Chapitre 72 « Hakim, on a plus quinze ans. »

Voilà l'avant dernier chapitre avant l'épilogue, ça me fait vraiment bizarre d'avoir presque fini Félins. Merci encore pour tous vos commentaires, vous m'apportez tellement de joie.

Bisous tout doux et bonne lecture.

❤️

— Tigrou ralentis, on va avoir un accident ou tu vas perdre ton permis. T'en fais pas, il naîtra pas sans toi.

Hakim roulait largement au dessus de la limitation et je n'étais pas rassurée, mais je trouvais assez adorable le fait qu'il soit aussi stressé pour un enfant qui n'était pas le sien.

Oh mon Dieu, Maya comment peux-tu trouver Hakim adorable ? me sermonna ma conscience.

Cela faisait longtemps qu'elle ne m'avait pas cassé les pieds celle-là.

— Ok alors appelle mon reuf, et dis lui de rester au tel jusqu'à ce qu'on soit là.

Je souris et tentai de récupérer son téléphone dans la poche de son jean.

— Maya, mon portable est en Bluetooth sur la gov, qu'est-ce que tu me tripotes alors que je conduis.

Étouffant un petit rire, je lui pinçai la cuisse, le faisant sursauter, avant de chercher sur le tableau de bord électronique le téléphone et le numéro d'Idriss.

Il décrocha à la première sonnerie.

— Ouais, vous êtes où ? demanda-t-il, On est presque vingt-cinq dans la maternité, c'est le delbor.

Effectivement, il y avait un bruit monstre autour de lui.

— On arrive d'ici dix minutes, informai-je mon futur beau-frère.

— Y'a qui ?

Comme si c'était une soirée.

— Euh bah le S-Croums moins toi, répondit Fram, le L au complet, la daronne de Clem, les parents de Nek, sa reus, Sneazz, Camille, ma femme et mon fils, Violette, Yass, Syrine...

J'éclatai de rire, c'était vraiment n'importe quoi, le personnel de l'hôpital devait s'arracher les cheveux.

— Non mais c'est pire que la naissance de Jésus là ! m'exclamai-je, Vous avez suivi l'étoile du berger ou quoi ?

Hakim rit et j'entendis Idriss pouffer dans le téléphone.

— Bougez vous, Nek vous le pardonnera jamais si vous êtes en retard.

— T'inquiète, on est les rois mages, répondit Hakim, on arrive avec plein de cadeaux.

Cette métaphore allait beaucoup trop loin, mais après tout, nous étions en plein mois de décembre.

Un petit quart d'heure plus tard nous claquions les portières de la BM pour rejoindre l'hôpital. Malheureusement, j'étais toujours bien incapable de courir.

— Putain Nam...

Je me sentais mal d'être encore handicapée par mon corps blessé. Hakim était si pressé.

— Désolée, vas-y sans moi, je vous rejoins.

Il me lança un regard contrarié.

— N'importe quoi, monte sur mon dos.

— Hakim, on a plus quinze ans.

— Bouge ta race, j'ai pas le temps pour tes jérémiades.

J'avais vraiment l'homme le plus romantique de la planète, il s'exprimait toujours de manière si tendre.

— Maya ! aboya-t-il.

Stressée par son ton impératif, je me dépêchai de passer mes bras autour de son cou et d'un mouvement vigoureux, il souleva mes cuisses avant de se mettre aussitôt à courir à travers le parking.

Nous allions nous ramasser la gueule avant d'avoir rejoint les autres, c'était certain.

Idriss nous avait déjà indiqué l'étage et mon rappeur ne perdit pas de temps en entrant dans la maternité et se jeta sur l'ascenseur. Je pus enfin descendre délicatement de mon perchoir.

— Merci, soufflai-je.

La porte de l'ascenseur s'ouvrît et Haks saisit ma main pour m'entraîner vers le couloir. Un instant plus tard un joyeux brouhaha parvint à nos oreilles. Effectivement, ils étaient nombreux.

Lucie me sauta presque instantanément dessus. Je cherchai Naël des yeux et le vit dans les bras de son père.

— Waouh vous êtes bronzés ! s'exclama ma meilleure amie, Je suis trop jalouse.

Hakim lâcha mes doigts pour rejoindre ses frères qui l'accueillirent bruyamment.

— C'était bien ? demanda-t-elle, tu as pu voir tes parents ? Et avec Haks ça s'est bien passé ?

— Calme toi Lucette, on vient à peine d'atterrir, j'ai plus de dix heures d'avion au compteur, j'en peux plus.

Je me laissai tomber sur une chaise et elle récupéra Naël qui naviguait de bras en bras pour me le poser dessus. Lorsque mes yeux rencontrèrent les belles prunelles sombres de mon neveu de huit mois, je ne pus m'empêcher de sentir mon cœur de se ramollir. Toujours aussi bavard, il gazouillait et m'adressait de beaux sourires édentés. J'étais déjà certaine que Naël serait une vraie source de joie pour son entourage, tout comme l'était Lucie.

— Alors, me pressa-t-elle, raconte !

— Bah j'ai vu mes parents, ça s'est pas très bien passé. J'ai adoré Le Caire et même si Haks a un peu râlé, je crois qu'il a bien aimé aussi. Il a été super, c'est vraiment mon pilier. Je...

Ma phrase resta en suspens pendant que Lucie m'adressait un regard encourageant. Mais j'avais beau avoir changé, il était toujours difficile pour moi de livrer mes sentiments.

— Tu ?

— Je sais pas comment je faisais sans lui, avant.

— Tu étais glaciale et malheureuse. C'est tout.

Lucie avait compris depuis longtemps qu'avec moi, il fallait aller droit au but et ne pas passer par quatre chemin pour dire les choses.

Une joyeuse clameur s'éleva à côté de nous et je relevai la tête pour voir Ken arriver, il portait une blouse, ses cheveux étaient complètement désordonnés et il semblait ne pas pouvoir articuler quoi que ce soit tellement des flots de larmes inondaient ses joues.

La même terreur traversa en même temps toutes les personnes présentes dan la salle d'attente.

— Oh mon Dieu, murmura Lucie.

— Wesh y a quoi ? demanda quelqu'un d'autre.

— Mandarine ! s'exclama simplement Sneazz comme si celle-ci pouvait l'entendre.

Finalement je vis Hakim saisir son petit frère adoptif par le col et le secouer sans douceur. Il était tellement tendu.

— Ken, bordel de merde ! C'est quoi le bail !?

— J'ai... euh... On... Elle a réussi putain. J'suis choqué à vie... c'était tellement dur pour elle, j'ai jamais vu...

Il essuya ses larmes d'un revers de main en reniflant comme un enfant. Tout le monde était suspendu à ses lèvres, un silence religieux régnait dans la pièce.

— J'ai jamais vu ma femme souffrir autant... reprit-il, elle est au bout du bout, vous pourrez pas la voir ce soir. Mais... Elle a réussi.

J'étais estomaquée, il ne parlait strictement que de Clémentine, comme si l'avoir vu souffrir à ce point était la seule chose qui l'avait marqué. Rien à voir avec Idriss qui était directement sorti en nous parlant de son fils. Néanmoins la différence était que l'accouchement de Lucie s'était bien déroulé.

— On est parents, les gars, on a une fille, elle Il s'appelle Iris et elle est toute petite... 2,6kg et 47cm. Bordel... je m'en remets pas, je suis daron.

Tout le monde s'anima de nouveau et Haks donna une longue accolade à Ken qui semblait véritablement bouleversé. Je m'approchai doucement. Naël toujours dans les bras.

— Hé, Ken...

Il me sourit dans ses larmes et nous quitta quelques secondes pour dire à Sneazz et la mère de Clem qu'ils pouvaient aller la voir, mais ce serait les seuls ce soir. Puis il revint vers nous.

— On... on va faire baptiser la petite, c'est important pour Clem et pour nos familles. On s'était mis d'accord pour que je choisisse le parrain et qu'elle choisisse la marraine, et euh...

Ken se tut un instant pendant qu'Ivan et le petit chauve lui donnaient des claques dans le dos.

— Deux secondes les mecs, voilà on s'est marrés quand on s'est rendus compte qu'on avait chacun pensé à l'un de vous. Je sais que toi Haks t'es pas chrétien, et toi Maya je sais pas trop ce que t'es, mais nous on voit ça comme... Euh en gros on sait que si on crève tous les deux, vous élèverez notre fille comme si c'était la votre et que vous lui inculquerez nos valeurs. À partir de là c'était logique que ce soit vous. Enfin si vous acceptez...

J'étais sans voix, n'en revenant pas qu'ils m'aient voulue moi pour marraine d'Iris. Hakim cela se comprenait, mais moi...

— Tu sais que la question se pose pas kho, évidemment qu'on accepte, répondit Hakim pour nous deux.

Ken m'adressa un regard interrogateur comme pour me demander confirmation et j'opinai du chef.

— Je vous laisse, je retourne avec Clem, passez demain elle ira mieux et vous pourrez voir Iris.

Nous acquiesçâmes et Haks se tourna vers moi, l'air ému.

— J'sais pas ce qu'ils ont tous à vouloir nous confier leur gosse.

Je lui répondis par un sourire, moi non plus je ne comprenais pas, Idriss et Lucie nous avaient également désigné comme tuteurs légaux dans le terrible cas où tous les deux décéderaient.

— Ils ont pas intérêt à tous mourir en même temps parce qu'on va se retrouver avec une famille nombreuse, on va pas comprendre, l'appuyai-je.

— Parle pas comme ça tu vas leur porter l'œil, me gronda Hakim.

Khamsa fi ainek, répondis-je en répétant la formule entendue maintes et maintes fois dans sa bouche.

Naël s'était endormi contre mon cœur et je sentais que mes bras commençaient à fatiguer de le porter.

— Je vais refiler Naël à ses parents et on y va ?

Hakim m'adressa un sourire amusé.

— Tu devrais le garder, ça te va mleh.

Je sentis alors mes joues s'enflammer et me dépêchai d'aller mettre mon neveu dans les bras de sa mère.

(...)

Nous revînmes le lendemain pour voir Clem et Iris, il n'y avait que Sneazz, Ken et ses parents quand nous arrivâmes dans la chambre.

Elle était méconnaissable, j'eus vraiment mal cœur de la voir aussi marquée, effectivement l'accouchement avait dû être vraiment compliqué. Des cernes violettes entouraient ses beaux yeux bruns et une fatigue intense imprégnait ses traits tirés.

Mais elle avait l'air heureuse, profondément, et lorsque je vis la minuscule petite fille qui dormait à côté d'elle, je compris que toute cette souffrance avait vraiment valu le coup.

Mohammed était penché sur elle, l'air absolument émerveillé.

Hakim me poussa doucement pour que je m'approche avec lui de notre filleule.

— Elle est toute petite... chuchota-t-il.

Aucun de nous n'osait la toucher, elle avait l'air si fragile.

— Vous êtes adorables, rit Clem en nous désignant tous les deux, On a bien choisi.

Je grimaçai, n'aimant pas être le genre de couple que l'on trouve « adorable » et Clem rit de plus belle.

— Vos têtes sont impayables, vous avez eu exactement la même grimace. Je vous aime.

Clémentine était le genre de personne qui n'avait aucun mal à dire à ses amis qu'elle les aimait, pour ma part c'était juste inenvisageable. Mais j'étais touchée qu'elle le fasse.

Ken avait toujours l'air complètement bouleversé, il couvait sa femme d'un regard inquiet et protecteur, il me sembla qu'il avait vraiment dû avoir peur pour sa vie.

— Beauté, si tu es fatiguée dis le, ils reviendront.

La jeune femme caressa doucement la joue de son mari avec une mine affreusement attendrie que j'espérais ne jamais voir apparaître sur mon propre visage.

— Ça va, Ken, je suis heureuse de les voir.

J'étais toujours fascinée par Iris, c'était vraiment un joli bébé, bien plus que Naël à sa naissance.

Moh avait l'air aussi heureux qu'inquiet pour Clem, et Haks me regardait un peu étrangement depuis quelques minutes et cela commençait à me faire flipper. Je savais très bien ce qu'il avait derrière la tête. On aurait dit un enfant jaloux du nouveau joujou de son frère, qui se tourne vers sa mère pour dire « Moi aussi j'en veux un ».

Tout doux l'agneau, nous en parlerions une fois seuls.

— Putain Maya l'abeille !

L'exclamation de Sneazz nous fit tous sursauter.

— Parle mieux devant ma fille, toi, répondit aussitôt Ken.

— Non mais ! Elle va butiner Iris, protégez-la !

Un éclat de rire général emplit la pièce, réveillant le bébé qui réclama le sein de sa mère.

Lorsque nous sortîmes de la chambre, le bras d'Haks entoura mes épaules et il m'attira contre lui pour rejoindre l'ascenseur.

— Je sais très bien à quoi tu penses, murmurai-je.

Il me répondit par un simple sourire énigmatique et une fois dans la rue, finit par me demander :

— Et toi t'en penses quoi ?

Je soupirai, un peu mal à l'aise, à dire vrai je ne savais pas vraiment quoi en penser.

— Je... Ça me fait peur. J'ai peur d'être une mauvaise mère... et en même temps, j'aimerais bien avoir des enfants. Mais... je me disais que... après le mariage je pouvais peut-être arrêter la contraception. Et puis si y a un petit bébé qui arrive bah...

Un sourire immense fendit le visage d'Hakim et il s'arrêta un instant pour embrasser ma tempe.

— Mleh.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top