Chapitre 73 « C'est quoi le projet ? »

Alors, je sais que j'avais dit que ce chapitre était le dernier, mais il était beaucoup trop long et je l'ai coupé en deux. Donc il restera encore un chapitre avant l'épilogue.
Voilà, plein de bisous.
❤️

——Hakim——

Un mois plus tard

Il y avait une chose qui rendait encore Maya malheureuse. Je le savais bien. Le problème c'était que dès que quelqu'un abordait le sujet, elle se fermait direct comme une huître et on se retrouvait face à un mur. J'avais essayé plusieurs fois et même quand c'était moi, elle faisait comme si elle avait entendu walou.

J'aimais pas ça, parce que j'avais envie qu'elle règle un peu toute ses merdes avant qu'on se marie, question de sécurité. Même si au fond je savais que jamais de ma vie j'aurais la certitude parfaite qu'elle me planterait pas un matin, victime d'un gros coup de flippe ou d'un sentiment d'emprisonnement. Je lui avais dit et je le pensais toujours, être avec elle c'était un challenge quotidien.

D'ailleurs, plus le mariage approchait plus j'avais un moment d'hésitation en rentrant chez nous. Je me demandais à chaque fois si j'allais pas trouver l'appart vide, et toute trace de sa présence effacée.

Mais non, elle avait l'air de tenir le coup. Je me rassurais en me disant qu'elle était pas le genre de meuf à changer d'avis comme une girouette, si elle avait décidé un truc, elle s'y tenait. Et elle avait décidé de m'épouser.

Sauf qu'il y avait encore cette question de la danse et de ce qu'elle allait foutre de sa vie qui me triturait l'esprit.

Et ce soir c'était le sujet que j'avais décidé d'aborder avec elle, qu'elle le veuille ou non, on allait discuter. J'avais acheté deux bouteilles, sachant très bien que ma femme avait la langue qui se déliait quand elle avait un coup dans le nez.

Poussant la porte de l'appart, je fus surpris que seul Creed vienne me faire la fête, soit Hydra était dehors et m'avait pas entendu rentrer, soit un truc était pas net.

— Hydra ! Maya !

Si ma meuf était à l'appart, elle allait me hagar deuspi en m'entendant l'appeler de la même façon que la chienne.

Aucune réponse, j'entrai dans le salon pour poser les bouteilles et virer mes baskets. Même si l'absence du chien me permettait sans problème de comprendre qu'elles étaient parties se promener, j'avais une pointe de stress qui me faisait mal à l'estomac. Maya était encore assez faible, elle pouvait pas courir, et la force d'Hydra pouvait facilement la faire tomber.

Je sortis mon portable pour l'appeler et vis que Lucie m'avait identifié dans une publication Instagram. Je compris aussitôt que Maya n'était pas seule. Bordel mais ça lui aurait coûté quoi de m'envoyer un texto pour me le dire.

aimé par framalentourage, une_mandarine, sneazzysneazzy, kenscred et 31 autres.

lucetteg14 Toutes les femmes de ta vie @mekra_screw

kenscred : Pourquoi Hydra porte une écharpe ? #DonnezLuiUnLysopaïne #RendezLuiSaStreetCred #FreeHydra #FaitesUnGosseSiVousVoulezLHabiller

Je me contentai de double taper sur l'image et le commentaire de Ken.

L'instant d'après la porte d'entrée s'ouvrît et j'entendis la voix de ma femme résonner dans le couloir.

— Oui ma belle, attends je te lâche, oh mais je crois que ton maître est rentré, tu es intenable.

Je souris en pensant que j'entendrais ce genre de phrase toute ma vie si Dieu le voulait. Une seconde après Hydra me fonçait dessus pour me faire la fête.

— C'est quoi cette écharpe ? grognai-je suffisamment fort pour que Maya m'entende.

— C'est pas moi, répondit-elle en entrant à son tour dans la pièce, C'est Lucie, on était au Lux' et on a trouvé ça par terre et du coup elle l'a mise à Hydra. Je comptais la virer ne t'en fais pas, je trouve ça hyper cucul, mais je voulais voir ta tête avant.

Je relevai les yeux pour voir ma femme, dans son pull en laine vert foncé et sa jupe en velours brune, elle me matait avec des yeux un peu rieurs. Encore fois je me demandai comment on pouvait être à la fois si différents en même temps tellement pareils.

— Qu'est-ce que t'as à me regarder avec ces yeux de merlan frit Mékra ?

Je sursautai un peu en l'entendant m'appeler par mon blaze. C'était vraiment pas courant dans sa bouche.

Elle me rejoignit pour déposer brièvement ses lèvres sur les miennes et je la retins par le poignet alors qu'elle s'apprêtait à faire sa vie tranquille dans l'appart.

— Pose toi.

Maya me jeta un regard surpris, puis ses yeux dévièrent vers les bouteilles et elle haussa les sourcils.

— C'est quoi le projet ? demanda-t-elle.

La différence entre elle et moi, c'était qu'elle n'était pas en mesure de savoir quand je mentais, parce que c'était très rare que ça arrive. Je crois même que c'était la première fois que je m'apprêtais à lui raconter une connerie, mais bon, j'avais pas le choix, il fallait qu'on parle.

— C'était hard au stud, j'ai pas réussi à poser mes couplets et je me suis dit qu'une petite soirée à boire tah l'ancienne ça pouvait nous faire du bien.

Elle plissa les yeux, cherchant le piège et je tirai doucement sur son bras pour la forcer à s'assoir à côté de moi sur le canapé.

— T'as pas déjà picolé toute la journée au studio ?

Depuis quand cette alcoolique se souciait de ma propre consommation ?

— Namira... t'avais prévu un truc ? S'te plaît. Tu préfères que je boive tout seul ? Ou je vais chez Ivan ?

Elle secoua la tête négativement mais je la sentais toujours sur la réserve.

— Je vais chercher des verres, murmura-t-elle.

Je la regardai se lever en priant pour que ma technique fonctionne, ça faisait des mois que je me prenais des stops à chaque fois que j'abordais le sujet et ce soir j'avais décidé que c'était fini.

— Putain Creed, l'entendis-je râler dans la cuisine, Tu fais chier c'était un collant tout neuf. Haks fous moi ce chien dehors si tu veux qu'on boive, j'apporte à manger.

J'obéis, c'était clairement pas le moment de protester.

Ma meuf réapparut quelques minutes plus tard avec un plateau plein de bouffe et des verres. La jambe gauche de son collant était effilée sur toute la longueur. C'était assez sexy à vrai dire.

Saha Creed.

— En fait, t'as eu une bonne idée, dit-elle, je crois que ça va me faire du bien de boire un coup avec toi.

Ce revirement de situation était un peu surprenant mais je m'en formalisais pas et quand elle eut tout disposé sur la table basse, je remplis nos deux verres tour à tour de Jack et de Zubrowka.

— C'est quoi ce couplet que t'arrive pas à poser me demanda-t-elle en trempant ses lèvres dans la vodka.

— Euh, ça t'intéresse vraiment ?

J'avais pas trop prévu qu'elle pose des questions là dessus.

— Bah, ça a l'air de te chagriner, alors oui ça m'intéresse.

Bon, je n'avais pas vraiment mytho sur ce truc, j'étais réellement en galère sur un son, mais parler du peura était pas forcément dans mes plans pour ce soir.

— C'est rien, c'est un couplet avec Doumams, mes lignes collent pas aux siennes, j'pense qu'on va abandonner l'idée.

Je me tus et bus une large gorgée de whisky, pendant qu'elle me considérait bizarrement.

— C'est quoi le thème du morceau ?

Mais depuis quand le rap l'intéressait putain ? Elle me posait jamais de questions dessus et c'était tout juste si elle écoutait nos sons. « J'aime pas le rythme » qu'elle disait à chaque fois.

— C'est sur le fait de réussir sa vie.

— Original, railla-t-elle, Un sujet que vous n'avez pas du tout exploité.

Ses sarcasmes étaient très loin de m'atteindre, mais comme je voulais arriver au but, sa réplique m'énerva un peu. Elle se servit un nouveau verre de vodka.

— Fais voir tes lignes, dit-elle encore.

— Non.

Alors là question de principe, je détestais qu'on lise ce que j'écrivais, à part les reufs, personne n'avait à y fourrer son nez.

— Comme tu veux, je voulais juste t'aider.

— Ça ira.

Elle resta silencieuse, j'étais de plus en plus étonné par son attitude et je finis par le lui faire savoir :

— T'es cheloue ce soir.

Elle redressa la tête et lorsque ses yeux percutèrent les miens, je compris aussitôt que je l'avais sous-estimée. Elle était en colère.

— Toi aussi. Je rentre tranquille et tu m'attends pour me faire picoler, on dirait que t'as un plan derrière la tête et j'aime pas ça. Tu crois vraiment que je vois pas que ton couplet n'est qu'un prétexte Hakim ? Tu peux faire le malin en disant que tu me connais par cœur et que tu sais quand je mens, mais tu crois que je te connais pas ? Depuis un mois, habituellement quand t'es là le soir, tu passes vingt minutes à jouer avec les chiens, après tu te rappelles que t'as une meuf quand il faut manger, et puis tu t'affales dans le canapé avec ton ordi ou pour regarder le match, jusqu'à ce que j'aille me coucher et que là, ta queue te rappelle à l'ordre et tu montes pour me sauter dessus comme un gros dalleux. Et ça c'est quand t'es seul, parce qu'une fois sur deux, y a Idriss ou Yass qui squatte avec toi sur ce putain de canapé jusqu'à trois heures du matin. Donc si quelqu'un est chelou ce soir, c'est toi ! Depuis qu'on est rentrés d'Egypte je comprends pas ce que t'as ! Et franchement, quand je t'ai dit oui, c'était pas pour vivre une vie de femme au foyer mariée avec un gros beauf qui la calcule à peine quand il rentre.

Oh bordel de merde.

Elle était d'une mauvaise foi tellement décoiffante que ma casquette aurait pu s'envoler de ma tête.

Je sentais une sourde rage s'emparer de moi, elle avait réussi, en un monologue, à me faire sortir de mes gonds.

— T'es vraiment une petite menteuse, tu veux que je te raconte ce que je vois moi quand je rentre ? J'arrive en me demandant chaque jour si je vais encore trouver tes affaires dans l'appart. Quand t'es là et que je te demande comment s'est passée ta journée, si t'as vu du monde, tu me fais limite la gueule. Parce que Clem s'occupe de son gosse, parce que Lucie danse et a un gosse, parce que toi t'es paumée et t'as ni gosse, ni travail, même ta putain d'assoc' tu t'en occupes vite fait et c'est Lucie qui se tape tout le boulot, parce que dès que ça parle de danse tu te planques. Donc je prends sur moi pour pas trop te parler de ça parce que je sais que ça te fait du mal. Ensuite, tu tires une tronche de six pieds de long toute la soirée, et quand je te demande pourquoi t'es mal, tu me dis en me mentant ouvertement que tout va bien. Et ouais t'es toujours un peu plus douce quand tu vas te coucher, je sais que t'as peur le soir et que t'as besoin de moi, donc j'attends effectivement impatiemment le moment où tu montes parce qu'enfin j'ai un peu l'impression que tu m'aimes encore.

Je m'attendais alors à ce qu'elle se lève brusquement, casse à peu près tout l'appart en m'insultant. Mais au lieu de ça son visage dur se décomposa littéralement en face du mien et elle fondit en larmes, désarmant totalement ma colère.

Finalement, on allait peut-être réussir à crever l'abcès ce soir.

— Maya...

— Je... crois qu'on s'est tout... tout dit pour ce soir. Je vais me coucher... je te laisse ranger. Dors sur le canapé.

Ah ben non.

Elle se leva et rejoignit le couloir, s'apprêtant à monter dans la chambre.

Mais c'était hors de question qu'on se couche fâchés. Elle allait me parler ce soir. En moins de deux secondes, je l'avais rejointe et coincée contre le mur.

— Hakim, souffla-t-elle, laisse moi.

Je saisis sa mâchoire dans ma paume, mais elle refusa de lever les yeux vers moi.

— Même pas en rêve je te laisse aller te coucher sans moi dans cet état. Je te jure que si tu me parles pas je t'épouse pas.

J'étais vraiment sérieux, je pouvais pas épouser une meuf qui était malheureuse et qui refusait de me dire comment remédier à ça. Ça me rendait ouf de la voir comme ça, je l'aimais comme un fou et c'était justement pour ça que je supporterais pas que ça dure.

— Hakim... supplia-t-elle.

— Parle moi bordel de merde.

Maya connecta alors ses yeux aux miens, lentement ses paumes se placèrent sur mon cou et je sentis ses griffes se planter dans ma nuque.

La bouche entrouverte elle me fixait avec une intensité qui l'espace d'un instant me fit perdre mes moyens.

Comment faisait-elle ça putain ?

Je sentis les muscles de mon bras qui la maintenait à distance se détendre, et elle amplifia la pression sur ma nuque, attirant mon visage contre le sien.

Un grognement m'échappa lorsque sa langue rencontra la mienne et qu'elle colla davantage son corps ferme au mien.

Mes pensées s'obscurcissait, je perdais le contrôle.

L'une des ses main fraîche quitta mon cou pour se faufiler sous mon sweat et agripper la peau de mon dos, m'arrachant un violent frisson.

Tigresse sauvage et dangereuse, elle ondula contre moi et ma main abandonna sa joue pour attraper sa cuisse. Sous mes doigts le collant effilé me permettait déjà de sentir sa peau.

Je vrillai complètement.

Si Creed n'avait pas aboyé, je me serais fait avoir comme un putain de débutant.

— Maya !

Je me détachai brusquement d'elle, revenant à la réalité.

On pouvait me traiter de macho tant qu'on voulait, je croyais fermement que quand une femme n'avait plus de défenses, elle utilisait son corps.

— Tu crois pas que je sais ce que t'es en train de faire, dis-je durement.

Ma frustration faisait ressortir la colère qui s'était calmée avec ses larmes.

Elle baissa les yeux, ne répondant rien. Le souffle court, je lui jetai un regard mi sévère mi dégoûté.

Mais quel faible j'étais bordel.

— T'as une minute top chrono pour parler, sinon je te jure que je me barre.

J'espérais de tout cœur que cette fois encore, cette technique marcherait, parce que ça me tuerait de devoir mettre ma menace à exécution.

Les yeux fixés sur ma montre, j'attendis, la respiration en déroute et le cœur battant.

— Trente seconde.

Seul un sanglot me parvint. À cet instant précis je la détestais.

— Dix secondes.

Mon pouls résonnait à une vitesse incroyable dans mes oreilles. La trotteuse finit le tour du cadran.

Elle ne gagnerait pas ce soir, moi non plus.

Après avoir saisit mes clés et une paire de Nike dans l'entrée, je claquai la porte de l'appartement derrière moi.

Nous avions perdu tous les deux.

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