Chapitre 37 « Bah qu'est-ce qui t'arrive ? »


———MAYA———

Il devait être environ cinq heure du matin, j'errai sans vraiment de but dans les rues de Paris depuis que je m'étais enfuie de la voiture d'Hakim. Dire que je me sentais mal aurait été un euphémisme, un vide immense m'avait emplie à l'instant même où j'avais refermé la portière.

Quand j'avais envoyé le message, je savais au fond de moi qu'il finirait par se pointer. Hakim n'était pas le genre d'homme qui se laissait quitter de la sorte. Pendant une semaine j'avais redouté notre confrontation. J'étais contente d'avoir tenu bon, enfin contente, façon de parler, on était très loin d'une partie de plaisir.

Je le détestais de réussir à lire en moi aussi facilement, c'était insupportable. Il avait très bien compris que je mentais, ou tout du moins que j'enjolivais la réalité.

Finalement, c'était peut-être mieux ainsi. Le fait que je me sente aussi mal après cette ébauche de relation était la preuve qu'il n'aurait pas fallut qu'elle continue trop longtemps. Tôt ou tard ça aurait mal finit et la douleur aurait été d'autant plus grande si mes sentiments pour lui s'étaient développés.

Me passant la main sur le visage, je sentis encore de l'eau sur mes joues. Putain mais c'était incroyable d'être aussi faible. Mes larmes avaient coulées sans retenue depuis mon départ de la BM et j'avais terriblement honte d'être dans cet état à cause d'un homme, c'était pathétique. Je n'avais jamais laissé personne s'approcher de moi comme il l'avait fait, parce que je pensais qu'avec lui c'était moins risqué. Pourtant c'était bien pire. Je me demandais s'il m'en voulait, il me sembla que cela aurait été injuste de sa part, il avait dû laisser tomber plus d'une fille en prétextant l'incompatibilité d'une relation avec le rap.

Je revoyais encore le dernier regard qu'il m'avait lancé, avant que nos lèvres ne s'effleurent, ce mélange d'incrédulité, d'agacement, et surtout de tendresse. Bien sûr, j'avais eu envie de lui sauter au cou, de lui dire de m'emmener loin d'ici, que j'arrêtais la danse que je laissais derrière moi mes histoires de famille et tout ces gens qui voulaient avoir une influence sur ma vie. J'avais eu tellement envie de lui avouer que ma carrière m'importait de moins en moins depuis que je l'avais rencontré, que cette ambition qui m'avait animée pendant des années m'écoeurait désormais au plus haut point. C'était à cause d'elle que j'en était là, pas à cause de lui. J'aimais danser plus que tout au monde, mais je ne supportais plus ce milieu, ces relations toxiques et ces personnes imbues d'elles mêmes qui me pourrissaient l'existence.

Mais j'étais bloquée. D'une part parce que j'avais promis à ma grand-mère que je serais danseuse étoile de l'Opéra National de Paris, elle avait tout donné pour moi, je devais tout donner pour elle. D'autre part, parce que je devais protéger Hakim et le S-Crew, ce qui signifiait aussi protéger Clem et même Lucie désormais.

J'étais vraiment dans la merde.

Voilà pourquoi il ne faudrait jamais s'attacher à personne, tôt où tard, les gens que nous aimions devenaient une faiblesse dont on pouvait se servir pour nous contrôler.

Je finis par rentrer chez moi, assez abattue, j'avais juste envie de dormir et d'oublier.

Le vis ma bouteille de vodka sur la table. Je l'envoyai bouler.

C'était fou comme certaines choses qui auparavant ne vous évoquaient rien de plus que ce qu'elles étaient, devenaient soudain douloureuses à regarder.

Je me rendis dans la salle de bain, la deuxième brosse à dents que j'avais ajoutée un peu avant qu'il parte, m'évoqua le souvenir de son air fier de lui lorsqu'il m'avait emprunté la mienne.

Putain, j'arrivais à être atteinte par une brosse à dents, mon état était vraiment critique.

Je lâchai l'affaire et me réfugiai dans ma chambre, là je boudais mon habituel nuisette pour saisir dans mon placard, la seule chose d'Hakim que j'avais : son sweat-shirt gigantesque.

On dirait une ado, Maya, tu es pathétique, me souffla ma conscience.

Ta gueule, connasse, laisse moi être pathétique, juste aujourd'hui.

Je m'enfouis sous les draps, rabattant la capuche sur ma tête pour ne plus rien voir. J'avais pendant des années clamé haut et fort qu'il n'y avait rien de mieux que d'être seule dans un grand lit, on avait tout l'espace que l'on voulait, on pouvait dormir sans être perturbé par les ronflements de quelqu'un d'autre. Pourtant à ce moment précis, j'aurais donné n'importe quoi pour sentir une présence à mes côtés, et pas n'importe laquelle. Quelqu'un auprès de qui j'aurais pu faire semblant d'avoir froid pour qu'il me prenne dans ses bras, quelqu'un qui aurait fait semblant d'y croire. J'aurais presque aimé entendre ces ronflements insupportables qui m'auraient donné une raison de plaquer mes pieds gelés sur ses cuisses brulantes.

Mais non, j'avais décidé de le sortir de ma vie, j'en assumais les conséquences. 

(...)

Les jours qui suivirent furent assez compliqués à vivre, Lucie à qui je n'avais pas vraiment eut le temps, ni l'envie d'expliquer les derniers évènements, me rebattait les oreilles avec le formidable Idriss Akrour et la semaine fabuleuse qu'ils avaient vécu en Grèce. "C'est tellement dommage que tu n'aies pas pu venir""Idriss est tellement drôle" "Ken nous a fait visiter des endroits magnifiques" "Hakim avait l'air de se sentir un peu seul""Il faut absolument qu'on se fasse un apéro avec Clem et Judith". C'était horrible. Le pire c'était que je pouvais difficilement lui dire de la boucler, cela me faisait plaisir de la voir aussi enthousiaste. Pourtant un matin dans une petite salle de l'opéra où nous travaillions toutes les deux, je cédai à l'exaspération.

— Lulu j'en peux plus. Arrête de me parler de la Grèce je vais péter un câble.

Elle resta interdite face à mon soudain élan d'humeur.

— Bah qu'est-ce qui t'arrive ? Ça va pas Mayou ? T'es bizarre depuis que je suis rentrée.

Je me laissai tomber sur un banc, les coudes sur les genoux et la tête dans les mains. Lucie, de plus en plus surprise, s'assit à côté de moi.

— Ça va, c'est juste que j'ai pas pu partir et c'est pas hyper facile de t'entendre raconter vos vacances de rêves entre amis.

La main de ma meilleure amie se posa sur mon épaule, je tournai les yeux vers elle, elle avait l'air vraiment désolée.

— Pardonne moi, je pensais pas que ça te faisait de la peine. D'habitude tu n'as jamais aucune envie de partir en vacances, alors... Enfin c'est rare que quoi que ce soit t'affecte.

Malheureusement ces derniers temps, j'étais un peu plus affectée par ce qui m'arrivait, et quand un noeud se forma dans ma gorge, j'eus toutes les peines du monde à contenir mes larmes.

— Maya, il y a autre chose, qu'est-ce qui se passe ? C'est ton histoire bizarre avec Mékra qui te met dans cet état ? Tu sais, en Grèce j'avais vraiment l'impression que tu lui manquais. Il parlait presque pas, il restait un peu dans son coin. Enfin après Id' disait que quand ils étaient entre mecs il était plus fun, mais il ne comprenait pas trop ce qu'avait son frère.

Je gardai mes paupières closes quelques instants, ces informations me faisaient mal au coeur, c'était sans doute à cause de mon message qu'Haks avait été maussade. J'étais trop conne, je lui avais pourri ses vacances.

— Lucette, Hakim et moi c'est fini, d'accord ? Je sais pas vraiment ce qu'il y a eu entre nous, mais on se voit plus comme avant. Donc j'aimerais bien ne plus entendre parler de lui jusqu'à nouvel ordre.

Lucie écarquilla les yeux, l'air soudain très attristé.

— Non ! Mais pourquoi ? Je suis dégoutée, je trouvais qu'il avait une bonne influence sur toi, t'étais plus douce avec lui. Il.... enfin j'avais l'impression qu'il y avait un truc spécial entre vous.

Oui, super, remue bien le couteau dans la plaie, pensai-je.

— C'était dangereux pour ma carrière. Tu as vu ce qui s'est passé après la soirée pour Main dans la Main, j'aurais pu tout perdre.

Lucie fronça les sourcils et me détailla quelques instants.

— Oui, j'ai vu un connard t'insulter. J'ai vu un homme qui prenait ta défense comme personne ne l'a jamais fait pour toi, je t'ai vue partir en courant derrière lui, j'ai vu comme vous vous regardiez. Et tout ça, ce ne sont pas des motifs d'éloignement. Maya, on en a parlé avec Id', je te connais par cœur, et lui pareil pour son frère, me fais pas croire qu'avec Hakim c'est pas spé...

— Arrête, la coupai-je brutalement, Je t'en supplie. Il n'y a pas une seconde où je ne regrette pas, il me manque tout le temps. Alors au lieu d'en rajouter une couche, aide moi à oublier son existence.

L'expression de mon amie était à peindre, il fallait dire que j'étais moi même surprise par ma phrase.

— Attends je ne comprends pas Maya, t'es amoureuse de lui ?

— Non ! protestai-je violemment, Jamais de la vie ! C'est juste de l'attachement et de l'attirance.

Lucie m'adressa une moue dubitative mais ne fit pas plus de commentaires là dessus. Nous nous remîmes d'un commun accord à danser et je donnais toute ma haine et ma désillusion dans la danse.

Finalement, alors que nous nous changions, Lucie explosa.

— Je te comprends pas Maya, t'as passé des années et des années à avoir que des merdes dans ta vie, la seule chose positive c'était la danse. Tu t'es empêchée de vivre de belles choses, tu t'es toujours auto punie. T'as envoyé chier des dizaines de gars quand ils sont tombés amoureux de toi, et crois moi, si c'était si facile pour toi de le faire, c'est parce que t'as jamais été attachée à eux. En fait tu t'es toujours interdite d'être heureuse autrement qu'en dansant. Et là tu rencontres un type qui, même s'il a un caractère aussi particulier que le tien, a un cœur d'or, qui ferait n'importe quoi pour toi, et, en même temps qui est la seule personne que tu ne peux pas mener par le bout du nez. Pour une fois dans ta vie tu avais une chance d'être heureuse et de connaître une belle histoire. Je sais que t'en es consciente et que tu es d'accord avec moi, alors explique moi pourquoi t'es pas sur son palier en train de lui hurler de te reprendre.

Devant une Lucie ébahie, un sanglot m'échappa et les larmes se mirent à couler sur mes joues.

— Parce que je ne peux pas, Lucie.

Je me détestais, moi qui n'avais jamais eu besoin de personne, je me retrouvais à désirer plus que tout le soutien de quelqu'un qui m'était interdit.

— Pourquoi tu ne peux pas ?

Il fallait que j'en parle à quelqu'un, je ne tenais plus de toutes façons.

— Je ne peux pas t'en parler ici, on va chez moi.

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