Chapitre 30 « C'est la dernière fois »

Plusieurs sonneries répétées à ma porte me tirèrent d'un sommeil profond.

Un grognement à proximité me rappela la présence d'Hakim dans mon lit.

30kg de plomb dans mon crâne.

Les sonneries s'intensifiaient, de plus en plus rapprochée les unes des autres.

— Vas ouvrir, putain d'ta race.

Alors, certes j'avais dit « pas de mots doux », mais je n'avais pas non plus dit « insulte moi au réveil ».

— Parle mieux, répondis-je en me frottant le visage.

Ma voix ressemblait vaguement à celle d'un travesti du bois de Boulogne.

Je tendis le bras pour éclairer l'écran de mon portable.

Qui pouvait bien sonner chez moi avec autant d'insistance à 7h du matin ?

Je me levai avec difficulté, titubant sous le poids de ma gueule de bois. Il devait me rester encore pas mal d'alcool dans le sang.

D'un pas mal assuré, je me dirigeai jusqu'à la porte d'entrée alors que la sonnette continuait de retentir.

Sans prendre le temps d'observer dans le judas j'ouvris la porte et sursautait violemment en me retrouvant face à elle.

Encore une fois, je fus saisie par sa beauté douloureuse. Ses cheveux blonds platine qui encadraient un visage de poupée insolent, ses lèvres charnues et roses qui lui donnaient toujours cet air à la fois ingénu et boudeur, ses yeux bleus vifs entourés de longs cils noircis par tant de couches de mascara. Elle était toujours beaucoup trop maquillée, de longues stries noires recouvraient la peau duveteuse de ses joues, me signifiant que, comme d'habitude, elle avait fait de grosses conneries.

— Joanna, soufflai-je.

— Maya, il faut que tu m'aides.

Combien de fois avais-je entendu cette phrase dans sa bouche ?

Sans que je ne l'y ai invité, elle me poussa presque pour rentrer dans l'appartement. Joanna s'affala dans le canapé, ramenant ses genoux recouverts par des collants résille contre sa poitrine inexistante. Sa robe trop courte remontait, et de là où j'étais, je pouvais voir les moindres détails de sa culotte en dentelle noire. Elle s'alluma une cigarette sans me demander une quelconque permission.

Quelle élégance, pensai-je.

— Tu veux un café ? demandai-je d'un ton neutre.

— T'as pas un truc plus fort ?

Je secouai négativement la tête et elle haussa les épaules, l'air de dire qu'elle se contenterait du café.

Quand je revins, une poignée de minute plus tard, Joanna m'attendait, toujours dans la même position.

Je lui tendis sa tasse, elle ne me remercia pas, ce n'était pas son style.

— Qu'est-ce que tu veux ?

— J'ai besoin de 1500 balles, d'urgence, et que tu m'héberges pendant une semaine ou deux.

Comme toujours.

— C'est non. Je ne te filerai plus d'argent Jo, et il est hors de question que tu dormes ici.

Elle me jeta un regard mi-terrifié, mi-implorant.

— S'il te plaît Maya, c'est la dernière fois. Je te jure, je me suis cassée de chez Carl. Je veux tout arrêter, je dois juste de l'argent à un type. Mais après c'est fini, je me barre à l'étranger, en Pologne je sais pas, mais je te promets que c'est la dernière fois.

Je fermai les yeux, sentant la colère me gagner.

— Non, la dernière fois devait déjà être la dernière fois, tu m'avais promis. C'est non.

Les yeux de la jeune femme se remplirent de larmes et elle se mit à hurler.

— T'as vraiment aucun cœur Maya, toi t'as toujours tout eu, on m'a laissé que les miettes, j'ai dû me débrouiller toute seule. Et tu me fermes ta porte, comme si j'étais une vulgaire SDF qui n'avait aucune importance pour toi.

Je soufflai, maîtrisant les chapelets d'insultes qui se bousculaient dans mon crâne. Elle ne me ferait plus culpabiliser, pas après ce qu'elle m'avait fait.

— Je te rappelle que la dernière fois que je t'ai hébergée, toi et ton copain avez ramené toute votre bande de drogués et avez cambriolé mon appartement ! C'est mort Jo, c'est fini.

Les larmes redoublèrent sur ses joues, elle gémissait, m'implorait, me rappelait que ce n'était pas de sa faute, qu'elle était manipulée. Ses cris étaient de plus en plus perçants et j'avais envie de l'assommer tellement c'était douloureux pour mon crâne.

— C'est quoi ce zbeul ? tonna une voix rauque derrière moi.

Avec tout cela, j'avais oublié la présence d'Hakim dans l'appartement. Il avait simplement remis son short de la veille et son regard oscillait entre Jo et moi. Cette dernière écarquilla les yeux en voyant le Kabyle.

— C'est qui ? dirent-ils en chœur.

Je me laissai tomber dans un fauteuil, totalement dépassée par la situation.

— Joanna je voudrais que tu partes, lâchai-je.

Elle ne bougea pas, me fixant d'un regard implorant.

— Maya... supplia-t-elle.

Hakim se rapprocha de nous, et je l'ignorai pour le moment, un problème après l'autre.

— Maya, s'il te plaît, tu me dois bien ça.

— Je ne te dois rien Jo. Rien du tout. Tout est la faute d'une seule et même personne et tu le sais. C'est après elle que tu devrais aller réclamer de l'aide. Maintenant je veux que tu sortes d'ici.

La blonde ne bougea pas et recommença à m'insulter de tous les noms en pleurant.

N'y tenant plus, je me levai, la saisis par les cheveux et remontait son visage brouillé de larmes vers le mien.

— PUTAIN TU FERMES TA GUEULE ! J'en peux plus Jo ! Arrête ! Arrête de me faire culpabiliser à chaque fois ! JE NE SUIS PAS RESPONSABLE ! Maintenant je vais te filer 2000 balles, tu vas où tu veux mais tu dégages de chez moi et je ne veux plus jamais te revoir. C'est compris ?

Une gifle ne l'aurait pas plus sonnée. Elle se tut instantanément.

J'étais bouillante de colère, comme chaque fois.

— Surveille-la, dis-je à Hakim, qui fixait notre échange, l'air ahuri.

Je filai dans ma chambre, et soulevant une latte du parquet, je sortis une grosse enveloppe en kraft.

« En cas de coups durs »

C'était ma grand-mère qui m'avait appris a toujours avoir une réserve conséquente de liquide, au cas où j'aurais besoin d'agir vite.

C'était le cas.

Sous le regard éberlué d'Hakim, je tendis la liasse de billets à Jo, qui la saisit.

— Il n'y aura pas de prochaine fois Joanna, c'est la dernière fois que je t'aide. Maintenant soit tu te prends en main, soit tu finis comme elle. Je veux plus jamais te voir dans cet état. Sors de chez moi.

Mais elle n'esquissa pas un geste.

— Maya tu fais ta bourgeoise, mais tu sais très bien que t'es la pire de nous trois. T'es encore plus folle qu'elle et tu le sais. Un jour toi aussi tu vas exploser, t'auras peut-être besoin de moi, mais je serai pas là, parce que j'oublierai pas que tu m'as fermé ta porte.

— Sors de chez moi, répondis-Je en détachant chaque mot bien distinctement.

Mais ses prunelles azur continuaient de me fixer avec colère.

— T'es encore plus égoïste qu'elle et c'est ce qui te perdra, t'es violente et névrosée, tout autant que moi, tu joues un rôle, mais tu finiras...

— ASSEZ !!! la coupai-je, Hakim je t'en supplie, sors-la d'ici, je veux plus entendre un seul mot de sa part.

Comme s'il n'attendait que ça, le rappeur se précipita vers la jeune femme. Il saisit violemment son bras et sans lui demander son avis, la tira avec force à l'extérieur de l'appartement avant de claquer la porte sur elle.

Elle tambourina en vociférant contre la porte et je me bouchai les oreilles pour ne plus entendre ses hurlements.

— DÉGAGE JO OU JE TE JURE QUE J'APPELLE LA POLICE ! criai-je, pendant qu'Hakim verrouillait l'entrée.

Quand ce fut fait, il s'accroupit à mes pieds, tandis que la voix stridente de Joanna se dissipait dans l'escalier.

— Tu m'expliques ? murmura-t-il.

Mes yeux rencontrèrent les siens et l'apaisement que je trouvais dans son regard me retourna les entrailles.

Je n'allais quand même pas...

Si, un torrent de larmes me submergea soudainement et je me jetai sur lui. Ses bras m'entourèrent aussitôt et il me souleva pour s'installer dans le canapé en me gardant contre lui.

J'avais affreusement honte de ma faiblesse et refusai de lever mon visage vers le sien. Mais quand ma brève crise fut passée. il saisit ma mâchoire et me força à le regarder.

— Maya c'est bon, c'est pas parce que tu chiales une fois que j'vais te prendre pour une fragile.

— Tu le diras à personne ?

Il eut un petit sourire.

— Non, Namira, ça me servira de moyen de pression quand tu seras chiante.

Je lui rendis son sourire et séchai rapidement mes yeux. Encore une fois, le fait de ne lire aucune pitié dans le regard d'Haks me rassurait.

— C'était qui ? me demanda-t-il finalement.

Je soupirai, il avait le droit à des explications. Je ne parlais jamais d'elle, mais là je n'avais pas vraiment le choix.

— Ma sœur, Joanna.

Hakim écarquilla les yeux, ne paraissant pas comprendre.

— T'as une sœur ?

— Oui, enfin, demie-sœur. On a juste la même mère.

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