Avouer un peu, c'est avouer quand même
— Alors, tu avoues ta défaite ?
Ruisselant de sueur, Felix ramène une mèche rebelle derrière son oreille et pointe son épée sur Sylvain. Ce dernier s'assoit en tailleur et détaille Felix avec un sourire mutin.
— Tu sais que le style « chemise trempée de sueur plaquée sur le torse » te va à ravir ?
Felix plisse les yeux, désorienté. Ces derniers temps, Sylvain multiplie les allusions sensuelles à son égard. Ces plaisanteries inédites éveillent en lui un trouble agréable.
Depuis l'enfance, leurs existences se croisent et se confondent en mille épisodes précieux. Cependant, après la mort du frère de Felix un an auparavant, les séjours de Sylvain se sont raréfiés, par respect pour le deuil de la famille Fraldarius.
En dépit de son chagrin, Felix attendait avec impatience le retour de son ami. Jusqu'alors, il appréciait la tranquillité que lui procuraient les absences de Sylvain, lequel peut parfois se montrer envahissant. Pourtant, cette fois, un vide cruel le hantait. Après la perte tragique de Glenn, Sylvain a deviné et pansé la profonde tristesse que Felix dissimulait derrière un masque d'insensibilité. Lui seul le comprend. Felix a besoin de lui.
N'y tenant plus, il a écrit à Sylvain pour réclamer sa présence. Se pliant volontiers à ses exigences, son ami l'a rejoint dans la semaine. Mais est-ce vraiment un ami que Felix a accueilli ce jour-là à la porte du manoir ? Ses cheveux roux semblaient plus flamboyants, son sourire plus lumineux et sa peau plus... désirable ? Lorsqu'ils ont échangé leur traditionnelle étreinte fraternelle, des étincelles ont dansé dans son ventre.
— Prépare-toi, je vais t'allonger !
La provocation de Sylvain ramène Felix à la réalité.
— Dans tes rêves ! répond-il, narquois.
Sylvain penche la tête, songeur, et propose une alternative :
— Passons au corps-à-corps alors, c'est ta faiblesse.
— Pardon, mais c'est plutôt l'inverse ! s'esclaffe Felix.
Il pratique en effet la lutte avec assiduité alors que Sylvain évite cette activité de peur d'abîmer son beau visage. Felix jubile.
— Tu préfères combattre avec ou sans les poings ?
— Avec.
— Tu vas le regretter.
— On verra, commente le rouquin avec un clin d'œil effronté.
D'un geste assuré, Felix cueille deux rouleaux de tissu dans son sac et les lance à Sylvain. Puis il ôte sa chemise et protège ses propres doigts et poignets avec deux autres bandes. Prêt à en découdre, il se tourne vers son adversaire. Mais l'intéressé le dévisage avec un tel désir que Felix en oublie de respirer. Sylvain tend vers lui ses avant-bras à la ligne parfaite.
— Je ne sais jamais comment enfiler ces trucs. Tu m'aides ?
Felix déglutit et s'avance, jambes en coton. Il prend la main de son ami au creux de sa paume. Sylvain lui passe une des bandes de protection. L'intensité de son regard ne faiblit pas. D'ordinaire, Felix détournerait les yeux et enverrait une pique acide pour dissiper sa gêne, mais, en cet instant, son corps obéit tout entier à Sylvain.
— Une mèche cache tes yeux, observe Sylvain. Je peux... ?
La gorge nouée, Felix acquiesce et savoure la caresse, yeux mi-clos. Leurs visages sont proches, très proches. Le souffle de Sylvain chatouille ses lèvres quand il murmure en l'attirant vers lui :
— Tu es drôlement tactile aujourd'hui.
— Je...
— Est-ce que je te plais autant que tu me plais ?
D'ordinaire, Felix déteste évoquer ses sentiments, mais le moment n'est pas à la retenue. Tout en cherchant ses mots, il enlace lentement ses doigts à ceux de Sylvain.
— C'est possible.
Cette demi-confession arrache un petit rire à Sylvain. Il pose une main sur la taille de Felix et l'interroge du regard. Plus d'hésitation. D'un baiser, Felix franchit la distance qui sépare leurs lèvres et se laisse envahir par un délicieux tourbillon d'étincelles.
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