Chapitre 41 « Fous moi la paix »

Nous n'échangeâmes pas le moindre  mot en nous éveillant.

Je mourus d'envie de fondre en larmes lorsqu'il me regarda longuement avec des yeux un peu tristes, puis il m'attira dans ses bras un bon moment.

J'aurais voulu que cela dure encore et encore, mais Hakim finit par se détacher de moi pour s'habiller et se chausser. Je rabattis la couette sur mon visage pour ne pas assister à ce spectacle qui me déprimait.

Il aurait simplement fallut que j'ouvre la bouche pour le retenir, mais je n'en fis rien, parce que je n'en avais pas le droit. J'avais déjà pris bien trop de risques cette nuit.

Il poussa un long soupir et je descendis imperceptiblement la couette pour l'observer. Il était assis, dos à moi, accoudé à ses genoux et se frottait le visage.

J'avais mal au ventre, c'était dur pour lui, ça l'était encore plus pour moi.

Finalement, le rappeur se retourna et vit que je l'observais. Il soupira de nouveau et baissa la couette pour découvrir mon visage dans sa totalité.

Sa paume recouvrit ma joue quelques instants, il appuya doucement sur mes lèvres avec son pouce, j'avais remarqué qu'il faisait souvent ça. J'aimais ce genre de gestes qui n'appartenaient qu'à lui, comme sa façon de toujours saisir ma mâchoire quand il voulait que je le regarde, personne d'autre ne faisait ça.

Il me lâcha et je me dégageai des draps avant d'enfiler mon kimono. Soulevant un coussin de mon lit, je dégageai le sweat du rappeur dans lequel j'avais dormi pendant des semaines.

Timidement, je m'approchai de lui et telle une adolescente de quinze ans, je lui dis d'une voix à peine audible.

— On échange ?

Un mince sourire naquit sur ses lèvres, il avait très bien compris et je crois que l'idée lui plaisait aussi.

Il ôta le sweat qu'il venait de mettre et me le tendit avant d'enfiler celui que j'avais gardé.

— Merci... chuchotai-je, Hakim... je suis tellement désolée.

D'une main il me fit signe de me taire et m'attira sur ses genoux, je me blottis dans ses bras et il me serra contre lui un long moment, déposant plusieurs fois ses lèvres contre mon front. C'était dur de retenir mes larmes, je me transformais en véritable fontaine depuis que je l'avais quitté, c'était vraiment pathétique.

— Je t'interdis de pleurer, souffla-t-il, ni maintenant, ni plus tard.

Je hochai la tête contre lui, puis au bout de quelques minutes, je quittai ses bras, sachant que plus nous attendions, plus la séparation serait douloureuse.

Il se leva, me fit face quelques instants, puis, comme je n'ajoutai rien me tourna le dos. Je le retins par le bras et me jetai sur ses lèvres, m'accrochant à lui comme un koala à son arbre. Hakim grogna et ses mains se positionnèrent aussitôt sous mes fesses, il me rendit mon baiser avec insistance et puissance. J'avais les lèvres en feu mais c'était le dernier de mes soucis, même le goût métallique dans ma bouche ne me dérangeait pas tant j'avais besoin de ce dernier échange.

Puis j'éloignai ma bouche de la sienne et le fixai quelques instants.

— Avec toi, je ne suis plus insensible, soufflai-je.

Le rappeur comprit ce que je voulais dire et m'embrassa brièvement, puis il me lâcha et mes pieds tombèrent sur le sol.

— Tu l'es quand même, sinon on en serait pas là, et t'arrêterais de me mentir en me disant que c'est pour ta carrière.

Je lui adressai un regard aigre, s'il savait que c'était justement l'inverse.

— Je finirai par découvrir ce que tu caches, Namira.

Il se détacha de moi et je fermai les yeux pour ne pas le voir partir.

(...)

Une semaine était passée depuis ma nuit avec Hakim, je ne regrettais rien, cela m'avait redonné de la force. Ma sœur avait accepté d'entrer en cure de désintoxication, je devais l'accompagner dans un centre le lendemain. Mais ce soir, il y avait la dernière de La bayadère et j'avais du travail pour être au top de mon niveau et espérer avoir un rôle plus important dans le prochain ballet.

Benoit venait de rentrer de New-York mais j'avais pour l'instant réussi à l'éviter. L'idée de le croiser m'angoissait profondément, j'étais stressée à chaque fois que j'allais à l'Opéra. Il m'inondait de messages, j'étais terrifiée à l'idée qu'il découvre que j'avais revu le rappeur.

Joanna me suivait partout, nous avions beaucoup parlé elle et moi. Elle n'avait cessé de me demander pardon et je devais bien admettre que j'avais des réserves, elle était si instable.

Ce soir, elle restait sagement à côté de moi pendant que je me faisais maquiller et coiffer avant la représentation.

Ce que nous ignorions toutes les deux, c'était qu'à cause d'une toute petite phrase de sa part, j'allais vivre l'une des pires soirées de toute ma vie.

Tout commença quand, alors que la costumière faisait des retouches de dernière minute sur ma tenue de bayadère.

Benoit, qui ne dansait pas ce soir là, fit irruption dans la loge.

— Maya, s'exclama-t-il, Je te cherche partout ! Pourquoi tu n'as pas répondu à mes messages ?

Parce que je ne les lis même pas tellement tout ce qui provient de toi me répugne, pensai-je.

— Parce que j'étais occupée, je ne regarde jamais mon téléphone.

Il secoua la tête.

— Je veux que tu me répondes quand je t'écris Maya.

Le ton de sa voix était écœurant tant il était sans réplique. Je détestais sa manière autoritaire de s'adresser à moi.

— C'est bon, fous moi la paix.

Il allait s'énerver mais il s'aperçut soudainement de la présence de Jo.

— Qui est-ce, me demanda-t-il comme s'il ne pouvait pas d'adresser directement à elle.

— C'est ma sœur, expliquai-je.

Le fait que je ne sois pas seule n'avait pas l'air de plaire à Benoit, quant à moi cela m'arrangeait car il était moins entreprenant.

Enfin ça c'est ce que je croyais, car Il s'approcha de moi pour me chuchoter à l'oreille.

— On se retrouve après la représentation, tu m'as beaucoup manqué.

Un frisson me parcourut, cet homme qui me plaisait tant quelque mois plus tôt, me donnait désormais envie de vomir à chaque minute. Mais aujourd'hui, je n'avais plus de force et j'avais envie de lui dire non. C'était sans compter la bombe que lâcha ma sœur.

— C'est ton mec ? Je préférais celui qui a dormi chez toi la dernière fois. '

Les yeux de Benoit se posèrent sur mon visage, il avait compris. Une panique indescriptible me gagna.

— Tu l'as revu ? siffla-t-il entre ses dents, Tu as couché avec lui ?

Je ne répondis pas, fixant le bout de mes pieds, le drame arrivait.

— Tu vas le payer très cher.

C'est le moment que choisit Solange pour passer sa tête dans l'entrebâillement de la porte.

— Maya c'est parti, dit-elle.

J'étais ravie de pouvoir m'échapper, m'empressai de dire à ma sœur de me suivre en coulisse, et me dépêchai de rejoindre les autres danseuses.

Tout le long du spectacle, une boule d'angoisse me tarauda l'estomac. Je tentais de l'oublier mais elle était trop forte. Benoit allait prendre un malin plaisir à m'humilier pour me faire payer ma nuit avec Haks.

Oh mon Dieu j'avais si peur qu'il efface son souvenir sur ma peau.

À la fin du ballet, j'eus à peine le temps de jeter un regard triste à Lucie qui avait quant à elle l'air d'exulter de joie, que des doigts se refermèrent sur mon poignet et m'entraînèrent violemment.

Paniquée, je tentai de me libérer de l'étau de la main de Benoit mais il me tint plus fort encore et me tira dans une petite pièce vide qu'il ferma à clé.

— Alors comme ça, dès que j'ai le dos tourné, tu en profites pour trahir notre contrat ? dit-il d'une voix étonnamment calme en me coinçant entre lui et le mur.

Je tremblai littéralement, mais soutins son regard et décidai que cette fois, je ne me laisserais pas faire.

— Ce que j'ai fait et qui j'ai vu pendant que tu n'étais pas là ne te regarde pas.

Il sourit et ferma son pouce et son index sur mon menton mais je secouai la tête pour me dégager. Je n'en pouvais plus, j'arrivais au stade de saturation totale et mes nerfs s'échauffaient.

Ma dernière nuit avec Hakim avait tout changé. Je ne pouvais imaginer qu'un autre homme me touche, et surtout pas Benoit.

— J'aime quand tu fais ta rebelle Maya, ça m'excite. Maintenant tiens toi tranquille, je dois récupérer ce qui m'appartient.

— Non ! protestai-je, C'est fini, je ne veux plus. Je ne t'appartiendrai jamais Benoit, quand bien même tu as eu mon corps entre les mains, je n'ai jamais été avec toi dans ces moments-là. Tout me rebute chez toi, je ne serai jamais à toi.

Sa main s'écrasa sur mon visage en une gifle violente et je répondis aussitôt par un coup de poing en plein dans son nez. Un craquement sinistre retentit et très vite du sang se mit à s'échapper de ses narines.

Passés la surprise et les gémissements de douleur, ses mains saisirent vigoureusement mes poignets et il me retourna pour me plaquer face contre le mur.

— Tu vas tellement payer que tu t'en souviendras toute ta vie. Et demain je balance tout sur ton petit copain le taliban.

— Non ! hurlai-je, Tu n'as pas le droit ! C'est que du mensonge ! Hakim n'y est pour rien !

Il ricana dans mon oreille et tira violemment sur mon chignon de danseuse.

— S'il savait ce qu'il passe là, il serait fou hein ? Eh bien pense à ce que je ressens quand je t'imagine avec lui alors que tu es à moi. Ça me met très très en colère ça. Alors je vais te reprendre et je vais l'anéantir, comme ça il ne sera plus un souci.

Des larmes de rage m'échappaient et je voulus hurler pour le supplier de laisser Hakim en dehors de tout ça, mais il plaqua sa main sur mes lèvres. Comme j'essayai de le mordre, il tira plus fort sur mes cheveux et je poussai un gémissement de douleur.

Je me préparai mentalement à la violence de ce qui allait suivre en priant pour mourir avant.

Ce n'est pas ce qui se passa.

Soudainement de violents tambourinements se firent entendre sur la porte.

— Maya ! cria la voix de Lucie, Ouvre moi ! N'essaie même pas de faire croire que vous n'êtes pas là, je le sais.

Benoit se tendit aussitôt et chuchota :

— Dis lui que tout va bien et que tu ne peux pas ouvrir.

La voix tremblante, je m'exécutai :

— Ça va Lucie, je te rejoins dans quelques minutes.

Je savais que mon timbre n'était pas convaincant, pourtant j'y avais mis de la bonne volonté, mais ce ne fut sans doute pas suffisant car un bruit violent de bois fracassé retentit et la porte s'ouvrît à la volée.

Lucie n'était pas seule.

Mékra, Framal, Nekfeu, 2zer.

Pitié non.

Avant que je n'aie eut le temps de leur hurler de ne rien faire. Ils se jetèrent sur Benoit qui, sous le coup de la surprise n'avait pas pensé à me lâcher.

Il se retrouva à son tour plaqué contre le mur par Framal et Ken.

— Non ! criai-je alors, Ne faites rien, pitié !

Hakim croisa mon regard et je compris que sa haine dépassait tout ce que j'avais pu voir de lui en terme d'agressivité.

Il n'était pas hors de lui, c'était bien pire, affreusement calme.

Je le vis s'approcher de moi, constater la marque rouge et boursouflée sur ma joue. Il me détailla des pieds à la tête comme si ma tenue de danseuse pouvait lui révéler quoi que ce soit.

Puis il lâcha :

— Il t'a forcée ?

Je compris aussitôt ce qu'il voulait dire. Sa voix était vraiment terrifiante. Il m'était impossible de lui mentir en le regardant dans les yeux, alors je baissai les miens.

— Hakim, murmurai-je, Je suis désolée...

Il ne bougea pas d'un poil, hormis sa main qui saisit ma mâchoire.

— Il t'a forcée ? répéta-t-il.

Comme je gardais mes yeux baissés, il ajouta :

— Regarde moi.

J'obtempérai aussitôt, tant le ton de sa voix ne permettait aucune désobéissance.

Il lut instantanément sa réponse dans mon regard.

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