Chapitre 24 « Putain Lucie ! »

Tout le monde avait finit par revenir et nous profitions maintenant des prémices de l'été autour d'un barbecue. Je devais reconnaître que l'ambiance était plutôt agréable, les garçons étaient vraiment très drôles, surtout Framal. J'étais surprise par son humour, il avait vraiment un esprit d'à propos et de comique de situation.

Lucie avait l'air de plus en plus intéressée et il semblait que son attirance soit partagée.

— T'en penses quoi du rapprochement entre Fra et Lucie toi ? me demanda Clémentine.

Je haussai les épaules.

— Je pense que c'est une mauvaise idée. Mais Lulu est grande et si elle a envie d'avoir le cœur brisé d'ici deux mois, c'est son problème.

La jeune brune sourit et s'alluma une cigarette.

— Tu sais Fram c'est vraiment pas le pire, il est resté super longtemps avec sa dernière meuf. On pensait tous que... enfin bref.

Je haussai un sourcil, l'encourageant à continuer. Elle saisit son verre de vin et m'entraîna vers un coin plus tranquille du jardin.

— Quand j'ai connu les gars, Fram était en couple depuis deux ans déjà. On pensait un peu qu'ils allaient se marier, et puis cet hiver elle a pas voulu venir au Japon avec nous. On a jamais su ce qui s'était vraiment passé, mais quand il est rentré il était célibataire. Il faut pas lui parler de Sarah, parce que d'un coup il s'énerve en la traitant de pute.

C'était typiquement le genre de raison pour laquelle je trouvais qu'être en couple, c'était prendre des risques inutiles. Tôt ou tard ça se terminait en pugilat.

— Et toi avec Haks ? Tu veux toujours rien dire ?

Je soupirai, elle n'allait vraiment pas me lâcher.

— Clem, il faut que t'arrête de rêver. Hakim et moi, on sera jamais ensemble d'accord ? Parfois on s'entend bien, la majeure partie du temps on peut pas se supporter et on se ressemble. C'est tout ok ? C'est très insuffisant pour me faire reconsidérer ma décision de rester célibataire à vie.

Clémentine écarquilla les yeux. Ah ben oui, c'était sûr que pour elle qui aurait été prête à se faire rouler dessus par trois camions, si cela avait pu permettre à Ken d'être heureux jusqu'à la fin de ses jours, c'était difficile à entendre.

— Pourtant il est pas pareil avec toi, souffla-t-elle, Je l'ai jamais vu affectueux avec une fille avant.

Je secouai la tête, Hakim était très loin d'être affectueux. Et heureusement, car j'aurais déjà refusé tout nouveau contact avec lui s'il s'était soudain montré tendre et câlin à mon égard.

— Laisse tomber Clem, vraiment tu vas te faire plus de mal qu'autre chose.

Du coin de l'oeil, je remarquai que l'intéressé nous observait. Il avait très bien compris que Clémentine était en train de me cuisiner, son regard croisa le mien et d'un mouvement de tête, je lui signifiai que je gérai. Il me fit alors signe de le rejoindre dans la cuisine.

— Ok, se résigna la jeune femme, Mais vous iriez bien ensemble.

— Chérie ! Putain viens expliquer à Zer2 qu'on peut pas appeler notre gosse Arthur ! appela Nek.

Je lançai un regard interrogateur à Clem.

— T'es enceinte ?

Elle roula les yeux et nous nous dirigeâmes vers les deux hommes, ils avaient l'air d'être dans une discussion plus que passionnée sur les prénoms.

— Tu crois vraiment que j'aurais un verre de rouge à la main et une clope à la bouche si j'étais enceinte ?

Effectivement, cela n'avait aucun sens.

— C'est stylé Arthur ! insista 2zer, je vois pas le problème.

— C'est moche, répondit le grec.

— C'est le prénom de mon père, tête de con, lâcha sa fiancée.

Ken blêmit. Je savais que Clem avait perdu son père une année auparavant et que cela avait été un cap difficile à passer pour elle. Profitant de la gêne occasionnée par cette discussion, je m'éclipsai pour retrouver Haks qui devait s'impatienter dans la cuisine.

— T'as été longue.

C'était bien ce que je pensais.

— J'ai fait ce que j'ai pu, ce sont de vrais moulins à paroles tes potes.

Il acquiesça, visiblement aussi agacé que moi par cette habitude qu'ils avaient tous, de pouvoir parler pour ne rien dire pendant des heures.

— Elle voulait quoi Clem ? demanda-t-il finalement.

Je lui répondis par un regard un peu condescendant. À ton avis abruti !

— T'as dit quoi ?

— Rien, qu'il n'y avait rien entre nous, que ça resterait comme ça, et qu'elle devait se faire une raison.

Il parut un peu soulagé, comme si j'allais dire à Clémentine que j'avais couché deux fois avec lui, je n'étais pas totalement insensée. Il n'y avait qu'une personne en qui j'avais vraiment confiance, c'était Lucie et là encore, je n'étais pas certaine de lui parler des évènements de l'après-midi.

— Bah vous en faite une tête, rit Camille qui venait d'entrer dans la pièce, On croirait que vous venez de faire disparaître un corps.

Elle n'était pas si éloigné de la vérité. Hakim lui adressa un regard genre « mêle toi de tes affaires » que je trouvais un peu disproportionné.

— On y retourne ? soufflai-je une fois la belle métisse sortie, Clem va encore se faire des films.

Le Kabyle hocha la tête, mais comme je commençais à m'échapper vers l'entrée, il me retint par le poignet.

— Attends.

Je me retournai vers lui.

— Quoi ?

Il avait l'air de chercher ses mots.

— On s'en balec de Clem, elle est toute seule dans son délire.

Mes yeux se perdirent un instant dans son regard. Je devais reconnaître que j'aimais bien ses iris sombres, il avait de beaux yeux. Ce que j'appréciais chez lui, c'était qu'il n'était pas mignon, rien n'était plus horripilant que ce genre de mec avec des gueules d'anges qui essayaient de vous attendrir avec un sourire en coin.

Lui, me faisait de l'effet physiquement, grâce à ce regard brut et débarrassé de tout sentiment.

— Oui, répondis-je simplement.

Mon corps s'embrasait à vitesse grand V et j'avais très envie de lui proposer une petite escapade à l'étage.
Mon Dieu mais ce mec me rendait totalement avide de sexe, c'était sûrement le fait de savoir qu'il n'y aurait jamais de sentiments entre nous. Je savais que nous ne prenions aucun risque.

— Haks, murmurai-je, On devrait retourner dehors.

Il hocha la tête mais en tirant sur mon poignet pour que je me colle à lui.

Contradictoire.

Un éclat de rire dans le couloir nous fit tous les deux sursauter et je m'écartai brusquement.

Des pas se rapprochaient, et sous nos yeux ébahis entrèrent Lucie et Framal, trop occupés à échanger des baisers passionnés pour prendre conscience de notre présence.

Je fus prise d'un élan de colère.

— On vous dérange pas j'espère ? fulminai-je.

Ils se retournèrent brusquement. Lucie piqua un fard et Framal écarquilla les yeux.

— Putain Lucie ! m'écrirai-je, Pourquoi tu m'écoutes jamais ? Tu sais très bien comment ça va finir !

Mon amie s'anima en un instant et ses sourcils se froncèrent.

— Pourquoi je t'écoute pas ? Sérieusement Maya ! Tu crois que j'ai envie d'être comme toi ? Sèche, égoïste et malheureuse ? J'en ai ras le bol de ta négativité ! Toi et moi on sait très bien que tout ça c'est du vent, tu fais croire que t'as peur de rien, mais t'es une grosse menteuse. T'es terrifiée par l'amour parce qu'au fond t'es rien d'autre qu'une gamine blessée !

Elle était injuste, et s'il y avait bien une chose qui me mettait hors de moi, c'était qu'on m'analyse, surtout devant les autres, surtout quand il y avait un fond de vérité.

Mais alors que je bondissais, les bras d'Hakim se refermèrent autour de ma taille et, lançant un regard entendu à son frère, il m'entraîna à l'extérieur de la pièce. Je hurlais, frappais, griffais mais il ne me lâchait pas.

Le rappeur m'entraîna dehors, jusqu'à sa voiture. Là il me coinça contre la carrosserie.

— Oh ! tu te calmes ! s'énerva-t-il en attrapant mon visage entre ses paumes.

Ma crise de rage était loin d'être terminée, je continuais de me débattre et de tambouriner contre son son torse.

— Lâche moi putain Hakim ! Lâche moi je vais te faire mal !

Il se moqua de moi et avant qu'il n'ait eut le temps de réagir je lui collai mon poing dans le visage.

Il recula brusquement alors que du sang s'échappait de son nez, je profitai de l'effet de surprise pour me dégager et courir de nouveau vers la maison. Mais recouvrant ses esprits, il me rattrapa, saisit brusquement mon bras et me tira vers lui.

— T'en veux un deuxième ? hurlai-je, Je t'ai dit de me lâcher !

Comme mon bras se levait il saisit mon deuxième poignet. Hakim mourrait d'envie de me coller une baffe, je le sentais. Mais il n'en fit rien, croisa mes bras contre ma poitrine et attira mon dos contre son torse.

— Arrête, murmura-t-il contre mon oreille, calme toi tigresse.

— LÂCHE MOI ! rugis-je en lui donnant un coup de pied dans le tibia.

Le rappeur laissa échapper un râle de douleur, me retourna brusquement et me secoua comme un prunier.

— OH ! beugla-t-il, wallah tu te calmes ou j'te calme !

Finalement il n'avait pas besoin de me gifler pour me sonner. Pétrifiée par son regard furieux, je me laissai submerger par des larmes de rage.

Hakim parut soulagé par la fin de mon hystérie. Après avoir essuyé son nez en sang avec la manche de son pull, il replaça ses paumes sur mes épaules.

— T'es vraiment une malade. C'est pas de la danse que t'aurais dû faire, c'est de la boxe putain.

Je me détournai de lui pour sécher mes larmes, j'avais vraiment honte qu'elles m'aient trahie.

Adossé à la voiture, le rappeur attendait.

— T'inquiète je sais que c'est à cause de la colère.

Me retournant vers lui, je fus rassurée, ni pitié, ni jugement dans son regard. Hakim se laissa tomber par terre et me fit signe de venir m'assoir à côté de lui.

J'obtempérai.

— J'aurais jamais pensé qu'un jour j'croiserais une go aussi agressive que moi.

C'est alors que je réalisai pourquoi il restait avec moi, il me comprenait. Je levai les yeux vers lui.

— J'arrive pas à maîtriser ça Haks, ça me prend au ventre, je tiens plus mes nerfs, je vois tout noir d'un coup.

Il acquiesça.

— Je sais.

Je laissai tomber ma tête sur son épaule, complètement lessivée.

— Désolée de t'avoir cassé le nez.

Je sentis sa joue bouger et compris qu'il souriait.

— On va dire que ça passe, parce que j't'avais pété le iep.

Nous restâmes ainsi un petit moment alors que je me calmais.

— Je sais de quoi t'as besoin.

Il se leva brusquement entra dans la maison et revint avec une bouteille de vodka qu'il me tendit.

Bien vu. L'alcool dans ma gorge détendit presque instantanément mes muscles.

Hakim se rassit à côté de moi, mais cette fois, son bras m'entoura et sa main se posa sur ma cuisse. Je laissai retomber ma tête contre son cou.

Ce genre de contact était tout à fait inhabituel pour moi, pourtant ce soir cela me fit du bien.

Son mutisme m'apaisait, je n'avais pas besoin de plus, simplement du silence, de la vodka et la sensation de savoir que quelqu'un m'avait enfin comprise.

(...)

— Namira, réveille toi.

Je m'étais assoupie sur le rappeur et il me secouait doucement.

— Faut que t'ailles te coucher.

Hochant la tête, je me détachais de lui pour m'étirer. Il se leva d'un bond et me tendit la main pour m'aider à me redresser. Je m'en saisis et il garda mes doigts au creux de sa paume jusqu'à la maison.

Il n'y avait plus que deux-trois personnes dans le jardin près du barbecue, une odeur de marijuana se dégageait et nous les ignorâmes. Dans le salon, je fus surprise de trouver toutes mes affaires posées sur le canapé, celles de Framal avaient disparu.

— Non mais j'y crois pas.

Lucie m'avait tout simplement expulsée de notre chambre pour mettre son « nouveau mec » à ma place.

Je savais que notre dispute n'allait pas durer, mais sur le coup je vis rouge. Alors que je m'apprêtais à monter pour expulser Idriss, son frère m'interrompit.

— C'est bon. On a déjà dormi à côté. On verra ça demain.

Je hochai la tête et Haks déplia le clic-clac.

— T'as pas intérêt à ronfler sinon je t'égorge dans ton sommeil, lui dis-je une demie-heure plus tard en me couchant.

Un faible grognement me répondit.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top