et celui-ci affirme que sa douleur est bien moins forte que le matin. Je savoure un grand sentiment de joie et beaucoup de fierté en rejoignant le médecin afin de noter par écrit, sur le journal de bord, ce que l'on a observé chez les malades.
- « Je suppose que tu ne sais pas qu'il est déjà midi et, également, que tu n'accepteras pas de manger avec le pauvre chevalier que je suis ».
Jayden me surprend pendant que je suis en pleine synthèse de mon malade le plus touché par la lame.
- « Arrête de faire l'enfant, j'arrive » Je répond en riant malgré moi.
- « Alors, dis-moi, qu'as-tu fait d'extraordinaire aujourd'hui ? » Demande Jayden lorsque je le rejoins.
- « J'ai découvert l'existence d'un nouveau champignon malfaisant, mais je l'ai vaincu avec mes remèdes de sorcière. »
Ma phrase tout juste finie, ma tête se met à tourner et tout devient flou autour de moi. Sauf la fillette, toujours aussi petite, que le père fixe de son regard mauvais.
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- « Tout ce que tu feras ne vaudra rien, gamine, tu ne sers à rien ! » Lance-t-il.
- « Mais, père, je viens d'apprendre à lire et... » Répond la petite fille.
- « Ne m'appelle plus ainsi ! Je ne suis pas le père d'une chose aussi inutile ! » Reprend l'homme en lui coupant la parole.
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Ces mots cruels la forcent à ouvrir les yeux.
- « Elle est inutile, et moi alors ? »
- « Tu te réveilles, enfin ! » Dit une voix masculine très douce.
- « Que se passe-t-il ? »
- « Tu me racontais tes prouesses et, avant que je te félicite, tu t'es évanouie. Fais attention à toi, s'il te plaît, je ne voudrais pas que tu tombes malade. »
- « Pourquoi t'inquiètes-tu autant pour moi ? » Ces mots m'échappent si rapidement et j'aimerai les remettre dans ma bouche. Pourquoi demander ? Espère tu une histoire folle avec ce chevalier espagnol sans même connaître ta propre identité ? Reviens sur terre jeune fille ! Il n'est pas pour toi. Il coupe la discussion que j'eu avec moi même après un petit silence.
- « Eh bien... Tu assistes le médecin de bord, si tu tombes malade qui va assister l'assistante du médecin ? » Plaisante-t-il en détournant le regard de moi.
...À suivre 🌹🥀
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