Chapitre 28 « Qu'est-ce que tu fais là ? »
— Benoit ?
Le danseur se retourna vers moi.
— Maya !
Première étape du plan : mettre le contact.
— Ça te dit qu'on aille boire un verre ?
Nous finissions une longue journée d'entraînement. Chaque jour, j'avais l'impression de progresser un peu plus et de me rapprocher de mon niveau initial. Ce soir j'avais concocté le plan parfait, pour me venger enfin du couteau dans le dos planté par Claire. Cela commençait déjà parfaitement, sa tête était à peindre tellement elle reflétait une déconfiture absolue.
— Avec plaisir, on se retrouve en bas dans dix minutes ?
J'opinai de la tête et partis me doucher et me changer, du coin de l'œil, je vis Lucie se diriger vers Claire. Elle faisait partie du plan, j'avais eu du mal à la convaincre mais elle avait fini par accepter.
Une dizaine de minutes plus tard, je retrouvai le grand blond devant l'Opera.
— On reste dans le coin, dis-je, j'habite à côté.
Croyez le ou non, ce genre d'information est rarement anodine pour le cerveau d'un homme.
Benoit m'accompagna jusqu'au bar où j'avais mes habitudes.
— Une vodka, annonçai-je au serveur.
Benoit eut l'air surpris par ma commande.
— Je vais prendre un Perrier.
Je lui lançai mon regard le plus charmant et mon sourire le plus désarmant. Ses lèvres s'étirèrent à leur tour. Il était objectivement magnifique, je n'avais jamais rencontré d'homme plus beau et ne connaissais aucune femme qui n'était pas charmée par ses fossettes. Pour autant, Benoit ne m'avait jamais intéressé de cette façon, ce que j'attendais de lui, c'était un partenaire de danse, profiter de son charisme et de son talent.
Claire en revanche, avait clairement un béguin pour lui. Lui, avait l'air plutôt intéressé par moi et je comptais bien en profiter.
Du coin de l'œil, je vis Lucie et Claire s'assoir au café d'en face.
Parfait.
Pendant plus d'une heure, je discutais avec Benoit, me rapprochant de lui de temps à autre. Il posa sa main sur mon bras, j'exagérai mes rires et puis...
— Je suis fatiguée Benoit, tu me raccompagnes ?
Il hocha la tête, insista pour payer nos consommations et installa son bras sur mon épaule.
Je fis attention à ce que Claire nous regarde bien quand, avant de nous mettre en marche, je déposai mes lèvres sur la pommette du danseur pour le remercier.
Nous passâmes devant les deux filles. Claire savait très bien où j'habitais et tous les films possibles devaient se jouer dans sa tête.
Malheureusement, mon jeu se retourna très vite contre moi.
Lorsque nous arrivâmes devant mon immeuble, une silhouette bien connue était adossée au mur. Je me détachai vivement de Benoit et m'en voulus aussitôt. Je ne devais rien à Hakim.
Il nous toisa lorsque nous fûmes à sa hauteur.
— Hakim, soufflai-je, qu'est-ce que tu fais là ?
Il plia la bouche, l'air totalement impassible.
— On est en pause pour quatre jours. J'suis rentré avec Fram. Tu m'as dit que tu voulais parler alors j'suis venu. Mais bon, j'vois que t'es occupée.
Lors de notre dernier échange de SMS, je lui avais effectivement dit que j'aurais aimé discuter de tout ce qu'il s'était passé entre nous. Je n'avais simplement pas prévu qu'il serait à Paris une semaine plus tard.
Benoit avait l'air un peu mal à l'aise. Je ne savais pas quoi dire ou faire.
— Allez, salut, fit le rappeur en amorçant un départ.
— Attends Haks... dis-je en le retenant par le poignet, Reste. J'allais dire au revoir à Benoit de toutes façons.
Ce n'était pas nécessairement ce que j'avais prévu mais mon corps avait agi tout seul et mes mots étaient sortis presque malgré moi de ma bouche.
Je crus alors déceler un petit sourire fier sur ses lèvres.
Jetant un regard à Benoit, je m'aperçus qu'il n'avait vraiment pas l'air d'apprécier la tournure que prenaient les événements.
— C'est ton copain ?
Il jaugeait Hakim avec un regard condescendant, s'attardant sur son maillot du PSG et son short de jogging.
— Pas exactement, Benoit je crois que...
— Je savais pas que tu avais ce genre de fréquentations Maya, me coupa-t-il, Je comprends mieux pourquoi tu es souvent couverte de bleus.
Aïe aïe aïe... Il était plus que temps de mettre un terme à cet échange.
Hakim haussa les sourcils, attendant de voir quelle serait ma réponse.
— Tu ne comprends rien du tout. Maintenant Benoit je crois qu'il est temps de prendre congé.
Mais visiblement, le danseur n'en avait pas fini.
— C'est de plus en plus fréquent, les filles bien qui se font mettre le grappin dessus par la racaille. Fais attention à toi.
Mes doigts glissèrent aussitôt entre ceux d'Hakim et je serrai fort sa main pour lui demander de me laisser gérer la crise. Mon geste ne passa pas inaperçu et je vis le regard de Benoit fixer nos phalanges entrelacées. Il commençait à sérieusement m'énerver, et, si cette discussion ne prenait pas fin rapidement, le grand blond aurait deux enragés sur le dos...
— Tais toi. Je n'ai pas besoin que tu me dises de faire attention. Il y a deux choses dont j'ai horreur : qu'on se mêle de mes affaires et qu'on juge les gens sur leur apparence. Tu cumules les deux là, donc je pense sincèrement qu'on s'est tout dit pour ce soir.
Le regard bleu perçant de Benoit croisa les obscures prunelles d'Hakim et je sentis que tout allait partir en vrille.
— Bravo, tu lui as bien retourné le cerveau, c'est quoi la prochaine étape ? Tu l'embarques faire le Jihad en Syrie ? Tu la fais tourner dans une cave de cité ? Ou mieux, plus lucratif, tu t'en sers pour faire passer les marchandises de tes trafics de drogue ? Maya ouvre les yeux nom d'un...
Ma main était partie avant que ni l'un ni l'autre des deux hommes n'ait eu le temps de la voir bouger. Elle s'écrasa violemment sur la pommette de Benoit qui me jeta un regard incrédule. Hakim émit un petit rire mais je sentais ses doigts crispés sur mon autre main, il était hors de lui.
— Ferme ta putain de gueule, lâchai-je, dégage de là, vite avant que je t'en colle une deuxième.
Le danseur porta sa main à sa joue et me lança un regard mauvais.
— C'est fou comme tu peux être versatile, il y a quelques minutes tu me chauffais comme pas permis et maintenant tu me fiches des pains.
Je lachai la main d'Haks pour m'approcher de Benoit, me positionnant juste sous son menton.
— Ecoute moi bien et tiens le toi pour dit une bonne fois pour toutes. Il ne se serait jamais rien passé entre nous Benoit. À la limite, un soir, ivre morte, peut-être que j'aurais pu me laisser tenter, mais franchement, coucher avec toi n'a jamais été dans mes plans. Je te trouvais parfait, comme danseur, mais quand je vois les énormités que t'arrive à sortir... Maintenant dégage avant que je t'émascule.
Comme il ne bougeait pas, Hakim composa le code de l'immeuble et me tira à l'intérieur. La porte claqua et je shootai rageusement dans un grand pot en plastique qui devait servir à accueillir les plantes inexistantes de la concierge.
— Connard ! lâchai-je tout fort dans le hall.
Hakim ne bougeait pas. Il me regardait me défouler dans un mutisme déconcertant. Quand j'eus finit de détruire ce pauvre pot de fleur vide, je tirai vingt euros de mon portefeuille et les plaçai dans la boîte aux lettres de la concierge.
Puis, je me retournai vers Haks, immobile, et muet comme une carpe.
— Euh ça va ? lui demandai-je.
Pour la première fois depuis que je le connaissais, son regard me fit froid dans le dos.
Une colère sourde animait ses prunelles, encore plus sombres que d'habitude. Tous ses muscles avaient l'air en tension, je n'arrivais pas à savoir s'il m'en voulait à moi ou à Benoit.
— Haks, dis quelque chose.
Il saisit alors ma mâchoire dans sa paume, comme il l'avait déjà fait plusieurs fois, et attira violemment mon visage contre ses lèvres.
Je ne m'y attendais pas, il se passa quelque chose.
Mon coeur, mon coeur avait raté un battement.
Une vive terreur emplit mon organisme, je n'avais jamais ressenti cela de toute ma courte existence.
Mes lèvres se mouvaient toutes seules pour recevoir le baiser insistant du rappeur, mon cerveau était en plein K.O. technique et je cherchais par tous les moyens une façon de le rebrancher.
Quand je réussis enfin à rompre notre échange, il me sembla que le regard d'Hakim était un peu moins dur, pourtant, il ne lâcha pas ma mâchoire et murmura d'une voix froide et sèche :
— Si j'te revois avec ce type, j'te jure sur la vie de mon frère que je le tue.
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